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lundi 21 février 2011 20:00

Keren Ann en interview

Entre deux répétitions, Keren Ann a trouvé le temps de répondre à nos questions à l’occasion de la sortie de son sixième opus "101". Attendu en bacs le 28 février, il est d’ores et déjà promu par un premier single rythmé et addictif : "My Name Is Trouble". Perruque brune et chorégraphie « sectaire » pour annoncer cette parution très attendue par des fans toujours plus nombreux, comme en témoigne la foule venue l’applaudir vendredi dernier à la Bellevilloise.


Quatre ans que tu n’as pas publié d’album solo. Pourquoi autant d’années entre "Keren Ann" en 2007 et ce nouveau disque ? (Jonathan Hamard, journaliste)
Keren Ann : Je fais un album solo quand j’ai une envie de son, quand j’ai un paysage sonore très précis qui se construit et dont j’ai envie. Des chansons, j’en écris tout le temps. Je suis perpétuellement en studio : que ce soit pour un album solo, une B.O de film, pour "Lady & Bird", ou d’autres projets encore. J’ai plein d’idées de chansons qui me trottent dans la tête en permanence. A partir du moment où je sais ce que je veux d’un point de vue son et production, je regroupe des titres qui ont un rapport avec mon état d’esprit. En général, j’enregistre l’album que j’ai envie de faire. Et quand ce que je veux entendre n’existe pas, je vais en studio pour le créer.

Quand ce que je veux entendre n’existe pas, je vais en studio pour le créer.
Lorsque tu entres en studio, tu connais déjà le résultat que tu obtiendras au final ?
En fait, je sais globalement ce que jeu veux. Je sais quels sons j’ai envie d’entendre et partager. Cependant, mon envie et mes idées peuvent évoluer au fur et à mesure de l’enregistrement bien sûr.

Pour "101", j’ai l’impression que tu avais envie de changement.
Pour chaque album, j’ai envie de changement ! Sinon, çà ne sert à rien d’entrer de nouveau studio. C’est vrai qu’il y a quelques titres pop qui surgissent de cet album, mais on reste tout de même dans cet esprit planant et tragique qui me caractérise. "Sugar Mama" et "My Name Is Trouble" sont deux titres plus dynamiques, tandis que la gravité un peu sombre est davantage ressentie sur des morceaux comme "All The Beautiful Girls", "Run With You" et "You Were On Fire".

Je dirais presque que c’est un album pop.
Peut-être. Je te laisse le soin de choisir le terme approprié car je considère que je cherche toujours à garder un équilibre sur un album. Celui-ci n’y déroge pas : il y a en effet quelques titres pop, mais aussi un peu de folk, de rock… Je pense que la part plus lumineuse qui est présente sur chacun de mes disques résonne davantage sur celui-ci. A contrario, l’énergie sombre est beaucoup plus forte.

Un changement notamment au niveau de l’image qui est beaucoup plus soignée qu’auparavant : chorégraphie et coupe au bol pour ton nouveau clip "My Name Is Trouble".
Cette perruque que j’ai dans le clip "My Name Is Trouble", c’est une coupe de cheveux que que j’ai eu plusieurs fois dans ma vie. Je l’ai eue pour un shooting du magazine "Vogue" il y a quelques années. Je l’ai gardée pour toute la tournée suivante. J’ai trouvé que c’était très esthétique mais beaucoup plus difficile à vivre les jours. Pour cet album, j’ai eu envie de l’avoir de nouveau parce qu’elle caractérise véritablement une part de moi et mon état d’esprit actuel. Je ne voulais pas me recouper les cheveux : j’ai donc fait faire cette perruque. En ce qui concerne le côté danse, je dois t’avouer que je trouvais cette idée très amusante. J’avais déjà dansé dans plusieurs de mes anciens clips. Pour celui-ci, je voulais quelque chose de beaucoup plus sectaire. Il va bien avec la couleur de l’album, notamment ce rouge sang très marqué. Et puis, il y a l’aspect graphique qui concorde tout à fait avec la pochette de l’album. Ce clip est ce tableau abstrait et architectural qu'il pourrait y avoir dans cette chanson. C’est exactement là où je voulais aller avec "My Name Is Trouble".

Visionnez le nouveau clip de Keren Ann, "My Name Is Trouble":


C’est vrai que la pochette de l’album est très graphique et originale. Tu tiens un pistolet comme si tu venais de tirer. Tu vises qui ?
La photo de la pochette doit représenter ce que contient l’album : je pense que c'est intéressant de créer une image qui va avec un paysage sonore. En ce qui me concerne, j’écris toujours d’une manière autobiographique puisque je parle de moi et de ma vie. Ce n’est plus un secret ! Une fois de plus, c’est une partie de moi que je voulais mettre en avant sur la pochette, parce que je pense que mes narratrices, dans cet album, même si elles parlent de mes émotions, ou même si je fais partie intégrante du scénario, et pas forcément en tant que narratrice, une image de gangster. Tu vois, ce côté un peu femme fatale, légèrement hors-la-loi que j’associe avec des films à la Hitchock ou à la Tarantino. Cet album, c’était comme faire un film noir. Et pour le faire, il fallait un objet esthétique qui le représente au mieux. Le gun, pour moi, symbolisait cet aspect cinématographique. Il renforce aussi ce qu’on trouve dans l’album car le pistolet est présent dans plusieurs titres. Je voulais rendre compte de ce côté gangster que j’ai profondément en moi.

