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Natasha St-Pier : "Je ne suis pas une sainte"

A l'initiative du spectacle musical "Robin des Bois, Ne renoncez jamais", Roberto Ciurleo l'est également de "Thérèse, Vivre d'amour", un album reprenant quelques poèmes de Thérèse de Lisieux, mis en musique par Grégoire et interprétés par plusieurs artistes dont Anggun, Sonia Lacen, Elisa Tovati et Natasha St-Pier, que l'on retrouve sur la presque totalité des titres. La chanteuse, actuellement très occupée par son rôle de coach dans l'émission "The Voice" en Belgique, se confie sur ce projet et ce qu'il lui apporte au quotidien, ses ambitions et son prochain disque, plus folk.
Crédits photo : DR.
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Pure Charts : A proprement parler, "Thérèse, Vivre d'amour", ce n'est pas votre album, comme il a pu être présenté en premier lieu...
Natasha St-Pier : A proprement parler, non. C'est vrai (sourire). Je viens un peu comme une comédienne sur ce projet. J'ai essayé de livrer les textes de Thérèse comme elle-même aurait pu les interpréter. Mais, comme vous le savez, elle est morte depuis plus d'un siècle. Ce n'est pas quelqu'un avec qui j'ai pu parler. Et puis, elle a eu une vie tellement loin de la mienne... Il est donc difficile de savoir exactement comme elle percevait les choses. Moi, j'essaie de m'en approcher mais surtout de transmettre ses émotions et son histoire au public. Comme quand on va au cinéma et qu'on ressort de la salle en ayant été ému par les personnages, l'histoire... Donc j'essaie de faire comme font les comédiens.

En réalité, ce sont Grégoire et Roberto Ciurleo qui sont les instigateurs du projet, et qui sont venus vous trouver...
Le vrai instigateur si je puis dire, c'est Roberto Ciurleo, qui lui est très croyant et qui aime Thérèse. C'est lui qui nous a parlé le premier de tout ça. L'associée de Roberto, c'est la femme de Grégoire. Elle est rentrée un soir chez elle avec ces textes. Grégoire les a lus. Il s'est installé au piano et s'est mis à les chanter. C'est sorti comme ça. Il a été très ému par ses textes-là. Sa femme me disait qu'il a même pleuré à un moment devant son piano. De là, il a écrit beaucoup de musiques. Ils ont eu envie d'en faire un album multi-artistes. Ils souhaitaient que chaque artiste interprète un ou deux titres. Mais ils ne voulaient pas spécialement d'artiste lead. Quand ils m'ont approchée pour le projet et que j'ai commencé à poser, c'est venu pour eux comme une évidence que j'avais ce qu'il fallait. On m'a demandé d'être le fil rouge de cet album, sans être Thérèse. Et plutôt que d'en faire un projet multi-artistes, on a décidé d'inviter plusieurs artistes à venir chanter avec moi.

On vit une époque où on a besoin de messages d'amour et d'espoir
Ce n'est pas évident de travailler sur un projet comme celui-là, associé à la religion. Quelle a été votre première réaction lorsque Roberto et Gégoire vous ont contactée ?
Au début, quand ils m'ont approchée, j'ai eu un peu peur. Parce que... Le premier appel, ça a été : "Allo Natasha, je voudrais juste savoir si tu es catholique ?" (rire). J'ai répondu que oui et j'ai demandé pourquoi. C'était mon agent. Il m'a expliqué que j'avais été contactée pour un projet. Il est resté assez confus et m'a simplement parlé d'un rendez-vous. Je suis allée au rendez-vous sans savoir avec qui et pourquoi. Et là, on m'a parlé de Thérèse de Lisieux. Je ne la connaissais pas. Je ne savais pas qui c'était. Je leur ai demandé de me faire écouter quelques chansons. Et au bout de la troisième, j'ai été convaincue. Je me suis dis que c'étaient des chansons que j'avais envie de chanter. Après, je suis rentrée chez moi. J'ai été regarder sur Internet pour savoir qui était Thérèse de Lisieux. J'ai lu. J'ai ensuite acheté des livres et je me suis documentée un maximum. Et j'ai découvert quelque chose de vachement positif. Souvent, la religion catholique, on a l'impression que c'est quelque chose de très sévère, très carré...

