Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Aloïse Sauvage est de retour avec son nouveau single "Crop Top", annonçant l'arrivée de son deuxième album. En interview pour Pure Charts, la chanteuse se confie sur son premier disque impacté par la crise sanitaire, les violences faites aux femmes, l'affirmation de soi, l'importance de prendre son temps et son deuxième projet à venir.
Crédits photo : Flo Pernet
Propos recueillis par Julien Gonçalves.
Quel bilan fais-tu de ton premier album "Dévorantes", sorti juste avant la crise sanitaire ?
Je n'en retiens que du bon. La période de sortie a été compliquée vu que c'est sorti juste avant le Covid. Ça a annulé la tournée avec la Cigale et l'Olympia, toute cette belle tournée qui était post-Victoires de la Musique. Donc oui un peu dur à encaisser, on ne va pas se mentir, mais je suis plutôt du genre à avoir un état d'esprit focus sur les choses positives. Du coup, je pense que la vie fait bien les choses. Je suis très très contente d'être en face de toi là maintenant. Je n'ai aucun regret de la période passée, elle m'a apporté beaucoup de choses dans la prise de recul. Ce deuxième album en préparation n'aurait pas été celui-là, il n'aurait même pas existé maintenant si j'avais tourné. C'est une autre vie. Et la reprise des concerts me montre que les gens l'ont bien saigné dans leur chambre et ça c'est cool.
Tu as l'air en paix avec ça en tout cas !
Oui, c'est ok en fait. "Dévorantes" va vivre longtemps mais différemment. Il va vivre sa petite vie. Et puis je n'étais pas la seule, clairement !
J'ai tout à prouver, je ne suis pas installée
Oui mais c'est vrai que pour les artistes en développement, ça a cassé des élans, ça a mis un frein à des carrières...
Je t'avoue, si je suis honnête avec toi, pour moi c'est un deuxième premier album que je vais sortir. Je sais que j'ai tout à prouver, je ne suis pas installée. Pour celles et ceux qui étaient là en 2019-2020, j'espère qu'ils seront au rendez-vous. Il y en a plein que je devais embarquer pendant la vie de mon album qui n'a pas eu lieu. (Rires) C'est un renouveau ! De toute façon, ce nouvel album parle beaucoup de renouveau, de renaissance, de métamorphose, et ce n'est pas pour rien. Je suis prête pour un deuxième départ !
Avec "Focus" et "Crop top", on sent une envie bouillonnante, une rage... C'est né aussi en contrecoup de cette période, tu penses ?
Oui il y a un peu de ça forcément. Une période de recul, de silence, ça t'amène beaucoup de remise en question, de recul sur les choses. J'ai eu un moment de down, un peu plus noir, comme tout le monde, et quand tu rouvres la porte vers le soleil, tu as envie d'affirmer un truc très positif, d'empouvoirement. Et "Focus", c'était vraiment l'envie d'arriver avec un titre singulier, qui allait, je le sais, en déconcerter certains, pour dire que je suis en constante mutation. C'est une réalité, je fais ce que je veux, quand je veux. Je voulais revenir avec cet ego trip, très rapé genre : "Now, maintenant c'est moi qui décide !" (Rires)
Comment est né ton nouveau single "Crop top", qui évoque les violences faites aux femmes ? Il y a eu un déclic particulier ?
"Crop Top" est né de plein de situations vécues. Pas personnellement, mais comme tout le monde, de ce qui se passe médiatiquement et quand tu as des amies qui vivent des choses autour de toi... Je ne sais plus quelle a été la goutte d'eau mais j'avais envie d'aborder dans une chanson, sous couvert d'un flow rythmé, limite festif, très ironique et cynique, plusieurs thèmes : le consentement évidemment, les féminicides, le fait qu'on ne puisse pas porter de crop top à l'école... Ça s'est un peu mélangé et la magie de la création fait qu'il en ressort plein de thématiques abordées. Je suis très satisfaite de ce que ça a donné à la fin comme chanson, en fonction de ce que j'avais envie d'incarner.
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C'était facile à écrire ? C'est un sujet délicat, il faut vraiment trouver les mots justes...
Oui c'était surtout de trouver les mots justes. La polémique elle est tellement facile et rapide que je pense que je n'y échapperai pas un jour ou l'autre. Mais qui dit polémique dit débat et du coup débat dit que tu fais avancer les discussions. Je suis un peu une éponge, je suis très sensible, et comme tout le monde je vis dans une société dans laquelle il se passe des choses. Dans mes chansons, je parle de ce que je vis, des choses qui m'accaparent. Le titre est vraiment venu naturellement, en une session. Le plus difficile, c'était le refrain, je voulais un truc catchy, pas moralisateur. J'aime bien quand il y a deux écoutes possibles : l'écoute musicale, du flow, où tu n'écoutes pas forcément ce que je dis, et l'autre où tu te focus sur les paroles.
Les polémiques font avancer les choses
Et le refrain est venu comment ?
J'étais en session avec deux compositeurs, Wladimir Pariente et Guapo du Soleil. On s'enjaillait ensemble et on cherchait. Il y a eu un truc collectif, assez chouette. Et beaucoup de discussions aussi car ce sont deux mecs, et on a parlé des sujets abordés dans "Crop top". C'était intéressait de voir comment se plaçait un mec dans ce mouvement Me Too et cette libération de la parole. Ce refrain "Non c'est non" c'est simple mais il fallait l'amener avec cette mélodie-là. Je suis contente de ce que ça donne.
"Non c'est non", c'est une formule qu'on entend beaucoup mais qui a du mal à entrer. Tu avais besoin de le marteler ?
