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Axel Bauer en interview : "Les chansons sont les miroirs de ce qu'on est"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Axel Bauer signe un retour placé sous le signe de la résistance avec son nouvel album "Radio Londres", où résonne la voix de son père, Franck, et plane l'ombre de la maladie. Rencontre passionnante avec un insatiable musicien qui ne veut pas lâcher les guitares.
Crédits photo : Yann Orhan
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Sortir un album est toujours un événement dans la vie d'un artiste. Est-ce que vous avez encore le trac ?
Elle existe cette appréhension, bien sûr. Elle n'existe pas à grande ampleur, parce que je pense que si on sort un album, c'est qu'on est convaincu. On n'est pas obligé d'aller très vite, on peut quand même réfléchir à ce qu'on va faire ! Mais oui bien sûr, il y a une appréhension. Comment l'album va-t-il être reçu ? Est-ce qu'il va toucher les gens ? Et puis il y a de la curiosité aussi. Quelles chansons vont plaire le plus ? Des fois on se trompe ! Et puis le retour du public, c'est une part importante dans la construction d'une tournée. Ça fait du bien ! Je préfère que ce soit une histoire avec succès plutôt qu'un échec. Ce n'est jamais agréable quand les gens réagissent mollement ou pas du tout au travail que vous présentez.

Un nouvel album, c'est une aventure
Le succès, ça reste une notion importante ?
Pas à outrance. Je ne cherche pas le succès pour le succès. Je n'ai pas pour ambition de partir à Miami sur une plage pour boire des cocktails devant une eau turquoise, vous voyez ce que je veux dire ? (Sourire) Si j'ai envie que les chansons marchent, c'est parce que je les aime. Les chansons ce sont des petites créations qui sont vivantes : une fois qu'elles sont sorties de vous, c'est le public qui se les approprient. Ce sont comme mes enfants qui grandissent, et c'est toujours super de voir ce qu'il va se passer après. C'est une aventure.

C'est votre 7ème album en quatre décennies, c'est assez peu finalement. Vous l'expliquez par souci d'exigence ?
Il y a un peu de perfectionnisme, peut-être beaucoup à une époque, peut-être trop. Et puis il y a la vie qui fait que. Je n'ai pas trop d'explications car en vérité, je n'ai jamais arrêté de travailler. Là par exemple, il y eu un espace de dix ans entre le précédent album et celui-ci mais il ne faut pas oublier qu'il y a une pandémie : cet album-là était déjà prêt depuis l'année dernière. Moi je suis auteur et compositeur donc il n'y a pas un moment où je m'arrête de travailler. Je ne compose pas un album et puis je me suis dit : ça y est, c'est fini ! Je suis toujours en train d'écrire ou toujours en train de composer. Je joue de la guitare, je chante... C'est ma vie. À un moment donné, ça s'harmonise et ça devient un album. Des fois c'est inconscient. Et puis c'est aussi une sorte de rendez-vous avec le public, on tourne donc on a envie d'avoir de nouvelles chansons qui arrivent et étoffent le répertoire. Dans cet album, il y avait pas mal de chansons dont j'étais fier et que j'avais envie de faire entendre. Et c'est important de renouveler l'inspiration. Mais des fois, ça a été vite aussi, on oublie de le dire ! Par exemple entre l'album "Simple mortel'' et l'album "Personne n'est parfait'', où l'on retrouvait le duo avec Zazie [‘'A ma place'', ndlr], je n'ai mis qu'un an et demi. Il faut vivre des choses et avoir quelque chose à dire. Il y a des artistes qui sont très prolifiques mais qui devraient peut-être en faire moins !

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Je ne suis pas un critique de la société
L'album s'ouvre par "Ici Londres", une chanson qui est un véritable travail de mémoire puisqu'on y entend votre père, Franck, qui était l'une des voix de la résistance durant la Seconde Guerre mondiale. Elle est née quand, cette chanson qui traverse le temps ?
Elle est née le jour où il a réenregistré les messages, c'est-à-dire à 93 ans. Il est venu chez moi et on parlait de son bouquin sur Londres. « Les Français parlent aux Français », il n'avait que 22 ans quand il disait ça. C'était un gamin. Je lui posais la question de savoir pourquoi sa voix était un peu nasillarde, il m'expliquait que c'était pour passer au dessus du brouillage des Allemands, pour qu'on puisse entendre l'émission. Ils s'entraînaient tous à parler comme des canards ! C'était très intéressant et donc je lui ai demandé de réenregistrer les messages. C'est comme que la chanson a commencé à prendre forme, de cette conversation dont on entend quelques brides dans la version album. Au début, il cite les noms des speakers de Radio-Londres donc c'est plutôt un hommage à ces hommes-là qu'une chanson dédiée à mon père. Je fais une chanson sur la résistance, où je m'interroge moi-même. Qu'est-ce que j'aurais fait à sa place ? Un jour j'en ai parlé avec Boris Bergman, qui tenait absolument à écouter les enregistrements de mon père, et il a trouvé cette phrase formidable « En d'autres temps, on était plus résistants ». Le texte était né.

