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Superbus : "Les ventes ne doivent pas être une motivation sinon tu peux faire de la merde"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
De retour avec l'album "Sixtape", défendu par le single "Strong and Beautiful", Superbus fête ses 15 ans de carrière. Le groupe évoque notamment pour Pure Charts les sonorités de ses nouvelles chansons et ses inspirations pour ce projet. Interview avec Jenn Ayache et Patrice Focone !
Crédits photo : DR Darius Salimi
Après une première partie d'interview, dans laquelle Jenn Ayache et le guitariste Patrice Focone ont évoqué le départ d'un des membres de Superbus, l'échec de leur précédent album "Sunset" et le projet solo de la chanteuse, place à la deuxième partie. Les deux artistes détaillent la genèse de ce nouvel album "Sixtape", les attentats du Bataclan, les textes de Jennifer Ayache, l'état du rock et même leur envie de se lancer dans une carrière internationale.

Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Comment est né ce nouvel album "Sixtape" ?
Jenn : On l'a fait à Paris sur une longue période. C'est comme un peu à chaque fois, moi j'ai des tonnes de chansons qu'on fait, qu'on jette, qu'on essaie de changer... Et au final, on se retrouve avec 12-14 titres, et ça commence à prendre une cohérence et on commence à trouver des sens et des liens entre chaque titre et ça devient un album, comme un petit film. J'ai l'impression que c'est un vrai renouveau, c'est un vrai virage qu'on est en train de vivre. L'album il est comme ça aussi. On a essayé plein de nouveaux sons, mais pour une fois ça fait vraiment nouveau son.

On a évolué dans nos goûts
Et "Strong and Beautiful", le premier single, vous le situez où dans tout ça ?
Jenn : C'est le plus proche de ce qu'on a déjà fait. On s'est dit qu'on n'allait pas prendre d'énormes risques tout de suite... Mais par contre, on a essayé des choses différentes. C'est un Superbus de maintenant. Il y a de l'électro... On a évolué dans nos goûts. Plein de nouvelles musiques nous ont inspirées.

Patrice : Il y a d'ailleurs des noms improbables par rapport à ce qu'on fait. Par exemple, xx, c'est un groupe qu'on citait souvent. On l'avait dans la tête. Ce n'est pas ce qu'on fait, mais on savait qu'on allait utiliser un peu de ça.

Jenn : Oui tu mélanges tout ça, plus toi, ce que tu sais faire.

Ce single, musicalement, c'est très énergique mais le texte, lui, montre une facette de vous, Jenn, dans le doute, vulnérable. C'est une facette qui n'était pas présente avant...
Jenn : Non... C'est une partie que je cache... Enfin, non... Mais...

Patrice : On en a beaucoup parlé entre nous, des textes. Qu'il fallait plus se dévoiler.

Jenn : J'arrive aussi à une période où on doute, où on se remet en question, physiquement aussi. On a besoin que les autres nous rassurent. C'est le sujet. Ce titre c'est une espèce de mini-hymne pour se donner de la force et du courage, le matin quand on se lève de se dire "On est quand même costaud et on fait les choses, on est fort et on est beau. On y va quoi !". C'est une changement d'encouragement.

Patrice : Surtout avec l'actualité qu'on vit depuis un an, qui est pesante et qui est fatigante pour tout le monde.

Regardez le clip "Strong & Beautiful" de Superbus :



Justement, vous parlez des attentats, vous y pensez alors que vous allez remonter sur scène ?
Jenn : Oui, forcément. Notre mentalité a changé depuis ces événements-là. On s'est tous pris un truc. Maintenant, tout est biaisé. On fait les choses soit en réaction, soit avec peur. C'est très bizarre. C'est vraiment notre cercle, notre milieu qui a été touché. Ça donne encore plus envie de revenir. La musique, heureusement qu'il y en a. C'est une bouffée d'oxygène pour tout le monde.

Je deviens de plus en plus control freak
Patrice : En même temps, tu as envie de tourner la page sur ce genre de choses. On l'a beaucoup vu sur les médias, c'est presque dématérialisé. Parfois, je me surprends à avoir du mal à réaliser que ça s'est vraiment passé. Et en même temps, au moment de tourner, on y pense. C'est très particulier ce qui nous est arrivé.

