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Les organisateurs retrouvent le sourire. Depuis début juin, les festivals peuvent enfin rouvrir leurs portes après deux années très compliquées à cause du Covid. Un véritable soulagement pour les gérants de ces événements comme des centaines de milliers de spectateurs, heureux de retrouver leurs festivals préférés. Un été qui s'annonce historique car si certains ont opté pour des éditions XXL sur quatre jours ou plus (Main Square Festival, Rock en Seine), d'autres ont battu des
records d'affluence à l'instar de Solidays ou du Hellfest. Un succès sans faille ? Pas totalement ! Car derrière cette reprise à grande échelle, quelques points noirs subsistent.
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"Les assurances n'ont jamais été aussi chères"
En coulisses, après deux années de crise, le prix des assurances a explosé et représente une part désormais non négligeable dans le budget des festivals. «
Elles n'ont jamais été aussi chères » déclare Christophe Sabot, le président d'Olympia Production derrière Garorock ou les Déferlantes. Des assurances nécessaires pour pallier, par exemple, aux cas météorologiques, comme We Love Green et les Eurockéennes qui ont annulé plusieurs journées à cause de
violents orages. A rajouter à cela les nombreux phénomènes inquiétants de ces derniers temps comme les agressions sexuelles ou les piqûres sauvages. A titre d'exemple, 2.000 personnes ont travaillé début juillet sur le festival Garorock, situé à Marmande, afin d'assurer le bon déroulé du week-end musical.
"C'est un été catastrophique pour les festivals"
L'une des autres interrogations concerne le côté artistique. En effet, comme le confirment nos confrères de
Paris Match dans une enquête, le cachet des artistes a explosé de 15 à 30% depuis 2021. Exemple ? Les rockeurs écossais de Simple Minds demandent 400.000 euros par date (cet été aux Eurockéennes ou à Musilac) alors que la rémunération de
Benjamin Biolay n'excède pas les 80.000 euros. Un écart incompréhensible pour les artistes francophones qui, aujourd'hui, n'hésitent pas à se tourner vers le plus offrant. «
Il y a une jalousie terrible parce qu'ils ne comprennent pas qu'on les paye moins que dans les autres pays » se désole Pascal Dupont, le programmateur du festival de Carcassonne. Il l'a d'ailleurs remarqué dans son festival : ce sont davantage les artistes nationaux qui font venir que les internationaux, de moins en moins nombreux. Conséquence des risques liés aux restrictions sanitaires et au Brexit. Et cela vaut aussi pour le public qui vient des quatre coins du monde. «
On accueille John Legend cette année, on aurait reçu 1.500 Anglais il y a trois ans, ils ne sont plus là ! Donc ce n'est pas plein » continue-t-il.
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Le constat est quelque peu similaire dans les autres gros festivals estivaux où les artistes français sont en majorité, avec quelques noms omniprésents comme
Orelsan (24 dates jusqu'à fin août), Clara Luciani (21 passages français) ou Juliette Armanet (31 shows). Mais les têtes d'affiches internationales se font plus rares. Certes, on a pu voir
Muse aux Eurockéennes,
Gorillaz à We Love Green, Metallica au Hellfest et bientôt Arctic Monkeys ou Tame Impala à Rock en Seine. Mais cette année, aucun festival français n'accueille les Strokes, Post Malone, les Red Hot Chili Peppers, Dua Lipa ou Justin Bieber, pourtant tous en tournée estivale. Organisés par Live Nation, le Main Square Festival et Lollapalooza Paris ont pu néanmoins négocier les venues françaises exclusives de Twenty One Pilots, Imagine Dragons, Pearl Jam, Megan Thee Stallion ou Maneskin. Mais pour ses 30 ans, les Vieilles Charrues, l'un des plus gros événements du circuit, n'avait pas de superstar étrangère sur son affiche. Réponse de Jérôme Tréhorel, directeur des lieux, au
Parisien : «
Anniversaire oblige, nous invitons des artistes qui ont marqué notre histoire, mais la scène francophone étant particulièrement dense, pourquoi aller chercher des artistes internationaux moins fédérateurs ? ». Les rockeurs de Queen of the Stone Age, seul gros nom étranger initialement programmé, ont finalement annulé toute leur tournée.