Justement cette phrase de Boris Bergman, au-delà du trait d'esprit, doit-on la voir comme une critique de la société d'aujourd'hui ?
Ça fait un peu "Cahiers du cinéma" de parler de critique !

Disons un commentaire, alors.
Je comprends ce que vous voulez dire. C'est vrai qu'elle est dite sur le mode de l'affirmation mais c'est plutôt un point de vue puisque dans la chanson, on se place dans la peau des speakers de Radio-Londres. C'est le passé qui parle à nous qui sommes dans le présent, et qui dit « En d'autres temps, on était plus résistants ». C'est une question en fait. L'affirmation critique, si moi je pense que... ? Ce n'est pas très important. Je suis un petit fabricant de chansons, je ne suis pas un critique de la société d'aujourd'hui. Mais je vais vous dire mon sentiment. Mon sentiment, c'est que si aujourd'hui une guerre éclatait, il y a des gens qui seraient aussi résistants que mon père ou d'autres l'ont été, et puis il y a des gens qui seraient des purs collabos et des salauds. On était loin d'imaginer avec Boris Bergman qu'un mois après la sortie de la chanson, la guerre serait aux portes de l'Europe et que Poutine envahirait l'Ukraine. C'est un de ces cas où la chanson rencontre l'actualité.




C'était comme s'il revivait ces moments derrière le micro
En demandant à votre père de réenregistrer les messages de Radio Londres, vous étiez déjà dans l'optique de faire une chanson pour transmettre l'histoire qu'il a vécue ?
Mon père était musicien. Il m'a beaucoup fait découvrir la musique, à commencer par la sienne lorsque j'étais enfant. Il écoutait beaucoup de disques de jazz, lui-même était un batteur de jazz, il jouait du piano. On avait même un orgue à la maison ! Il recevait ses copains qui étaient tous des stars du jazz, donc on baignait un peu dans cet univers-là. Et puis c'est lui qui m'a fait découvrir les Who, de fil en aiguille j'ai appris la guitare et donc, la musique a toujours été quelque chose de très fort dans ma famille et en lien avec mon père. Comme il jouait du piano ou de l'accordéon, on s'était toujours dit qu'on ferait une chanson ensemble un jour. On ne savait pas vraiment ce qu'on ferait mais ce jour-là, je ne sais pas vraiment ce que j'ai senti, je me suis dit que c'était un vrai sujet de fond sur lequel il pouvait s'exprimer. Il n'était pas chanteur mais il avait envie de faire quelque chose avec moi. Je l'aimais beaucoup. Il est parti en 2018 à presque 100 ans donc il n'était plus en grande forme.

Et pourtant dans la chanson, on a l'impression d'entendre les véritables messages de l'époque qu'il diffusait !
C'est ça qui est dingue, il avait une voix très jeune ! Ce jour-là, lui ne s'en est pas rendu compte mais il a pris une grande respiration comme ça, il était très solennel, très sérieux, comme s'il revivait ces moments derrière le micro alors que Londres était bombardée. Et il a dit « Les Français parlent aux Français » avec toute la force et toute la conviction qu'il y mettait quand il avait 22 ans. J'étais en face de lui et c'était un moment très fort, parce que je voyais dans ses yeux la gravité. Il avait quelques larmes qui lui venaient de la mémoire de ces instants. C'est là que j'ai senti que ce qu'il me donnait était précieux et qu'on ne pouvait pas faire n'importe quoi. C'est aussi pour ça que la chanson n'est pas sortie tout de suite. Au départ, j'avais fait une chanson un peu trop guerrière, un peu trop moderne, je n'arrivais pas à trouver la bonne formule. Quand je l'ai fait écouter à Erica Simeone, qui fait les choeurs dans l'album, une voix que j'aime beaucoup, on l'a chantée ensemble et là il y a vraiment eu ce côté chanson résistante. Et peut-être aussi parce que c'est une femme, ça a transformé l'atmosphère. On était dans un monde d'hommes et sa présence à elle a fait que tout d'un coup, l'équilibre est arrivée. Là, Joséphine Baker m'a rejoint, Madeleine Riffaud... On ne dit jamais qu'il y a des femmes formidables qui ont fait l'histoire. Tout comme il y avait beaucoup d'humour dans les messages codés de Radio-Londres, qui véhiculaient pourtant des informations très confidentielles et secrètes. Dans ces heures tragiques de l'histoire, c'est comme s'il fallait réinventer le monde et lui redonner une légèreté perdue.

