CorneilleVariete Francaise » Variété française
mercredi 13 mars 2019 12:10
Corneille en interview : "C'est un métier où on peut être très seul"
Par
Julien GONCALVES
| Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Après un album de reprises, Corneille revient avec un disque de chansons originales, "Parce qu'on aime". Le chanteur se confie à Pure Charts sur la période où il ne voulait plus écrire, sur son alchimie avec sa femme Sofia ou sur ses rêves de star.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves. Tu sors ton nouvel album "Parce qu'on aime", un an après le précédent qui était un disque de reprises. C'est un autre exercice, j'imagine... Ce n'est pas du tout le même défi. "Love & Soul" c'était un side project comme on dit en bon français. J'avais besoin de le faire à ce moment-là. Et tout de suite après j'ai vraiment eu envie de recommencer à composer, j'ai écrit les textes avec mon épouse Sofia. Ce que je préfère, ça dépend du moment, des envies. Là, je me sens dans l'expression "pure" de ma personne, c'est sûr. J'avais un petit peu perdu le plaisir de chanter Ce projet n'était pas du tout imposé par ton label ? Ça venait vraiment de moi. C'est arrivé après le livre. J'ai écrit mon autobiographie et j'ai vraiment pris goût à cette liberté, d'avoir le texte et l'espace, et de ne pas avoir de contraintes, de structurer couplet-refrain-couplet-refrain. J'ai trouvé là-dedans une grande liberté donc j'ai eu du mal après à me remettre dans l'écriture de chansons originales. J'avais besoin de faire autre chose avant de m'y attaquer. Comme je connaissais les chansons par coeur... Cet album, c'était la bande-son de mon enfance. Je l'ai fait en espérant que l'inspiration revienne. Tu as eu le syndrome de la page blanche ? Non, même pas. Je savais qu'après le livre, je n'avais pas envie d'écrire de la chanson, mais j'avais envie de chanter. J'avais aussi un souci avec ma voix, je trouvais que j'avais un petit peu perdu le plaisir de chanter. En chantant les chansons des autres, d'artistes que j'admire, je me suis dit que j'allais forcément le retrouver. Je revenais un peu au côté amateur. Je me "déprofessionnalisais". Je voulais retrouver une légèreté dans ma façon de chanter car ça devenait un peu lourd. Un artiste n'est jamais aussi libre que sur le premier album Comment tu expliques avoir perdu ce plaisir ?Plusieurs choses... C'est un métier qui est déstabilisant, où on donne énormément et où on reçoit énormément. Et c'est un métier où on peut être très seul. J'ai eu la chance de rencontrer Sofia il y a près de 15 ans, on a construit quelque chose et à travers ça je me suis reconstruit. Ma vie, ce qu'on construisait... Notre famille me semblait plus important que ma carrière à ce moment-là. Car il n'y a pas de carrière si la tête ne va pas bien. Si on veut durer, il faut s'assurer que psychologiquement ça suit derrière. Et puis, j'avais déjà six albums où j'avais écrit, composé et réalisé, donc j'ai eu besoin d'un petit break. Comment l'envie est revenue ? C'est le temps ? Oui, le temps, tout simplement. Et le fait d'avoir fait d'autres chose. Je me suis occupé de ma famille, j'ai participé à plein de projets comme les Kids United ou Forever Gentlemen, même des collaborations avec des rappeurs comme Soprano, Kery James ou Youssoupha. Et en écrivant pour d'autres, M Pokora, la comédie musicale "Robin des bois"... En touchant à plein de choses qui sortaient de mon cadre artistique habituel. Pour revenir, avec cet album, à ce que je fais de mieux, la soul-R&B en français. Regardez le clip de "Tout le monde" par Corneille : Tu l'as dit, tu écris avec ta femme Sofia. Comment ça se passe ? Au fur et à mesure, car on n'avait pas de projet précis, on s'est rendu compte qu'on avait un thème qui était récurrent : l'amour en couple, avec