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Marie-Flore en interview : "Je suis mieux dans mes baskets et ça se ressent"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Marie-Flore sort cette semaine son deuxième album "Je sais pas si ça va", né durant la crise sanitaire. Son ouverture musicale aidée par Dua Lipa, l'accueil radio de "Mal barré", sa mélancolie inée ou le jeunisme ambiant dans la société et dans la musique : interview avec une chanteuse en pleine éclosion !
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Un "deuxième" album est toujours super important pour un artiste. Comment tu as abordé "Je sais pas si ça va" ?
Oui, même s'il y a eu un autre album en anglais avant, "Braquage" je dis souvent que c'est mon premier disque, c'est mon départ. C'est vrai qu'il y a cette légende autour du deuxième disque pour les artistes... Il a été conçu dans une période ultra bizarre avec la crise sanitaire. Moi j'ai mis déjà un an, un an et demi avant de faire le deuil du précédent...

A cause du Covid, je n'ai pas été au bout avec "Braquage"
Tu avais un sentiment d'inachevé ?
Ah bah grave ! On a dû annuler beaucoup de concerts. J'ai le sentiment de pas être allée au bout de la vie de "Braquage". Ensuite, je me suis décidée à faire ce deuxième disque. Ça a été assez naturel et ce qui m'intéressait surtout c'était comment j'allais parler des choses qui me touchaient, car je voulais les aborder sous un autre prisme. C'est surtout ça qui me stressait. Est-ce que j'allais réussir à me renouveler, en tout cas me renouveler dans la continuité ? De quoi j'allais parler cette fois-ci ? C'était surtout ça les question que je me posais. Après, il a été fabriqué différemment de "Braquage" parce que je l'ai écrit sur un temps assez ramassé, huit mois, un truc comme ça. Et produit-arrangé en plein été. Ce qui n'est pas mon délire à la base ! (Sourire)

On dit souvent qu'un album naît en contradiction ou en résonance avec le précédent. Tu l'as ressenti comment ?
En contradiction, je ne dirais pas ça, mais en résonance de ma propre vie oui. "Braquage" c'était un disque très amoureux, passionné, torturé. Là, c'est moins le cas. Vu que j'écris en résonance avec ma vie, je suis mieux dans mes baskets et je pense que ça se ressent. C'est ce que j'ai essayé de montrer aussi. Chaque album, c'est une photo de ma vie. Je ne peux pas écrire en déconnexion totale avec ce que je suis. Comme je grandis, ça change tout le temps.

Tu étais dans un bon état d'esprit donc ? Même s'il y a de la mélancolie...
Oui, après mes habitudes ou ce que j'aime écrire, c'est un peu mélancolique, il faut regarder au fond de soi. Forcément ça tend vers la tristesse parfois, mais ce n'est pas problématique. Je peux être très heureuse et écrire une chanson très triste.

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Ah oui ? En tout cas, le titre de l'album "Je sais pas si ça va" correspond bien à tout ça...
A la base, c'était juste une chanson du disque. Je crie un peu sur le refrain, en réponse à des choses qui me fatiguent : il faut être toujours heureux, montrer que tout va bien, jamais trop dire quand on est paumé... Je trouvais que c'était un titre assez honnête, et juste de dire aux gens : "C'est ok de pas savoir où on en est, de savoir si on va bien ou pas". Le plupart du temps, je ne sais pas si ça va ! (Rires)

Je crois qu'on est tous dans le même cas...
Je pense aussi. A part dans les pics de tristesse ou de bonheur, ce qui m'arrive beaucoup, le reste du temps, tu es dans une sorte de vortex, où on ne sait pas trop doser ce qui nous traverse. Donc cette chanson, c'était un peu mon pied de nez à tout ça, ça me fatigue.

"Le plupart du temps, je ne sais pas si ça va"
En plus, la chanson est née dans une période compliquée avec la crise sanitaire, où on a traversé des moments bizarres, on ne sait pas vraiment si ça va...
Clairement, la période dans laquelle a été fait ce disque joue aussi ! La période a été très flottante, très bizarre, on ne savait rien.

