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Mariama : "Je n'ai pas envie d'être la deuxième Ayo"

Il y a quelques jours, la chanteuse Mariama a accepté de répondre aux questions de Pure Charts. A quelques heures de son concert à la Maroquinerie, l'interprète de "Easy Way Out" a évoqué sa famille, la genèse de son album, la crise du disque et même son ami OrelSan. Interview.
Crédits photo : Pochette de l'album The Easy Way Out
Propos recueillis par Julien Goncalves.

Pure Charts : Comment est venue ta passion pour la musique ?
Mariama : En fait, c'était toujours là. J'ai toujours chanté depuis toute petite, même avec ma grand-mère déjà, je ne savais pas lire mais avec les images des livres pour enfants, je chantais des histoires. Il y a toutes sortes d'artistes dans ma famille : des comédiennes, des danseuses, des écrivains… Mais personne n'a jamais sorti de disque.

Tu es la première ! Tes parents doivent être fiers…
Chez moi, à la maison, c'était plutôt strict, car ma mère et mon père ont fait des études intellectuelles. Ma mère avait une vraie passion pour le théâtre, la musique, elle écoutait Joséphine Baker, Jacques Brel et même Cat Stevens. Mais mon père a renié tout ça. C'est l'échec pour lui que je sois devenue chanteuse. Il aimerait que sa fille soit avocate ou médecin. Il aurait voulu que j'emprunte un chemin plus… prestigieux.

Il a peut-être aussi peur pour toi sans le dire…
Oui sans doute, il y a de ça aussi.

Pour mon père, c'est un échec que je sois chanteuse
Et quand il voit que tu sors un disque, que tu voyages, fais des concerts… Ça ne le fait pas changer d'avis ?
Non, il ne sera pas là ce soir à la Maroquinerie par exemple. Mais ma mère vient, je suis contente. C'est la première fois que je fais un concert rien qu'à moi, sans d'autres artistes pour partager la scène, c'est un pas important.

Ça te fait peur ?
Hum, tout ça est un peu effrayant oui. La sortie de l'album, le premier concert… Mais j'ai déjà fait beaucoup de premières parties à la Cigale, au Café de la Danse etc… Mais si ça ne me faisait rien, que ça ne m'excitait pas, ce serait dommage ! (rires)

J’ai lu que tu décrivais ta musique comme de la "soul acoustique"…
Oui c'est vrai à un moment j'ai dit ça, mais ça change toujours. C'était au moment où je n'avais pas encore enregistré l'album et je ne faisais que des concerts acoustiques. Mais depuis, l'écriture est devenue très importante pour moi, j'aime beaucoup le terme "auteur-compositeur" car c'est ce que je suis. Le reste, les genres, les styles… Si on aime la musique, on aime la musique. Je n'ai pas forcément envie de me mettre dans un tiroir.

Les prochains albums seront donc différents ?
Oui j'espère bien que ça va évoluer ! (rires) Je crois que déjà, sur cet album, même si je trouve qu'il est homogène, il y a beaucoup d'ambiances différentes. Il y a des morceaux très pop, mais aussi quelques influences des années 60, de l'acoustique comme sur le titre "Mathilde" ou "Sometimes" qui est plus africaine… Donc si ça se trouve il y aura les mêmes influences sur le prochain album mais avec des accents différents.

Le métissage aide à être plus tolérant
On ressent à l’écoute de tes chansons que c’est la vie qui t'inspire. Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, de quoi parlent tes textes en général ?
Quand j'écris, je pars d'une mélodie, d'un sentiment. Et c'est ça qui est important. L'album raconte une partie de ma vie, de l'adolescence au moment où je commence à grandir, à me dire que peut-être je deviens… adulte. Un tout petit peu. (rires) Il y a cet élan où je me dis « Tu débarques dans la vie, même si c'est un peu difficile, il faut trouver le côté positif, j'y crois et j'y vais ! ». Donc forcément ça se retrouve dans mes chansons… Comme les premières expériences, comme quand on rompt avec quelqu'un ou qu'on perd un proche. "In The Wind" est dédié à ma tante qui est décédée d'un cancer. Mais j'essaie de voir le bon côté des choses, peut-être que maintenant elle va mieux où elle est.

C'est ce qui frappe dans l'album, le côté positif, à l’image du single "Easy Way Out". Tu parles beaucoup d’amour, de tolérance, de paix. C’est le fait d’être née dans un pays en guerre, le Sierra Leone, qui t'a donné envie de faire passer de tels messages aujourd’hui ?
Dure question. J'ai grandi en Allemagne donc je n'ai pas vécu la guerre, mais oui on m'a raconté ce qu'il s'y passait, et j'ai vu des images que d'autres n'ont peut-être pas vues. En fait, ça aide à relativiser certaines choses.

Donc comme on l'a dit tu es née au Sierra Leone, tu as grandi à Cologne, tu as un grand-père né à Prague, et autre en Guinée. Est-ce que tu puises dans tes racines pour composer et écrire ?
Oui, dans cet album, on retrouve l'Est, l'Ouest, l'Afrique. Il y a de la pop, de tout… J'ai vécu avec deux parents vraiment présents, au milieu de deux cultures. Et j'ai compris qu'il y a toujours plus d'une façon de voir les choses. Et je crois que le métissage aide à être plus tolérant.

