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Thérapie Taxi en interview : "Dans l'industrie, on écoute un peu plus les garçons"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Raph, Adé et Renaud forment Thérapie Taxi : un trio décalé et provocateur, habité par l'envie de faire des tubes pop. Ils livrent leur premier album "Hit Sale" et se confient pour Pure Charts sur leur rencontre, leurs ambitions, le féminisme, l'Eurovision ou encore... Céline Dion. Interview pas si légère avec Adé et Raph.
Crédits photo : Julie Oona
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Comment est né Thérapie Taxi ? Vous dîtes un peu partout que c'est par petites annonces. C'est vrai ou c'est un peu pour la légende ?
Raph : On l'a un peu romancé mais c'est vrai dans les grandes lignes. En 2013, Adé a publié une annonce et moi je l'ai appelée pour qu'on fasse un groupe ensemble. Renaud c'est pareil, ça s'est fait par petites annonces deux ans plus tard. A chaque fois sur un site spécialisé pour les musiciens.

Ah oui, donc ça évite de faire des rencontres un peu bizarres j'imagine !
Raph : Ah non, ça n'empêche pas de faire des rencontres bizarres. (Rires) Mais au moins tu sais ce que tu cherches.

Adé : C'est vrai qu'il y a des annonces de mecs qui font du métal hardcore dans des endroits un peu louches ! Mais Raph m'a laissé un message vocal, il avait l'air plutôt sympa. Il m'avait mis en confiance. Mais ça m'arriverait aujourd'hui, je n'irais pas. (Rires)

Raph : Avec Adé, le feeling est tout de suite passé. On a commencé à faire de la musique ensemble. J'avais pas mal de petites chansons, mais la musique c'est un truc qui se partage. Seul, je n'étais pas trop capable d'avancer.

Adé : Je n'écrivais pas du tout. Je voulais essayer de faire un truc, un peu de guitare. Je ne voulais même pas chanter, je ne me voyais pas du tout chanteuse. Raph m'a dit : "Chante-moi un truc", j'ai tenté du Moriarty et il a bien aimé ma voix.

On est fans de Céline Dion !
Pourquoi avoir choisi le nom de Thérapie Taxi ?
Raph : On cherchait des noms de groupe et dans le lot, il y a ça qui est ressorti. On peut lui donner la signification qu'on veut, mais ça se rapporte aux petites thérapies que tu fais toi-même avec les chauffeurs de taxi quand tu es bourré.

Vous étiez quatre il n'y a pas si longtemps. Comment a évolué le groupe ?
Raph : En gros, tout simplement, on s'est séparé de notre guitariste qui a fait le premier album avec nous. Et sinon on a deux musiciens avec nous sur scène.

Quelles sont vos inspirations ? Dans le communiqué, on peut lire les noms de Lio et Sexy Sushi.
Raph : (Rires) Ce n'est certainement pas Lio et Sexy Sushi car on ne connait pas trop. Mais on nous compare à ça. J'ai écouté un peu, ouais je peux comprendre. Nos réelles inspirations c'est plutôt la scène actuelle, on s'inspire de ce qui se fait de plus contemporain.

Adé : On a tous les trois un passé musical très différent, c'est ce qui nous nourrit aussi. J'écoutais beaucoup de rock, des trucs des années 70. J'ai eu une énorme période Coldplay. J'étais complètement fan. Ce qui explique aussi le côté pop, les refrains... Raph il adorait Blink 182, Sum 41. Renaud, il écoutait beaucoup de garage. Aujourd'hui, on écoute pas mal d'électro, de house. Et énormément les nouveautés de la scène française, comme Roméo Elvis, Juliette Armanet.

Regardez le clip "Hit Sale" de Therapie Taxi :



Vous avez dit être fans de Céline Dion. C'est pour la blague ou c'est sérieux ?
Raph : Non, c'est vrai ! Il y a évidemment un peu de second degré là-dedans mais on la passe quasiment à toutes les soirées et on aime vraiment ce qu'elle fait. Du moins, certains de ses titres.

