Lauryn Hill

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Lauryn Hill est une artiste à part dans l'histoire de la musique. Capable du meilleur et de disparaître durant des années, ne refaisant surface que pour des affaires judiciaires (toujours important de déclarer ses revenus et payer ses impôts) ou des frasques extravagantes (ses retards sur scène légendaires), elle s'apprête à effectuer un énième come-back avec une tournée internationale. Il faut dire que l'occasion de renouer avec le public est plutôt belle et symbolique : son album "The Miseducation of Lauryn Hill" vient de fêter ses 25 ans d'existence, le 25 août dernier. Un quart de siècle s'est écoulé et pourtant, le seul et unique effort de la chanteuse originaire du New Jersey est toujours aussi actuel, tant dans son discours que ses sonorités, et demeure une référence pour nombre d'artistes.

La croisée des musiques

Il faut bien reconnaître qu'avec ce "one shot", Lauryn Hill a frappé fort. Très fort. Après des années à écumer les salles en compagnie de Pras Michel et Wyclef Jean, avec qui elle forme le groupe The Fugees, elle accède au succès pour la première fois grâce au second projet du collectif, "The Score" - sur lequel on retrouve "Ready or Not", "Killiing Me Softly With His Song" ou encore "Fu-Gee-La" - en 1996. L'album est un véritable raz-de-marée et c'est bien elle qui va le plus profiter de cette réussite éclatante. Car l'exposition sur le groupe est trop grande et celui-ci finit par exploser dès 1997. Chacun se lance alors dans une carrière solo et la chanteuse à la voix d'or s'attèle immédiatement à la conception de son premier album en Jamaïque. Et pour celui-ci, Lauryn Hill voit les choses en grand.



Sur son projet, l'artiste mise sur un mélange de sonorités qui relève presque de la magie tant l'harmonie est somptueuse. La soul, le R&B et le rap se retrouvent symbiotisés, avec un soupçon de reggae pour lier le tout. Les titres qui en résultent en sont la preuve, tant ils se révèlent complémentaires. Chacun d'entre eux dispose d'une couleur absolument unique et de tempos différents, renforcés notamment par la présence justement dosée d'interludes qui nourrissent parfaitement le story-telling du disque, tout en évitant l'écueil de la redondance. Le temps de 17 pistes, pour 1h17 d'écoute, Lauryn Hill est tout simplement touchée par la grâce et signe l'album parfait, agrémenté de featurings d'une finesse exceptionnelle (D'Angelo sur "Nothing Even Matters", Carlos Santana sur "To Zion", Mary J. Blige sur "I Used to Love Him", tandis que John Legend se fend d'une participation sur "Everything Is Everything").

L'amour, toujours

Il y un thème principal (et universel) sur le projet : l'amour. On peut notamment penser aux fameux interludes, durant lesquels un professeur improvise auprès de sa classe un débat sur le concept même de l'amour. Mais aussi la chanson "To Zion", dédié au premier de ses six enfants, à qui elle a donné naissance alors que tout le monde ou presque lui suggérait d'avorter pour ne pas briser sa carrière au moment où elle devenait une star internationale. La fin des Fugees, sur fond de désaccords, y est également palpable. Et l'accueil, tant critique que commercial, va dépasser toutes les attentes.

Dès sa première semaine d'exploitation, l'album se vend à 423.000 copies et atteint le haut du Billboard 200 aux États-Unis. Il y restera durant quatre semaines. Aujourd'hui, on estime que "The Miseducation of Lauryn Hill" s'est écoulé à plus de 18 millions d'exemplaires à travers le monde. De quoi en faire un disque indispensable, l'un des plus grands classiques de l'histoire de la musique contemporaine. Forte de ce succès quasi-inimaginable, Lauryn Hill a été nommée dix fois aux Grammy Awards l'année suivante, devenant par la même occasion la première artiste féminine à être citée dix fois lors d'une même édition. Elle en remporte cinq, un record dans l'industrie de la musique pour une femme : Meilleur Album de l'Année, Meilleur Album de R&B, Meilleure Chanson R&B avec le tube "Doo Wop (That Thing)", Meilleure Performance Vocable Féminine de R&B et Nouvel Artiste de l'année.

Un son qui traverse les époques

Presque un moyen de témoigner de l'aspect fondamental et capital de cet album, qui à lui seul s'érige en principal responsable de la popularisation du hip-hop, de la soul et du R&B - jusqu'alors un poil marginalisés en raison de leurs origines respectives - auprès du très grand public. À tel point que "The Miseducation of Lauryn Hill" revient régulièrement dans les classements des meilleurs albums de tous les temps - et il figure bien souvent parmi les premières places. Avec le recul dont on dispose aujourd'hui, on comprend mieux pourquoi.