L'inquiétude est de mise aussi pour Musilac. Cette année, le festival situé à Aix-les-Bains a composé une programmation entre stars francophones emblématiques (Calogero, Angèle, Orelsan, Clara Luciani), noms étrangers plus "indés" (Parcels, alt-J, Metronomy) et deux têtes d'affiches internationales avec Zucchero et les Chemical Brothers. Résultat, le festival n'a vendu que 80.000 billets sur les 100.000 attendus (au minimum) et accuse un déficit de 1,2 millions d'euros. «
On n'est pas les seuls, c'est un été catastrophique pour les festivals, à quelques exceptions près, ces deux ans sans festival avec le Covid ont forcément eu des conséquences » précise Rémi Perrier, co-fondateur de l'événement, incertain sur l'organisation d'une nouvelle édition en 2023.
"Les prix des billets vont devoir augmenter"
Entre le coût des artistes de plus en plus cher, des frais qui explosent pour la sécurité et les assurances, la conséquence est claire pour de nombreux festivals. «
Les prix des billets vont devoir augmenter » assure Christophe Sabot. En effet, le prix d'entrée des festivals français sont bien loin de leurs homologues européens, dont le pass journalier avoisine ou dépasse souvent la centaine d'euros. Le géant belge Rock Werchter ? 110 euros la journée et 266 euros les 4 jours pour pouvoir assister aux concerts de Metallica, Imagine Dragons, Pearl Jam et les Red Hot Chili Peppers. Quant au Paléo Festival qui se déroule actuellement à Nyon (Suisse), le billet jour est proposé entre 64 et 89 euros pour venir applaudir Kiss, Sting, PNL, Orelsan,
Stromae ou DJ Snake. Enfin, il faut débourser 85 ou 90 euros par jour au Sziget Festival qui s'est payé Justin Bieber, Dua Lipa,
Calvin Harris et Arctic Monkeys pour la mi-août.
Côté français, les augmentations du prix des billets ont déjà commencé dans certains festivals. En 2017, le prix d'une journée à Rock en Seine coûtait 49 euros au tarif normal. Pour l'édition 2022, le tarif est actuellement fixé à 69 euros. Sur le plan financier,
Paris Match indique que certains événements préfèrent se créer leurs propres réseaux de billetterie et se passer des sites habituels types Fnac ou Ticketmaster. Le but ? Eviter les frais annexes et les transactions via un tiers. «
Le client lambda qui achète sa place sur la Fnac pense que son argent est dans notre poche, alors qu'on le touche après le festival et qu'on n'a pas la main sur les réservations. Si tu as ta billetterie, tu encaisses directement et tu peux rembourser directement » explique Sébastien Costamagna, derrière le festival Le Mas Des Escaravatiers (Vianney, 47Ter ou Morcheeba cette année).
De plus, le magazine précise que les festivals français tiennent à garder un prix raisonnable et que les spectateurs sont prêts à accepter «
une augmentation de 3 euros maximum par jour », pas plus. Ce qui n'est évidemment pas assez selon Sébastien Costamagna : «
En tant qu'indépendant, on adapte le prix du billet à celui du cachet. Aujourd'hui, pour certains artistes, il faudrait monter à 200 euros par tête pour rentrer dans nos frais ». Une énorme augmentation que les Vieilles Charrues auraient refusé de payer pour les Rolling Stones cet été, toujours selon une autre enquête de
Paris Match sur les rockeurs anglais. Ces derniers demanderaient
un cachet de 5 millions de dollars par date. On est bien loin de Simple Minds ou
Benjamin Biolay !