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dimanche 29 avril 2018 12:50
Sting et Shaggy en interview : "On est allé là où personne ne nous attendait"
Par
Yohann RUELLE
| Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Sting et Shaggy forment l'alliance la plus improbable du moment. Les deux légendes se retrouvent sur l'album "44/876", une déclaration d'amour à la Jamaïque et à la musique reggae dont ils racontent la genèse en table ronde avec Pure Charts.
Crédits photo : Polydor
Sur le papier, l'idée de cette collaboration est surprenante... Sting : Le monde a besoin d'un peu de lumière en ce moment. Tout est si noir, politiquement... La musique a un rôle très important à jouer pour donner aux gens le courage de se lever le matin et de se dire "La vie vaut la peine d'être vécue", sans regarder les infos sur cet idiot de Donald Trump. Shaggy : Ce genre de politicien dirige par la peur. Et l'antidote à la peur est le courage. C'est pour ça que cet album a une signification. Il s'appelle "44/876", comme les indicatifs téléphoniques : 44 pour le Royaume-Uni, 876 pour la Jamaïque. Pour les gens, Sting et Shaggy, c'est la combinaison la plus étrange qui soit ! Mais pour nous elle veut dire que peu importe si tu viens d'un autre quartier, d'un autre pays, d'une autre partie du monde ou d'une autre culture, il existe toujours des points communs. On est tous des humains. C'est juste qu'on ne le voit pas assez. Sting : J'aime bien l'expression que tu as employée hier... Shaggy : Nous saignons tous de la même couleur. Sting et moi, à force de traîner ensemble, on s'est rendu compte qu'on avait énormément en commun. C'est presque comme si nous avions fait de la musique ensemble dans une autre vie. C'est extraordinaire. Sting : On est comme Fred Astair et Ginger Rogers. (Rires) On n'avait pas prévu de faire un album Vous vous connaissiez déjà un peu ? Sting : Pas très bien mais on s'était déjà vu quelques fois. Shaggy : Rien de sérieux, c'était pas vraiment une relation. (Rires) Sting : On avait chanté "Roxanne" à Anvers sur une tournée, il y a une quinzaine d'années. Mais on a véritablement commencé à se connaître avec la chanson "Don't Make Me Wait", il y a deux ans. On apprécie beaucoup la compagnie de l'autre, on est dans le même état d'esprit et on a tous les deux un nom ridicule ! On a une femme, des enfants. Nous nous soucions du monde et partageons un amour mutuel pour la musique reggae. Shaggy est un authentique artiste dancehall, moi je tâte un peu. Mais la chose la plus surprenante et la plus merveilleuse est que nos voix sont si différentes... Shaggy : ... mais complémentaires. Sting : Que ça fonctionne si bien est un mystère pour moi ! Shaggy : On n'avait pas prévu de faire un album. On a fait une chanson, et un an plus tard, une autre est venue et ainsi de suite. Tout s'est passé de manière très naturelle. Sting : C'était la chose parfaite à faire parce que j'adore les surprises. La surprise est l'élément le plus essentiel de chaque chanson. Si tu n'es pas surpris, tu t'ennuies. Shaggy : Avec nos deux noms, on arrive à briser les barrières et à toucher des radios qui ne joueraient jamais de la musique reggae. Je fais ça depuis des années donc je sais combien c'est difficile. On voulait aller à contre-courant, capter l'attention. Aller là où personne ne nous attendait. Qu'avions-nous à perdre ? Ce mec a vendu des centaines de millions de disques et reçu 16 Grammys ! Moi j'ai vendu... des centaines d'albums (Sourire) Enfin disons quelques millions ! Il est temps que je m'éclate et bouscule le système. Regardez le clip "Don't Make Me Wait" de Sting et Shaggy : Je suis un citoyen du monde De quelle façon ce disque s'en prend au système ?Shaggy : De beaucoup. Si vous regardez le monde aujourd'hui, comment il tourne, c'est la peur qui règne. Ces dirigeants induisent les peuples en erreur. Sting dit souvent que ce sont des gamins en costume. Sur cet album, on divertit autant qu'on fait réfléchir. On parle de problèmes sociaux sur un titre comme "Dreaming in the USA", que Sting a pratiquement écrit tout seul. Sting : C'est une lettre d'amour adressée à l'Amérique qui m'inspire, les musiques que j'aime, les films, les acteurs, les chanteurs, la littérature... Ce pouvoir de fascination que le pays exerce sur le monde et qui est en train de se perdre car menacé. Shaggy : On utilise cette plateforme qu'est la musique pour susciter des discussions. Et faire jaillir des émotions pour que les gens se rendent compte de ce qu'il se passe. Si tu ne te bats pour rien, tu tomberas pour tout. Donc à un moment tu dois faire entendre ta voix. C'est comme ça que tu crées le changement. Cet album est donc une prise de position politique ? Sting : Je dirais que le message politique est sans doute sous-jacent, une fois que tu as apprécié le son. Parle-t-il aussi de ce qu'il se passe au Royaume-Uni ? Sting : Vous