Finalement, ce thème de la résistance est devenu le fil rouge de l'album. Sur "Tout l'or du monde'', vous faites le constat alarmant de notre planète sur de gros riffs électriques. Qu'est-ce que vous rend en colère, aujourd'hui ? 
C'est l'injustice. Quand on n'écoute pas. C'est la difficulté qu'on a nous les hommes et les humains à trouver de vraies solutions pour la planète et en même temps, j'ai un peu de recul maintenant pour comprendre que ce n'est pas si facile et que ce n'est pas la colère qui va nous aider, même si elle peut faire bouger les choses. Ce qui est difficile dans les chansons, c'est qu'on ne veut pas passer pour un donneur de leçons. J'ai essayé dans cette chanson de trouver une histoire qui lie les choses. On vit un grand moment de transformation. Je suis plutôt de nature optimiste donc j'essaye de me dire que ça va bien se passer ! Mais on sent bien qu'il y a une urgence.

C'est aux citoyens de faire bouger la politique
Vous pensez qu'une chanson a le pouvoir de faire bouger les lignes ?
Je ne pense pas, mais une chanson place un repère. A partir des choses qui sont dites dans un texte, on peut se positionner, adhérer ou non, s'interroger. Dans "A ma place", Zazie et moi on encourageait les gens à se mettre à la place de l'autre, finalement. Même si ce sont des évidences, exprimer des points de vue fait qu'on s'en rappelle. « Tout l'or du monde ne vaut pas la vie », ce n'est pas un message d'une grandissime profondeur. On aurait pu tous le trouver ! (Rires) Mais le dire, et le dire avec enthousiasme, ça réveille quelque chose j'ai l'impression.

On est dans une année électorale. Vous croyez encore en la politique ?
(Il réfléchit) La politique doit changer les choses. Mais c'est aux citoyens de faire bouger la politique, car elle n'est que le reflet de nous-mêmes. Si on a un président qui est con, c'est à nous-mêmes qu'il faut s'en prendre ! La politique bouge quand les citoyens bougent, mais encore faut-il qu'ils soient au courant des combats à mener. C'est un ensemble de choses dont font également partie les médias. Ceci dit, contrairement à ce qu'on peut souvent lire, j'ai toujours pensé qu'un homme politique, surtout un président, n'est pas un type qui veut s'en mettre plein les poches. Un président c'est un ambitieux, forcément, il a envie de transformer le pays et de laisser une empreinte. Sarkozy, Hollande... Tous les présidents que j'ai rencontrés sont des hommes ambitieux. Ça ne veut pas dire que je suis d'accord avec leurs idées ! Et des fois qu'il faut leur rappeler que les citoyens existent pour ne pas qu'ils soient trop en dehors des réalités. Mais j'ose croire qu'ils ont cette ambition de faire au mieux.




