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Melanie C en interview : "Je me suis perdue à un moment donné"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Il y a un mois, Melanie C a pris du temps pour répondre aux questions de Pure Charts sur son retour en solo. La chanteuse se confie avec tendresse et honnêteté sur son confinement, comment elle a retrouvé confiance en elle, l'impact du succès, son nouvel album libérateur comme un nouveau départ, son lien fort avec la communauté LGBT, ses souvenirs avec les Spice Girls et ses prochains concerts. Interview avec une idole d'hier et d'aujourd'hui.
Crédits photo : Conor Clinch
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Comment vous sentez-vous en ces temps difficiles ?
Je me sens... plein de choses différentes tout le temps. (Rires) Je crois qu'on a tous vécu des choses assez délicates avec le confinement. C'était très difficile parfois. J'ai essayé de trouver des moyens de rester positive, de faire des choses qui me rendaient heureuse et ce n'est pas évident parce qu'on fait face à de l'anxiété, de la peur, de l'incertitude. Je suis restée très connectée à travers plein de plateformes, avec mes fans, ma famille et mes amis. Quelque part, ça m'a aidé à ne pas me sentir trop isolée. Ce qui est bien c'est que même si on est loin les uns des autres, on peut se soutenir quand même.

Qu'avez-vous fait de vos journées ?
Oh mon Dieu... J'ai été plus occupée que jamais. J'ai une fille qui a 11 ans, donc elle a eu école à la maison, je l'aidais et je corrigeais ses exercices. J'ai aussi concocté de bons petits plats, j'ai travaillé sur mon album, j'ai fait du ménage... Oh la la, j'ai vraiment besoin de retourner bosser ! Ça va me faire des vacances ! (Rires) J'ai vraiment besoin de retrouver une vie normale, de partir en vacances et de chanter dans le monde entier.

Sporty Spice fait partie de moi, de qui je suis
Cette période vous a inspiré des chansons ?
Je crois que tout ce que ce qui m'arrive est une bonne matière pour en faire quelque chose artistiquement. Surtout quand il se passe quelque chose d'inédit, on ressent forcément des émotions, ce qu'on a vécu on ne l'avait jamais vécu. On peut transformer ça en quelque chose de positif. J'ai forcément envie d'exprimer plein de choses actuellement. Quand j'écris des chansons, souvent j'évoque ma propre expérience, mais parfois l'inspiration me vient des histoires d'autres personnes. Je discutais l'autre jour avec une auteure et elle me parlait d'une amie à elle qui a passé le confinement séparée de son petit ami. C'est un sacré défi à surmonter ! Moi je suis là avec mon partenaire et j'ai envie de le tuer ! (Rires) Et j'ai pas mal réfléchi à cette situation, à ces couples qui ne peuvent pas se montrer leur affection en vrai, qui ne peuvent pas être ensemble. C'est fou ! Je me demandais comment mon couple aurait pu surmonter tout ça.

Depuis vos débuts en solo, vous avez souvent chanté l'acceptation de soi. Aujourd'hui, peut-être plus que jamais, notamment avec le single "Who I Am". A quel point, est-ce libérateur ?
C'est incroyable. L'an dernier, j'ai été très inspirée en vivant ces concerts avec les Spice Girls. C'était vraiment spécial. Avant de faire ces shows, j'étais nerveuse parce que ça faisait très longtemps qu'on n'était pas remonté sur scène ensemble. C'était en 2012 ! Je me disais : "Mais est-ce que je peux encore le faire ? Est-ce que je peux encore devenir Sporty Spice ?". Et j'ai vite réalisé que je n'avais pas besoin de devenir Sporty Spice, je l'étais déjà. Elle fait partie de moi, de qui je suis. J'ai pris conscience de toutes les facettes de ma personnalité, de tout ce que j'ai vécu dans ma vie. J'ai compris que c'était dingue qu'on ne se célèbre pas soi-même. Pas que les succès mais aussi les périodes difficiles.

C'est donc comme ça qu'est né "Who I Am" ?
Mais oui, je suis géniale ! Et je le dis. Bien sûr, il y a des jours où je me trouve horrible, que je suis la pire personne au monde. Je vous assure ! (Rires) Mais on est tellement plus que ce qu'on veut bien croire de nous-mêmes. Je voulais faire une chanson qui me donne ce pouvoir et qui puisse le donner à celles et ceux qui l'écouteraient.

