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vendredi 29 mai 2020 16:35
"Chromatica" : Lady Gaga ramène son univers sur la piste de danse (CRITIQUE)
Lady Gaga exorcise ses peines et retrouve la lumière sur son nouvel album "Chromatica", pur concentré de tubes dance calibrés pour les clubs. Que vaut le disque dans son ensemble ? Découvrez notre critique !
Crédits photo : Polydor
Vous l'avez réclamée à tort et à travers, elle vous est servie sur un plateau d'argent. Avec son sixième album studio "Chromatica", la star de la pop flamboyante qu'était Lady Gaga aux prémices de sa carrière est de retour pour faire danser la planète entière, ou plutôt nous transporter dans sa propre galaxie. Cheveux teinte chewing-gum et bottes futuristes au bout de ses jambes fuselées, la diva s'éloigne complètement de l'élégante chanteuse en quête de gloire qu'elle incarnait dans le film "A Star Is Born" (2018), dont la bande-originale lui a valu de décrocher un Oscar et d'élargir considérablement le spectre de son public. On s'attendait à la voir proposer un disque hybride fusionnant les genres ? Elle fait tout l'inverse ! Sans une once de retenue, Lady Gaga saute à pieds joints dans l'eurodance des années 90 avec ce projet intégralement taillé pour de chaudes et folles nuits en discothèque. « My name isn't Alice / But I'll keep looking for Wonderland » donne-t-elle d'emblée le ton sur "Alice", véritable piste d'ouverture de l'album co-produite par Bloodpop et Axwell qui, derrière sa redoutable énergie, offre le point d'entrée d'un voyage supersonique qui ne ralentit jamais ou presque la cadence. 120 battements par minuteSoyez prévenus, "Chromatica" se dévore d'une traite en remuant frénétiquement du bassin. Il n'y a pas l'ombre d'une ballade à l'horizon ni aucun temps mort, hormis trois interludes symphoniques qui ne servent qu'à décupler la puissance des morceaux qu'elles introduisent, comme cette transition ravageuse entre "Chromatica II" et "911". Lady Gaga va droit au but et gomme les erreurs du mal-aimé "ARTPOP" (2013), projet ambitieux mais brouillon au possible qui s'éparpillait dans tous les sens sans parvenir à trouver une ligne directrice pour faire cohabiter des titres diamétralement opposés. Ici, tout est d'une limpidité exemplaire. Les 13 morceaux sont courts, d'une précision chirurgicale, confectionnés avec finition (notamment par les compositeurs français Madeon et Tchami) et parfaitement cohérents... quitte à égarer ce soupçon de créativité qui insufflait à l'album "Born This Way" (2011), pour ne citer que lui, cette dimension avant-gardiste. A LIRE - Lady Gaga dévoile les secrets de Chromatica" : "Faire cette musique m'a guérie" Non, "Chromatica" n'est pas révolutionnaire. "Sour Candy", enregistré avec le groupe k-pop BLACKPINK, décline le même beat déjà daté qu'utilisait Katy Perry dans "Swish Swish" il y a trois ans, et le très rétro "Babylon", aussi sympathique soit-il, porte les réminiscences de l'intouchable "Vogue" de Madonna. Déroutante, son alliance avec sir Elton John sur "Sine From Above" s'achève par 30 secondes de drum and bass presque posées pour remplir un cahier des charges sur la décennie 90. Regardez "Rain On Me" de Lady Gaga et Ariana Grande : She's not havin' fun tonightEt pourtant, le disque atteint ses objectifs grâce à une redoutable efficacité. "Stupid Love", excellent lead single dopé aux amphétamines, répond dans ses intentions au cathartique "Free Woman" là où "Replay", avec sa production house complètement nostalgique, est assuré de tourner en boucle dans les playlists d'été. Lady Gaga l'a bien compris : les meilleurs hymnes pop naissent de la souffrance ("Dancing On My Own", "Rolling In The Deep"...) et chaque morceau de "Chromatica" porte le sceau de la détresse dans laquelle Stefani Germanotta se trouvait durant leur conception. La chanteuse, en proie à une dépression, l'a expliqué elle-même : la célébrité et ce personnage de Lady Gaga, cette Mother Monster aussi charismatique qu'exubérante qu'elle s'est créée comme une armure, lui ont fait perdre son sentiment d'humanité. Ce que traduit le désabusé "Plastic Doll", grower qui en dit beaucoup entre les lignes (« Why is she cryin' ? What's the price tag? / Who's that girl, Malibu Gaga? Looks so sad, what is this saga? ») ou "Rain On Me", duo événement partagé avec Ariana Grande où les deux popstars transforment les traumatismes vécus en force motrice : « I'd rather be dry, but at least I'm alive ». Des messages à la formule simple mais dans lesquels tout le monde se reconnaîtra. Posant son coeur sur le dancefloor, Lady Gaga signe avec "Chromatica" une oeuvre exutoire et pragmatique qui ne s'embarrasse d'aucun détour pour parvenir à son but : conjurer la peine d'une artiste en mal de repères pour en faire une musique réchauffant les corps avec ses rythmes fédérateurs et bourrés de références. Pas de réel coup d'éclat mais un plaisir non feint de retrouver cette folie qu'on aime tant.
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