samedi 26 mars 2022 13:30

Placebo, Disiz, Rosalia : 3 albums au banc d'essai

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Pure Charts passe en revue trois albums phares de ce mois de mars. Placebo opère un retour en très grande forme avec "Never Let Me Go", Disiz nous parle d'"Amour" avec authenticité, et Rosalia enfourche sa bécane pour une virée folle dans "Motomami". Critiques en quelques lignes !
Crédits photo : Mads Perch / DR / Columbia

Placebo | "Never Let Me Go"


The better end. On n'attendait plus grand-chose de Placebo. Sur ses deux derniers albums (qui remontent à 2009 et 2013 !), le groupe semblait en pilotage automatique, multipliant les chansons sans surprises. Il faut croire que les renaissances arrivent souvent quand on s'y attend le moins, car c'est le cas avec "Never Let Me Go", 8ème album du tandem rock qui, autant le dire tout de suite, est son meilleur depuis "Sleeping With Ghosts" il y a bientôt 20 ans ! Improbable ? Inattendu plutôt ! Car ce disque, prêt depuis début 2020 et fignolé durant le confinement, prend le contrepied des albums festifs et optimistes du moment en s'enfonçant dans la noirceur et le pessimisme. Placebo le clame haut et fort : notre monde, gangréné par les réseaux sociaux ou les dangers climatiques, court à sa perte et la chute est inéluctable. Inspiré par la SF dystopique des années 70, c'est toutes guitares branchées que Placebo nous emmène dans ce voyage certes négatif mais purement électrisant. Ainsi, les premiers extraits dévoilés en amont (les convaincants "Surrounded By Spies" ou "Happy Birthday in the Sky") prouvent que le groupe a repris du poil de la bête, retrouvant ça et là quelques idées mélodiques rappelant ses premiers albums, les meilleurs donc. L'intro vrombissante et quasi industrielle de "Forever Chemicals" se frotte aux cordes grandiloquentes de "The Prodigal", le sommet du disque, tandis que se croisent les guitares saturées et la voix inimitable de Brian Molko sur les excellents "Hugz" ou "Sad White Reggae". Et même si certains titres sonnent comme du Placebo pur jus ("Try Better Next Time", "Twin Demons"), le duo arrive à en tirer un résultat convaincant et loin de l'écueil du "déjà entendu". Au bout d'une heure d'un voyage sombre mais jamais oppressant, l'album "Never Let Me Go" se termine sur "Fix Yourself". Et une envie pressante pour nous de le relancer du début. Ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps avec Placebo. TB

Ça ressemble à la renaissance inattendue et inespérée de Placebo
A écouter : le somptueux "The Prodigal", "Forever Chemicals", "Hugz" ou "Chemtrails" qui prouvent le retour du groupe au sommet
A zapper : "Beautiful James", long et redondant


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Disiz | "Amour"


L'amour, l'amour, l'amour. « On avait dit le pire mais aussi le meilleur ». Dès les premiers mots de son album "Amour", produit par le talentueux LUCASV, Disiz brise l'armure et donne le ton. Terriblement affecté dans sa chair par son divorce avec sa femme après 20 ans d'amour et cinq enfants, le rappeur s'analyse en même temps qu'il dissèque l'amour et le cycle d'une rupture - du coeur en miettes à la nouvelle rencontre - le temps de 15 chansons cinématographiques, tour à tour intimes, vénéneuses, mélancoliques, solaires... En bref, vivantes. Plus pop que rap, ce disque concept, ouvert, mélodieux et terriblement sincère, prouve une nouvelle fois à quel point Disiz est l'un des meilleurs de la scène française, tant par ses textes poétiques mais cash, que ses mélodies et ses productions riches, allant de la chanson au rap en passant par le zouk, la funk ou le rock, sans jamais se trahir. Evoquant de nombreux états très différents en lien avec le sentiment amoureux (les débuts idylliques, l'engagement, l'adultère, la routine, la rupture, la séduction, la renaissance...), soutenus par de multiples ambiances musicales, Disiz s'émancipe ainsi de la noirceur du sujet initial, trouvant ici un juste équilibre qui parle vrai, qui vise juste. En plein coeur. De "Tue l'amour", intemporel et déjà un classique, à "Rencontre", duo-duel avec Damso entre ombre et lumière, en passant par les tubesques "Beaugarçonne" ou "All In" au désespéré "Alléluia", on comprend vite que le renaissance n'est pas ici que personnelle, elle est aussi artistique. Comme c'est beau ! JG

Ça ressemble  au journal intime d'une rupture
A écouter : l'hypnotique "Casino", le sublime "Tue l'amour", le solaire "Emoji couleur jaune", "Poids lourd", "Beaugarçonne", "All In"
A zapper : "Weekend Lover", moins intéressant, "Catcheur", répétitif





Rosalia | "Motomami"


Ah, Rosa-lí-a ! La météorite Rosalia a traversé le ciel avec son deuxième album "El Mal Querer" (2018), implacable démonstration de force d'une artiste surdouée ayant su, comme personne avant elle, allier flamenco traditionnel et hip-hop. Soufflant un vent de fraîcheur avec ses palmas, la chanteuse espagnole, qui écrit, interprète, compose et co-produit elle-même ses morceaux, a fini par conquérir le monde en s'associant à Billie Eilish, Travis Scott ou The Weeknd. "Motomami", son nouvel opus, n'a donc qu'une seule mission : faire d'elle la star planétaire dont elle a assurément l'étoffe ! Autant le dire, Rosalia y va frontalement. Totalement nue avec un casque de moto vissé sur la tête sur la pochette de "Motomami", l'artiste, dans son (road) trip, ne fait pas vraiment dans la dentelle avec "Saoko", qui ouvre le disque avec ses fins de phrases glitchées, ou l'abrutissant "Chicken Teriyaki", sur lequel elle scande « Ton chat veut des makis » sur un beat reggaeton braillard. Bien mal nommé, "CUUUUuuuuuute" verse dans une sorte de techno-industrielle pas vraiment agréable à l'oreille, et on espérait un peu plus d'envergure et de souplesse pour "La Fama", son duo de bachata dominicaine avec The Weeknd qui cartonne. En fait, le disque est construit comme un grand huit avec ses montées vertigineuses et ses descentes, finalement les plus appréciables. "Candy", où elle tire avec douceur et férocité un trait sur une histoire, est une petite merveille d'orfèvrerie dans son travail mélodique, quand la ballade "Hentai" se révèle, derrière son texte outrageusement sexuel, un écrin pour ses superbes qualités d'interprète - qui irradient également sur "Sakura", la piste de conclusion. Fascinant mais clivant, le projet ne plaira sans doute pas à tout le monde... mais c'était peut-être là le but recherché ? YR

Ça ressemble à une virée à toute vitesse, entre paresse et trouvailles de génie
A écouter : le bijou "Candy", "Bizcochito" (gros délire entêtant), "La combi Versace" feat. Tokischa, le décoiffant "Diablo", "Hentai"
A zapper : "Chicken Teriyaki" et "CUUUUuuuuuute", inaudibles


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