Sur ce disque, on sent une vraie volonté d'ouvrir ton son, rien qu'avec le premier single "Mal barré" ou encore "20 ans". Comment c'est venu ? Car c'est déroutant après l'univers "Braquage" !
J'imagine ! (Rires)

L'idée c'était d'avoir des titres plus dansants, plus ouverts ?
"Braquage" c'était mon premier essai en français. Sur le deuxième, j'ai voulu m'autoriser à aller encore plus loin. Dans un sens comme dans l'autre. Sur ce disque, il y a effectivement des chansons qui s'ouvrent plus avec des sonorités plus dansantes et solaires, et à la fois quand je vais dans le dark, j'y vais pas mal ! (Sourire) C'est mon ADN. Je trouve ça ultra intéressant d'explorer et de m'explorer dans ces terrains musicaux là. Quand on est artiste, on fantasme vachement la musique qu'on veut faire, là où on veut aller, et on n'arrive jamais au résultat qu'on veut, on sait jamais si on est vraiment à notre place. J'ai voulu me faire confiance. Sur "Mal barré", ça a été vraiment comme une évidence. Avec mes équipes de prod, on a travaillé dans cette direction sur ce titre, j'ai adoré, ça m'éclate !

En studio, j'étais comme une petite folle
Ça a été aussi facile de s'ouvrir à ce point ? C'est la question que je me suis posée tout de suite en écoutant ces titres plus radiophoniques.
Oui oui ! Dans ma démarche artistique, je me respecte donc si j'avais senti que c'était pas en adéquation avec mon ressenti, je ne l'aurais pas fait. En studio, j'ai kiffé, j'étais comme une petite folle. Il y a toujours un contre-balancement avec mes textes, la façon dont je parle. Pour moi, c'est la V2 ! C'est un peu l'euphorie après la rupture, et d'essayer de se libérer, d'apporter un peu de légèreté. C'est important d'essayer.

Il y avait une envie de sortir aussi de ta propre image de fille triste ?
Non franchement, je n'ai pas intellectualisé autant. Pendant le confinement, j'ai beaucoup écouté l'album "Future Nostalgia" de Dua Lipa, qui est incroyable. C'est une musique qui m'a vachement inspirée. J'ai eu envie de m'ouvrir. J'ai aussi pensé ce disque pour le live. Forcément, tu n'envisages pas le disque pareil. Ce qui n'était pas du tout le cas pour "Braquage", c'était vraiment un album de chambre. Là, j'avais une vision, c'est pour ça que ça tire vers ça. J'ai envie qu'en live ça déménage !




Tu as fait les premières parties de Julien Doré à Bercy, tu viens de citer Dua Lipa, qui vient elle aussi de remplir cette salle. Ce sont des exemples en termes de succès ?
Alors, Dua Lipa c'est inatteignable, c'est la lune, mais je vois ce que tu veux dire. Je ne sais pas où mon ambition s'arrête, je ne sais pas où je me projette... A mon petit niveau, remplir les salles quelles qu'elles soient, ça c'est mon envie, je croise les doigts pour les jours pour que ça arrive. Franchement, je ne sais pas. Où tu as envie de t'arrêter ? Je n'y ai pas trop réfléchi...

La radio c'est le meilleur moyen d'atteindre les gens
Souvent, je me demande si en termes artistiques, on ne se perd pas quand on dit des choses aussi intimes dans des salles aussi grandes...
Après, tu dis des choses intimes qui sont universelles. Après, il y a la question de la validité de chanter ces titres-là dans des énormes salles. C'est un exercice qui ne se prête pas à toutes les musiques, respecter son art et peut-être rester sur des trucs plus humains oui. Mais, encore une fois, qui va dire qu'il n'a pas envie de faire Bercy ? Ça n'existe pas !

