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vendredi 12 octobre 2012 11:00
Sinik : "Les gens n'ont pas à juger Diam's !"
Trois ans après "Ballon d'or", c'est un autre Sinik qui nous revient. Pour son nouvel album "La plume et le poignard", le rappeur a changé la méthode et le discours. Si certains le trouvent apaisé, Sinik a encore beaucoup de choses à dire et des causes à défendre. Inspiré par le cinéma, la vie dans les quartiers et l'amour, le rappeur évoque son album, ses projets, et donne son avis sur la politique et l'emballement médiatique qu'a suscité la sortie de l'autobiographie de Diam's.
Crédits photo : DR.
Propos recueillis par Jonathan Hamard. Trois ans qu'on ne t'a pas vu et tu reviens au top. Ton nouvel album a fait une belle entrée dans les charts en première semaine, et s'est même classé numéro un sur iTunes dès sa sortie. Content de voir que le public ne t'avait pas oublié durant ce long retrait médiatique ? Sinik : Ça me fait plaisir (sourire) ! Je ne vais pas te mentir. Au-delà des places que je peux occuper dans les classements, ce qui me contente c'est de voir que malgré les trois ans qui séparent mon précédent album de "La plume et le poignard", les gens sont toujours là. On n'a pas fait beaucoup de promo durant les trois dernières années. Les radios ne me diffusent plus, on n'est pas invité sur les plateaux de télé Et malgré tout, on fait de bons scores. Si on en est là aujourd'hui, c'est grâce aux réseaux sociaux et surtout à une importante fanbase. Grosse satisfaction que le public réponde encore présent après toutes ces années, vraiment ! Je ne vais pas te mentir non plus en te disant qu'on a beaucoup bossé sur ce disque. Ce travail est bien perçu et bien reçu. C'est une consécration. C'est toujours agréable de voir que le taf plait. C'est plus normal pour moi de sortir mon nouvel album en indé plutôt qu'avec une major. Internet joue un grand rôle dans la diffusion des titres et des informations. Tu le perçois comme un outil indispensable aujourd'hui ?Complètement ! Si tu regardes bien, avant, les seuls médias étaient la télévision et la radio. Aujourd'hui, Internet est entré dans la danse. On peut bosser sur Internet. Durant trois ans, on est resté au contact des gens en permanence sur Facebook et Twitter. On a bien optimisé les réseaux sociaux. C'est un gros boulot ! Ça rentre pleinement dans la promo, au même titre que la radio ou la télévision. Ton nouvel album "La plume et le poignard" sort en indé. Tu as quitté ta major. C'est en quelque sorte un affranchissement et peut-être une nouvelle manière d'appréhender le métier pour toi. Non. Pas du tout sachant qu'à la base, la structure indé sur laquelle sort l'album s'appelle Six-O-Nine. C'est mon label. Je l'ai créé il y a plus de dix ans pour publier mon deuxième maxi qui s'intitule "Artiste triste" en 2002. C'était vraiment un tout petit projet. Et depuis, on a évolué. On a signé d'autres artistes et on est devenu une boîte de production de clips. On connait vraiment le boulot de l'indé : coller des affiches, se démerder tout seul Tout ça on connait. On est né là-dedans. C'est vrai qu'en parallèle on a continué à travailler avec une major, mais c'est avant tout dans l'indé que j'ai grandi. C'est plus normal pour moi de sortir mon nouvel album en indé plutôt qu'avec une major. C'est donc un aboutissement. C'est plus un retour aux sources, un retour à un boulot qu'on voulait faire. On ne voulait pas être assisté. On voulait revenir à une somme de travail plus importante mais que l'on gérerait nous-mêmes de A à Z. Que ce soit en pour la com', le visuel de l'album, les clips On a géré tout ce qui concerne la sortie. Tu as travaillé seul sur l'écriture de cet album. Qu'est ce qui a motivé cette quête en solitaire ? J'ai effectivement commencé tout seul, sans écouter qui que ce soit. J'ai appelé les ingés sons par moi-même. J'ai réservé les studios. J'y allais quand j'avais envie. Indé même dans la manière de faire l'album ! On ne voulait pas de pression ni être encadrés par les grosses équipes qui sont généralement présentes dans une major pour un projet comme celui-là. J'ai géré à la fois des choses comme l'avancée de l'écriture des titres, le recrutement des mecs qui font les