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Moby en interview : "Les humains doivent comprendre leur place dans le monde"

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Moby vient de sortir son titre "This Is Not Our World", un duo événement avec Nicola Sirkis. En interview pour Purecharts, le musicien américain se confie sur sa collaboration avec le chanteur d'Indochine, son engagement pour les causes climatiques et ses projets. Rencontre avec un artiste plus prolifique que jamais !
Crédits photo : Travis Schneider
Propos recueillis par Théau Berthelot.

Comment est née cette chanson "This Is Not Our World (Ce n'est pas notre monde)" ?
Tout au long de ma carrière, j'ai parcouru bon nombre de genres musicaux. Quand j'étais très jeune, j'ai fait du classique, j'ai joué dans un groupe punk-rock, j'ai fait le DJ hip-hop, j'ai fait de l'électronique... Mais il y a un genre que j'adore vraiment depuis le début des années 80, c'est la new wave. Je pense à des groupes comme Depeche Mode, Echo and the Bunnymen ou New Order. Ce sont des groupes avec lesquels j'ai grandi. Même si j'ai travaillé sur bon nombre de genres musicaux, j'adore écrire sur des sonorités new wave. Je ne sais pas si les gens utilisent encore ce nom pour décrire ce genre, mais dans mon esprit, c'est ce qu'est cette chanson : elle a vraiment été inspirée par mes écoutes de New Order ou Echo and the Bunnymen plus jeune. C'est comme ça que c'est venu.

Si nous ne respectons pas la nature, elle va nous détruire
Quel a été le déclic ? Un événement en particulier ou plutôt une somme d'événements ?
Il y a une chose intéressante, que je suis peut-être le seul à considérer comme intéressant. Au Moyen-Âge, l'Eglise croyait que la Terre était le centre de l'univers. Et si vous disiez le contraire, vous étiez tué. Depuis, Galilée, Copernic ou Newton ont prouvé que ce n'était pas le cas et nous l'avons tous accepté. Nous avons accepté que l'univers est immense et que la Terre n'est qu'une minuscule planète faisant partie d'un minuscule système solaire dans l'une des 300 ou 400 milliards de galaxies. Tant de gens pensent que les humains sont l'espèce centrale de cette planète, et pour moi c'est la même idée dangereuse que de dire que la Terre est le centre de l'univers. C'est juste faux. Je me souviens d'une citation d'Einstein, qui parlait des colonies d'abeilles qui disparaissent. Il disait simplement que si les abeilles s'éteignent, les humains seraient alors les prochains. Et les humains ne se sont jamais rendus compte du fait que si l'on ne protège pas la Terre que nous avons, nous allons nous éteindre. C'est le message de la chanson, de dire d'une façon totalement non-poétique que ce n'est pas notre monde. Ce monde est un écosystème soutenu par un trillion d'individus, des créatures, des insectes, des animaux, des bactéries... Si on ne respecte pas ça, si on ne le préserve pas, nous allons mourir. Cet été a été un bon exemple avec les canicules : si nous ne respectons pas la nature, elle va nous détruire. C'est aussi simple que ça.

Comment est venue l'idée de cette collaboration avec Nicola Sirkis ? Vous le connaissiez ?
Je connais Indochine et Nicola depuis les années 80. J'ai vécu en France en 1987 et ma petite amie de l'époque adorait Indochine. C'est comme ça que j'ai entendu parler du groupe pour la première fois. J'étais vraiment excité que ça puisse avoir lieu.




Le tournage du clip s'est fait à distance, vous aux Etats-Unis et Nicola Sirkis en France. C'était impossible de vous réunir ?
C'est difficile à dire... En termes de voyages, d'agenda ou de concerts, c'est presque impossible de programmer quelque chose, tout du moins de mon point de vue. Nous ne savons juste pas ce qui va se passer ensuite. J'ai récemment discuté avec un ami, en avril dernier quand tout le monde était vacciné et qu'on pensait que c'était vraiment fini. Je me souviens que je suis retourné à New York et tout le monde se comportait en disant "Oh bon bah je suis vacciné, la pandémie est finie !" et il s'est avéré que ce n'était pas le cas. Il y a eu les variants. Beaucoup de mes amis musiciens ont peur de repartir en tournée ou de réserver des vols car on ne sait pas ce qui va se passer.

