Achats d'écoutes, piratage : entre 7 et 10% des streams en France seraient frauduleux

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
France 2 consacre un reportage au phénomène des streams frauduleux dans l'industrie de la musique. Achats d'écoutes, piratage : certains artistes n'hésitent pas à faire appel à des sites illégaux pour booster leurs chiffres. Comment procèdent-ils ? Explications !
Crédits photo : Pexels.com
Le phénomène n'est pas nouveau mais il a, avec la démocratisation à grande échelle des plateformes de streaming musicales, pris un nouvel essor qui inquiète. Selon un reportage récemment diffusé au 20 heures de France 2, « entre 7 et 10% des écoutes en ligne seraient frauduleuses ». Le rap, genre musical le plus populaire en France, serait particulièrement touché par cette vaste mouvance de triche très organisée, qui touche tous les acteurs du secteur dont les géants Deezer, Apple Music, Spotify ou encore YouTube. En mars dernier, Booba avait accusé Vald d'avoir acheté des streams pour booster les ventes de son album "V", écoulé à 74.100 exemplaires en première semaine. Puis il avait attaqué Ninho sur le même sujet. Des accusations réfutées par les principaux intéressés, mais qui soulèvent un vrai problème existant. « Depuis plus d'un an, on voit des artistes, avec une notoriété plus établie, qui ont des vrais streams mais vont chercher des streams artificiels pour accompagner un positionnement dans les charts » attestait Ludovic Pouilly, chargé des relations avec l'industrie musicale chez Deezer.

"On a chopé un de nos artistes"


Un attaché de presse, cité anonymement dans le reportage, confirme que la pratique est courante : « Dans mes artistes, il y en a qui le font mais ils ne le disent pas, je ne veux pas le savoir. Mais je le vois car les vues explosent ». Un label confirme même avoir « chopé » un de ses artistes la main dans le sac, avec « des chiffres anormalement hauts sur Amazon Music ». Mais comment les artistes s'y prennent-ils pour tromper les plateformes ? Comme le clame Alpha Wann dans "La lumière dans le noir", « Tu peux pas t'acheter du goût, mais tu peux t'acheter des streams ». En tapant "achat de streams" sur un moteur de recherches, des dizaines de sites proposent des offres commerciales - illégales - pour gonfler artificiellement des statistiques. Au regard des enjeux, les prix paraissent dérisoires : 7 euros pour 1.000 écoutes, et 3.000 euros pour le million de faux streams... affiché en promo. Une recette testée et approuvée par la journaliste avec la complicité d'un ami musicien, passé de quelques centaines d'écoutes mensuelles à 1.000 streams par jour, provenant principalement des Etats-Unis.

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Vers un changement du modèle de répartition ?


L'un des détenteurs d'un site proposant ce type de services a accepté de témoigner. Il explique pouvoir moduler le rythme des écoutes achetées afin qu'elles soient moins suspicieuses. Ses streams, il les achète par Skype à des revendeurs dont l'origine est impossible à tracer. Ils viennent de Dubaï ou du Liban, et leur technique consiste à pirater des comptes d'abonnés pour leur faire écouter à distance des titres qu'ils choisissent, sans même que les utilisateurs s'en aperçoivent. Cette semaine, Deezer a par exemple confirmé l'authenticité d'un piratage massif impliquant les données de 250 millions de comptes actifs dont 46 millions rien qu'en France. Petite astuce : n'oubliez pas de modifier régulièrement vos codes d'accès !

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Pour les plateformes, contrecarrer ces pratiques illicites est un véritable casse-tête car les arnaqueurs changent constamment de méthodes et multiplient les fausses pistes. Mais il devient urgent d'agir : l'impact de ces tricheries sur le marché de la musique est réel, en raison du système actuel. « Le modèle de rémunération du streaming musical aujourd'hui, il a cette particularité que l'argent que vous allez payer via votre abonnement ne va pas être directement affecté aux artistes que vous écoutez, mais reversé dans un pot commun, qui sera ensuite répartis entre les artistes en fonction de leurs parts de marché » explique Guillaume Cottet, le directeur général de l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI). De plus en plus de voix s'élèvent donc pour réclamer un changement du modèle en place vers un système dit "user-centric", où les 10 euros d'un abonnement d'un utilisateur seraient directement reversés aux artistes qu'il écoute. A l'heure actuelle, concernant l'achat de streams, deux plaintes ont été déposées par la Sacem (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique) pour complicité d'escroquerie.

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