"Mal barré" est beaucoup passé en radio. C'était un objectif que tu t'étais fixé avec ce titre ?
C'était un objectif sans en être un, mais la radio c'est quand même un moyen de te faire connaître qui est absolument fantastique. Et je ne suis pas quelqu'un de très réseaux sociaux, donc la radio c'est le meilleur moyen pour un artiste en développement d'atteindre les gens et remplir les salles de concerts. L'accueil radio de "Mal barré" a été fantastique, j'espère que ça va continuer. Je ne m'y attendais pas, moi bien sûr je dansais sur mon titre et on a travaillé pour, mais après tu ne sais jamais, c'est une nouvelle surprise à chaque fois.

Les deuxièmes albums ont souvent une écriture moins bonne
Sur "Braquage", on en avait parlé ensemble en interview à l'époque, il y avait une vraie singularité dans les punchlines, dans les métaphores. C'était dur d'être à la hauteur de ces textes très impactants ?
C'était mon plus grand stress. Je trouve que c'est souvent l'erreur des deuxièmes albums, ils se situent souvent dans une écriture moins bonne, et ensuite avec le troisième, le quatrième... Ça va en descendant. (Sourire) Au début, tu donnes tout et il y a une sorte de magie qui se crée... J'avais une phobie de ça, vraiment. Et quand j'ai écrit le titre "Je sais qu'il est tard", j'ai senti que je touchais du bout du doigt l'écriture que je veux continuer à développer, les thèmes dont je veux parler. Là, j'ai su, ça m'a complètement remis en accord avec moi-même. Je n'ai plus flippé d'écrire après, et je me suis laissée aller.

Tu as beaucoup travaillé les textes en ce sens ?
Pas vraiment, c'est assez viscéral, ça sort généralement en une journée, j'ai plié le truc. Après, tu as toujours des problèmes de répétitions ou une rime qui est mauvaise. Et en studio, tu bosses pendant des semaines ou des mois, donc tu peux modifier un truc, mais les squelettes texte-composition sont déjà prêts. Si je n'arrive pas à terminer une chanson dans la journée, ça va à la poubelle. Je suis très radicale. Je déteste la tiédeur d'ordre général. L'évidence, c'est super important pour moi.




Dans l'écriture, j'ai trouvé l'album moins cash d'ailleurs.
Oui, c'est vrai, il y a moins de provoc'. Je m'en suis rendu compte après. Quand j'ai fait "Braquage", je n'ai pas essayé de choquer. Là, je n'ai pas essayé de refaire la même chose, d'avoir le truc piquant à tout prix. Après je pense qu'il y a toujours des trucs piquants dans ces chansons, mais c'est différent, ça a évolué...

L'âge c'est un truc assez stressant dans nos métiers
Il y a une chanson dont on doit te parler beaucoup, c'est "20 ans". L'âge, c'est un sujet sensible ?
Oui c'est un sujet sensible, et à vrai dire, c'est marrant, j'avais une chute d'accords et le "Moi j'ai plus 20 ans", c'est sorti tout seul en improvisant. Je me suis auto-surprise et je me suis dit "Marie-Flore faut qu'on parle !" (Rires) En l'écrivant, je découvert que j'avais mis le doigt sur un sujet. Tu as la place de l'âge en général dans la société, et encore plus quand tu es une femme, et en plus quand tu es une femme dans la musique. C'est un truc qui est assez stressant dans nos métiers. Et moi, j'ai bientôt 36 ans... Après, je ne suis pas tous les soirs à pleurer, mais c'est un sujet.

Tu chantes "Je dis pas que c’était mieux avant / Je dis juste que c'est pas évident / De dépasser l’âge qui plait tant". Il y a des étapes qui t'ont marquée ?
Oui oui ! Je crois que j'ai vécu tous mes 20 ans jusqu'à mes 33 ans comme si j'en avais 23-24. Je n'ai jamais calculé que j'étais en train de passer des étapes. Quand j'ai eu 34 ans, je me suis dit : "Ah là, tu as vraiment dépassé la vingtaine !" C'est là que le basculement émotionnel s'est fait.

Ce sont les autres qui le font ressentir ou ça vient de toi ? Car tu parles beaucoup en réaction aux autres sur le titre.
Oui, bien sûr, c'est le regard des autres, le regard qu'on pose sur toi. Après, je n'ai pas été non plus... Mais c'est latent si tu veux. J'ai voulu en parler parce que ça pèse sur nous, de manière inconsciente. C'est marrant, j'ai eu des retours d'hommes dans la trentaine à qui ça parle aussi vraiment cette chanson.