Regardez le clip "Who I Am" de Melanie C :



Sur ce titre, vous chantez "I was lost in the ruins of who I thought I should should be" ("J'étais perdue dans les ruines de qui je pensais devoir être", ndlr). C'est très fort !
Ce sont des mots puissants, mais je n'ai pas trouvé ça difficile à sortir. J'ai été honnête avec moi-même, j'ai été puiser dans des émotions profondes. Je trouve ça tellement positif de pouvoir exprimer quelque chose comme ça, de s'en rendre compte et de le dire. En tant qu'artiste, quand les auditeurs s'identifient vraiment avec ce que vous dites, c'est merveilleux. J'aime que cette connexion se fasse. Même si on est tous unique, on est différents, mais on a tous besoin de la même chose : de l'amour, du coeur. Quand j'étais petite et que j'écoutais de la musique, j'arrivais à me lier aux paroles, aux émotions, et de pouvoir le faire aujourd'hui avec mes fans, c'est quelque chose de très spécial pour moi.

Etre dans le radar des médias à un très jeune âge, ça fausse plein de choses
Quand on écoute vos chansons comme "Blame It On Me", "High Heels" ou "Who I Am", on a la sensation que vous êtes apaisée, que vous êtes en phase avec vous-même. C'est juste ?
Je dirais que j'y arrive. (Sourire) Je crois qu'on est tous les jours en train de se construire, d'apprendre à se connaître. Et en ça le confinement a été très intéressant. Là, on n'avait pas d'autre choix que de ralentir, de réfléchir. Même si j'étais très occupée, je suis restée chez moi, je n'étais pas pressée, je n'ai pas voyagé partout... J'ai essayé de faire le point sur ce que je ressentais, ça m'a permis là encore d'en savoir un peu plus sur moi. Si on avait pu faire ce qu'on voulait, on aurait encore tous couru à droite et à gauche. J'ai apprécié de pouvoir me poser au même endroit et souffler, malgré tout.

Est-ce que l'énorme succès rencontré avec les Spice Girls a eu un impact sur votre confiance en vous ?
Oh oui ! Mais je crois que grandir, avancer dans la vie, c'est difficile. Quand on est jeune, on est très influencé par ses amis, le monde qui nous entoure, et on essaie des choses différentes tout le temps. On évolue, on se cherche, on explore. On écoute de la musique différente, on s'habille d'un coup très différemment, on traîne avec d'autres personnes. Mais être dans le radar des médias à un très jeune âge, être photographiée, que les gens commentent ton apparence et attitude, ça fausse plein de choses. Ça magnifie tout aussi. Je crois que je me suis perdue à un moment donné. Tu es toujours là mais tu es totalement désorientée par tout ça.

J'adore travailler avec d'autres artistes, encore plus quand ce sont des femmes
Pour ce nouvel album, vous avez travaillé avec de nouveaux auteurs et producteurs. Vous aviez besoin de nouveautés ?
Oui ! Et je me suis éclatée ! On a passé des moments extras avec mon management précédent et mes anciens musiciens, mais ça faisait 18-20 ans qu'on travaillait ensemble. J'ai tout changé : mon équipe de management, mon chef de projet, mon attachée de presse... C'était le bon moment pour un nouveau départ. J'ai pu rencontrer des nouveaux auteurs, producteurs, remixeurs. Il y a quand même encore quelques personnes avec qui je travaillais déjà mais globalement je suis entourée de nouvelles personnes. Ça a été très important pour l'album, ça a donné cette fraîcheur dont j'avais besoin.

Regardez le clip de "Blame It On Me" par Melanie C :



Et c'était comment de travailler avec les artistes féminines Shura, Rae Morris et Little Boots ?
C'était vraiment génial ! J'adore travailler avec d'autres artistes, mais encore plus quand ce sont des femmes, ça a une saveur particulière. J'ai toujours principalement bossé avec des hommes depuis le début, que ce soit des auteurs, des compositeurs, des ingénieurs du son. Evidemment, j'étais avec les filles dans les Spice Girls mais en tant qu'artiste solo, ce n'est pas si fréquent. Et c'est canon ! Ce qui est cool quand tu bosses avec des gens différents, c'est que chacun à sa façon de faire, ses propres idées, son énergie personnelle. C'est une opportunité de faire des choses nouvelles. J'ai vraiment eu de la chance de pouvoir travailler avec des artistes féminines aussi incroyables.