Oui besoin de le marteler, d'en faire un chant collectif, comme un hymne, même si hymne c'est un grand mot. Dans le clip de "Crop top", je suis avec mes copines de la danse, c'est un chant collectif, un peu comme "Omowi", je l'avais fait pour que les gens s'en emparent, là c'est pareil. Ça sort de mon petit intime à moi, ça a envie d'aller plus loin.
Le refrain sera sans doute repris dans les manifs !
Le côté hymne je n'y ai pas pensé, mais il a un potentiel !
Si un homme se sent offusqué, c'est qu'il a des choses à revoir
Tu penses qu'une chanson peut changer les choses ?
Une chanson peut avoir un impact positif, ça c'est sûr, j'y crois. Est-ce qu'elle peut changer les choses ? Hum, il en faudrait beaucoup. En tout cas, elle peut faire bouger des choses, dans l'intime, chez les gens qui le reçoivent, elle déplace des choses et après énergétiquement, ça se transforme et ça se concrétise dans la vie. On peut parler de "Balance ton quoi" d'Angèle ou "La grenade" de Clara Luciani, beaucoup de gens se les sont appropriées. Elles ont permis en musique de mettre en avant un discours "normal" pour celles qui l'écoutent mais qui avait besoin d'être dit. J'adore quand on chante une chanson et qu'on se rend compte après de la force du message.
Et chez les hommes, tu espères une prise de conscience avec un titre comme "Crop top" ?
Dans le titre, je m'adresse aux hommes sur le deuxième couplet, quand je dis "Pour la vie, pour la paix, pas la haine / Pas la guerre comme un frère / Je te vois quand tu me respectes". J'essaie toujours de rester inclusive tout en affirmant des colères que je trouve justes, qui me concernent. Après qu'un homme en face se sente offusqué, j'en suis fort désolée mais ça veut dire qu'il y a des choses en lui qui ne sont pas totalement au bon endroit. Si toi tu es ok avec ça et que tu chantes "Non c'est non", let's go ! C'est comme quand on me demande "Est-ce que vous êtes féministe ?". Oui, question suivante ! Et toi tu ne l'es pas ?! Tu vois ce que je veux dire ? Let's go, chantons "Crop top" tous et toutes ensemble. C'est un titre qui concerne tout le monde.
C'est vrai ! Parlons un peu du clip de "Crop top", qui compte l'apparition de l'acteur Reda Kateb. Vous aviez déjà tourné ensemble.
Reda, c'est un artiste et une personne que j'estime énormément, que j'admire beaucoup. On a joué ensemble dans "Hors normes" et dans la série "Possessions", et à l'époque j'avais fait une apparition dans "Django". D'ailleurs, on prépare un projet ensemble mais je ne veux pas en dire plus. Du coup, on a tourné le clip à Montreuil, on habite tous les deux là-bas, et j'avais envie qu'il interprète ce gardien de nuit un peu loser qui arrive et qui ne sait pas trop ce qu'il se passe. Et son chien Paulo, qui est un peu une star, je trouvais ça drôle de le transformer en chien de garde, aucune crédibilité. (Rires) Je voulais ce petit clin d'oeil.
La musique ça prend du temps
Ton deuxième album arrivera un peu plus tard dans l'année. Comment il est né ?
Je suis très fière de ce deuxième album. J'ai hâte que tout le monde le découvre. Evidemment, j'ai progressé, je suis allée plus loin musicalement. Il y a des vrais instruments car j'avais envie de revenir à de l'organique. J'avais envie d'affirmer davantage celle que je suis. C'est un sujet, l'affirmation de soi, qui me parle énormément. Quand on écoute la discographie d'un artiste, on voit qu'il parle souvent des mêmes choses mais différemment. Je parle beaucoup d'amour et d'acceptation de soi, oui. "Focus" et "Crop top" sont des titres frontaux et très différents. L'album est assez éclectique, il est à mon image. Je n'ai pas du tout envie de me restreindre. Certains diront que c'est de la pop urbaine, il y a des références rap, je suis brassée par ça. Il y a des titres très trap, d'autres encore plus lyriques, à la limite du slam. Il y a des titres dansants, j'adore les rythmiques afro donc j'ai creusé là-dedans.
On m'avait dit que tu avais eu une petite déception sur le premier album, de ne pas avoir pu aller plus loin, de ne pas avoir pris plus de place...
Je pense qu'on se découvre et tout, et encore une fois, l'EP "Jimy" et l'album "Dévorantes" je les ai fait rapidement, dans une effervescence à laquelle il fallait répondre et qui était belle. Chaque morceau fait est sorti. Je ne regrette aucun morceau que j'ai fait. Mais là, en deux ans, j'ai eu plus du temps c'est sûr, et cet album, je le co-réalise. On s'est creusé la tête, de A à Z, sur chaque détail, et j'espère que ça s'entendra. Je pense que ça s'entendra dans la durée. J'ai envie d'affirmer aussi un truc, et j'ai l'impression qu'on revient à ça, en fait, la musique ça prend du temps.
On l'a oublié un peu ça !
Oui j'ai l'impression qu'on déconstruit un peu l'ère de "tout rapide, tout maintenant". Je peux faire des morceaux en une session mais par contre je peux passer six mois à les réarranger, à enlever un mot, à changer la basse.... La musique ça prend du temps, et ça prend du temps même quand tu la fais pas. De maturer les choses, de prendre du recul, de rencontrer les bonnes personnes. J'aurais mis deux ans à faire cet album et c'est cool, je n'ai pas mis deux mois ! Je revendique ça. S'il vous plait, à l'ère de cette consommation excessivement rapide, prenez le temps ! Il y a des détails dans les sons, qu'on n'entend pas à la première, deuxième ou dixième écoute. Ce sont des détails mais qui sont là pourtant, pour que ça dure. C'est du travail d'orfèvrerie et je vais continuer d'être dans le détail pour les prochains projets.