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Mademoiselle K en interview : "Avec cet album en anglais, j'ai refait ma carte d'identité"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Virage à l'anglaise pour Mademoiselle K ! A 34 ans, la rockeuse fait des infidélités à la langue de Molière sur son nouvel album "Hungry Dirty Baby", disponible dans les bacs depuis lundi. Une oeuvre entière et libre, tapageuse et électrique, dont la conception n'a pas été sans péril. Rencontre avec une âme rebelle guidée par ses instincts.
Crédits photo : Iris Della Roca et Lou Levy
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Note de la rédaction : l'interview a été réalisée le vendredi 9 janvier, le jour de la prise d'otage de Vincennes et deux jours après l'attaque terroriste contre Charlie-Hebdo.


La première question que j'ai envie de te poser, c'est... Comment tu te sens ?
Un peu sonnée, comme tout le monde. Ça a été le choc, le chaos !

C'est à la liberté d'expression qu'on s'est attaqué...
Ouais. C'est intolérable. Ce qui est dingue, c'est de voir à quel point ça nous rassemble. Tout le monde a eu besoin d'exorciser cette tragédie, moi j'en ai longuement parlé avec ma famille, mes amis... Je trouve ça important, d'en parler. Que dans les écoles, on glisse des directives qui incitent les professeurs à ouvrir le dialogue avec leurs élèves, de toute confession. Y'a rien de pire que se murer dans le silence. C'est une semaine très particulière...

Je me suis fait virer
D'autant que ton nouvel album "Hungry Dirty Baby" débarque dans les bacs, quatre ans après son prédécesseur, "Jouer dehors". Ça fait beaucoup d'émotions à gérer, non ?
J'ai la pression ouais, parce que les fans m'attendent au tournant... Y'a eu "Glory", "R U SWIMMING?" qui ont donné un aperçu de la couleur du projet mais là, c'est le vrai son de l'album ! J'espère que ça leur plaira, que le reste sera à la hauteur. Y'a un côté traître avec l'attente dont je me méfie. J'ai mis quatre ans à le faire et ça fait un an que j'ai commencé à communiquer sur le virage anglais en expliquant avec humour, ou pas, la vérité, qui est que j'ai voulu faire un album en anglais et que je me suis fait virer à cause de ça. Là, je produis moi-même le disque... Forcément, ça rajoute une pression supplémentaire sur les épaules !

Et puis tu as changé de groupe, aussi.
J'ai gardé Peter, qui est mon guitariste et mon alter-ego, et qui joue aussi de la basse sur l'album, et je me suis séparé de mon batteur et mon bassiste, oui. Pas parce qu'on se mettait sur la gueule hein, on a partagé des choses extraordinaires et je suis restée en très bon terme avec eux. C'est vraiment un choix musical et artistique. C'est une conséquence du changement que j'ai voulu apporter. Donc j'ai un nouveau batteur, Colin, et c'est tout. On est en formation trio, c'est ça qui est nouveau. Et puis moi j'fais de la basse. J'ai deux nouveaux instruments : l'anglais et la basse. Ça groove !

Visionnez le clip "R U SWIMMING ?" de Mademoiselle K :



C'est un renouveau pour toi ? Ou du moins, un nouveau départ ?
C'est un nouveau cycle. Il y a eu les trois premiers albums, et là mon premier en anglais... avec tout ce que premier implique d'excitation. Y'a rien qui remplace les premières fois. J'ai une espèce de hargne, d'envie et de faim au fond des entrailles. I'm hungry !

Il me fallait du lourd, du rock à l'état pur
C'est vrai que sur les compos, et notamment sur "R U SWIMMING?", on te sent à la fois pleine de doutes et de détermination. C'était ça ton état d'esprit en les écrivant : prouver quelque chose ?
Complètement. Déjà parce que je reviens à un truc rock. Le fait de ne pas chanter dans ta langue maternelle... C'est quelque chose que j'ai beaucoup dit mais avec cet album, j'ai refait ma carte d'identité. Tout d'un coup, je me présentais à des Britanniques et on m'disait "- Et tu fais quoi dans la vie ? - Je suis musicienne. - Et tu fais quoi comme style ? - Ben, je fais du rock". Et donc là, t'es quand même face à des Anglais, faut aller à l'essentiel ! Si ces personnes-là viennent demain à mon concert, qu'est ce que je veux faire ? Pour moi, c'était évident qu'il me fallait du lourd, du rock à l'état pur. Tout l'album n'est pas comme ça bien sûr, il y a des ballades et même un titre où il n'y a que des synthés, "Ur Wow". Mais l'esthétique et l'énergie, les riffs et une certaine manière de faire, qui est mon style à moi, sont rock sans hésitation.

D'où le choix "controversé" de délaisser la langue française pour l'anglais...
Oui. L'anglais m'a permis de me recentrer, de me rappeler qui j'étais, d'où me venait ma culture musicale. J'ai beau aimer beaucoup de genres différents, la soul, la pop, la musique classique aussi, là où je me sens le mieux et ce que je fais le mieux, c'est quand c'est rock. Quand ça envoie et qu'il y a de l'émotion.