Très peu de femmes continuent leur carrière après un certain âge
C'est un vrai sujet d'autant plus pour les femmes dans la musique...
Oui c'est un métier d'image et qui prime beaucoup aussi à la nouveauté. Ce sont des choses assez mises en avant dans le métier. Plus les années passent, toi tu as beau te renouveler, ne plus être la même, traverser mille conquêtes, en gros, si on te connaît déjà, on te connait déjà. Et ça s'amplifie avec les années qui passent et donc l'âge que tu as. J'ai toujours eu ce truc de me dire : "A 36 piges, j'arrête tout". J'ai toujours ressenti ça, on voit très peu de femmes qui continuent leur carrière musicale au-delà, à part Cat Power ou Mylène Farmer, mais il y en assez peu je trouve. Alors que des hommes, il y en a en veux-tu en voilà...

Oui et les popstars, quand elles deviennent mamans, elles sont vite rangées dans une case, et plus généralement les femmes de plus 40 ans ne passent plus en radio...
Oui... Maintenant, je me dis que c'est la nouvelle génération qui doit continuer au-delà. Il ne faut pas s'arrêter de faire quoi que ce soit parce qu'on nous dit que ce n'est plus bon ! Mais c'est sociétal, je fais un parallèle avec mon expérience mais c'est un truc tellement vrai pour toutes les femmes.

J'aimerais te parler de la chanson "Mieux mieux" qui est très sexuelle...
Oh yeah !

Comment on fait pour écrire une chanson de sexe sans tomber dans la vulgarité ou même la facilité ? Car là on comprend tout ce que tu veux dire mais c'est super subtil...
Je n'ai pas trop de mots interdits dans ma tête, je pense que mon cerveau les exclut tout seul de base. Le plus dur c'était de faire ressentir une forme de sensualité sans nommer proprement les choses ou en tout cas utiliser des images. J'aime bien passer à gauche à droite, faire des détours. Ce qui est beau dans la sexualité pour moi c'est plus les choses qu'on s'évoque plutôt que le truc en lui-même. C'est ma vision du cul, il y a une grosse part évocatrice et d'imagerie.

C'est aussi intéressant en tant que femme de parler de sexe librement...
Bien sûr !




Comme Dua Lipa sur "Good in Bed" !
Ah mais oui, je l'adore cette chanson d'ailleurs. Après, je l'ai pas pensé comme ça mais je pense que c'est important qu'on s'approprie tout ce qu'on a envie de s'approprier, qu'on parle de tout ce dont on a envie de parler.

Il y a un titre fort aussi "TDC", où tu scandes "tous des connards, c’est bien connu".
Tu vois que j'ai pas ma langue dans ma poche ! (Rires) "TDC", elle est assez ambivalente. J'ai envie qu'elle serve quand tu es trop énervé, que tu mets tout le monde dans le même panier, que tu n'as aucun recul. Je veux qu'on puisse l'écouter en mode "premier degré x3000". Et après le "tous des connards, c’est bien connu", c'est ultra ironique car bien entendu que non ! C'est une chanson à double lecture, on prend ce qu'on veut ! J'avais vraiment l'idée d'une meuf qui explose tout dans sa pièce. Et c'est une chanson que j'imaginais bien en live, surtout la fin avec ce solo de batterie ultra saturé. J'avais vraiment l'idée d'une meuf qui explose tout dans sa pièce. Si je fais un clip, ce sera ça l'idée !

Elle est née dans un moment de ras le bol ?
Non, moi c'est vraiment plus le côté moqueries. Mais d'ailleurs c'est marrant, du peu que j'ai fait écouter l'album, c'est la chanson qui gêne. Il y a des gens qui ont une réaction épidermique, qui sont dérangées par ces paroles, et qui me disent : "Tu es trop dure". Bah moi je suis là : "Bah si c'est trop dur, c'est qu'il y a un truc !" (Elle éclate de rire)

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