Jenn : Il y a des pays qui vivent ça tout le temps... A Paris, ça a changé plein de choses, on le voit. Donc oui, c'est dans un côté de notre cerveau.

A LIRE - Que vaut "Sixtape", le nouvel album de Superbus ? Critique !


Revenons à l'album. Superbus c'est évidemment un travail d'équipe, mais c'est Jenn qui écrit les textes. Comment on fait en tant que musicien pour bien coller à ses émotions ?
Patrice : C'est très ingrat dans le monde des groupes. Les textes, moi, j'y prête beaucoup attention, on en parle ensemble, ça m'intéresse. Mais mes camarades, pour qui j'ai le plus grand respect, ne se rendent compte de ce qu'elle dit que quand la chanson est finie. Je ne sais pas si ça a un impact...

Jenn : Ah bon ? Peut-être pas... Ils s'en rendent compte avant non ? (Rires)

Patrice : Non, à la fin, ils disent "Ah mais c'est ça que tu dis en fait ?".

Jenn : Ah ouais ? On n'en parle pas beaucoup il faut dire... Mais je deviens de plus en plus control freak, là... J'ai tendance à amener des chansons qui sont presque terminées.

Patrice : Le texte c'est quelque chose de personnel. On ne peut pas débattre trois heures...

Crédits photo : Darius Salimi
On a beaucoup travaillé sur les ambiances
Mais vous ajoutez des choses, vous apportez des corrections parfois à ses textes ?
Patrice : Vraiment des points de détail. "Ah tu as dit ça ? J'aurais plutôt mis ça". Un mot quoi. Après, elle décide si c'est pertinent. C'est vraiment son jardin secret à elle.

"Soul Sister" est très cinématographie, elle me fait penser à "Whisper" un peu dans la forme avec la voix masculine, l'ambiance inquiétante. "On the River" est déjantée, sexy et accrocheuse, un peu dans l'esprit "Lova Lova"...
Patrice : "On the River", c'est une de nos préférées ! Le couplet, c'est très nous, alors que le refrain c'est nous réinventé. "Stong and Beautiful" c'est l'inverse.

Jenn : Sur l'album, tous les couplets sont très différents des refrains. On a essayé de faire des cassures. On a beaucoup travaillé sur les ambiances.

Les titres sont travaillés aussi en pensant à la scène ?
Jenn : Oui ! On y pense, on l'imagine. Si on met une batterie à ce moment-là... Quand j'écris, j'y réfléchis beaucoup. L'énergie aussi... Même visuellement. Tout est lié. C'est très préparé en avance en fait. On travaille beaucoup ! (Rires)

Les ventes, forcément, on y pense
Est-ce que vous avez une pression sur les chiffres de ventes ? Même si aujourd'hui ça n'a pas le même poids qu'avant...
Jenn : C'est vrai... Oui, forcément, on y pense.

Patrice : On a connu tout en haut, on a connu tout en bas. Où est-ce qu'on se situe aujourd'hui ? On y pense mais on y fait abstraction, on garde ça dans un petit coin pour se concentrer sur l'essentiel : la musique et faire de notre mieux. Après, ça dépend pas de nous. Mais notre maison de disques fait aussi au mieux au moment où on le fait. Après, c'est une question de moment, et l'approbation des gens. Vont-ils aimer ça à ce moment précis ? Tu ne sais pas, ça t'échappe... Mais les ventes ne doivent pas être une motivation, sinon c'est la porte ouverte à faire de la merde. C'est là toute la difficulté.

Vous arrivez en plus avec un son, le rock, qui a un peu disparu des ondes, alors qu'avant c'était un genre majeur. Comment vous l'analysez ?
Jenn : Aujourd'hui, la musique est devenue totalement informatique. On a de plus en plus d'ordinateurs qui jouent à la place des humains. Donc, forcément, le son...

Patrice : Après, les DJs ils ont besoin d'être 50 pour faire une fête gigantesque. Muse ils font le Parc des Princes et wow ! La période a changé. Mais ça a quelque chose de sympathique car on revient un peu aux années 60 avec des chansons très courtes. On revient aux singles. On revient à l'essentiel, à la mélodie.

Jenn : Oui, et aujourd'hui nous on s'adapte. Mais on a toujours fait ça. Même il y a dix ans, on faisait comme ça.

