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lundi 17 janvier 2011 22:00

Claire Keim en interview

En publiant son premier album, "Où il pleuvra", Claire Keim ne pensait sans doute pas devoir se justifier de ses choix artistiques. Nous sommes partis à sa rencontre pour tenter de comprendre cette artiste au talent controversé qui n'a pourtant aucune preuve à faire puisque ses compétences ont déjà été mises à l'épreuve de la scène. Fière d'un projet qui a mûri pendant de longues années, Claire Keim se confie sur ses inspirations qui se sont délicatement transposées sur partition.


Tu découvres l’industrie du disque et le travail de promotion qui y est associé. En revanche, on te connait déjà en tant que chanteuse, notamment parce que tu participes régulièrement au spectacle des Enfoirés, et aussi pour un duo avec Marc Lavoine, "Je ne veux qu’elle". Au milieu de ta carrière d’actrice, comment appréhendais-tu la rencontre avec le public pour tes chansons, et avec les médias ? (Jonathan Hamard, journaliste)
Claire Keim : Je ne l’appréhendais pas du tout. C'est très marrant parce que j’ai mis beaucoup de temps à écrire et à enregistrer ce disque. J’aurais pu faire un album beaucoup plus tôt car on m’avait proposé pas mal de chansons après le duo avec Marc Lavoine. Je ne voulais pas d’un album tout fait, prêt à chanter. J’avais évidemment réfléchi à ce projet mais j’ai préféré m’atteler à choisir une équipe qui m’encadre encore aujourd’hui, avec qui j’ai pu laisser mûrir mon projet. J’avais beaucoup de textes et de chansons que j’avais composées. Maintenant qu’il faut présenter ce travail, je te dirais que je n’ai pas réellement appréhendé ce moment. Je sais très bien ce qu’est la promotion pour un film ou un téléfilm, mais comme je ne savais pas ce que c’était pour un disque, je ne m’y suis pas réellement préparée. Je n’y ai pas réfléchi.

Et alors c’est beaucoup de travail ?
Et alors ? Oui, c’est beaucoup de travail. C’est surtout très difficile d’expliquer ses choix, ou pourquoi tu as écouté la petite voix en toi qui te demande de ne pas te presser. La seule chose qui peut justifier le temps que j’ai pris pour concevoir cet album, mener à bien ce projet, c'est parce que j’avais besoin d’explorer plusieurs univers musicaux pour en tirer ce qui est essentiel à mes yeux.

Ça aurait pu me faire du mal si c’était une violente critique envers mon travail, mais là, ce n’était pas le cas.
Tu ne l’appréhendais pas, mais tu as tout de même dû faire face à certaines critiques plus ou moins virulentes. Ton passage sur le plateau de Ruquier devant Eric Naulleau s’est très mal passé. Qu’est ce qu’on ressent à ce moment-là, compte tenu du contexte que tu viens d’expliquer ?
Je n’avais pas du tout anticipé cette attaque. Ça aurait pu me faire du mal si c’était une violente critique envers mon travail, mais là, ce n’était pas le cas. Quand un premier argument est infondé, comme lors de cette émission, le reste de l’argumentation tombe. Quelque part, ce n’était pas moi qui étais visée et dès lors, la critique me passe au-dessus. Après, je ne te dis pas que c’est un bon moment à passer.

Tu es tout de même restée sereine, même si on sent vite les limites de ta patience.
Tu as vu comme je suis restée calme ! Mais c’est vrai qu’il était temps que ça s’arrête !

D’autant que cet album est le reflet de ta personnalité. C’est une partie de toi, véritablement.
Oui, il est très sincère. Les critiques peuvent être difficiles, mais je ne me base que sur celles qui parlent de musique. Quand tu me parles de la tête que j’ai, je ne peux rien y faire. Je préfère parler des choses sur lesquelles je peux travailler. De toute manière, c’est bien de ne pas faire l’unanimité.



Tu parles de musique, je parlerais plus volontiers de mots avec toi. A l’écoute de ton album, j’ai compilé plusieurs idées que l’on retrouve tout au long de tes textes. En te les proposant, en te demandant ce qu’ils t’évoquent, on devrait normalement tirer une bobine de fil qui en dira davantage sur ce disque.
Ok. Je suis partante, c’est plutôt sympa.

