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mercredi 05 décembre 2012 18:00

Serge Lama : "Depuis trente ans, j'entends des bêtises qui tuent la chanson"

Serge Lama compte bien faire de 2013 son année. L'interprète des "Ballons rouges" prépare une tournée qui fera escale à l'Olympia en février pour plusieurs soirs, afin de célébrer avec ses fidèles ses cinquante ans de carrière. Pour s'y préparer, le chanteur nous propose cette semaine un nouveau best-of, incluant ses titres les plus populaires, réarrangés, ainsi que plusieurs nouvelles pistes réalisées à partir de poèmes écrits alors qu'il était adolescent. Une occasion pour l'artiste de revenir sur les meilleurs moments de sa carrière, mais également de donner son avis sur l'évolution de la chanson française, qu'il estime bien mal en point. Rencontre exclusive sur Internet !
Crédits photo : Luc Valigny
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Pure Charts : Cinquante ans de carrière, ça se fête ! Le hasard du calendrier fait que vous soufflez cinquante bougies en même temps que d'autres artistes comme Enrico Macias, Michel Sardou, et les Rolling Stones, dans un tout autre registre. Est-ce que quelque part, quand on arrive à cinquante ans de carrière, on ressent un peu de fierté au regard de ce qu'on a accompli ?
Serge Lama : On a un sentiment de tristesse parce qu'on se dit qu'il n'y aura plus beaucoup d'artistes qui arriveront à passer le cap des cinquante ans de carrière. Actuellement, ceux qui sont en train de se faire un nom, je ne suis pas sûr qu'ils soient tous là dans cinquante ans. Et ça me fait de la peine ! Je suis tellement passionné par ce que je n'appelle pas un métier d'ailleurs, mais une discipline, un loisir dont on a fait son activité principale. J'aurais certainement chanté même si je n'avais pas pu en vivre, comme c'est d'ailleurs le cas de beaucoup d'artistes. J'aurais sûrement eu un métier en parallèle. Alors, voir ce que devient le métier actuellement…! Evidemment, je suis fier d'arriver à cinquante de carrière. La richesse, elle est là. Dans tout ce que j'ai appris, cette expérience… Et j'espère être meilleur aujourd'hui que je l'ai été hier. Différemment ! Parce qu'il y a des choses qu'on gagne avec le temps, et d'autres qu'on perd en vieillissant. Tout ne peut pas être tout blanc ou tout noir. Etre gai, en ce moment, avec tout ce qui se passe dans le monde du disque… On ne peut pas se réjouir totalement !

On ne s'occupe pas suffisamment de notre patrimoine
Comment l'expliquez-vous ?
Je l'explique d'une façon complexe, parce qu'il y a Internet, parce qu'il y a des tas de supports différents. Et je pense aussi que c'est la faute des maisons de disques ! Et c'est pour ça que j'ai voulu que ce disque soit différent. On a fait de la boîte de conserve pendant trente ans. Et ça a marché ! On a vendu et revendu sans faire de la création. On a repris dans différents ordres des chansons qui s'étaient bien vendues avec des compilations dont moi-même je n'étais pas au courant qu'elles sortaient. Ça a été une exploitation du public totalement intolérable ! Nous-mêmes avons été exploités. Là, ma maison de disques a tenu à ce que je sorte quelque chose. J'ai accepté à la seule condition que je puisse remettre au goût du jour, de rendre vivant, ce qui a été fait. Ils ne m'ont pas fait d'histoire. Je crois que c'est la première fois qu'un best-of paraît comme ça. Plus de la moitié des chansons ont été refaites complètement. On a même changé les textes de certaines.

Qu'entendez-vous par l'expression "faire du neuf dans du mieux, sinon, effectivement, il vaut mieux s'abstenir", annotée sur la pochette de votre nouvel album ? Faites-vous référence aux différents disques de reprises qui sont sortis ces derniers mois ?
Ce sont des reprises qui sont faites par des gens nouveaux, avec leur patte et de nouveaux arrangements. Une chanson, elle revit quand elle change de peau. Et créer de nouveaux arrangements, c'est un changement de peau. Prenez par exemple la compilation "Génération Goldman". C'est totalement différent de ce que Goldman faisait il y a vingt ans. Je trouve que dans ce cas-là, on va dans le bon sens. Il faut faire vivre le patrimoine français, qui est énorme ! On pourrait par exemple reprendre des chansons des années 50, remises au goût du jour avec des arrangements plus modernes. Je suis sûr qu'une chanson comme "Parlez-moi d'amour", comme Patrick Bruel l'avait fait avec "Entre deux" il y a quelques années, revue, pourrait de nouveau être un tube. Le succès colossal de cet album, personne ne l'avait prédit d'ailleurs. Je pense que d'autres pourraient rencontrer pareil succès avec d'autres titres, repris dans le même esprit. On ne s'occupe pas suffisamment de notre patrimoine.