Vous réalisez que vous n'êtes pas immortel
Revenons à l'album. Il y a des chansons très personnelles dont certains textes que vous signez, je pense à "C'est malin", qui parle avec pudeur et presque poésie de la maladie. Est-ce qu'on hésite à se livrer sur des choses si intimes ?
Je n'en ai pas eu conscience au moment où j'ai fait la chanson. Elle est arrivée un peu comme ça, par le Saint-Esprit. (Sourire) J'ai pris un papier et un crayon, comme je fais dans les moments où je compose au clavier ou à la guitare. Cette chanson, c'est un instant d'intimité avec moi-même. Sur le moment, l'idée n'est pas forcément de relier le texte à la maladie : ça pourrait aussi bien parler d'une séparation. D'ailleurs, je ne dis pas le mot cancer. Mais je voulais qu'elle ait un impact. Lorsqu'on vous annonce que vous avez une maladie grave, Il y a une vraie prise de conscience, qui n'est pas intellectuelle. Vous réalisez que la vie peut s'arrêter et donc que vous n'êtes pas immortel. Il y a tout d'un coup ce sentiment de toute puissance qui disparaît. Et ça donne une autre perspective, un peu comme ce que j'aime lire chez Carlos Castaneda : l'idée de faire de la mort sa meilleure conseillère. Le monde extérieur se met à vibrer d'une manière plus incandescente, plus brillante. On a peut-être moins besoin d'exister et plus envie que les autres existent. Il y a ce "nous" qui prend le dessus par rapport au "je". Ce qui m'intéressait dans cette chanson, c'était de traduire ça en musique. De le faire ressentir, avec l'histoire de ce type qui va bien, la main sur le volant, les cheveux dans le vent, et d'un coup tout bascule. Et là, il y a une humanité qui arrive, une sensibilité différente, parce qu'il a pris conscience que ça peut être la fin. Pour moi, je le vois plutôt comme un scénario de film. Il y un autre personnage d'ailleurs, c'est peut-être un conjoint. On ne sait pas vraiment à qui s'adresse ce « Si tu l'as, tu meurs », si c'est à moi l'auteur ou cette autre personne. Finalement, le côté "Axel Bauer a eu un cancer", j'ai envie de dire que c'est anecdotique.

Vous parlez d'une expérience personnelle pour toucher à l'universel...
Oui. Le véritable but de la chanson, c'est de nous amener à plus d'humilité. Ma meilleure récompense d'avoir fait ce morceau, c'est de lire parfois les magnifiques commentaires laissés sous la vidéo de la part de gens qui traversent cette épreuve ou dont les proches traversent cette épreuve, et qui trouvent que ce que je décris est juste, colle à la réalité. Je trouve ça magique quand on me dit : "Grâce à cette chanson, je me sens moins seul". Ça fait toujours du bien de savoir qu'on est pas le seul à combattre. Et c'est aussi l'un des buts de la musique, nous rassembler.

Je n'ai pas osé la refaire
La chanson est aussi poignante que vibrante, avec cette montée crescendo. J'ai lu que vous aviez gardé la voix utilisée sur la maquette, c'était pour ne pas altérer l'émotion, la garder intacte ?
Je n'ai pas osé la refaire. Parce que c'était un moment. On a travaillé autour de la maquette pour conserver l'émotion, et je trouvais que la voix, la façon de dire les choses, étaient justes. J'avais peur de perdre quelque chose si je la refaisais. Alors je l'ai gardée telle quelle.

Votre nouveau single est "L'homme qui court". Cet homme qui vit dans l'incertitude et ne veut pas rester dans la solitude, comme le dit la chanson, c'est vous ?
L'homme qui court, c'est moi, c'est nous tous. C'est plutôt quelqu'un qui part à la recherche de lui-même, qui veut se trouver et en même temps qui ne veut pas se laisser piéger. Qui court pour ne pas se faire attraper. Il y a un côté un peu rebelle là-dedans. C'est l'histoire d'une transformation. On parle de quelqu'un de très lambda qui, tout d'un coup, sur un coup de tête, bouleverse sa vie et devient quelqu'un d'autre. Ou plutôt ce qu'il est.

C'est une quête d'identité.
Oui. Les chansons sont les miroirs de ce qu'on est. Ce que nous fait ressentir la musique, qui répond au texte, c'est le danger de ne pas se trouver, de passer à côté de soi.

Ce que vous me décrivez, c'est exactement ce qu'est être artiste, non ?
Vous avez tout à fait raison, c'est une métaphore de la vie d'artiste.




Je n'ai jamais fait de la musique pour être une star
Revenons quelques années en arrière. On vous a vite catalogué dans la case du rockeur rebelle après votre premier tube "Cargo" en 1983. C'était plus un fantasme qu'une vérité ?
Rockeur, je l'ai toujours été. Ca dépend ce qu'on entend par rockeur : je ne suis pas très tatoué ! (Rires) J'étais très jeune, j'avais 22 ans. Mon look était totalement sincère. Il n'y avait pas de calcul. Je venais du milieu rock français, je jouais dans des endroits comme le Rose Bonbon et le Gibus, on se connaissait avec les Rita Mitsouko, Indochine, Elli et Jacno, toute la clique des gens qui étaient dans la new wave en France et à Paris. J'étais un peu plus jeune mais je trainais avec eux. Quand "Cargo" s'est mis à marcher, je me suis retrouvé sous le feu des projecteurs, dans un monde plus large... Forcément on ne maîtrise pas tout. Il y a des gens qui vont vous voir comme rebelle et en même temps d'autres qui vont affirmer l'inverse parce que vous passez à la télé. Les images, c'est un peu complexe mais ce n'est pas très intéressant. Moi je n'ai jamais fait de la musique pour être connu, pour être une star. Je suis un musicien avant tout. Sur "Cargo", c'est moi qui joue de tous les instruments, à part la batterie ! On est sorti du studio, on pensait qu'on en vendrait qu'aux gens qui écoutaient cette musique. On a été dépassé, on ne pensait pas que ça marcherait autant. Et puis avec mon look, ma veste en cuir et ma casquette, je pensais ne jamais être pris à la télé.