Nous savons tous ce qu'il faut faire
Oui, tout est encore incertain finalement !
Je ne sais pas comment ça se passe en France, mais j'imagine que c'est pareil que partout dans le monde. Tout le monde semble désormais ignorer la pandémie. Aux Etats-Unis, personne ne met de masque, tout le monde sort dehors. Je connais des gens qui ont eu le Covid quatre fois ! Ils en ont marre ! Ils ne veulent pas rester chez eux, porter un masque ou respecter les distanciations sociales. Qui sait ce qu'il va se passer cet hiver, mais ça rend impossible, en tout cas pour moi, le fait de planifier des choses, notamment au niveau des voyages.

Vous chantez "This Is Not Our World". Quel serait donc votre monde idéal ?
Pour moi, le monde idéal est un monde dans lequel les humains comprennent leur place dans le monde. Ce qui est tellement frustrant, c'est que nous savons tous ce qu'il faut faire. Nous savons comment créer un paradis. Nous pouvons créer un paradis dès demain. Et pour ça, on doit arrêter d'utiliser du pétrole, du charbon, du gaz, de produire de la viande ou d'abattre les forêts tropicales. Ce sont des choses relativement faciles à faire... mais on ne le fait pas ! On doit arrêter d'utiliser tant d'antibiotiques, de détruire des écosystèmes où les organismes qui y vivent se transforment en pandémie. La production de viande est évidemment ce qui me frustre le plus. Vous pouvez parler à quelqu'un en lui disant que c'est l'une des choses qui cause le plus de tort dans le dérèglement climatique ou la déforestation... Mais tout ce que les gens vous répondent, c'est qu'ils veulent manger un hamburger. C'est totalement irrationnel d'avoir un comportement qui peut causer tant de destruction, de savoir qu'il y a une meilleure façon de faire et de ne pas le faire. Je ne comprends vraiment pas comment, en tant qu'espèce, on continue à faire tous les mauvais choix en sachant pertinemment et consciemment que ce sont des mauvais choix.

Justement, au fil de votre carrière vous avez toujours été engagé. Ça vous a toujours tenu à coeur ?
Oui ! J'adorerais vivre dans un monde où on pourrait être égoïste. Un monde où on pourrait partir en vacances, prendre de la drogue, faire la fête sans se soucier de rien. Ce serait génial... mais ce n'est pas le monde dans lequel on vit ! En tant que figure publique avec une voix, je dois faire tout mon possible pour essayer d'attirer l'attention sur ces problèmes. Bien sûr, je ne suis qu'une petite personne et il y a une grande chance qu'à mon niveau, je n'accomplisse rien, mais je me dois d'essayer.

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Les artistes peuvent faire changer ou avancer les choses, selon vous ?
Dans mon approche, quand je me réveille le matin, je me demande ce que je peux faire. Faut-il travailler avec des hommes politiques ? Des organisations à but non lucratif ? Soutenir des documentaires ? Chaque outil est à ma disposition juste dans l'espoir que je puisse faire bouger les choses. Je ne sais pas si je le ferais, mais pour moi c'est le meilleur usage qu'on peut faire d'une vie.

Utiliser des jets privés, c'est complètement idiot
On parle beaucoup actuellement des polémiques autour des jets privés avec Taylor Swift ou le Paris Saint-Germain. Quel est votre point de vue là-dessus ?
Personnellement, je reste chez moi. Je n'ai pas de jet privé, je ne conduis même pas, donc je ne fais pas partie de ce club. (Rires) Mais il faut bien se rappeler que la production de viande cause plus d'émissions de gaz que n'importe quel véhicule sur la planète. Mon point de vue c'est, qu'effectivement, utiliser des jets privés est complètement idiot. C'est égoïste et c'est complètement inutile. A moins que tu ne sois un premier ministre, tu n'en n'as probablement pas besoin. Mais encore une fois, ce n'est qu'une infime partie des choses qui causent le dérèglement climatique. C'est moins de 0,1%. Le problème, c'est que pour résoudre ça, on ne peut blâmer personne. Car chacun pointe du doigt quelqu'un d'autre. Les vegans accusent les mangeurs de viande, les gens qui vivent dans l'Hémisphère Sud accusent ceux de l'Hémisphère Nord, les socialistes accusent les capitalistes, les capitalistes accusent les Chinois, les Chinois accusent les Américains... Tout le monde se pointe du doigt, mais cela ne règle pas le problème.