Accepteriez-vous que des artistes de la jeune génération travaillent sur un disque de reprises de vos chansons, comme certains l'on fait en piochant dans le répertoire de Jean-Jacques Goldman ?
Mais oui, bien sûr ! J'en rêverais que la jeunesse reprenne mes chansons. J'ai même des idées que je ne peux pas réaliser par moi-même, parce que le public ne le supporterait pas. Je vois bien que, quand j'ai essayé de changer certaines chansons à une époque, comme l'a fait Charles Aznavour en son temps, le public n'a pas apprécié. Il ne faut pas aller trop loin. Alors, je bouge mes chansons, j'essaie de faire du mieux tout en respectant son esprit originel. Le public est en revanche plus indulgent lorsque ce sont les jeunes qui reprennent des titres. Ils pourraient prendre des risques. Pourquoi pas faire un rap avec la chanson "D'aventures en aventures" ? Parce qu'elle s'y prête totalement !

Pourquoi avoir couplé les titres "Je suis malade" et "Les p'tites femmes de Pigalle" sur une même piste pour ce best-of ?
J'ai voulu rendre concret quelque chose que j'explique depuis pas mal d'années. J'ai deux publics. Il y a une partie du public qui aime le Serge Lama dramatique, littéraire, sérieux… Et qui ne comprend pas le Serge Lama qui interprète des chansons plus légères comme "Les p'tites femmes de Pigalle". Or, à ces gens-là, je veux leur montrer que les textes de ces titres plus légers sont aussi bien écrits que ceux de mes titres plus sérieux. Je prends autant de soin à les écrire que les autres. Ils sont peut-être même plus difficiles à écrire car je suis d'un naturel triste et mélancolique. Pour ces deux titres, j'ai toujours expliqué que c'était la même chanson. Le héros des "Ptites femmes de Pigalle" est le même héros que celui de la chanson "Je suis malade". On a donc associé les deux titres avec le piano, parce que c'était la meilleure façon de le faire en douceur, pour montrer que les deux chansons sont très proches l'une de l'autre.

Le "Serge Lama littéraire", c'est celui qu'on retrouve avec les quelques titres inédits ajoutés sur ce best-of. Ces nouvelles chansons ont été réalisées à partir de poèmes que vous aviez écrits entre 12 et 14 ans...
Au départ, mon ambition était de devenir poète ou parolier. Si mon père avait réussi dans la chanson, j'aurais certainement été un auteur. J'aurais écrit des chansons pour lui, et d'autres qui se seraient présentés. J'aurais écrit des livres ou des pièces de théâtre. Mais mon père ayant malheureusement été obligé d'arrêter ce métier, j'ai senti le besoin de me révolter. Je ne l'ai pas supporté. C'était comme une petite mort pour moi ! Le Monte Cristo qui sommeillait en moi s'est réveillé. J'ai repris le flambeau. Jusqu'à trente ans, j'ai porté le fardeau de mon père. Après, je m'en suis délivré, et j'ai chanté pour mon compte. J'ai voulu montrer à mon père que quelqu'un de la famille pouvait être là-haut.

On trouve toujours moyen d'écraser ce que font les gens
Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour vous servir de ces poèmes ? Comment est venue l'idée de les mettre en musique ?
J'avais onze ans et demi pour "La ballade du poète". Je m'en souviens, c'est ma première chanson. J'avais trouvé la musique après avoir écrit les vers. Quand j'ai chanté ça à mon père - il ne me l'a pas montré car il ne voulait pas que je fasse ce métier-là -, il a quand même été surpris. Dans ce titre, on sent toutes les influences de Verlaine et Apollinaire. Mais celle qui m'étonne le plus, c'est "Comment veux-tu que je la quitte". Je n'avais que douze ans. J'ai écrit ce titre en pensant à une fille que je suivais partout et dont j'étais amoureux. On faisait du théâtre ensemble. A travers cette chanson, je tisse sur l'amour, la solitude, la possibilité du couple, sur moi aussi… Il y a un côté désabusé. Je suis sûr que si j'avais mis cette chanson sur n'importe quel album, sans dire qu'il s'agissait d'un poème que j'avais écrit lorsque j'étais plus jeune, le public ne s'en serait pas aperçu.

