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Véronique Sanson en interview

Véronique Sanson revient avec un album multicolore intitulé "Plusieurs lunes", dans les bacs et en téléchargement sur toutes les plateformes lundi prochain, le 25 octobre. Souriante comme toujours, disponible et chaleureuse : nous l'avons rencontrée, à quelques mois d'un Olympia et d'une tournée dans toute la France à partir de fin janvier 2011.
Vous publiez un nouvel album extrêmement lumineux et poignant "Plusieurs Lunes" que j'ai envie de mettre un peu en parallèle avec l'album blanc de 1985 (incluant le tube "C'est long, c'est court") que vous aviez sorti quelques années après votre retour des Etats-Unis et enregistré en partie chez vous je crois, dans votre maison, comme celui-ci… (Mathieu Rosaz, rédacteur)
Véronique Sanson : Non, non, pas du tout. "Plusieurs Lunes" est le premier album que je fais chez moi mais peut-être que le bonheur qu'il y avait dans l'album blanc -que j'appelle aussi l'album "Les petits arbres" à cause du dessin que j'avais fait pour la pochette- fait penser à ce dernier album réalisé dans une atmosphère de confiance, de sérieux, de rigolade aussi.

J'ai fait l'album en France et à la maison, ce qui me ravit !
Et on sent justement cette liberté, cet élan de création qui étaient moins évidents dans un album comme "Indestructible" (1998). Est-ce que la séparation avec votre producteur de l'époque, Bernard Saint-Paul, y est pour quelque chose ?
Bien évidemment. Ce n'est pas non plus uniquement à cause de Bernard Saint-Paul mais c'est simplement le fait de changer mon équipe qui, du temps de Bernard Saint-Paul, devait être de toute façon américaine. Au bout d'un moment, je me suis dit : « mais enfin Dominique Bertram, Mehdi Benjelloun, Basile Leroux, c'est pas des "n'importe quoi"! ». Donc j'ai fait ça en France et à la maison, ce qui me ravit !
"Indestructible" était un album un peu robotique. J'adore la chanson "Indestructible", mais je l'adore sur scène : je ne l'adore pas sur le disque.

J'ai changé : j'aimais pas le musette mais maintenant je peux trouver ça magnifique.
Une des surprises de ce nouvel album est la présence de l'accordéon et du bandonéon sur plusieurs titres. Seul un accordéon figurait au crédit de la chanson "L'amour qui bat" (1981) jusqu'à aujourd'hui. J'en étais arrivé à penser que l'accordéon était un instrument que vous n'appréciez pas. D'ailleurs dans la chanson "Bahia", vous dites « Je retiendrai deux places dans l'avion très loin du son des accordéons ».
Oui, mais ça c'était en 1972 ! J'ai changé, là. J'aimais pas le musette mais maintenant je peux trouver ça magnifique. Et puis il y a plusieurs manières de faire sonner l'accordéon. Et le premier qui a fait ça, c'est Roland Romanelli, l'accordéoniste de Barbara. Romanelli a transformé l'accordéon musette en accordéon-cordes, en accordéon-clarinette. Il a fait de cet instrument un multi-instrument. Et en plus c'est un instrument tellement français que j'étais fière de dire à Dominique Bertram (co-realisateur de l'album) que j'en avais envie. Tout comme du Bandonéon de l'Argentin Astor Piazzolla.

Il y a de l'humour dans cet album : « C'est pas le pape qui va régner sur notre amour, notre trésor » ("Je me fous de tout"), et des mots terribles : "« J'ai terrassé les hyènes pour pas m'ouvrir les veines »" ("Juste pour toi"). Osez-vous écrire aujourd'hui des choses que vous n'auriez pas osé dire du vivant de vos parents ?
Non. J'ai toujours dit ce que je voulais. Et je l'ai dit avec pudeur. On peut dire "baiser" et on peut dire "faire l'amour". Ce qui ne plaisait pas du tout à mon père. Même "faire l'amour", il n'aimait pas. « Une nuit je m'endors avec lui » dans "Amoureuse", pour lui c'était terrible. Mais avec qui ? Mais comment ? Quoi ?! (rires)

« Je n'étais en somme qu'une prouesse de tes nuits » dans "Je veux être un homme" ; ça l'aurait choqué ?
Non, il était loin d'être idiot papa.

Visionnez "Qu'on me pardonne", en live chez Michel Drucker (2010) :


Le fait que votre voix soit plus grave, plus basse qu'avant, a-t-il modifié vos repères ? Comment l'avez-vous réadaptée ?
Vous savez quand vous prenez un clavier, vous pouvez choisir entre un clavier traditionnel ou un clavier midi (clavier numérique avec transposeur de tonalités) .

