Stephan Eicher, Post Malone, Rose : 3 albums au banc d'essai

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Pure Charts passe en revue trois albums phares du moment. Stephan Eicher nous offre ses "Homeless Songs", Post Malone confirme son talent avec "Hollywood's Bleeding" et Rose raconte sa résurrection sur l'intime "Kérosène". Critiques, en quelques lignes.
Crédits photo : Montage Pure Charts

Stephan Eicher | "Homeless Songs"


Rêveries d'un Suisse solitaire. Il y a sept mois, Stephan Eicher faisait la fête avec sa fanfare Traktorkestar sur "Hüh", album de reprises fêtardes de ses classiques. Désormais, est venu le temps de la mélancolie et de la contemplation. Avec "Homeless Songs", ces chansons sans domicile, le chanteur se transforme en poète sentimental et émouvant sur 14 pistes qui naviguent entre français, anglais et suisse allemand. A la manière du promeneur solitaire de Rousseau (qu'il a mis en chansons en 2013), Stephan Eicher nous invite à la rêverie, à la contemplation sur un album aussi doux que sublime, aussi épuré que touchant. On peut citer le somptueux "Prisonnière" (sorte de suite logique de son tube "Rivière") ou "Niene Dehei", ballade dont le calme apparent est bousculé par l'apparition de quelques touches d'auto-tune. Quant à l'introductif "Si tu veux (que je chante)", ses paroles semblent destinées à son ancienne maison de disques : « Si tu veux que je chante / Ne sois pas infidèle, ne me crois pas si fort, ne me crois pas si faible ». Stephan Eicher aurait pu écrire un pamphlet rageur, il a opté pour le calme, la volupté et la liberté : "Homeless Songs", ce sont 14 chansons qui durent de 43 secondes à 6 minutes, en trois langues et sans volonté commerciale évidente. Le résultat est d'une pureté rare, à fleur de peau. Stephan Eicher signe même une suite logique à "Hüh" en faisant réapparaître le morceau "Papillons" dans une version lyrique marquée par cet entêtant appel « Où que tu ailles, où que tu sois ». « Everything is Broken » susurre-t-il même sur une interlude placée en plein milieu de disque. Une blessure à refermer ? Celle d'une déception amoureuse, l'angoisse de la page blanche (avec "Monsieur - Je ne sais pas trop") ou, justement, de son combat avec son label. C'est ainsi que ces chansons sans abri sont toutes traversées par une profonde mélancolie. Comme Orelsan, Eicher chante que "La fête est finie" sur un titre où Axelle Red et Miossec viennent poser leurs voix. La carrière et le talent du chanteur, eux, ne sont pas prêts de prendre fin. TB

Ça ressemble à la liberté retrouvée d'un artiste solitaire et en paix
A écouter : les somptueux "Prisonnière" et "Niene Dehei", le mélancolique "Haiku - Papillons", "Toi et ce monde" rêveur, "La fête est finie"
A zapper : "Gang Nid Eso", "Né un ver" un peu grivois




Post Malone | "Hollywood's Bleeding"


Sang contrefaçon. Post Malone a suivi la trajectoire d'une météorite avec l'énorme succès planétaire de son deuxième album ''Beerbongs & Bentleys''. A 24 ans, le rappeur au visage tatoué s'est imposé comme l'un des nouveaux rois du streaming, mais aussi comme l'un des artistes les plus fascinants du moment avec sa musique à la croisée des mondes, entre trap, hip-hop, cloud rap et rock alternatif. Derrière l'auto-tune se muche un excellent chanteur qui, comme il le clamait sur son tube de 2017, a l'étoffe d'une rockstar. Sa voix rocailleuse, véritable catalyseur de mélancolie, navigue dans à peu près tous les courants possibles avec l'agilité d'un poisson. Une versatilité qui s'impose à nouveau dans "Hollywood's Bleeding", nouvelle machine à tubes qui aligne une liste de collaborateurs proprement hallucinante : Future, SZA, DaBaby, Halsey, Meek Mill, Father John Misty, Swae Lee, Young Thug mais aussi Kanye West, co-réalisateur du titre Internet, et le Prince des ténèbres en personne, Ozzy Osbourne, pour un trio brûlant avec Travis Scott nommé ''Take What You Want'' ! Du beau monde pour un projet assez solitaire dans son propos, Posty, incorrigible pensif, ayant à cœur de régler ses comptes avec ses ex-petites amies ("Circles", "Goodbyes"...), la ville toxique de Los Angeles – où la sempiternelle gloire côtoie la misère - voire lui-même. Dans cette longue succession de titres et featurings (17 au total), Post Malone s'égare parfois dans des superproductions bien huilées, pas franchement indispensables. Mais sans l'ombre d'un doute, il possède le talent de savoir construire des refrains instantanément mémorables. "Saint-Tropez", ''Staring At The Sun'', ''Enemies'', ''A Thousand Bad Times''... L'Américain n'a qu'à se pencher pour cueillir un hymne prêt à affoler les compteurs. On aurait toutefois adoré l'entendre sans artifice sur une ballade acoustique, comme il sait si bien le faire lors de ses concerts. Partie remise ? YR

Ça ressemble au Bon Jovi de la trap.
A écouter : ''A Thousand Bad Times'', l'incroyable ''Circles'', "Goodbyes", ''Staring At The Sun'', superbe duo avec SZA, ''Allergic''.
A zapper : ''I'm Gonna Be'' et ''I Know'', un "Wow" bis.





Rose | "Kérosène"


Le feu sacré. Se mettre à nu est sans doute un terme galvaudé. Avec Rose, il n'a sans doute jamais été aussi juste. Dans tout ce qu'il représente de plus vulnérable. L'âme à vif, noyée dans des addictions à l'alcool et la cocaïne, la chanteuse dit adieu à ses démons et pose ses tripes sur ce nouvel album "Kérosène". Elle raconte son enfer. Mais Rose, toujours avec les bons mots et une jolie poésie, ne glamourise rien, ne se ménage pas. Son mal-être ("L'horizon grand"), son internement ("Chambre simple"), son rapport compliqué avec les hommes ("Les hommes"), son besoin d'amour ("Recueille-moi", "Prends soin de moi"), son lien inconditionnel avec son fils ("Si ce n'était pour toi")... Avec de légères inspirations de Véronique Sanson et France Gall dans l'interprétation et les mélodies parfois, l'artiste n'élude rien le temps de 13 pistes, réunies dans ce journal de bord musical forcément très personnel. Il nous emmène à travers cette épopée chaotique, avec ses calmes et ses tempêtes. Entre dureté et bienveillance, avec ses fêlures et ses forces, Rose nous dévoile ses mauvais jours et comment elle est parvenue à s'en sortir, s'éloignant de ses "années diaboliques" dans un dernier titre particulièrement beau. L'album d'une renaissance, artistique et personnelle. JG

Ça ressemble à à un journal intime sans fard
A écouter : "Les hommes", le sublime "L'inconnue c'est moi", "Prends soin de moi", "Sans ivresse", "L'horizon grand", "Pourquoi pas"
A zapper : "Une bière, un croissant", en décalage, "Larmes à paillettes"


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