Patrice : Mais on ne construit pas notre album en fonction de la réaction de nos singles.

Jenn : Tout est déjà prêt. Comme un film. On connait déjà à peu près les singles qui seront lancés.

Patrice : Oui, on tombe tous à peu près d'accord en général.

Crédits photo : Darius Salimi
Il y a beaucoup de titres en anglais ou des parties en anglais sur vos titres, depuis toujours. Vous avez déjà pensé à une carrière internationale ?
Patrice : C'est une grande problématique. Mais à nouveau les temps ont changé, il n'y a plus de règles. Depuis Robin Schulz et son remix pour Lilly Wood and the Prick, notamment. Tout peut paraître possible. Mais c'est très compliqué pour un groupe français de s'exporter. Il faut aussi savoir que la compétition n'est plus la même. Tu n'es plus aussi unique que tu le penses.

On est un groupe français et on est fier de ça
Mais vous aimeriez ?
Patrice : Evidemment !

Jenn : On a déjà joué un peu en Allemagne, aux Etats-Unis, en Hollande, au Québec... Même pour Stromae qui est immense, ce n'est pas si facile que ça.

Patrice : En France, à part Stromae, Zaz, Louane... Et puis c'est pas global, c'est par touche. C'est qu'en Allemagne par exemple. C'est pas mondial.

Jenn : On en a conscience. On est un groupe français et on est fier de ça.

Patrice : Ça peut marcher mais il y a 20 fois plus de probabilités que ça ne se fasse pas que ça se fasse. Je dis ça même à ceux qui débutent et qui pensent que, parce qu'ils chantent en anglais, ils vont faire une carrière internationale... Accrochez-vous ! Ce n'est pas impossible mais il y a du monde.

On veut faire ce métier le plus longtemps possible
Vous avez rendu hommage à Téléphone l'an dernier. Vous vous voyez vous retrouver dans 30 ans comme eux ?
Patrice : Quand on sera vieux, croulant et bien fatigués ? (Rires) On a envie de faire ce métier le plus longtemps possible. Tu ne vois pas le temps passer quand tu fais ça. Tu te retournes et tu te dis "Oh la vache, déjà 15 ans !". Bon, tu te vois un peu dans le miroir, il faut être honnête ! (Rires) On dit souvent que les Rolling Stones font ça pour l'argent aujourd'hui. Mais non ! L'argent, ils en ont plein. Ils sont drogués à la scène. A l'adrénaline.

Jenn : Complètement ! Dans les périodes de pause, on se dit que ça sert à rien d'être là... Mais on en a besoin car tu récupères... C'est un métier bizarre ! (Rires)

Patrice : Tu relativises aussi. Tu peux être pris dans un engrenage qui te fait croire que tu es ce que tu n'es pas. C'est bien de temps en temps de te recentrer et d'être un petit peu plus humble face à la vie en général...

Jenn : On devrait faire "Psychologie Superbus" ! (Rires)

Là, pour la promo, vous allez faire plein d'émissions de télé...
Jenn : Euh, plein. On va faire ce qu'on peut faire...

Patrice : Car il n'y a pas grand-chose pour la musique.

Justement, les Fréro Delavega ont regretté d'aller chez Cyril Hanouna pour faire autre chose que chanter, comme danser ou participer à des gags...
Patrice : Ils ont juste dit qu'ils étaient pas hyper à l'aise... C'est l'émission qui a le vent en poupe. Tu sais où tu vas. Mais tu n'es pas obligé d'y aller ! Si tu y vas, tu joues le jeu. D'un autre côté, ils ont peut-être été surpris. Quand tu vas dans "Touche pas à mon poste", tu ne vas pas faire de la psychologie...

Donc autant aller chez "Alcaline" ?
Patrice : Oui mais il y aura beaucoup moins de gens qui te verront... Je pense que c'est le même public d'ailleurs. Mais ils sont beaucoup plus nombreux. Les gens regardent tout. Tu peux regarder les deux... Aujourd'hui, il n'y a plus de règles.

Pour en savoir plus, visitez superbus.com.fr et la page Facebook du groupe.
Ecoutez et/ou téléchargez le dernier album de Superbus, "Sixtape", sur Pure Charts.

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