Je voulais rendre compte de ce côté gangster que j’ai en moi.
Ce disque nous baigne dans une ambiance très proche des films américains je dirais. Tu sais, ces films des années 60/70. De plus, l’album est enregistré pour la deuxième fois consécutive en anglais. Une attirance particulière pour la culture américaine ?
Forcément. Mon éducation s’est faite dans une école américaine. En terme de musique, j’ai écouté Springsteen et Dylan. Là où je sens mon côté français, c’est au niveau de la production. Ma grande école en matière de production et de son, c’est Gainsbourg. Je ne pense pas que j’aurais fait de telles chansons s’il n’y avait pas eu Gainsbourg. En revanche, je ne pense pas non plus que j’aurais écrit mes chansons comme elles le sont se je ne connaissais pas Dylan et Springsteen. Ce sont eux qui racontent le mieux l’Amérique selon moi. En tout cas, leur empathie dans l’écriture et la manière dont ils racontent l’environnement américain me touche. En ce qui concerne le choix de la langue, elle n'est pas directement liée à une fascination pour la vie américaine. Je pense tout simplement que cet album n’aurait pas pu exister dans une autre langue pour la bonne raison que toutes les histoires que je raconte sont des évènements que j’ai vécus aux États-Unis, ou des sentiments qui en sont dérivés. J’ai aimé en anglais donc je chanterai cette histoire en anglais. Si j’écris un album en français, il comportera des choses que j’ai vécues en français.

Je considère que l'on n'apprécie pas un album parce qu’il est en anglais ou en français.
Là, tu me l’expliques bien. Ne crains-tu pas que le public français soit dérangé par le fait que tu ne chantes pas en français ?
Non. Si tu aimes un artiste, tu écouteras son album qu’il soit enregistré en anglais ou en français. La langue, ce n’est qu’un outil. Je me souviens que sur un plateau de télévision, une journaliste critique était intervenue en me faisant part de sa frustration quant à l’album "Nolita" qui ne comporte que deux titres en français. Je lui ai conseillé de ne pas l’écouter car je considère que l'on n'apprécie pas un album parce qu’il est en anglais ou en français. On l’écoute parce qu’on aime un artiste et ce qu’il produit. Je n’ai jamais eu aucun problème avec mon public qui me suit depuis bien longtemps et qui me pousse à poursuivre ma carrière dans la direction que j’emprunte depuis plus de dix ans. Je leur suis d’ailleurs très reconnaissante. Je ne vais pas pourtant aller en studio pour tenter d'analyser les personnes pour qui je chante. Je viens de faire un enregistrement en hommage à Bashung. J’ai repris l’un de ses titres dans une version originale. Je l’ai bien sûr interprété en français et j’ai pris un plaisir fou à le chanter.



Le titre de ton nouvel album est bien sûr en anglais. "101" : c’est un nombre qui n’est pas anodin dans ta vie je crois.
Oui, c’est la valeur de mes initiales en fait. C’est aussi le "Psaume 101". Pour moi, le meilleur ouvrage jamais écrit est la Bible. Je pense que bon nombre d’auteurs seront d’accord avec moi. Je suis très friande de l’Ancien Testament. C’est une source d’inspiration infinie. Les plus grands films que j’ai aimé sont associés à une scène biblique. Je l’ai lu, mais en plusieurs fois comme tu dois t’en douter. Quand je pars en tournée, je l’emmène avec moi et j’aime ouvrir une page pour savoir si ce qui est conté me correspond. Pour en revenir au "Psaume 101", il a toujours été le mien. C’est un Psaume de chant et de justice.

Je suis très friande de l’Ancien Testament. C’est une source d’inspiration infinie.
"101" est aussi un nombre qui te suit depuis le début de ta carrière…
Je ne sais pas si c’est moi qui m’intéresse à ce nombre ou si c’est lui qui me suit. Je pense que je prête beaucoup d’attention au nombre "101". J’arrive à l’associer à beaucoup de choses qui me concernent. Par exemple, j’ai été invitée à visiter le cent-unième étage d'un building à Taïwan. C’est d’ailleurs là que j’ai eu l’idée du décompte pour le dernier titre de l’album. Il y a le long de la route 101. Après, ce nombre me suit peut-être ou pas, je n’en sais rien. Quoi qu’il en soit, il est graphiquement beau. Il me correspond bien même dans mes relations.