C'est ce que vous avez sur scène maintenant, un clavier midi ?
Oui, absolument parce que je ne peux plus chanter aujourd'hui les chansons que j'ai composées à 16 ans quand j'avais une toute petite voix aigüe. Mais j'ai envie de les chanter. Comme la technologie nous le permet, je me suis dit que j'allais faire ça. Je sais très bien transposer moi-même mais les doigts ont appris comme ils ont appris et ils ne veulent pas aller autre part et si je transpose moi-même, il y a toujours un moment où les doigts reviennent dans la tonalité d'origine et là je me dis « qu'est-ce que je fais là, qu'est-ce que je fais ? ! ». De toute façon, ma voix n'aurait pas collé puisque je ne peux plus chanter dans mes aigües de l'époque. Mais moi j'aime beaucoup mieux ma voix de maintenant que celle d'avant. Mes deux premiers albums, je ne peux même pas les écouter. J'adore les chansons de ces albums mais je déteste ma voix qu'on continue d'ailleurs à imiter avec cette espèce de vibrato à la croche qui n'est plus d'actualité parce que ça a changé.

Visionnez "Dis lui de revenir", en live (1998). Une chanson créée en 1972 :


Vous chantez dans "Plusieurs Lunes" un titre en duo avec votre fils : Christopher Stills...
Christopher Sanson-Stills ! C'est marqué sur son passeport ! (rires)

Il faut être robotisé pour faire partie du paysage radio, télé et médiatique.
Donc Christopher Sanson-Stills qui mène une carrière solo et qu'on a aussi vu dans la comédie musicale "Cléopâtre" de Kamel Ouali. Pensez-vous qu'un jeune artiste doit faire aujourd'hui plus de concessions et de compromis qu'à l'époque de vos débuts où vous ne ressembliez à personne d'autre ? A-t-on autant le droit à la différence qu'avant ?
Malheureusement je pense que c'est beaucoup plus difficile aujourd'hui pour les jeunes qui commencent parce qu'il faut toujours qu'ils soient dans le format -mot que je déteste-. Dans le format des radios, dans le format des médias et je trouve ça un peu gonflé qu'on leur demande de faire ça parce que je connais des musiciens dans toute la France, des jeunes musiciens qui font des trucs extraordinaires, et je sais que ça ne passera jamais en radio parce que c'est pas dans le format. Bon, j'ai rien contre les radios, c'est leur truc mais on dirait que c'est robotisé. Il faut être robotisé pour faire partie du paysage radio, télé et médiatique.

Y'a-t-il des titres peu chantés, hormis ceux du nouvel album, que vous avez envie de chanter dans le programme de l'Olympia à venir, et que vous pouvez peut-être déjà nous dévoiler un peu ?
Mais je ne sais pas. Alors là c'est pas par mauvaise volonté mais c'est que nous allons avoir un mal de chien à choisir les chansons ! Parce que forcément, plus on en fait, plus on en abandonne. Il y a les chansons que les gens veulent absolument entendre parce qu'ils les connaissent, parce qu'ils les savent par coeur et j'ai remarqué au fil des années que les nouvelles chansons n'avaient pas l'effet escompté sauf si elles sont passées dix mille fois à la radio et qu'ils les connaissent. Les gens sont complètement paumés quand ils ne connaissent pas les chansons .


Justement quand vous commenciez "Drôle de vie" sur la tournée 2005, tout le monde participait alors que sur les titres moins connus comme "Annecy" par exemple, c'était plus difficile.
Tant de gens chantent en anglais : c'est vachement plus facile de dire "Baby I love you, baby i need you" plutôt que "Je regarde les vagues, blablabla" !
Oui je sais, c'est à dire que c'est plus compliqué… "Drôle de vie" c'est une chanson extrêmement simple, bien qu'elle soit difficile à jouer mais c'est une chanson gaie d'abord et les gens adorent la chanter, vraiment. Et en plus avec le film "Tout ce qui brille" dans lequel les actrices l'ont reprise, elle a été un peu remise au goût du jour et les jeunes la connaissent par coeur aussi maintenant !

"Drôle de vie" me donne l'impression d'avoir été écrite d'une traite. Vous souvenez-vous de l'écriture de cette chanson ?
Bien sûr que non. Ca fait 40 ans… Mais je pense que je l'ai écrite assez vite. Je m'intéresse beaucoup au phrasé pour que ça balance, que ça swingue. Si tant de gens chantent en anglais maintenant, c'est pourquoi ? Parce que c'est vachement plus facile de dire « Baby I love you, baby i need you » plutôt que « Je regarde les vagues, blablabla ». Pour moi le phrasé c'est très très important et c'est pour ça que quelques chansons me prennent beaucoup plus de temps que d'autres pour que ça swingue et que le français, qui est une langue qui résonne, swingue !

Visionnez la vidéo "Drôle de vie", enregistré en live à l'Olympia (1976) :


Vous me donnez une idée ! Merci aux internautes !
Sur le réseau social Facebook, il y a un groupe qui s'est créé et qui s'intitule "Pour que "Redoutable" nous retrouve sur la tournée de Véro". "Redoutable" (1976) est une chanson qui a beaucoup marqué votre public apparemment. Fait-elle partie des inchantables, des chansons trop douloureuses ?
Ecoutez c'est une très bonne idée de me le dire et je vais le marquer tout de suite ! Ca fait si longtemps que je ne l'ai pas chantée mais j'ai bien envie de la chanter mais pas toute seule. Je l'ai souvent chantée toute seule au piano car j'ai toujours eu un petit moment piano-voix dans mes spectacles où je chantais "C'est le moment" ou "Visiteur ou voyageur" mais là vous me donnez une idée ! Merci aux internautes ! Je vais leur faire quelque chose de très beau.