Quand on a commencé avec les Spice Girls, on vivait énormément de sexisme
On a parfois l'impression que les femmes sont invisibles dans l'industrie musicale. Elles ne sont pas assez valorisées et mises en avant. Travailler avec des femmes sur ce disque, c'était comme une revendication pour vous ?
(Elle réfléchit) Dans les années 90, quand on a commencé avec les Spice Girls, on vivait énormément de sexisme. C'était important pour nous de mettre en avant le Girl Power, de parler de ce sujet, de mettre les femmes à l'honneur. On avait un message important et on voulait le clamer au plus grand nombre. C'est devenu quelque chose de fort pour chacune d'entre nous, et ceux qui nous aimaient d'ailleurs. On a été très soutenues par la communauté LGBTQ+ par exemple. L'an dernier, être sur scène avec les filles, c'était magnifique de pouvoir célébrer à nouveau tout ça, de passer du Girl Power au People Power.

Je sens que ça a été une année dingue pour vous...
Je me suis vraiment éclatée l'an dernier. En plus, après les Spice Girls, je suis partie en tournée avec Sink the Pink, un collectif d'artistes incroyables. Je dansais sur scène avec des drag queens, on a joué notre show dans des Prides (marches des fiertés, ndlr) du monde entier. Je n'avais jamais travaillé si étroitement avec la communauté queer, j'ai passé énormément de temps avec des personnes non-binaires, des drags... J'ai appris tellement de choses à leur contact. Ça m'a énormément éduquée. Je me suis toujours sentie comme une fière alliée de la communauté LGBTQ+ mais apprendre à ce point sur ce que vivent ces personnes au quotidien, leurs défis, leurs luttes, leurs expériences... Ça m'a vraiment changé en tant que personne. Et cette thématique de grandir, d'apprendre à se connaître, que j'ai portée aussi de mon côté, ça résonne énormément chez eux. Je suis très chanceuse et humble d'avoir pu vivre ça à leurs côtés.

Je ne me rendais pas compte que Sporty Spice pouvait être une icône gay
Votre personnage de Sporty Spice est d'ailleurs devenu une véritable icône gay. Ça vous fait quoi ?
C'est juste dingue et génial ! Je savais qu'on avait beaucoup de fans de la communauté gay mais je ne me rendais pas compte que Sporty pouvait incarner ça. J'ai appris tellement de choses sur l'acceptation de soi. Je me suis rendu compte que je suis suffisante, que je n'ai pas besoin d'être flamboyante et glamour pour être une icône gay. Je peux être androgyne et athlétique, et l'être quand même. Je trouve ça très intéressant.

Découvrez le clip "High Heels" de Melanie C :



Revenons à l'album qui arrive. J'ai pu en écouter quelques titres, c'est un disque très dansant, on sent que vous vous libérez de plein de choses. Qu'aviez-vous envie d'évoquer, de nous raconter ?
Oui je me sens plus libre et ça se voit clairement sur cet album. Je me suis débarrassée de certains poids du passé, et passer à ce nouveau chapitre, vieillir aussi, ça fait que vous vous moquez un peu plus de certaines choses qui pouvaient vous affecter avant. C'est très libérateur ! Je suis devenue DJ depuis quelques années, et j'adore la musique sur laquelle on peut danser. J'avais un peu oublié à quel point j'aimais ça. Que ce soit la dance, la house, la techno, la jungle, le garage... Je veux faire de la musique sur laquelle les gens peuvent danser, se libérer. Mais je veux qu'il y ait du coeur dans ma musique, qu'il y ait de la substance. Je crois avoir trouvé le bon équilibre.

Mon nouvel album est fini
L'album sortira à la rentrée ?
Déjà, l'album est fini, donc là on travaille sur les derniers éléments importants, comme la pochette etc. Donc ce sera plus tard dans l'année. Avec la situation actuelle, nous n'avons pas pris de retard donc normalement on devrait être parfaitement dans les temps et le livrer en temps et en heure.