Tu as un tatouage sur ton avant-bras : une ancre de bateau avec le nombre "101". Tu l’avais fait avant cet album ou il en découle ?
Je voulais le faire depuis longtemps mais j’ai attendu d’avoir fini l’album pour le faire. Chaque fois que je termine un projet qui m’a pris beaucoup de place, je fais un tatouage. Il m’arrive souvent de ne rajouter qu’un nouvel élément sur une marque déjà existante. Cette fois-ci, j’ai changé d’endroit.

Pour en revenir à l’aspect religieux qui se décline sur ce disque…
Pour moi, il n’y a pas d’aspect religieux sur ce disque. Je ne suis pas quelqu’un de religieux.

Il y a quand même beaucoup de références.
Oui, mais ce sont des références à la Bible et non à la religion. Ce sont deux choses totalement différentes. Je fais allusion à des références bibliques qui sont très importantes pour moi. A Dieu même ! Du moment où l’on crée, on croit ! Un scientifique se lève le matin en croyant à la science. Je pense que cette croyance peut porter n’importe quel nom. En l’occurrence, j’aime bien que ce truc en porte un. Pourquoi pas Dieu ! Ce n’est pas pour autant que nous sommes religieux. On peut aussi l’appeler Gérard.

Peut-être, mais je ne vois pas le titre "101", qui est un décompte très référencé qui, arrivé à « 1 », se termine par Dieu, terminer plutôt par Gérard !
Non, absolument pas ! (rire)

Il y a aussi des chorales qui font tout de même très « chant d’église » sur le titre "You Were On Fire". Tu vois ce que je veux dire : si l’on met bout à bout tous ces éléments, ils sont directement en lien avec la religion et donnent un caractère presque spirituel à ces nouveaux textes et ces nouveaux sons.
Oui, c’est vrai qu’on peut avoir ce sentiment d’appel à Jésus-Christ sur "You Were On Fire" (rire) ! En réalité, en présentant mes textes à des personnes qui ont lu la Bible, ils ne l’ont pas pris comme quelque chose de religieux. Quelqu’un qui voit la Bible comme quelque chose de sacré et de terrifiant, un peu tabou, il va plutôt percevoir ces références comme quelque chose de religieux, effectivement. Pour ma part, c’est l’aspect littéraire que j’ai mis en avant puisque je n’ai pas de croyances en la religion. Ma dévotion se porterait plus volontiers pour la musique. Créer, c’est une forme de dévotion. Je pense que c’est notre culture qui pourrait t’inspirer ce raisonnement. Aux États-Unis, personne ne voit çà comme quelque chose de religieux. En Belgique non plus d’ailleurs.

Je crois tous les jours que je donne une forme physique à une idée.
Tu dis que tout le monde croit en quelque chose. Et toi, en quoi crois-tu aujourd’hui ?
Je crois au fait que j’ai une chance énorme de pouvoir faire de la musique. Je crois tous les jours que je donne une forme physique à une idée que je peux avoir : je crois au son ! Je crois aux textures et aux fréquences du son. J’arrive beaucoup plus à en apprendre sur quelque chose ou quelqu’un en écoutant le son qu’il produit ou en l’écoutant parler. C’est déjà beaucoup en soi !

Tu fais ma psychanalyse depuis tout à l’heure ?
Non, parce que je te regarde aussi (rire). Pour en revenir à mes croyances, je pense également qu’il incombe à la science de prouver beaucoup de choses. Je pense que nous recherchons encore de nombreuses réponses pour répondre à des problématiques que nous n’arrivons pas à résoudre. Ce n’est pas un secret ! Et puis, ce n’est peut-être pas important pour avancer et continuer à vivre. Ce n’est pas nécessaire pour être bon ou mauvais. J’ai énormément d’empathie pour les méchants. Je ne suis pas très patiente mais j’ai un certain penchant pour eux car, d’une certaine manière, j’en fais partie. J’ai cette méchanceté douce en moi, ce côté gangster.

Je vais donc me sauver avant que tu ne me tires dessus.
Merci à toi.




Keren Ann à La Bellevilloise


Vendredi 18 février. 21H20. Salle pleine à craquer. Public hystérique. Keren Anna fait son entrée.
C'est avec le titre "Sugar Mama" que l'artiste débute son concert à La Bellevilloise dans une ambiance survoltée. Quelle bonne surprise de la voir (enfin) avec sa perruque, nous qui étions déçus de ne pas pouvoir admirer cette chevelure rétro lors de notre rencontre qui, guitare à la main et mini-short noir en plus, donne à la chanteuse un côté rock qui lui scie bien. Nous sommes encore peu à connaitre ses nouveaux titres mais ils vont déjà fureur dans la salle. Les anciens titres nous rassemblent tous tandis que "My Name Is Trouble" crée (déjà) l'effervescence. Le public s'amuse, remercie l'artiste pour cet agréable moment ; et Keren le lui rend bien !
Retrouvez toutes ces informations sur le site internet officiel et le MySpace de Keren Ann.
Écoutez et/ou téléchargez la discographie de Keren Ann, dont le nouveau single "My Name Is Trouble".

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