voulez-dire le Brexit ? Cette histoire semble avoir contrarié tout le monde, les gens qui ont voté pour comme ceux qui ont voté contre. A cause de toutes les promesses qui ont été faites et de tous les mensonges qui ont été dits. La question qui revient beaucoup c'est : "Pourquoi fait-on ça ?". Personnellement, j'ai voté pour qu'on reste dans l'Union européenne. C'est un vrai retour en arrière. Je ne vois pas comment on peut s'en sortir. Shaggy : Diviser pour mieux régner... Je pense que Sting se voit avant tout comme un citoyen du monde. Pour moi, c'est la même : je suis jamaïcain mais je me sens caribéen. J'ai sorti quelques bouses ! Comment s'est déroulé le travail en studio ? J'imagine que chacun a ses propres habitudes.Sting : Il est beaucoup plus spontané que je ne le suis. D'habitude, mon processus créatif est plus... calculé. Je garde tout pour moi et je le révèle seulement quand je suis prêt ! Il m'a encouragé à être plus impulsif en me mettant dans des situations où je ne suis pas forcément à l'aise. Mais c'était salvateur. Shaggy : Il est très, très méticuleux. Il passera beaucoup plus de temps sur une chanson que moi, et même en enregistrant d'autres morceaux, il reviendra encore et encore sur la première. Et c'est logique car quand on est un artiste de sa trempe, on sait que n'importe quel morceau aura une longue vie et restera pour l'éternité. C'est une représentation de soi-même. On a eu une petite discussion il y a quelques jours et je lui ai demandé "Est-ce qu'il y a un morceau que tu regrettes d'avoir sorti ?". Il m'a répondu non. Et j'ai compris pourquoi : il est si pointilleux qu'il assume tout de A à Z. Moi... J'ai sorti quelques bouses ! (Rires) Il y a une chanson qui s'appelle "Piece of My Heart" et que je déteste. Bordel, je la déteste vraiment. Sting : Oh mais c'est ma préférée ! (Rires) Shaggy : Elle est sur l'album "Midnite Lover" que je déteste. C'est vraiment un disque que je n'aime pas. Bref. Pour en revenir à la question, même si nous avons parfois eu des désaccords, nous avons toujours trouvé un compromis et un terrain d'entente. Et encore, c'était plutôt rare. Ça a été assez facile. Sting : J'ai passé pas mal de temps en Jamaïque dans les années 80. J'ai écrit "Every Breath You Take" sur cette île. Je me suis toujours senti un peu redevable envers la Jamaïque. Parce que The Police a été très influencé par le reggae. Retourner là-bas, c'était en quelque sorte payer ma dette. Shaggy m'a offert cette opportunité. Créer en studio avec lui sans savoir ce qui allait en sortir était vraiment comme avancer dans le noir, prendre un risque. Mais c'est toujours un risque qui vaut la peine en terme de créativité, car les meilleures choses arrivent toujours par accident. Vous devez vous dire : "D'accord je vais aller au-delà de ma zone de confort et voir ce qui se passe". C'est de cela qu'il s'agit ici. Les musiciens sont des emprunteurs Sur un plan personnel, quelle est la plus grande qualité de l'autre ? Sting : J'aime son énergie... C'est quelqu'un de très positif. Il se préoccupe de chaque personne dans la pièce. Vous êtes quelque part, et quelqu'un n'est pas à l'aise, il va directement aller vers cette personne et s'assurer qu'elle va bien. Souvent c'était moi. (Rires) Shaggy : Pour moi, c'est l'humilité. Le gars est une superstar mondiale, et pourtant c'est l'une des personnes les plus humbles que j'ai rencontrée de ma vie. J'en ai vu des artistes qui n'ont réalisé qu'une fraction de ce qu'il a accompli et qui ont un ego surdimensionné ! Sting, je l'ai vu en Jamaïque marcher dans la rue avec les gens de Kingston, en les considérant vraiment. Il ne prend pas juste des photos avec eux, il engage la conversation. Tu ne trouves pas de gens d'un tel calibre qui font ça. Que répondez-vous à ceux vous accusant d'appropriation culturelle ? Shaggy : Je n'ai jamais sorti une chanson qui était à 100% pure. Je respecte les puristes, je respecte la musique reggae sous sa forme naturelle mais soyons honnêtes : je n'en ai jamais fait. "Oh Carolina" était un son hybride avec des éléments de ska, et pourtant c'est la première musique reggae à s'être classé numéro un des classements au Royaume-Uni. "Bombastic" mélangeait un peu de King Floyd avec des percussions, une base reggae enrobée dans du dancehall et c'est entré numéro un des charts britanniques. Et j'ai recommencé avec "Angel" et "It Wasn't Me", qui étaient hybrides aussi. C'est ironique parce que même en Jamaïque, le dancehall est devenu un genre hybride ! Sting : J'ai toujours trouvé le concept de pureté en musique fallacieux. Comme celui de pureté de la race... Ça n'existe pas la pureté. La musique pure, c'est probablement le silence. Les musiciens sont des emprunteurs. On apprend la musique en écoutant celle des autres. C'est un langage de partage. Crédits photo : Polydor .
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