Years & Years en interview : "Les personnes queer sont toujours marginalisées"

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Years & Years est de retour. Mais le groupe est désormais devenu le projet solo de son chanteur Olly Alexander, qui dévoile un troisième album, "Night Call", plus dansant que jamais. Son émancipation, ses nouvelles chansons libératrices, son statut de popstar queer... Interview !
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Théau Berthelot.

Years & Years est de retour sous une nouvelle forme : ce n'est plus un groupe mais un projet solo. Pourquoi avoir pris cette décision ?
Nous voulions faire des choses différentes, Mikey, Emre et moi. On en avait parlé depuis longtemps, on a fini par prendre cette décision et on l'a annoncé plus tôt dans l'année [2021]. En quelque sorte, ça a été un processus naturel depuis quelques années. Mais je n'étais pas prêt à laisser partir Years & Years. Je voulais toujours chanter des chansons, j'avais encore des chansons que je voulais écrire... On en a parlé tous les trois et on a trouvé la meilleure solution pour aller de l'avant. Et maintenant, c'est juste moi !

Je n'étais pas prêt à laisser partir Years & Years
C'est la raison pour laquelle tu as voulu continuer sous le nom Years & Years et pas sous ton vrai nom ?
Oui, exactement ! C'est parce que je ne voulais pas m'arrêter et laisser partir ce nom...

Être désormais en solo, c'est pouvoir faire ce qu'on veut de A à Z ?
Plutôt oui, je suis plus libre, je sens que je suis plus créatif. Comme je me dis que je peux vraiment faire ce que je veux, je me suis demandé ce que je voulais vraiment faire. J'ai vraiment aimé ça, ce côté très libérateur !

Est-ce une pression supplémentaire aussi ?
Oui, je pense que c'est le cas ! Le fait d'être plus libre, le fait d'avoir le choix de faire ce qu'on veut apporte un peu plus de pression. C'est aussi quelque chose d'un peu écrasant de passer d'une façon de travailler à une autre. Je suis vraiment devenu mon pire ennemi donc c'était le plus gros défi de ne pas dévier de mon propre chemin.

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Je me sens plus libre, plus créatif
Ce nouvel album "Night Call" est un album très pop et très dansant. C'est une réponse à ces mois de confinement ?
Cet album, je l'ai fait en 2020 et 2021... J'ai passé beaucoup de temps tout seul et la seule musique que je voulais écouter était de la musique qui me fasse danser. J'ai écouté beaucoup de musiques des années 80 pendant que je tournais "It's a Sin" et ça a vraiment influencé la musique que je voulais faire. C'est devenu mon échappatoire durant le confinement. Mon objectif principal était de me sentir bien quand je le faisais, et j'espère que les gens se sentiront aussi bien en l'écoutant.

Il est très différent de "Palo Santo" qui était plus conceptuel. Et il n'y a quasiment que des titres up-tempos sur "Night Call", pas de ballades ou de titres plus lent. Pourquoi ce grand écart ?
J'étais vraiment dans ce mood-là. Je ne voulais pas ralentir les choses. Dans les précédents albums, surtout si c'était une vraie ballade, je devais être vraiment dans le mood pour en écrire. Je suis quelqu'un qui est dicté par les émotions de la chanson que je suis en train d'écrire. Comme j'ai passé un long moment à être déprimé, je ne voulais pas faire de musique qui puisse être dépressive.

Finalement, "Night Call" est-il l'album où tu es le plus toi-même ?
Quand je l'écoute, je m'entends moi-même. Je me suis senti très libre quand j'ai fait cet album. Dans les précédents albums de Years & Years, il y avait des chansons très très personnelles comme "Howl", mais je suis plus moi-même aujourd'hui que je ne l'étais avant.