instrus. C'est fatiguant mais kiffant (sourire) ! On est tous des hommes, on commet tous des erreurs ! Ce nouvel album est long. Il compte 19 titres. Tu avais beaucoup de choses à dire ?Oui ! Et c'est aussi parce que tu ne peux pas revenir après trois ans d'absence avec un album de crevard. Les gens attendent plus que ça ! La moindre des politesses, c'est de présenter un disque avec beaucoup de tracks. Je ne pouvais pas revenir avec un disque de dix titres. C'était un choix personnel. Je voulais que cet album soit bien consistant en termes de qualité mais aussi en termes de morceaux. L'un des morceaux m'a plus particulièrement interpellé. C'est la chanson "Les 16 vérités", dans laquelle tu formules ton autocritique. Qu'as-tu cherché à démontrer ? Ce que j'ai cherché à démontrer, c'est qu'il n'y a pas d'autocritique dans le rap ! Si tu écoutes les rappeurs aujourd'hui, ils sont tous beaux, ce sont tous les meilleurs Mais le constat à faire, c'est qu'on est tous des hommes, qu'on commet tous des erreurs. On en a tous commis un jour ou l'autre. Une carrière, c'est une multitude de choix à faire. Et tu ne peux pas toujours viser juste. La morale de l'histoire, c'est qu'un homme doit savoir tenir compte de ses erreurs, en tirer les leçons après les voir analysées. Il faut donc savoir faire une vraie autocritique, et y mélanger ce que les détracteurs nous ont adressé. Ça demande beaucoup d'humilité ! Ce n'est pas un exercice très facile de faire un morceau où tu te fais du mal à toi-même. Mais c'était tout l'intérêt de l'exercice, sortir de ce registre où l'on se jette des fleurs en permanence. Connais-tu tes erreurs ? Bien sûr ! Ce sont des erreurs de choix, de timing quand on a sorti les albums. Ça peut être de toutes petites erreurs qui ne changent pas grand-chose comme des plus importantes qui sont un tournant dans une carrière. On sait ce qu'on a fait de bon, et ce qu'on a fait de moins bon. Crédits photo : DR. Le rap a beaucoup évolué ces dernières années, en se rapprochant sur certains aspects de la pop avec l'incursion de nouveaux sons appartenant à d'autres registres. Comment perçois-tu cette évolution ? Il y a du bon et du moins bon. Le discours a changé, il n'est plus le même. Il est beaucoup plus axé sur les personnes, sur les rappeurs, plutôt que sur le monde qui nous entoure. Il y a toujours des artistes qui parlent de notre monde. Après, ce sont les goûts et les couleurs. Chacun sa sensibilité. Quels sont les artistes qui font du bon rap aujourd'hui ? J'aime beaucoup la Sexion d'Assaut, même si c'est quelque chose de complètement différent. Ce sont mes goûts. J'aime bien Youssoupha. Son dernier album est bon. Il a bien travaillé tout l'aspect de l'écriture. Il sait parler du peuple et des gens. C'est très positif ! Ça marche très bien. On est content pour lui parce qu'on le connait bien. Ça ne veut pas dire que je considère le reste comme mauvais. Il y a des sons et des textes qui te parlent à toi, et d'autres à moi. On respecte. J'appartiens à une génération qui ne fait pas confiance aux hommes politiques. "La plume et le poignard", c'est un album plutôt positif ou pessimiste ?Ce n'est ni l'un ni l'autre ! Je ne pourrais pas te répondre. Il y a un morceau qui s'appelle "Le jour et la nuit" qui synthétise tout ça. C'est à la fois pessimiste parce que le constat que l'on peut faire du monde aujourd'hui, c'est que beaucoup de choses vont moins bien. Et j'ai voulu rééquilibrer en expliquant qu'il y a aussi de belles choses qui arrivent encore aujourd'hui. Il faut prendre en compte ce qui va bien, garder présente cette petite touche d'espoir et ne pas seulement se focaliser sur ce qui ne va pas. Sinon on stagne ! On a sur cet album des titres un peu plus calmes. Comme si ta plume s'était adoucie... On a appelé cet album "La plume et le poignard" parce qu'on peut y trouver à la fois des titres plus clashs et rythmés et des morceaux plus cools. Pour te donner des exemples, je peux te citer le titre "La cité des anges" qui parle des enfants malades. Ça c'est plutôt "La plume". En face, on a "L'assassin", plus direct, plus incisif ! J'ai voulu mettre en avant les différentes facettes de mon écriture. Je ne suis pas juste tranchant. J'essaie de jouer sur les deux