Pour beaucoup, c'est vrai...
Alors des textes qui datent en plus de cent ans (sourire) ! Je pensais que ça allait être très fermé, brimant ! Mais, ce qui m'a surpris, c'est qu'elle n'était pas cette image de la religion qu'on a, même dans les textes très modernes. Sans dire que c'était une précurseur, elle était vraiment dans l'amour. Elle n'était pas dans les grands miracles ou les sacrifices. Elle était dans la générosité : être gentille avec tout le monde, et tout le temps. Je pense qu'on vit une époque où on a besoin de messages d'amour et d'espoir. Qu'on soit athée ou croyant. L'amour et l'espérance sont pour moi des sujets d'actualité. Parce qu'on en manque !

Vous êtes-vous identifiée à Thérèse de Lisieux en interprétant ses poèmes ?
Je ne me suis pas identifiée. Parce qu'elle est fait mille fois mieux que moi, cette femme. Elle a fait des choses que je ne serai jamais capable de faire. J'ai essayé pendant trois jours de ne jamais ressentir la moindre aigreur ou le moindre petit agacement de la part de quiconque. Dans une journée de vie normale, c'est impossible !

Je ne pourrai faire de miracle pour personne, ça ne sert à rien de me prier
Pourquoi est-ce impossible selon vous ? C'est une question d'époque ? Le 21ème nous oblige à agir de telle ou telle manière ?
Le 21ème siècle est comme ça parce que nous sommes devenus comme ça. C'est nous qui façonnons le monde. Ce n'est pas lui qui nous fait être. J'ai l'impression qu'on confond souvent ces deux choses-là aujourd'hui. C'est de notre faute. On copie des modèles. On se construit un système de valeurs qui est celui d'une majorité de gens. Il n'est pas axé vers la générosité.

Vous ne craignez pas que ce projet vous enferme dans un personnage ?
Ce qui me fait peur, c'est que les gens m'identifient à Thérèse ou projettent en moi le personnage qu'elle est. Je ne pourrai faire de miracle pour personne, ça ne sert à rien de me prier. J'ai l'impression qu'il y a des gens qui vont attendre beaucoup de moi. Peut-être plus que ce que je suis capable de donner et de faire. C'est ça qui me fait peur. Après, dire que ce projet pourrait m'enfermer dans un personnage, je ne crois pas. J'ai existé avant. J'existerai après. Ce n'est pas avec six chansons que ma personnalité va changer du tout au tout. J'ai déjà sorti plusieurs albums. Les gens me connaissent bien et sont assez bien placés je pense pour savoir que je ne suis pas une sainte. Mais les gens que l'album va aider dans des épreuves ou apaiser, risquent de trop projeter d'espoirs en moi.

Est-ce que Thérèse est devenue ou pourrait devenir un modèle pour vous ?
Très honnêtement, elle l'est devenue en quelque sorte. Je lisais qu'elle avait eu beaucoup de détracteurs. Parce qu'elle n'a pas été missionnaire. Elle n'est pas allée à l'autre bout du monde pour convertir des gens. Elle n'a pas fait de grands miracles de son vivant. Elle n'a pas redonné la vie ou la vue à qui que ce soit. Mais, tout au long de sa vie, elle a fait des tous petits actes qui l'ont fait connaître dans le monde entier. Alors qu'elle a vécu enfermée dans un carmel de l'âge de 15 à 24 ans ! Pour qu'une femme enfermée aussi longtemps dans un couvent, à Lisieux, soit aujourd'hui aussi célèbre, c'est quand même qu'elle avait quelque chose de particulier (sourire) ! C'est Jean-Paul II qui avait dit qu'il était plus difficile de faire de petits actes au quotidien que des grands actes exceptionnels. Je pense que, en ça, elle est un modèle. Moi qui ne suis pas de nature très patiente, je vais peut-être le devenir plus. En tout cas, je veille à l'être plus.

Le carmel, l'oraison, la prière... Ce sont des mots qui signifiaient quelque chose pour vous ?
Non. On m'aurait demandé ce qu'était une carmélite, j'aurais vaguement répondu que c'était une religieuse.

J'ai découvert à travers elle une foi qui me convient
Vous avez donc fait un peu d'histoire...
J'ai appris beaucoup de choses depuis que je travaille sur ce projet. J'ai même découvert à travers elle une sorte de foi qui me convient. Parce que, comme je l'ai dit, je n'adhère pas aux choses trop régentées, trop carrées... Pas assez spirituelles finalement. Et là, j'ai découvert une foi facile et abordable, qui m'a semblé logique.