Adé : Moi, Céline, j'adore ! Ma préférée, c'est "Sous le vent". Mais "Pour que tu m'aimes encore", c'est quand même très très puissant. C'est mon échauffement vocal avant les concerts, ça me met en joie ! (Rires)

Vivement une reprise alors...
Adé : On y a pensé à un moment, j'ai commencé à enregistrer un truc et en fait, c'était trop !

Votre album "Hit Sale" c'est un mélange de plusieurs influences. Est-ce que votre envie c'est de casser les codes, les barrières dans la musique ?
Raph : Ouais, je sais pas si c'est une démarche vraiment consciente. C'est surtout le fait d'être authentique. Il n'y a pas d'idée particulière derrière. On veut juste être authentique en tant qu'artistes.

Notre savoir-faire premier ? Faire des refrains
Derrière le côté un peu fun et décalé, je ressens un vrai savoir-faire dans les mélodies, les rimes...
Raph : Oui c'est le côté pop de Thérapie Taxi. Je crois que c'est ce qu'on sait faire de base. C'est notre savoir-faire premier de faire des refrains, des paroles qui riment, de savoir faire sonner le français. Après, il faut aller chercher plus loin, ça ne suffit pas, mais c'est le ciment de notre force.

C'est dur de faire sonner le français ? On dit souvent qu'avec l'anglais est plus facile...
Raph : Oui, je suis d'accord avec ça. Ça fait longtemps que je n'ai pas tenté d'écrire en anglais. Mais c'est dur de faire sonner et de donner du sens.

L'un de vos singles s'appelle "Hit sale". Votre ambition, c'est de faire des tubes ?
Raph : Je ne sais pas trop. (Rires) Non mais ce sont des questions que tu te poses un peu tout le temps. Les ambitions, ça change, en fonction de ce qui t'arrive et de comment tu avances dans ta vie. Arriver à faire des tubes, c'est l'exercice le plus compliqué en soi. Derrière, il faut arriver à faire des bons albums, avoir une identité bien définie. Et savoir vivre avec tout ça. L'objectif premier c'est d'arriver à marquer quelque chose, que les gens retiennent ta particularité.

Dans votre communiqué, il est écrit "Thérapie Taxi, ça parle de tout et surtout de rien". Ce n'est pas très vendeur, si ?
Raph : (Amusé) Je sais pas si c'est vendeur, mais c'est assez vrai. Il n'y a pas de grands débats philosophiques dans nos chansons, ni de grands questionnements sur l'humanité. En tout cas, ce sont des choses qui se font d'une manière très simple. Ce qu'on vit c'est pas grand-chose. Après, on essaie de le rendre beau.

Regardez le clip "Cri des loups" de Thérapie Taxi :



On vous présente comme le "miroir de la jeunesse". C'est quoi votre vision de la jeunesse ?
Raph : Ça dépend du milieu duquel tu viens. Chacun a sa vision de la jeunesse. Ça dépend des jours... Il y a des jours où je suis moins enthousiaste. (Sourire) Globalement, on va prendre le jour où je suis enthousiaste, j'aimerais qu'elle soit authentique, libérée de plein de choses dans l'amour, très libre avec ses sentiments, sa manière de voir les choses, ses pulsions.

Se faire critiquer, ça remet les idées en place
C’est évident d'être un peu décalé, de ne pas se prendre au sérieux aujourd'hui alors que tout est hyper lisse, politiquement correct ?
Adé : C'est un peu le défi. Mais dans la vie, on n'arrête pas de se vanner, donc c'est évident que ça se transmet dans les textes, dans les interviews... C'est ce qui plait aux gens aussi. Se prendre au sérieux, ça ne sert à rien !

Raph : Je dirais pas que tout est lisse aujourd'hui. Il y a de plus en plus de gens qui sont partisans du second degré, qui sont dans le sarcasme. Quelque part, c'est quelque chose d'assez générationnel. J'ai envie de te répondre que c'est notre tempérament donc on ne pourrait pas faire les choses autrement.

Quand on dit que vous êtes un groupe de bobos parisiens, ça vous fait quoi ?
Raph : C'est toujours réducteur, quels que soient les termes. Mais il y a une part de vérité. On est parisiens. Bobo, je sais pas, ça veut rien dire. Mais ouais, on est bourgeois aussi. (Rires) Donc ça dépend le sens que tu donnes à bobo.