Pourtant, il y a des artistes qui essaient de trouver des alternatives, comme Coldplay avec son actuelle tournée "éco-responsable". Pensez-vous que ce soit un bon modèle à suivre à l'avenir ?
Ce n'est pas une question facile... D'un côté, j'adore que les gens fassent un effort, qu'ils essayent de tourner en étant plus responsables, qu'ils achètent des voitures électriques, qu'ils mangent moins de viande... C'est très bien, mais ça ne règle pas le problème. Il faut se souvenir que Bolsonaro, Poutine ou Modi, tous ces leaders pourraient en faire autant que Coldplay, mais ils continuent à détruire les forêts et à brûler du charbon. Il y a un danger, mais c'est dur car on ne veut pas décourager les gens, on veut célébrer leurs bonnes actions. Mais acheter une voiture électrique ne va pas sauver les forêts tropicales d'être détruites par Poutine ou Bolsonaro. C'est vraiment une chose délicate quand tu dois célébrer les bonnes actions des gens mais que ça n'accomplit pas grand chose...

Nous pouvons créer un paradis dès demain, mais on ne le fait pas
Après ce titre, quels sont vos prochains projets musicaux ?
Je viens de lancer un nouveau label qui s'appelle Always Centered At Night. Nous avons sorti quelques singles, nous avons une chanson avec un artiste que j'adore : Serpentwithfeet. Je travaille aussi sur un deuxième album orchestral avec le label Deutsche Grammophon et... Honnêtement, je ne veux pas vous ennuyer avec tout ce que je fais, car c'est plutôt une longue liste. (Sourire)

Pas du tout, allez-y !
Je développe aussi une application de musique ambiante, j'ai une compagnie de production de films et de séries et on travaille dessus, avec cette idée principale de faire face aux problèmes environnementaux. Nous travaillons aussi sur trois livres... En réalité, je travaille beaucoup trop, 365 jours par an et je ne prends pas de vacances parce que j'adore travailler. Mais j'hésite toujours à dire aux gens le nombre de projets sur lequel je travaille parce que c'est vraiment fou.

J'ai toujours eu des succès commerciaux inattendus
Vos derniers albums sont assez "expérimentaux". Vous ne cherchez plus le succès que vous aviez eu au début des années 2000 ?
Vous savez, j'ai 57 ans aujourd'hui ! (Rires) J'ai toujours eu des succès commerciaux assez étranges et inattendus. Mais ce n'est pas ce que je recherche et ce n'est absolument pas ce que j'attends. Je déteste l'idée de partir en tournée, de me montrer sur les tapis rouges ou lors des cérémonies... Je préfère rester chez moi pour travailler ou faire des randonnées. Le monde de la pop est très jeune, très brillant et très commercial et je ne dois pas en faire partie car je suis plus vieux, et que ça ne m'intéresse pas. Je suis vraiment heureux que des gens comme Harry Styles ou Lizzo s'amusent à faire de la pop, mais je n'ai aucun lien avec ça.

Seriez-vous prêt à refaire un duo avec Nicola Sirkis ?
Je sais qu'Indochine est un groupe ultra iconique, qu'ils ont fait un énorme concert au Stade de France. J'imagine qu'il doit être incroyablement occupé, mais je suis vraiment honoré et flatté que ce duo ait pu avoir lieu. Mais je n'ai aucune idée : moi je reste chez moi. Si les choses se produisent c'est génial, mais je ne m'attends à rien !

Certains propos de cette interview ont été modifiés à la demande du label.
Pour en savoir plus, visitez moby.com ou sa page Facebook officielle.

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