le projet de durer. Dans notre cas, c'est facile car on ne joue pas sur le terrain de l'autre. Elle, son exercice consiste à prendre des idées qui peuvent être complexes et les réduire en quelque chose de plus efficace, et moi derrière je mets ça en musique. Mon truc c'est la musique, la réalisation. Cette complémentarité-là évite le conflit. Et on se connaît par coeur donc ça nous permet de tirer l'un et l'autre vers le haut, en étant très franc, avec bienveillance. On est quand même vulnérable quand on écrit des choses intimes, et de le faire ensemble, ça me permet d'être rassuré, de me sentir compris et pas jugé. Et ça me permet d'être encore plus honnête et de réellement assumer cette forme d'intimité que j'expose. Le succès m'a frappé de plein fouet Dans la présentation, on lit que c'est "l'album de la liberté retrouvée". Tu l'avais perdue ?Oui, bien sûr, mais c'est normal. Surtout pour un auteur-compositeur-interprète. Il ne sera jamais aussi libre artistiquement qu'au moment de son premier album. Surtout quand, dans mon cas, on a essuyé beaucoup de rejets de maisons de disques. Tout ce qui a suivi après, je pense que je l'ai fait dans la résistance aux autorités qui viennent avec le succès, comme le public qui est l'autorité la plus légitime. Une fois qu'on a rencontré un public, on a envie de le conserver. Et il y a le risque d'aller là où on nous attend. Moi, j'ai toujours fait l'inverse. Dès que je sentais qu'on m'attendait quelque part, j'allais dans l'autre sens. (Rires) Je suis comme ça, j'ai un souci avec l'autorité ! Et l'autre autorité, un peu moins légitime, c'est l'autorité médiatique. Et je pense que je me suis un peu perdu dans cette résistance. Je commençais à perdre en spontanéité. Avec le temps, j'ai arrêté de me prendre la tête et de devoir prouver certains trucs. J'ai voulu revenir au plaisir de faire de la musique. Sur "Philadelphia", tu fais un clin d'oeiil à la chanson "Rêves de star". Étaient-ils conformes à ce que tu as vécu ? Ce qui est étrange, c'est que quand on commence à écrire des chansons, à chanter dans des bars, en rêvant de connaître le succès, on en rêve mais sans savoir. On a aucune mesure de ce que ça représente au quotidien. Donc quand ça te tombe dessus, on tombe de haut. Je ne peux même pas te dire quelles étaient mes attentes par rapport au succès mais ça m'a frappé de plein fouet. Je ne savais pas ce qui m'attendait. Le seul rêve que j'ai réalisé, c'est d'avoir trouvé un public et d'avoir l'impression d'avoir laissé une trace, d'avoir existé dans la petite histoire de la musique de ces 15 dernières années. Je commence à écrire un roman Avoir connu un immense succès tout de suite a-t-il été un cadeau empoisonné ?Non, je ne changerai rien. Je pense que tout ce que j'ai réussi à construire, dans ma carrière, et la liberté que j'ai pu avoir à dire "non", de ne pas céder aux pressions, de rester sur ma voie, quitte à avoir moins de succès, quitte à me retirer complètement de la scène, je le dois au fait d'avoir connu un succès en étant moi-même. Ça n'a pas de prix. Je suis reconnaissant de ce succès. On te sent apaisé aujourd'hui... Oui, apaisé, c'est le mot. Je n'ai jamais été aussi apaisé et je suis content de savoir que ça se sent. L'être c'est bien, mais c'est encore mieux si on le transmet. Tu me disais que tu avais pris beaucoup de plaisir à écrire. A termes, te vois-tu remplacer la chanson par la littérature ? Remplacer, non non. Mais je commence à écrire un roman. Je pense qu'il y aura beaucoup de musique dans mes romans. On ne sait jamais ce que peut nous réserver la vie, mais je ferai toujours de la musique. Et si ce n'est pas moi qui suis devant, je serai derrière un ou plusieurs artistes. J'aime trop la musique pour ne pas en faire.
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