Je ne veux pas chanter quelque chose qui ne me correspond pas
D'ailleurs, aujourd'hui, nous vivons dans une société multi-ethnique, et tu en es d'ailleurs une preuve vivante. Pourtant on sent aussi que les tensions sont de plus en plus vives entre les communautés. Est-ce que tu as déjà vécu le rejet, le racisme ? Quel regard portes-tu sur tout ça ?
On ne peut pas juger tout ce qui est différent. Quand je suis arrivée en Allemagne, j'ai bien vu que j'étais spéciale aux yeux des autres, mais il y avait un côté positif à tout ça. J'étais un peu la princesse parce que les autres filles ne me ressemblaient pas. Et puis, il y a les clichés qui vont avec… Je n'ai pas été face à ça, mais en Allemagne c'est assez violent, il y a des organisations très effrayantes, j'ai fait des concerts pour des associations et j'ai entendu des histoires vraiment horribles.

Et donc tes chansons, c'est une façon de t'engager contre tout ça ?
C'est très difficile pour moi d'être une chanteuse engagée, car je parle beaucoup de ma vie. C'est compliqué de parler de choses que je ne vis pas. Et je ne me vois pas dire aux gens ce qu'ils doivent faire. C'est peut-être aussi une question de maturité. Peut-être que plus tard…

Tu peux nous raconter comment s'est déroulé l'enregistrement de ton disque ?
J'ai fait mes toutes premières maquettes à Cologne, notamment dans le studio de mon ami, le chanteur Patrice, ensuite j'en ai fait une autre pour le label ici à Paris et on n'a gardé de cette session que le titre "No Way". Après je suis allée à Londres et j'ai fait tout l'album. On n'avait que 14 jours d'enregistrement, à peu près une chanson par jour, donc j'étais à la fois concentrée et angoissée. Mais c'était une aventure extraordinaire. J'ai enregistré alors qu'il y avait Michael Kiwanuka à côté, un des membres de Archive, et aussi le producteur de Lady Gaga. C'était très intéressant !

Dans "Easy Way Out", tu chantes « Dans mon labyrinthe on s'éreinte, on s'irrite, on s'esquive, on s’esquinte à faire les choses trop vite ». Prendre son temps, c’est important pour toi ?
Oui ! A la fois dans la vie, même si je suis souvent en retard (rires), et pour la sortie de l'album. Je voulais avoir le temps d'apprécier tout ce qui se passe. Je ne me dis pas « Là, si c'est pas le grand succès tout de suite j'arrête ! ». Il faut prendre son temps pour savoir où on veut aller, et la musique je veux faire ça toute ma vie, donc je vois au long terme.

Je n'écris jamais en français
D’ailleurs, qu’est-ce qui t'a donné envie de chanter une partie du titre en français ?
On m'a dit qu'il serait bien d'enregistrer une version de "Easy Way Out" pour la radio et donc en français. Je n'étais pas trop pour parce que je l'ai écrite comme ça, mais on m'a envoyé les paroles, car ce n'est pas moi qui les ai écrites, j'ai trouvé que ça sonnait bien, et qu'elles collaient vraiment au sujet.

Si elles n'avaient pas été bonnes, tu aurais refusé de les chanter ?
Ah oui, car après c'est moi qui dois les défendre, les chanter. Donc je ne veux pas chanter quelque chose qui ne me correspond pas.

Et c'est une expérience que tu pourrais retenter ?
Honnêtement, je ne sais pas. Là c'était vraiment unique parce que j'ai eu envie de le faire, que les paroles me plaisaient, et qu'il n'y a aucun écart entre les couplets en français et en anglais. Mais il y a des chansons sur l'album, comme "No Way", que je ne peux pas imaginer chanter autrement. Et puis je n'ai pas enregistré un album en anglais pour le refaire en français…

Il y a aussi une très jolie reprise du standard "J'ai deux amours". C’est une déclaration d’amour à Paris ?
On m'a proposé de faire cette chanson et je ne pouvais pas refuser ! J'ai toujours aimé ce morceau, quand j'étais petite c'était ma préférée même si je ne comprenais pas les paroles. J'adorais la façon de chanter de Joséphine Baker. Et puis c'est devenu ma réalité puisque je vis à Paris. C'est un clin d'œil.

Tu parles très bien français, tu écris toi-même des titres dans notre langue parfois?
Non je n'écris jamais en français, c'est difficile. Ça me vient toujours en anglais, et puis on peut faire des phrases courtes qui font passer le message voulu avec très peu de mots, alors qu'en français c'est vraiment différent. Ça peut vite devenir trop simpliste. Je connais beaucoup de personnes qui écrivent très bien en français donc si j'ai besoin un jour, je ferai appel à eux je pense.

