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Lonepsi en interview : "Mon rêve c'est de faire une oeuvre intemporelle"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Il mêle à la perfection la langue française et le rap, et vient de publier son EP "Toutes les nuits du monde". Lonepsi se confie en interview pour Pure Charts sur la mélancolie de ses textes, son amour pour la nuit, et son premier album à venir. Entretien avec un artiste à suivre de près.
Crédits photo : Tanguy Dlvt
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Comment as-tu découvert ta passion pour l'écriture ?
C'était tout petit mais je n'ai pas de souvenir exact du moment où je me suis dit que l'écriture allait avoir une place importante dans ma vie. Tu ne peux pas te souvenir de la première fois qu'il a plu ou du premier mot que tu as appris, sauf si on te le rappelle. C'est comme si elle était là depuis toujours.

Ma mère m'a dit que je pouvais raconter des histoires autrement qu'en parlant
Même pas du premier texte que tu as écrit ?
Il n'y a pas longtemps, je suis retombé sur un poème que j'avais écrit au CP pour la fête des mères. Quand je l'ai lu, je ne savais pas que c'était de moi, et je me suis dit naïvement que j'aurais pu l'écrire. Je n'avais que six ans, c'est marrant. Quand j'ai vu que c'était signé par moi-même, ça m'a fait un drôle de truc. Ma mère l'avait recopié à l'ordinateur et l'avait imprimé. Je ne m'en souvenais pas.

Et le rap c'est venu comment ?
C'est venu beaucoup plus tard, durant le passage entre le lycée et la fac, vers 17/18 ans. Avec mes deux meilleurs amis de l'époque, on regardait des films comme "8 Mile", on écoutait énormément de rap. Je ne raconte plus trop cette anecdote car on en fait des gros titres dans les médias, mais je te le dis quand même. On aimait bien regarder les rap contenders. C'est par les battles que j'ai commencé le rap, en écrivant une suite d'insultes pour avoir les meilleures vannes que son adversaire. Quelques années plus tard, j'ai compris que l'écriture que je faisais avant, qui n'avait rien à voir avec le rap, je pouvais m'en servir pour faire une musique qui me ressemble d'avantage. Ces battles, je m'amusais bien mais ça ne me ressemblait pas.

Regardez le clip "Je ne sais pas danser" de Lonepsi :



C'est vrai que ça a l'air très loin de la personne que tu es quand on écoute tes chansons aujourd'hui...
C'était la fin de l'adolescence, dans l'expérimentation des choses... Je suis passé par là et j'en suis très très content parce que ça m'a donné un socle assez solide et des techniques d'écriture que la chanson française n'a pas et qui sont vraiment propres au rap.

Il y a de la mélancolie et de la tristesse dans mes chansons
Quand tu as commencé à écrire, c'était quoi l'envie ?
Toutes les explications d'aujourd'hui j'ai l'impression qu'elles remontent à l'enfance. En primaire, je suis revenu un jour de l'école en étant vraiment très triste. Ma mère me demande pourquoi et je lui dis : "Je n'arrive pas à raconter des histoires. Dans la cour, quand chacun raconte son week-end ou ses vacances, c'est passionnant, mais quand ça arrive à mon tour, je n'arrive pas à rendre mon propos intéressant". Ma mère m'a dit que je pouvais raconter des histoires autrement qu'en parlant. Elle ne m'a pas dit d'écrire, c'est ce que mon cerveau a compris. Donc c'était un moyen de raconter des choses, autrement qu'avec la parole.

Beaucoup de gens t'ont repéré dans le "Planète rap" de Georgio en 2015. Comment ça s'est fait ?
Si je peux me permettre, le "Planète rap" de Georgio ne m'a pas donné énormément de visibilité. Par contre, c'est un accomplissement dans la vie d'un rappeur qui est assez conséquent, même si on est un invité figurant. Je n'ai pas eu de nouveaux auditeurs après ça, mais j'ai pris énormément d'assurance. Sopico connaissait bien Georgio, il m'a pris sous son aile et il m'a invité dans "Planète rap". Je ne connais pas personnellement Georgio, mais il invitait les potes de ses potes et j'en faisais partie.