Comment on fait quand on a un succès aussi fou et aussi soudain pour ne pas se perdre ?
C'est vraiment la musique et le fait d'être musicien qui m'ont sauvé, je crois. Le gens imaginaient que j'étais peut-être tout le temps en train de boire des coups dans les boîtes de nuit. En réalité, je passais beaucoup de temps chez moi à composer ou à jouer de la guitare. C'est ça qui permet de garder la tête froide. Maintenant, quand vous rencontrez un succès aussi phénoménal que "Cargo" à l'époque, vous avez quand même beaucoup de gens qui vous sollicitent, tout le monde vous tourne autour... Ça change beaucoup les rapports humains. Vos proches et vos amis ne comprennent pas bien, c'est compliqué à vivre pour ça. Et puis soi-même ! Comme j'étais jeune, je pensais naïvement... Je n'étais pas préparé à vivre ce succès. Un des effets secondaires c'est qu'on pense que ça va marcher tout le temps. On pense qu'on est arrivé quelque par. Et en fait, non : après "Cargo de nuit" il faut faire "Paquebot de jour" ou "Radeau de l'après-midi" ! (Rires) Ce qui est dur, c'est de se renouveler en étant à la hauteur ce que le public attend de vous, c'est-à-dire faire une bonne chanson avec les éléments musicaux et les sensibilités que les gens aiment avoir en vous. Moi il m'a fallu à peu près 10 ans pour refaire un succès avec "Eteins la lumière". Quand c'est arrivé ça m'a fait du bien mais c'était difficile effectivement de savoir ce que le public attendait de moi, surtout que "Cargo" était un premier titre. Même pas un premier album !

C'est une sacrée pression...
Oui. Je savais qu'après "Cargo", tout ce que je ferais derrière serait passé au crible de la comparaison. Et ça a été le cas pendant assez longtemps, maintenant ça ne l'est plus.

Je me vois faire ça jusqu'à la fin de mes jours
Finalement, est-ce que c'est lorsque vous avez quitté Universal pour devenir votre propre producteur que vous vous êtes affranchis des contraintes ?
Ça a certainement joué. C'est plus dans ma nature d'être, je ne dirais pas au contrôle mais à l'initiative des choses, ou en position de comprendre. Je suis le genre de gars à qui si l'on donne un transistor, je vais le démonter pour voir à l'intérieur. Si on me dit "c'est comme ça que ça marche", j'ai envie de comprendre pourquoi. Donc je ne suis pas fait pour avoir un contrat d'artiste dans une major. J'ai mis du temps à m'en rendre compte. On ne vous dit pas ce que vous devez composer ou enregistrer, par contre on vous dit "les radios fonctionnent comme ça". Et vous n'avez jamais l'impression de comprendre pourquoi les radios voudraient ça plutôt que ça. On n'évolue pas. Quand je suis parti en 2009, ça a été le début d'une autre période beaucoup plus enrichissante où j'ai certainement retrouvé une créativité qui se perdait un peu, noyée dans la lassitude d'un contrat.

Vous vous voyez faire ça encore longtemps ? Vous avez encore la flamme ?
J'adore ça. Je me vois faire ça jusqu'à la fin de mes jours. J'adore être sur scène, j'adore jouer. Tant que je pourrais physiquement, parce que certains guitaristes n'y arrivent plus, je le ferais. Mais j'ai des amis guitaristes qui jouent encore super bien et voire même mieux à 60 ou 70 ans ! Bon après, quand j'avais 30 ans, je montais sur le stack de Marshall, je faisais un grand saut avec ma guitare et j'arrivais sur la batterie ! Je me verrais moins faire ça aujourd'hui, c'est sûr. (Rires) Par contre, je peux toucher plus avec mes notes, ma voix et mes textes.

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