Donc ce nouvel album arrivera quatre ans après "Version of Me", sorti en 2016. Vous aviez besoin de prendre votre temps ?
Je crois que c'est surtout important de faire les choses à notre rythme. L'autre jour, on me disait : "Mais ça fait si longtemps, qu'est-ce que vous avez fait durant tout ce temps ?". J'étais là : "Quoi ?!". (Elle éclate de rire) Je n'ai pas arrêté ! J'ai été sur scène, j'ai fait de la promo, j'ai été en tournée avec les Spice Girls, avec Sink the Pink. Ce que je préfère par-dessus tout, c'est être sur scène. Dès que je peux le faire, je le fais. En tout cas, j'ai été très occupée, je n'ai pas du tout vu le temps passer.

Vous comptez faire des concerts en France pour défendre ce prochain album ?
On est en train de préparer ça. Mais on doit évidemment prendre en compte ce qu'il se passe actuellement dans le monde. Je parle très régulièrement avec mon agent, on garde un oeil sur la situation et notamment les restrictions sur les voyages mais celles aussi liées aux salles de concerts, aux capacités autorisées. Mais j'ai très envie de venir en France, donc quand ce sera possible, je viendrai. Je n'ai pas donné de concert chez vous depuis trop longtemps ! J'ai vraiment hâte de revenir. Avec cet album, j'ai très envie de me reconnecter avec mes fans à l'international. J'ai passé beaucoup de temps dans une partie de l'Europe, surtout au Royaume-Uni et en Allemagne, mais ça fait longtemps que je ne suis pas venue en Italie, en Espagne ou en France donc j'ai hâte !

Souvenez-vous de "Wannabe" des Spice Girls :



Vous réalisez l'attachement du public envers vous, à quel point les gens ont grandi avec vous depuis les Spice Girls ?
Je crois que je le réalise beaucoup mieux aujourd'hui. Les fans des Spice Girls ont grandi et sont devenus des adultes, ils viennent me voir dans la rue pour me le dire. Même dans le travail, les journalistes ou même des DJ me racontent leur vécu avec les Spice Girls, comment ça a marqué une période de leur vie. Et ce genre de retours, j'en ai de plus en plus au fil du temps. Faire ces concerts l'an dernier avec les filles, c'était aussi incroyable en ça. C'était une grande célébration des années 90, c'était riche en amour, en musique. On a pu voir cette énergie, et tous ces gens devant nous, ces générations qui ont grandi avec les Spice Girls. On s'est senties très fières et très chanceuses de pouvoir le faire à nouveau

Avec les Spice Girls, ces souvenirs sont éternels
Quel est le moment le plus fort de votre carrière ?
Oh la la, il y en a tellement ! Pas mal à Paris d'ailleurs. Je me souviens des tournées promo à Paris, on s'éclatait comme des folles. On adorait faire du shopping ! Et la nourriture évidemment. On a quand même vécu des choses incroyables, et notamment au Royaume-Uni, que ce soit des cérémonies de remises de prix, comme les BRIT Awards ou les MTV Awards, ou des performances devenues iconiques. Comment je peux oublier nos tournées en Europe et aux Etats-Unis ? C'était fou ! On s'est retrouvées dans des endroits incroyables. Mais j'aime aussi me rappeler des moments plus intimes, dans les coulisses, dans nos loges, des fous rires pendant qu'on se préparait, on se marrait quand même beaucoup, il y en avait toujours une pour dire une connerie qui ferait rire les autres. Ces souvenirs sont éternels.

Je suis venu voir les Spice Girls en concert à Wembley l'an dernier...
Génial ! C'était fou, non ?

Oui, j'ai vécu un moment très fort ! Justement, à ce sujet, comptez-vous prolonger cette tournée ensemble ?
On en parle avec les filles de faire de nouveaux concerts. Mais c'est un peu compliqué, il faut qu'on reste ouvertes à toutes les possibilités. Il faudra évidemment que je gère la sortie de mon album, ma tournée et ce qu'on va pouvoir faire avec les Spice Girls, si on doit voyager dans le monde... Ce serait génial. Personnellement, j'ai très envie de repartir en tournée avec les filles. Et d'aller dans des endroits où ne nous sommes pas encore allées. Sans pour autant oublier là où nous avons déjà joué.

Vous n'êtes pas passées en France lors de la précédente tournée en 2008 donc les fans en France vous attendent !
Oui, je sais... On a dû faire seulement deux concerts en Europe, c'était à Madrid et Cologne je crois. Bon, c'est vrai, ce n'est pas normal, on vous le doit ! (Rires)
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