J'ai souvent imaginé un spectacle qui mettrait en scène votre correspondance amoureuse par chansons interposées avec Michel Berger. Je vois deux pianos face à face comme dans le salon des parents de Michel Berger, deux interprètes bien choisis et une chanson-lettre puis sa réponse, et ainsi de suite. Vous opposeriez-vous à ce genre de projet ? Trouveriez-vous cela déplacé ?
Je trouve que ce serait maladroit. Parce que ça ne ferait pas plaisir du tout à France Gall, ni à son fils Raphaël et que je pense à eux quand même. Mais c'est une très bonne idée.

Ce serait une souffrance pour vous, personnellement, la mise en scène de cette correspondance ?
Pas du tout ! C'est pas par rapport à moi ! Et puis vous savez c'est un peu une époque révolue. On a beaucoup, beaucoup parlé de ça… Et moi je persiste et signe : je connais les chansons qu'il a faites pour moi. Et lui, je ne peux pas parler pour lui puisqu'il est mort, mais il connaissait les chansons que j'ai écrites pour lui. Et ça c'est quelque chose d'immuable. Vraiment. Mais c'est une très bonne idée ce que vous dîtes…

Visionnez la vidéo Berger / Sanson, extraite du documentaire "La douceur du danger" (2005) :


On associe toujours à vos débuts Michel Berger mais on oublie souvent l'autre Michel : Michel Bernholc (1941 - 2002), l'orchestrateur de vos deux premiers disques. Pouvez-vous me parler de lui ?
Michel Bernholc a été quelqu'un de tellement important dans ma vie. Il m'a appris beaucoup de choses en musique d'arrangement et en approche de la musique aussi. C'était vraiment un travail à trois au début: les deux Michel et moi. Je leur ai d'ailleurs écrit un morceau qui s'appelle "Pour les Michel" et qui figure sur l'album "Amoureuse".

Au piano, si je regarde ma main droite, je suis foutue !
Vous êtes une des seules artistes avec Bécaud et Barbara à jouer du piano main gauche côté public sur scène. Pourquoi ?
Parce que je regarde jamais ma main droite. Si je regarde ma main droite, je suis foutue ! Et je regarde toujours ma main gauche. Ce qui est le plus important pour moi. Parce que j'ai une bonne gauche. Alors que tout le monde me dit que c'est plus joli de mettre le côté arrondi du piano face public, mais j'ai l'habitude comme ça et je trouve qu'on est mieux comme ça. Je vois ma main gauche et le public en même temps.

Qui est Antonio Sanchez Reyes qui signe le titre "Yayabo" que vous chantez a capella et en espagnol dans le nouvel album ?
I don't know ! No sé ! Quand je l'ai chanté je pensais que c'était un traditionnel anonyme comme "Au clair de la lune" ou je ne sais quoi et c'est Dominique Bertram qui a regardé sur Internet et qui m'a appelée en me disant « Allo ma vieille ! Y'a quelqu'un qui l'a écrit, j'ai retrouvé le nom ! ». Alors je lui ai dit : « c'est pas grave, on n'a qu'à le mettre ! ». Mais je pense qu'il a été écrit il y a très très longtemps. Je connais cette chanson depuis que je suis petite. C'est un ami Cubain : Fausto Canel, qui m'a fait faire mon premier bout d'essai au cinéma, qui me l'a fait découvrir.


Comment aviez-vous eu l'idée de reprendre en 1989 cette très vieille chanson française d'Aristide Bruant (1851 - 1925) qui s'appelle "A Saint-Lazare"?
C'était maman qui avait le livre qu'elle tenait de sa mère avec le portrait d'Aristide Bruant avec son grand chapeau noir; sa grande écharpe rouge et sa grande cape noire. Cet homme-là chantait tous les quartiers de Paris dont Saint-Lazare et c'est maman qui m'a expliqué que Saint-Lazare était une prison de femmes, de prostituées en fait et de larcineuses, de voleuses, qui avaient à 80% presque toutes la syph' (ndlr : la syphilis). Et cette chanson raconte l'histoire d'une fille que son mac a fait mettre en taule mais qu'elle aime quand même comme une folle. Elle dit « Et puis mon p'tit loup, bois pas trop, tu sais qu'es teigne et quand t'as un p'tit coup d'sirop, tu fous la baigne », et j'espère que tu vas bien pendant que je prends des médicaments à Saint-Lazare… Et c'est Hugues Aufray qui était fan comme moi d'Aristide Bruant qui me l'a chantée pour la première fois ; et moi je me suis dit que j'allais la faire en blues, ce qui n'était pas du tout sa couleur d'origine !

Visionnez la vidéo "A Saint-Lazare" de Véronique Sanson :
Le player Dailymotion est en train de se charger...


Merci Véronique !
Merci à vous ! Tout va bien !
Pour en savoir plus, visitez veronique-sanson.net et sa page Facebook officielle.

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