Un disque totalement en français serait-il un jour envisageable ?
C'est difficile à dire car j'écris beaucoup et tout le temps. Donc si je devais faire un album en français, ça signifierait mettre de côté mes textes pour chanter ceux des autres, et je crois que j'aurais du mal à faire ce choix. Je ne suis pas encore prête.

La polémique autour d'OrelSan, je n'y croyais pas !
Tu as déjà collaboré avec plusieurs artistes français, notamment Orelsan et Oxmo Puccino, et sur l'album il y a un duo avec Helena Noguerra, comment s'est passée la rencontre ?
C'est mon directeur artistique qui m'a présenté Helena Noguerra, et c'était très sympa d'enregistrer au studio ensemble, mais ce n'était pas un truc spontané, c'était pour l'album. Par contre, Orelsan on a fait beaucoup de scène ensemble, je le connais bien, et on s'est dit que ce serait bien de faire un truc tous les deux. C'est vraiment quelqu'un que j'apprécie beaucoup, j'ai écouté ses chansons, regardé ses clips… Il m'a raconté la polémique qu'il y a eu autour de son premier album et toutes les dates qui ont été annulées. Je n'y croyais pas.

Mais tu comprends que sa chanson "Sale pute" ait pu choquer ?
Oui bien sûr je le comprends, mais quand on le connaît, on sait que c'était du second degré. Il s'est créé un personnage. Il est gentil, intelligent, et il est très talentueux. Mais je peux comprendre que des personnes ne puissent pas écouter ce morceau.

"The Easy Way Out" vient de sortir. Qu’est-ce qu’on ressent quand son premier disque est dans les bacs ?
En fait, j'ai réalisé un peu tard ce qui se passait. Je suis allée évidemment acheter l'album, et j'étais un peu gênée à la caisse mais j'étais vraiment contente. C'est en rentrant chez moi avec le disque dans les mains que j'ai compris l'importance de tout ça. Je vais le garder précieusement, ne pas enlever le plastique. En plus, je l'ai acheté au Virgin des Champs-Élysées, tout un symbole.

La crise du disque ? Ce n'est pas une vraie crise
Est-ce que ça te fait peur d'arriver dans le business alors que l'industrie musicale est en crise ?
La musique ne va pas s'arrêter parce que le business est en crise. Pour moi, ce n'est pas une vraie crise, il y en a qui gagnent toujours beaucoup plus et d'autres beaucoup moins. Et c'est comme ça dans tous les métiers. Peut-être que Lady Gaga ou Lana Del Rey ne vendent pas autant que Madonna à l'époque mais elles ne sont pas à plaindre ! Les succès énormes existent toujours. Mais il n'y a plus vraiment de succès moyens... Je ne vais pas m'arrêter juste parce que l'industrie est en crise. Surtout que les patrons des maisons de disques n'ont pas réagi assez vite quand le téléchargement illégal est arrivé. Ils pensaient sans doute que ça ne les toucherait pas. Aujourd'hui, le constat est là. Ce qui m'intéresse c'est de m'établir, de rester, pas d'être le buzz du moment et de ne plus exister demain.

Mais le côté financier qui peut aller avec la célébrité est forcément intéressant...
Oui, bien sûr, le côté luxe qui est associé à la musique est intéressant ! (rires) Si on m'offre des choses, je ne vais pas dire non. Mais il faut se dire que tout ça au final ça reste sur Terre. L'important c'est que tout ça ne vaut rien si on n'est pas heureux, et libre artistiquement. Être libre dans son art c'est aussi savoir combien de compromis on est prêt à faire...

Justement, pour survivre et promouvoir sa musique, il est important aujourd'hui d'être présent sur les réseaux sociaux, d'y développer sa fanbase. C'est ton cas ?
Un peu oui, mais pas à fond. Je ne suis pas tout le temps sur mon iPhone, je ne suis pas très matérialiste donc ça m'échappe parfois. Mais de temps en temps, j'ai envie de faire partager des choses. Mais pourquoi je posterais une photo de moi en train de boire un café parce qu'il ne se passe rien d'autre ? Je sais que ça marche pourtant mais bon...

On te compare déjà à Ayo, Yael Naim ou Asa. Ça te flatte ou ça t'agace ?
Ça va... Ayo je l'entends beaucoup moins qu'il y a deux ans. Les gens se disaient « Elle est métisse, elle chante en anglais et elle a une guitare » alors ils faisaient la comparaison. Mais maintenant, elle a un peu changé de style donc ça s'est calmé. En même temps si on me souhaite un aussi beau succès qu'Ayo, ça me fait plaisir. Mais je n'avais pas envie d'être une deuxième Ayo, il y en a déjà une !

Tu penses déjà à la suite ?
J'ai pas mal de choses dans la tête mais j'essaie de rester concentrée sur ce qu'il se passe maintenant. J'ai des idées, des vidéos que je veux faire pour cet album. C'est bien de savoir ce qu'on veut faire après, mais je laisse mûrir les projets pour plus tard, et je vais déjà réaliser ce que je veux réaliser pour "The Easy Way Out".
Pour en savoir plus, visitez mariama-music.com, ou le Facebook officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez l'album de Mariama.

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