C'est l’idée du romantisme qui domine très nettement.
Oui, sans doute. Il y a une petite fille romantique qui sommeille au fond de moi. Pour moi, être romantique, c’est très vague. Ça ne veut rien dire et dire beaucoup de choses à la fois. Le romantisme peut être très chiant et ennuyeux quand c’est un film avec des images délavées et des dialogues de série B. C’est aussi la violence que l’on peut retrouver dans une relation à la Alfred de Musset et Georges Sand. Dans mon album, on retrouve ces idées sur le titre "Où il pleuvra".

Je l’ai beaucoup plus perçu dans la chanson "Ce matin" pour ma part.
Oui, mais le romantisme à rude épreuve alors ! "Ce matin", c’est aussi le départ de l’être aimé. C’est une chanson qui dit que tout n’est pas si grave. Je ne suis jamais totalement désespérée, tout comme il y a toujours une part de moi qui contrebalance un état dans lequel je suis. Quant au romantisme, il m’a certainement inspirée sur la plupart des titres.

Je dirais volontiers que je n’ai pas peur de mourir mais peur de ne plus vivre.
On peut alors resserrer notre dialogue sur l’idée du temps qui passe. On te sentirait presque nostalgique. Ce sont tes expériences qui t’ont menée à en parler de cette manière là ?
C’est très juste ce que tu dis. Pour répondre à ta question, je dirais volontiers que je n’ai pas peur de mourir mais peur de ne plus vivre. C’est sans doute ce que tu as dû ressentir en écoutant l’album : dès lors qu’on parle de quelque chose, c’est un évènement, un sentiment ou un simple instant qui appartient au passé. Tu te dis que c’est fini. C’est encore pire quand il s’agit d’un moment de bonheur.

Ce qui peut mener au doute, ce qui te caractérise peut-être le plus à la lecture et à l’écoute de tes textes.
C’est un mot qui me résume très bien. Je suis dans le doute permanent. C’est aussi pour cette raison que j’ai mis du temps à faire ce disque. Comme j’ai décidé de ne répondre qu’à mes envies, et à faire ce que je pensais être le plus juste, ce travail fut très long. J’ai mis du temps à me mettre d’accord avec moi-même.

Le doute dans tes choix artistiques aussi ?
Tu sais, ce n’est pas moi qui ai fait les choix définitifs sur cet album. J’ai proposé les chansons qui selon moi étaient possibles pour le disque. On s’est tous mis ensemble pour se mettre d’accord et dessiner un arc-en-ciel avec plusieurs couleurs. J’avais besoin de l’aide de mon équipe pour faire les choix. Ce qui était le plus important pour moi, c’était de garder un certain équilibre entre des morceaux plus sombres et des chansons plus optimistes.

On ne connait la valeur des choses qu’une fois qu’on ne les a plus.
Beaucoup d’optimisme il est vrai, mais beaucoup de douleur. Le thème de la rupture amoureuse occupe une place majeure dans tes maux. Ce sont tes expériences qui t’ont insufflée tes textes ?
J’ai de plus en plus de mal à rencontrer des gens qui n’ont pas eu de gros chagrin d’amour dans leur vie. Moi, c’est ce qui m’a construite. Tu sais, la rupture peut provoquer chez toi le sentiment d’être mort alors que tu fais bonne apparence devant les gens. Ton entourage te dit bonjour, tu souris et ne laisse rien paraître alors qu’au fond de toi vit une douleur immense. Cet état peut durer des jours, des semaines, et parfois des années. Tu avances comme un robot. Puis, un beau matin, tu te réveilles et tu te regardes devant le miroir. Là, tu te dis que cette douleur n’est pas inintéressante. Elle a changé quelque chose en moi. Ce qu’elle ma apportée me rend beaucoup plus intéressante. On ne connait la valeur des choses qu’une fois qu’on ne les a plus. C’est la chanson "On sait ce qu’on perd".



Ne me dis pas que tu ne crois pas en l’amour heureux ?
Je sais très bien que l'amour parfait n'existe pas. Je pense qu’une de mes recettes pour que l’amour soit vivable, c’est d’accepter les choses. Il faut se concentrer sur ce qui est perfectible et cesser de chercher l’approbation à tout prix, même en allant à l’encontre de ses propres convictions. Il faut savoir s’écouter et avoir foi en soi.

J’alterne entre optimisme forcené et dépression aggravée.
Tu évoques la confiance en soi alors qu’on parlait à l’instant du doute. C’est un peu contradictoire.
Ce sont deux idées contradictoires mais qui se retrouvent côte à côte sur mon album. C’est pour cela que la première chanson s’appelle "Çà dépend", parce que véritablement çà dépend des moments. J’alterne entre optimisme forcené et dépression aggravée. Je suis quelqu’un d’assez sensible. Les choses me touchent très violemment. Je n’ai pas de filtre pour me protéger de la vie. On peut facilement sentir l’état dans lequel je suis.