tableaux. C'est ce qui a donné vie à "La plume et le poignard". Plusieurs hommes politiques sont directement cités dans quelques-unes de tes chansons. Des hommes de droite et de gauche. Tu souhaitais faire entendre ta voix autrement qu'à travers les urnes ? J'appartiens à une génération qui ne fait pas confiance aux hommes politiques, qu'ils soient de droite ou de gauche. Cette génération ne s'est jamais sentie concernée par la politique. Ce serait trop facile de faire le moralisateur ou le donneur de leçon aujourdhui. J'appartiens à cette génération qui ne compte pas sur les hommes politiques pour s'en sortir. Déjà, on compte sur nous-mêmes. Si le mec à la tête du pays est bien, qu'il est ouvert, que ça se passe bien et qu'il a envie d'aider la culture, tant mieux. Si ce n'est pas le cas, tant pis. On a appris à grandir sans. Ça ne changera pas nos vies ! On sait pertinemment que Hollande ou Sarkozy ne changeront rien à la vie dans les quartiers. Ce n'est pas parce que Hollande est passé que demain on aura plus d'argent, qu'on sera mieux payé et que la vie va changer. Pour moi, les élections c'est beaucoup de bruit pour rien. On le voit bien aujourd'hui parce que Hollande est en train de se casser la gueule dans les sondages. Il y aura toujours des mécontents. Il y aura toujours du chômage. Il n'y a pas de recette miracle. Ce n'est pas un mec ou une femme au pouvoir qui va changer quoi que ce soit. Ce qu'ils n'ont pas compris, c'est qu'il faut qu'on soit tous ensemble pour que ça se fasse. Diam's ? Les gens n'ont pas à la juger ! Tu cites également Diam's dans l'une de tes chansons. On parle beaucoup d'elle en ce moment puisqu'elle a publié son autobiographie. Vous avez été très proches pendant un moment. As-tu gardé contact avec elle ? Comprends-tu ses motivations ? Elle a dit qu'elle voulait rétablir sa vérité...Si demain tout le monde se mettait à parler à ta place, à raconter des choses avec lesquelles tu n'es pas d'accord ou qui sont fausses, comment réagirais-tu ? D'habitude, elle s'exprimait dans ses albums, là elle a choisi de la faire avec un livre. Ça ne change rien dans le fond. Ça me parait tout à fait normal qu'elle publie ce livre. On a tellement parlé sur elle. Elle a été salie ! On ne comprend pas qu'une petite meuf comme ça qui rencontre un gros succès se mette à prier comme ça du jour au lendemain. Ça a choqué les gens ! Il y une grosse part d'islamophobie. Le débat revient en permanence. Moi, tout ce que je peux dire, c'est que les gens n'ont pas à la juger. Tant qu'elle est heureuse et épanouie, c'est le principal. Personne n'a son mot à dire là-dessus ! As-tu été choqué par l'emballement médiatique suscité par sa conversion à l'Islam ? Oui, j'ai été choqué sans l'être. C'était tellement évident que les gens allaient lui taper dessus. Diam's, je la connais depuis longtemps. La religion, c'est quelque chose qui la touchait bien avant sa conversion. Mais maintenant que c'est officiel, c'est différent. Sauf que pour nous ça ne change rien. Elle reste la même ! On ne critique pas les gens pour leurs actes. On ne va pas juger quelqu'un parce qu'il regarde des films de cul sur Internet ou parce qu'il s'est embrouillé avec son beau-frère. Je ne comprends pas pourquoi les gens ont cherché à entrer dans sa vie privée ! C'est un vieux discours masqué pour ne pas dire : « Mais qu'est-ce qu'elle fait voilée cette petite blanche-là ? » J'aimerais vraiment avoir un rôle au cinéma. On retrouve également dans ton album plusieurs références cinématographiques. Le septième art t'inspire ?Oui. Il y a un morceau qui s'intitule "Slumdrogue millionnaire" qui est inspiré du film "Slumdog Millionnaire". Le cinéma est une vraie source d'inspiration pour moi dans mes chansons. Que ce soit un scénario ou simplement un personnage, ses traits de caractère Sinik bientôt au cinéma ? Oui, pourquoi pas. Rien n'est fait mais il y a un projet en cours. J'ai déjà eu quelques petites expériences mais j'aimerais vraiment avoir un rôle au cinéma. J'ai mis un pied là-dedans et j'ai trouvé ça super. Je ne dis pas que je serais bon dans ce domaine mais rien que pour le plaisir, si mes projets se concrétisent, je serais content.
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