Tu estimes que tes précédents disques le sont moins ?
Dans l'intention, parfois. C'est un reproche que je fais à mon troisième album : je me suis beaucoup appliquée. Dans ma manière de chanter surtout. Bon, c'est aussi parce que je m'étais pété la voix avant (Rires) C'est comme après une blessure : au début, tu y vas doucement puis en fait tu te rends compte avec le recul que t'y vas franchement ou t'y va pas quoi ! Sur ce nouveau disque, je lâche les chevaux. J'y vais à fond et je m'en branle !

Visionnez le clip "Glory" :



J'ai bossé à fond mon accent
On sent que tu as quand même beaucoup fignolé les arrangements.
C'est ça le deal : trouver le juste équilibre entre le lâcher prise et la musicalité. Même si ce sont des titres rock, ça se bosse. Par exemple, "Hundry Dirty Baby" est le morceau le plus punk mais il est coupé en deux parties. Le début est très mélodique, très pop et puis ça part assez véner. Ca me plait ! Mais à la base, il n'y avait que la partie punk. On l'a joué en concert au Brésil et j'voyais bien que ça prenait tout de suite, ces « fuck you, fuck you ». Le public était hystéro ! Sauf qu'en studio, j'étais là « ouais d'accord, bon, c'est un moment, c'est cool, j'aime bien ce que ça dit, mais l'histoire est pas complète ». Et puis un jour on a trouvé cette harmonie qui venait d'ailleurs et je leur ai dit « Putain ben voilà les gars, là, j'ai une chanson ! ». Ce « fuck you », c'est un cri d'amour avec des mots crus. Avec cette introduction, on comprend davantage l'histoire qui se dessine derrière.

L'anglais, ça t'a aussi forcée à faire plus attention aux mélodies justement ? Le public français risque d'être, consciemment ou non, moins attentifs aux textes...
C'est important de préciser que j'écris une chanson, qu'elle soit en français ou en anglais, parce que j'ai quelque chose à dire. Mais les mélodies, je les ai toujours travaillées et re-travaillées, encore, sur chacun de mes albums. La découpe entre les mots, la rythmique, les loops... Mais t'as raison, ici, du fait qu'on ne comprenne pas tout de suite ce que je dis, on accède plus directement à la musique. Et donc au ressenti. C'est ce défi là qui m'a intéressée parce qu'il faut pas te louper !

Du coup, tu as effectué un travail particulier sur ta voix ?
Sur l'accent, oui ! J'ai été trois mois dans une école de langue à New York, à raison de cinq heures de cours par jour, puis j'ai suivi le même process à Londres où je me suis totalement immergée dans la population. Le plus drôle, c'est qu'aujourd'hui je vois clairement la différence sur les chansons, en fonction de leur date d'enregistrement ! J'ai toute une série d'exercices que je fais tous les jours, pour peaufiner mon accent... C'est comme de la muscu, en fait.

Puisqu'on parle de Londres, tu avais des références en tête pendant la conception de l'album ?
J'ai toujours fan de The Clash, de Bowie, The Cure aussi... Tous ces mecs qui ont un don pour créer du rock dansant, du rock qui groove. On m'a beaucoup parlé de Franz Ferdinand pour "Glory", notamment pour le riff. C'est totalement assumé, leur premier album est fantastique...

Au fond je suis toujours la même
Un petit côté Strokes sur "R U SWIMMING?", non ?
Tu me flattes ! (Sourire) Avec "Glory" justement, c'est un des morceaux que j'ai enregistrés dès mon retour de Londres. L'esprit britannique m'habitait encore. "Someday" par contre, c'est ma chanson de New York. Je tenais vraiment à ce qu'elle soit la dernière piste de l'album car c'est l'une des plus anciennes chansons que j'ai écrites et qu'elle résume "Hungry Dirty Baby". Le monologue qu'on entend à la fin, c'est un extrait de "Permanent Vacation" de Jim Jarmusch. L'histoire d'un mec qui erre de squat en squat... C'est un film très punk, son tout premier, filmé en plan-séquence. Et quand j'ai entendu ce monologue, je suis dit "Putain... mais c'est exactement ça". En gros, ça dit « Tu marches pour la première fois dans cette chambre, tout est nouveau et tout d'un coup la nouveauté s'en va. Et là y'a cette angoisse qui te choppe.. Tu vois pas forcément ce que j'veux dire mais quoi qu'il arrive, tu comprends que là il est temps de se barrer. D'aller dans un autre endroit ». Et donc c'est exactement ce qu'il s'est passé pour moi. Ce qui a été à l'origine de tout ce processus, de cette envie de chanter en anglais, c'est vouloir proposer quelque chose de différent. Se renouveler. Ce projet, c'est une déclinaison de l'artiste en moi, mais au fond, je suis toujours la même.

Écoutez "Someday" de Mademoiselle K :



Y'a eu un moment où tu as failli tout abandonner, devant la montagne d'obstacles qui se dressait devant toi ?
Je me suis beaucoup demandé si je me mettais en difficulté pour les bonnes raisons. Ou plutôt si ça allait aboutir à quelque chose de bien. Parce que je me suis sacrément foutue dans la merde ! Mais si t'es artiste, tu dois suivre ton instinct. Quoi qu'il arrive. Quoi qu'on te dise. Y'a personne qui croira en lui mieux que toi. Si t'as peur de te lancer, alors fonce !

Crédits photo : Iris Della Roca et Lou Levy

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