Visionnez le clip "Çà dépend" de Claire Keim :


On dit d’ailleurs que « toutes les histoires d’amour finissent mal ». C’est ton avis ?
Ce qui rend l’amour aussi beau et fragile, c’est parce que souvent, il se termine mal. Je ne sais pas si toutes les histoires d’amour finissent mal, mais je sais que l’amour est quelque chose de rare et précieux.

Précieux comme le titre "Où il pleuvra". Il est signé Francis Cabrel. C’est lui qui te l’a proposé ?
Francis et moi, on s’est rencontré lors des Enfoirés. Il a su que je chantais et que je savais jouer du piano. Il savait que je souhaitais publier un disque. Après quelques années, il m’a demandé où en était mon projet. D’année en année, il se tenait au courant de son avancée. De mon côté, j’avais beaucoup de mal. Puis un jour, à la cantine des Restos, il est venu me voir en m’expliquant qu’il avait une chanson pour moi. Il m’a envoyé le titre mais il manquait les paroles des couplets. Je pensais qu’il oublierait mais finalement, j’ai très rapidement reçu un mail accompagné du fameux morceau. Dès lors, je me suis enfermée en studio avec mon bassiste. On a travaillé dessus comme des malades. On l’a traité comme une personne : on a tenté de l’habiller sans vouloir l’abimer, le grimer… Et puis je l’ai envoyé à Francis en me cachant les yeux. Finalement, il a été très satisfait du résultat. Tu vois, ça s’est passé très simplement.

En moi, je savais que j’avais une connexion avec l’âme de Francis Cabrel.
Ce doit être une très grande fierté pour toi qu’un compositeur aussi célèbre que Francis Cabrel te donne un titre comme ça alors que tu débutes ta carrière ?
Oui, bien sûr. C’est fou quand il t’arrive un truc pareil. Et puis, en y réfléchissant, je me disais que c’était évident qu’on travaille ensemble. En moi, je savais que j’avais une connexion avec l’âme de Francis Cabrel. Ce n’est pas possible de ne pas se comprendre alors que je suis bouleversée par ce qu’il peut dire dans ses chansons.

Cette première collaboration pourrait-elle être renouvelée ?
Pourquoi pas ! Mais c’est prématuré d'en parler. J’adore tout ce qu’il fait et j’adorerais travailler de nouveau avec lui. Je l’ai vraiment dans mon cœur.



C'est un artiste que tu dois beaucoup écouter. Qu’y a-t-il d'autre dans le baladeur de Claire Keim ?
Alors, cette année, j’ai vraiment apprécié Ben l’Oncle Soul. J’aime beaucoup Vanessa Paradis… Il y a aussi l’album d'Élodie Frégé.

C’est assez drôle que tu me parles de "La fille de l’après-midi" d'Élodie Frégé, et puis de "Divinidylle" de Vanessa car il y a de très grandes similitudes entre certains de tes titres et les leurs. Par exemple, "Ce matin", j’ai pensé à un titre de Vanessa…
"Junior Suite" ?

Oui, exactement.
Ça me fait plaisir car je suis très fan de cet album de Vanessa Paradis, et particulièrement de cette chanson. Ce sont deux artistes que j’apprécie vraiment beaucoup.

Mon rêve, c’est de partir à la rencontre du public.
Élodie Frégé et Vanessa Paradis, ce sont deux artistes qui font beaucoup de scène. Qu’en est-il pour toi ?
Cet album a été conçu pour la scène. L’aboutissement de mon rêve, c’est de partir à la rencontre du public. En travaillant sur "Où il pleuvra", j'y pensais déjà. On a même déjà prévu des concerts. On commence en mars dans un petit théâtre parisien. Après, je pense qu’on pourra se balader.

Ces deux artistes conjuguent elles aussi le cinéma et la chanson. Tu ne privilégieras pas une des deux activités par la suite ?
Ce sont deux passions et je n’ai pas l’intention de choisir. C’est le public qui me donnera la possibilité de continuer à jouer sur les deux tableaux ou pas. Il y a beaucoup de films qui nourrissent mes chansons. Les deux se marient très bien et j’espère vraiment pouvoir continuer le métier d’actrice et celui de chanteuse.

Suivez Claire Keim sur son site internet officiel.
Écoutez et/ou téléchargez l'album "Où il pleuvra" en cliquant sur ce lien.

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