Chaque oeuvre artistique a un impact considérable sur ma façon d'écrire
Je t'ai vraiment découvert en 2018 avec le projet "Sans dire adieu", et j'ai tout de suite beaucoup aimé tes chansons comme "Ma dernière chanson triste". La mélancolie a une place primordiale dans ton univers. D'où elle te vient ?
Je suis complètement d'accord avec ça. Il y a de la mélancolie et de la tristesse dans mes chansons. Ma première claque musicale, c'était au collège, en écoutant "Le clair de lune" de Debussy. C'est une musique triste, harmoniquement parlant ça raconte une histoire qui n'est visiblement pas joyeuse. Quand j'ai écouté cette musique, je me suis dit que je voulais avoir une place dans le monde de la musique. Je ne savais pas que j'en ferais mais ne serait-ce qu'avoir un rôle passif, juste être mélomane. Je ne savais pas que j'allais en faire mon métier. C'est cette musique-là qui a conditionné le reste. Peut-être que toutes mes musiques en sont des déclinaisons. Même si je ne m'en approche pas, peut-être que la sensation que j'ai eu, j'ai envie de la procurer à ceux qui m'écoutent.

Tu parles essentiellement de tes sentiments, de tes peines de coeur, de tes peurs et de ta sensibilité dans tes chansons. Ce qui n'est pas répandu à ce point dans le rap français. C'est primordial pour toi ?
Quand je fais de la musique, je la fais dans un premier temps pour moi. J'essaie d'être le plus sincère et forcément quand on est honnête avec soi-même on se met face à nos peurs, nos doutes, nos expériences, nos relations, les échecs. Forcément, ce qui en ressort dans mes musiques et mes textes, ce sont mes désirs que je n'ai pas réussi à combler ou des objectifs que j'ai envie d'atteindre. Après, il y a plusieurs types de rap, et les premiers rappeurs c'était Brel, Brassens, Renaud. Ils parlaient de leurs faiblesses et les assumaient complètement. Si je suis l'héritier d'une certaine forme de rap, c'est de ces artistes-là qu'il s'agit.

Ecoutez "Aveugle" de Lonepsi :



Tes textes sont très écrits, souvent dans un langage assez soutenu. Tu t'inspirais de Beaudelaire sur "Le chien et le flacon" et tu as posté un texte d'Aragon récemment sur Instagram. Cette culture littéraire t'a aidé à développer ton style ?
C'est certain que les auteurs et les livres que j'ai lu ont eu un impact considérable sur ma façon d'écrire. Sur toute ma vie en fait. Chaque oeuvre artistique a un impact considérable. Si tu m'enlèves un film, une pièce de théâtre, un livre ou une musique, tu m'enlèves probablement une rime, une musique ou une phrase.

On ne raconte que ce qui a eu une fin
Il est souvent question d'amour dans tes chansons, et parfois tes textes sont de véritables déclarations comme "Aveugle" ou "Toutes les nuits du monde". Les personnes dont tu parles ont entendu tes chansons ? Tu as eu des retours ?
Non... Tu sais, je pense que les histoires d'amour, ce sont des histoires parce qu'elles sont racontées. Et on ne raconte que ce qui a eu une fin. Si je suis en train de vivre quelque chose, je ne pense pas à en faire une musique. Toutes les histoires que je raconte sont des histoires qui appartiennent au passé. Je ne sais pas si elles ont écouté, peut-être... Mais je ne garde pas contact avec les fantômes du passé donc je n'ai pas la réponse. (Sourire)