Vous écrivez sur ce que vous avez vécu, sur vos expériences personnelles, et celles d'autres, ou vous vous servez de l'écriture comme d'un exutoire, le moyen de l'introspection ?
Je pense que c'est un peu les deux. Je suis un grand imaginatif. J'ai une faculté d'imaginer les choses. Je me souviens des faits qui m'ont inspiré "La ballade du poète". J'étais dans la rue et j'ai vu un sans-abri qui volait à un petit marchand ambulant. Il a vu que je l'avais vu. On s'est regardé droit dans les yeux. Cette rencontre, courte mais finalement intense, a donné ce titre. J'ai été très inspiré et suis rentré à la maison où j'ai commencé à écrire. Par exemple, le titre "Je te partage", c'est une histoire qu'un ami m'a racontée. C'est une situation qu'il vivait lui-même. Il était dingue d'une femme mais elle était avec un autre. Elle venait le voir mais rentrait chez elle quand même. Il préférait que ça reste comme çà plutôt que de la perdre totalement.

Crédits photo : Luc Valigny
Sur cette compilation, on retrouve également un titre qui est totalement nouveau, que vous avez écrit plus récemment. "Des éclairs et des revolvers"…
... Je ne savais même pas que j'allais l'écrire. A deux jours de rendre le disque, je m'aperçois que Sergio Tomassi avait fait cet arrangement pour "Les ballons rouges". Je chante "Les ballons rouges" sur cet arrangement, et je me rends compte que ça ne va pas. Ça rentrait dedans, mais ça ne marchait pas. Je réfléchissais et me suis dit que ce n'était ni bien pour "Les ballons rouges", ni bien pour cette musique qui est formidable. Je rentrais chez moi et, tout d'un coup, le texte m'est arrivé comme un rêve. De temps en temps, ça m'arrive. C'est comme une prophétie. J'avais en tête ce que la musique de Sergio disait. Je me suis mis à aligner les vers les uns après les autres. Il était 3 heures du matin mais je n'ai pas arrêté d'envoyer des textos à Sergio en lui faisant part de mes idées. Je lui ai dit que je venais enregistrer le titre le lendemain en studio. Cette chanson, c'est une sorte de chose récitée, une sorte de harangue. Sergio m'a écouté. On a pu le faire dès le lendemain en studio. Il n'était pas du tout prévu qu'il y ait une chanson nouvelle dans cet album. J'ai dû aller rechercher une version des "Ballons rouges" d'un autre disque pour ce nouvel album.

Je ne pense pas que ce soit une bonne chose d'avoir assassiné Dieu
Vous dîtes que cette chanson est arrivée comme "un rêve". Sur le fond, c'est pourtant loin d'être un rêve. Le texte de ce nouveau titre n'est quand même pas très positif !
Non, ce n'est pas un rêve. Ça se termine avec de la tendresse, mais quelque part désespérée parce que les deux êtres se tiennent la main mais vont disparaître ensemble. C'est juste pour donner un peu de courage à la femme qui est avec lui. Les évènements vont les submerger. C'est inéluctable. Je rejoins un peu Daniel Balavoine qui chantait "Qu'est-ce qui pourrait sauver l'amour". On n'a pas sauvé l'amour, certes, et d'un autre côté on a également totalement écrasé la planète, comme le montre Yann Arthus-Bertrand, à sa façon. Ce sont des images, on ne peut pas aller contre, même si son travail est décrié par certains. On trouve toujours moyen d'écraser ce que font les gens. On ne pourra pas continuer longtemps comme çà.

Qu'entendez-vous par écraser les choses ?
J'ai l'impression qu'on ne veut pas que la vérité soit connue de tous. Pour moi, on ne vit plus en démocratie depuis longtemps. On est dans une démocratie qui est fausse. Il y a une pensée dominante que tout le monde est obligé de suivre, que moi-même je suis obligé de suivre. A la télévision, je dois parfois me taire. A travers une chanson, je peux plus facilement délivrer le fond de ma pensée. Mais ça devient de plus en plus difficile de pouvoir s'exprimer. Il y a des sujets sur lesquels il ne faut rien dire. On ne s'en rend pas compte. Brassens, aujourd'hui, il y a vingt pour cent de ses chansons qu'il ne pourrait pas chanter. Brel pareil ! C'est quand même inquiétant !