Sur cet album, on retrouve d'autres artistes, comme Anggun. C'est une belle rencontre ? Vous avez vécu toutes les deux la même expérience, l'Eurovision, avec plus ou moins de réussite. C'est quelque chose que vous avez peut-être pu partager ?
C'est vrai, mais on n'en a pas vraiment parlé. Je ne sais pas si elle l'a vécu difficilement. En fait, ça fait assez longtemps qu'on se connait avec Anggun. Mais, à part sur des plateaux de télévision, on n'avait jamais chanté ensemble. Là, on a eu l'occasion de passer plusieurs jours ensemble pour le tournage du clip et l'enregistrement des chansons. Elle va revenir pour quelques plateaux de télévision. Elle est vraiment très impliquée alors que son emploi du temps est très chargé. Là, elle travaille sur "X-Factor" en Indonésie. Elle a deux jours off par semaine. Elle revient régulièrement, exprès pour ce projet, en sachant qu'il y a un décalage horaire. C'est bien ce qu'elle fait. Elle aime le projet. Elle aime les chansons. Je trouve ça agréable d'être entourée de personnes qui aiment ce qu'elles font., qui donnent de leur personne. Ça donne envie de se donner aussi.

Regardez le clip "Vivre d'amour" avec Natasha St-Pier et Anggun :



Anggun, c'est "X-Factor", vous, c'est "The Voice" en Belgique. Comment ça se passe ?
Je dois avouer que je passe un excellent moment. Parce que, en Belgique, on a la chance de beaucoup travailler avec les talents. Je suis là-bas du samedi au mardi. On ne me demande pas seulement de les aider à choisir une chanson et d'être sur le plateau. Je dois travailler sur l'éclairage, le stylisme, décider d'incorporer des danseurs ou pas, demander des musiciens ou pas, et savoir lesquels... Je travaille sur toute la mise en scène avec le talent. Je le fais répéter. Je travaille ensuite en collaboration avec le réalisateur. Je dois intervenir sur les différents plans de caméra pour chaque talent. Tout ça, c'est un travail que je trouve vraiment génial ! J'apprends à faire des choses que je n'imaginais pas savoir faire un jour. Personne n'a d'égo surdimensionné là-bas. Je ne dis pas qu'ici il y en a. Mais, quand je pose une question, on ne me répond pas : "Toi t'es chanteuse, moi je suis le réal...". On m'apprend à faire et on essaie ensemble.

Et avec les talents ?
Je ne travaille qu'avec des jeunes. Ils ont tous moins de vingt ans. Je suis devenue la maman (sourire). Là, on a terminé les battles. On en est à l'étape suivante où il faut en éliminer deux et en garder deux. C'est atroce ! Émotionnellement parlant. J'ai perdu l'une des jeunes femmes que j'appréciais énormément. C'est dommage parce qu'elle était un pilier de l'équipe. Elle organisait la vie de l'équipe. Au lieu de faire venir sa famille, elle a demandé à faire venir tous les anciens de notre équipe qui avaient été éliminés lors des précédentes étapes. Je suis triste mais on garde le contact. Ils ont mon numéro de téléphone. Avec certains, on s'appelle.

On retrouve d'ailleurs l'un des talents de la première saison de "The Voice" France sur cet album : Sonia Lacen. Vous la connaissiez aussi avant ?
Non. Pas du tout. J'avais un peu d'appréhensions quand on m'a expliqué qu'elle allait nous rejoindre sur le projet parce que je ne savais pas ce qu'elle faisait. Elle aussi avait peur de son côté. Elle s'est demandée si je n'allais pas être snob... On est arrivées toutes les deux sans trop savoir, en étant assez timides. Et puis finalement, avec Sonia, nous sommes devenues d'excellentes copines. Mon compagnon a rencontré le sien, qui fait exactement le même métier. Le sien est pompier-plongeur à Monaco. Le mien est pompier-plongeur dans l'armée française. On s'est découvert plein de points communs. On a déjà dîné ensemble. Elle est en train de passer son brevet de pilote commercial... Elle fait beaucoup de choses...

Thérèse était une femme très amoureuse
Y-a-t-il des artistes qui ont refusé de participer à ce projet ?
Oui, il y a des artistes qui ont refusé mais vous ne saurez pas lesquels (sourire). Il y en a qui voulaient chanter en solo alors que ce n'était pas le concept. Il y en a qui n'ont pas répondu.