J'ai lu un papier assez dur sur vous qui dit : "Ils ont poussé une génération au suicide à Rock en Seine et réussissent l'exploit de faire parler d'eux sans savoir ni chanter, ni composer". C'est violent, non ?
Raph : Oui, c'est violent mais c'est important les papiers à charge, ça fait du bien. Il n'y a pas que des conneries dans cet article. C'est un exercice de style donc il faut resituer. Mais c'est bien de se faire critiquer, ça remet les idées en place. Ça peut te faire prendre conscience de certaines choses. C'est important de comprendre pourquoi les gens aiment pas car ça peut aussi t'ouvrir des portes.

Découvrez "Salope" de Thérapie Taxi :



Quand on lit les textes de "Cri des loups" ou "Salope", on se dit : "Pourquoi toute cette violence ?". D'où ça vous vient ?
Raph : C'est une très bonne question ! (Rires) Je sais pas. Je crois que l'écriture c'est un exercice d'extériorisation, parfois tu extériorises la violence de cette manière pour ne pas le faire autrement. C'est comme les gens qui vont faire de la boxe pour se calmer. C'est une manière de te défouler qui est positive et pas trop néfaste.

Dans l'industrie, on écoute un peu plus les garçons quand ils parlent
Un titre comme "Salope", très virulent dans les paroles, c'est une provocation ?
Raph : Il y a plein de choses dans ce titre. Mais oui il y a une part de provocation. Quand tu provoques, tu interpelles et tu pointes quelque chose du doigt. Tu passes le truc à la loupe.

Adé : C'est Raph qui l'a écrite pour lui, avec son meilleur ami. Ils venaient de se faire larguer. (Rires) Mais il a senti qu'elle avait un truc alors on a écrit un couplet féminin pour moi. Ça a ajouté une dimension encore plus forte. Et ça devient une chanson d'amour. Quand tu aimes les gens, tu peux aussi les détester. Il y a un côté cru et provocateur mais ce n'était pas le but premier. Mais on sait évidemment que ça allait faire parler !

Sur la pochette de l'album, les deux hommes sont amochés, c'est la femme qui donne les coups. C'est quoi message ?
Raph : Est-ce que c'est elle qui donne les coups ? On ne sait pas. (Rires) C'est une question d'image. Oui, il doit bien y avoir un message... C'était surtout esthétique et ça correspondait bien au titre de l'album "Hit Sale". Il fallait que quelque chose soit sale dans cette photo. On a choisi d'être nous amochés, toujours dans cette recherche de prendre les trucs à contre-pied. Et puis ça correspond bien à nos caractères. Dans la vie, c'est nous les petites choses fragiles et Adé la femme forte.

Ce serait marrant de faire l'Eurovision
Adé, c'est comment d'être une femme dans l'industrie musicale ?
Adé : C'est assez variable. Avec notre maison de disques à nous, c'est vraiment chouette, on est comme une famille. Après, dans la vie de tous les jours, oui, ça arrive... C'est jamais hardcore mais oui on écoute un peu plus les garçons quand ils parlent. Mais on se creuse son trou petit à petit. Et j'essaie d'avoir pas mal de caractère. Pour l'instant, je ne m'en sors pas trop mal. Quand tu es en solo, je pense que c'est peut-être moins évident.

On ne les attendait pas là mais Madame Monsieur représentera la France à l'Eurovision. Vous pourriez participer vous aussi ?
Raph : C'est marrant, on les a vus hier. On nous pose pas mal la question en ce moment. Il y a un gros débat dans le groupe ! Moi, je dis oui directement, ce serait super. Ce serait marrant de faire l'Eurovision si on pouvait le faire à notre sauce. Adé elle est plutôt en mode : "Certainement pas, il ne faut pas qu'on le fasse. Ce n'est pas du tout nous". Mais la question ne se pose pas donc ce n'est pas très grave ! (Rires)

Adé : L'Eurovision, c'est un truc que je n'aime vraiment pas. Ça ne me plait pas du tout. Les artistes qui représentent la France, ça ne me plait jamais. Je trouve que ce n'est pas très qualitatif. Moi, je n'aimerais pas. Mais Raph, il trouve ça marrant !
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