Je ne me trompe pas si je pense tu écris beaucoup la nuit. Tu dis même sur Facebook "j'ai enfin l'impression de pouvoir penser librement" à la nuit tombée. Comment tu l'expliques ?
Je n'arrive à écrire que la nuit. Il y a quelque chose de mystérieux dans l'amour que je porte à la nuit. C'est sans doute parce que quelque chose m'échappe que j'aime autant ce moment-là. Dans la journée, quand je sors, je vois des gens qui sont pressés, qui ne pensent pas à ce qui les entoure mais à ce qui les préoccupe. Ça me rend triste et ça m'empêche de rêver. J'ai de la peine pour ces gens-là qui ne sont visiblement pas libres. Je ne raffole que d'une chose : la liberté. Le jour, quand la lumière est forte, tout ce qu'on voit nous est montré presque contre notre gré. La nuit, c'est nous qui choisissons où on veut regarder. La nuit décuple l'imagination, on cherche à se construire un monde qui ne nous est pas donné si facilement.

Sur ton nouvel EP "Toutes les nuits du monde", qui vient de sortir, tu composes et écris seul. C'est important pour toi de contrôler chaque mot et chaque production ?
Bien sûr j'aime que sur le papier il n'y ait que mon nom, mais je n'ai pas encore rencontré la personne qui m'a compris artistiquement parlant. J'ai fait énormément d'essais avec plusieurs professionnels de la musique, plusieurs réalisateurs et producteurs, et je ne suis jamais tombé sur quelqu'un qui m'ait compris. Pour l'instant, je compose et j'écris tout tout seul. L'écriture, je ne pourrais pas partager ma plume avec quelqu'un d'autre, mais la composition, ce n'est pas la discipline où j'ai le plus de facilité. J'ai énormément de lacunes. Le jour où je rencontrerai une personne qui me comprenne, artistiquement parlant, j'ouvrirai grand la porte.

Regardez "La signification du verbe oublier" de Lonepsi :



Mon rêve c'est de faire une oeuvre intemporelle
Il y a un album qui arrive, que tu considères comme ton premier album. Que veux-tu accomplir avec ce projet, forcément très important pour un artiste ?
Le premier album, je suis tellement exigeant, qu'il n'est pas prêt, c'est certain. Je ne sais pas ce que je veux accomplir. Peut-être que c'est une oeuvre dont je veux être fier quelque que soit l'âge, avec les années qui passent. Mon rêve c'est de faire une oeuvre intemporelle. C'est mon objectif mais c'est tellement difficile. Mais il n'y a pas de recette. A part le travail. Tu sais, j'ai eu le Covid pendant le confinement, j'ai dû arrêter de composer et d'écrire pendant un certain temps, et depuis que je me suis remis je ne fais que de composer. Je pense que je suis en train de trouver une direction artistique et une idée qui me plaisent beaucoup.

C'est-à-dire ?
Il est encore mystérieux pour moi ce premier album mais il y a un truc qui n'est pas présent dans le rap c'est des instrumentales qui sont orchestrales, cinématographiques. De plus en plus, je me dirige vers ce genre de productions là. Faire un film, sans images, juste avec un CD, ce serait mon ambition pour l'album. Mais je ne suis que dans l'expérimentation et je ne sais pas encore si je vais y arriver.

Toi qui as l'air timide et réservé, comment tu abordes l'expérience de la scène ?
Ce n'est pas du tout douloureux la scène pour moi. C'est un endroit qui me permet de rencontrer les personnes qui font exister ma musique en dehors de ma chambre. Je suis toujours reconnaissant. J'ai envie de donner le meilleur de moi quand je suis sur scène et que je vois leurs sourires, leur bienveillance, leur vibration, et que j'entends leurs silences. Je ne peux qu'être heureux. C'est un moment immense. J'ai une tournée qui est prévue en 2021 d'une vingtaine de dates et j'ai très hâte de remonter sur scène.

Ecoutez "Incendie" de Lonepsi :

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