Et puis, peut-être aussi parce que c'est un projet assez particulier avec un thème connoté. Il y a des mots ou des expressions qui peuvent effrayer certains artistes ou auditeurs qui ne s'attendent pas à vous entendre les chanter.
On a bien fait attention aux mots qui revenaient souvent. Il y a "Seigneur", que l'on peut interpréter de différentes façons, "Dieu tout puissant", que l'on retrouve dans toutes les religions, et "Jésus", dans la chanson "Ma joie". Je me suis rendue compte que si je le change par autre chose, comme Grégory, le prénom de mon compagnon, c'est la plus belle chanson d'amour au monde. C'est à ce moment-là que je me suis dit que Thérèse était une femme aussi très amoureuse.

Vous enchaînez assez rapidement puisque votre dernier album "Bonne nouvelle" est sorti en juillet 2012...
C'est vrai ! D'autant que j’étais en train de travailler sur un autre projet. Je ne suis plus signée chez Sony Music. J'ai rejoint TF1 Musique pour un nouveau projet d'album. C'est un peu rapide mais quand ils m'ont fait cette proposition, je n'ai pas pu refuser.

On va faire une première tournée dans les églises
A quoi faut-il s'attendre pour votre prochain opus ?
Pour l'instant, ce projet est sur pause avec la sortie de l'album "Thérèse, Vivre d'amour". Je m'y remettrai assez rapidement parce que c'est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. Je vais garder la surprise pour l'instant. Il n'y aura pas que des chansons originales. C'est un truc qui me ressemble (sourire) !

On peut donc s'attendre à quelques reprises... C'est très tendance les albums de reprises !
Oui, mais s'il y a des reprises, je peux vous assurer que ce sont des chansons que vous ne connaissez pas en France. Ça va être des chansons folkloriques. Du vieux folklore de chez nous. Contrairement à "Thérèse", qui n'est pas un album de reprises du tout. C'est une mise en musique. On ne peut parler de reprises pour des chansons qui auparavant n’existaient pas.

Regardez le clip "Jeter des fleurs" avec Natasha St-Pier :



Vous avez respecté scrupuleusement les poèmes ou vous avez changé quelques mots pour mieux coller à notre époque ?
Les poèmes de Thérèse de Lisieux sont très longs. On a volontairement coupé des couplets. On est allé piocher dans les textes ce qui pourrait parler le plus au gens. C'est pour ça aussi que l'album n'est pas hyper religieux. On a choisi les bons couplets. Par contre, dans les couplets qu'on choisissait, on n'inversait pas les vers, on n'enlevait aucun mot et on n'en a changé aucun non plus. La seule chose qu'on s'est permis de faire avec ses poèmes, c'est de prendre seulement des extraits. On aurait pu changer des choses, puisque les textes sont tombés dans le domaine public. Mais le projet n'aurait plus eu aucun sens, plus aucune valeur.

Je travaille sur des adaptations en cinq langues
Y aura-t-il quelques scènes pour défendre ce projet ?
Oui. On est en train d'y travailler. On travaille sur une tournée. Moi, je vais d'abord honorer les dates de ma tournée estivale. Ce sont des concerts qui ont rapport avec mon dernier album. Pour "Thérèse, Vivre d'amour", on va faire une première tournée dans les églises, comme Laurent Voulzy l'a fait. C'est un lieu qui s'y prête bien. On va faire quelques dates à la rentrée à travers la France. Et on enchaînera avec une tournée de Zénith l'an prochain si tout se passe bien. On va faire vivre ce projet sur le long terme. On travaille déjà sur des adaptations pour d'autres pays. Il y a des versions des chansons qui existent déjà en anglais, en allemand, en italien et en espagnol. Comme Thérèse est connue dans le monde entier, on veut le sortir un peu partout. Je travaille sur des adaptations en cinq langues.

Ce projet peut-il être un tremplin pour une carrière internationale ?
Je ne sais pas. A part l'Espagne, je ne suis pas très connue dans d'autres pays. Donc, comme je le disais juste avant, si ça ne porte pas à confusion en France, le rôle de Thérèse que j'incarne pourrait me coller pour toujours dans ces pays-là. Donc je ne le vois pas comme un tremplin mais comme une expérience. L'occasion de rencontrer des gens.
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Natasha St-Pier en interview
26/11/2022 - Natasha St Pier est de retour avec son nouvel album "Jeanne", inspiré de la vie de Jeanne d'Arc et des écrits de Thérèse de Lisieurs. En interview pour Purecharts, l'artiste se confie sur ces figures féministes, l'étiquette de chanteuse spirituelle ou encore sa tournée des églises.
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