Je ne voulais pas faire de musique dépressive
Tu parles de liberté, ça se ressent aussi dans les paroles qui sont très cash, très crus, très "horny on main" comme on dit aujourd'hui. C'est une façon de proclamer ta liberté ?
Probablement ! Je n'y ai jamais vraiment pensé mais je pense qu'auparavant, je n'aurais pas eu la confiance nécessaire d'écrire sur des thématiques aussi sexuelles ou intimes que je le fais aujourd'hui. Il y a vraiment un côté très puissant quand je fais ça. Et je pense aussi que je suis plus vieux, donc ça fait en quelque sorte partie de mon évolution. (sourire)

Découvrez le clip "Sweet Talker" de Years & Years :


Le visuel est toujours aussi important chez toi. Cette fois-ci tu apparais en sirène sur la pochette du disque...
J'ai toujours aimé les sirènes et tout ce qui se rapporte aux conte de fées, à la mythologie... Je trouve que les sirènes sont très inspirantes et qu'on peut s'y retrouver en elles : elles sont seules sur un rocher avec leurs beaux cheveux, en train de chanter leurs magnifiques chansons... Elles sont condamnées à chanter pour les hommes qui vont bientôt mourir. (rires) En tant qu'artiste, j'adore cette métaphore. C'est assez ironique et c'est une bonne excuse pour s'habiller en sirène, parce que j'ai toujours voulu en être une mais c'est assez cher de faire un clip en étant une sirène. La pochette de l'album, c'était donc mon compromis !

Ta participation à la série "It's a Sin" a eu une influence sur certaines thématiques pour cet album ?
Ça l'a véritablement influencé car j'écoutais beaucoup de chansons des années 80 durant le tournage de "It's a Sin". Je me suis véritablement immergé dans cette époque, et la bande originale de la série est tellement géniale, avec beaucoup d'artistes géniaux. J'ai toujours aimé cette décennie. Mais quand on a fini de tourner la série, la pandémie est arrivée et je suis retourné au point de départ en faisant un nouvel album. Ça a vraiment influé la musique que je faisais à ce moment-là et c'est là que j'ai puisé mon inspiration. L'esprit des chansons des années 80 et disco, c'est quelque chose qui me plaît beaucoup. Ça a formé la colonne vertébrale de l'album.

Travailler avec Kylie Minogue, c'était un rêve
Tu as récemment fait deux duos avec Kylie Minogue : "A Second To Midnight" et un remix de "Startruck". C'était comment ? Un rêve devenu réalité, j'imagine ?
Exactement, ça fait partie des meilleurs jours de ma vie. Travailler avec Kylie Minogue, passer du temps avec elle... C'est tellement un rêve ! Je l'aime tellement et aujourd'hui je suis vraiment heureux de la connaître (rires). Mais plus que tout, j'ai été très touché et ému par sa sincérité, c'est une star depuis des décennies mais elle est toujours une personne très vraie, authentique, et c'est vraiment beau à voir !

Regardez le clip de "Crave" :


Tu fais partie des artistes d'un mouvement pop queer avec Sam Smith ou Troye Sivan qui assument fièrement leur sexualité. C'est important pour toi ?
Ça l'est parce que j'adore être gay et j'adore être un artiste... Pour moi, faire de la musique et être créatif, c'est connecté à qui je suis. En un sens, je serais toujours comme ça. Et si vous avez une plateforme, autant en profiter car c'est un vrai privilège. Les personnes queer sont toujours marginalisées dans le monde entier. Je ne peux pas être le porte-parole d'une communauté mais je vais véritablement essayer de parler dès que je le peux, soutenir d'autres artistes queer... Plus j'en fais, meilleur c'est !

Je ne peux pas être le porte-parole d'une communauté mais je peux parler dès que je le peux
D'où la chanson "Strange and Unusual" sur l'album ?
En fait oui ! Tu es le premier à m'en parler ! C'est une sorte de contre-attaque sur le fait qu'on te dit que ta façon d'aimer est mauvaise. J'ai twisté ces thèmes pour les inclure dans une relation plus personnelle, mais c'est de là d'où ça vient. On peut m'appeler "strange and unusual" et c'est beau pour moi.

L'énorme succès de Lil Nas X, rappeur qui assume fièrement son homosexualité dans un milieu pas très ouvert au sujet, a-t-il changé la donne ?
Je pense, oui ! C'est tellement une star mondiale et on n'avait jamais eu une personne comme lui avant ça. En un sens, il est qui il est ! Je suis vraiment heureux pour lui, je suis impatient de savoir qui va arriver ensuite... C'est déjà une inspiration pour tant de monde.
Retrouvez l'univers de Years & Years sur sa page Facebook et son site officiel.
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