En quelque sorte, c'est la fin des chanteurs engagés... ?
Oui. Il n'y a plus d'idéal non plus. Quel qu'il soit. Et puis, on a tué Dieu bien inutilement. Parce qu'il y a encore d'autres dieux qui continuent de faire des massacres. S'il y avait un équilibre des forces entre les différents dieux, le monde s'en porterait mieux. C'est un peu comme la bombe atomique pendant la Guerre froide. On dit depuis longtemps qu'elle a empêché la guerre d'éclater entre les Etats-Unis et l'URSS, car les deux pays ne dépassaient jamais certaines limites par peur de se la prendre sur le coin de la figure. Ça a fini par créer un équilibre. Je pense que ce serait pareil aujourd'hui s'il y avait un équilibre entre les religions. Là, si on laisse filer les choses, je ne sais pas comment ça va tourner. On est quand même tombé dans une folie religieuse… Je ne pense pas que ce soit une bonne chose d'avoir assassiné Dieu. Qu'est-ce que Dieu autrement que de l'espoir sublimé ? Le monde en a toujours eu besoin, depuis que l'Homme existe. Les gens meurent. Et ils n'aiment pas ça. Dès qu'ils sont petits, lors d'un enterrement, ils se posent des tas de questions. Des questions qu'ils se posent finalement toute leur vie. Que Dieu existe ou non, laissez-le tranquille, car il est utile là où il est ! Il n'est pas utile pour l'Inquisition, je suis bien d'accord. Mais il est utile pour le tout-venant.

Crédits photo : Luc Valigny
Comme vous célébrez vos cinquante ans de carrière, pourriez-vous nous confier l'un de vos plus beaux souvenirs ?
Mon plus beau souvenir, ce n'est pas forcément ce que l'on pense. C'était en 1968, je faisais la première partie de Georges Chelon. Je chantais mes nouvelles chansons, qui étaient à l'époque "Les ballons rouges", "D'aventures en aventures" et "Le temps de la rengaine". J'ai chanté cinq titres. Ça a été un énorme succès ! Le public était debout. Je ne me rappelle pas avoir connu un aussi grand succès par la suite dans ma carrière. Tous les gens sont sortis de la salle, sont venus dans ma loge. Le pauvre Georges, qui lui montait sur scène, n'arrivait plus à captiver le public. C'était le jour de ma gloire. J'ai fait la fête pendant toute la soirée. C'est peut-être le souvenir le plus vif qui me soit resté. Après, bien sûr, j'ai été moi-même vedette dans les salles de concert, en 1970, à Bobino. Mais c'était autre chose. Je me souviens aussi de la première fois où j'ai rempli l'Olympia pendant quinze jours ou trois semaines. Je ne sais plus vraiment. J'étais content. Je trouvais ça formidable. Mais cet évènement, en 1968, fait partie des choses qui n'arrivent qu'une fois. Ma devise, qui est restée la même depuis tout petit et que j'ai empruntée à Alfred de Vigny, c'est : « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ». Et ce que j'espère pour ces cinquante ans, lorsque je monterai sur la scène de l'Olympia, c'est que ma devise s'applique une nouvelle fois. J'espère que ce sera vraiment quelque chose d'exceptionnel. Parce que j'en ai quand même 70 ans. Je ne sais pas jusque quand je pourrais chanter. Mon corps a été malade. Il a fallu que je le soigne.

Je fais partie des artistes sur lesquels on a le plus tapé
Vous réservez quelques surprises pour votre public ?
Il n'y aura pas d'invités extérieurs. J'ai de très belles idées, de jolies choses que j'aimerais voir se mettre en place pour cette tournée. Si je pouvais en réaliser ne serait-ce que la moitié, ce serait déjà formidable. Mais, vous savez, dans ce métier, quand on arrive à faire 50% de ce qu'on voulait faire, c'est qu'on n'a pas raté. Et quand on arrive à 85%, c'est qu'on a réussi. C'est très très rare de réaliser ce qu'on voulait initialement.

Avez-vous au contraire des regrets ? Y a-t-il des choses que vous auriez aimé faire autrement avec du recul ?
Je pense que l'enfant que j'étais à onze ans, et qui rêvait déjà tous les soirs de faire ce métier-là, est satisfait. Il voulait faire l'Olympia en vedette. Et je l'ai fait. En plus, j'ai inventé le Palais des Congrès qui n'existait pas et Dieu sait qu'on m'a tapé dessus. Avec Aznavour, je crois que je fais partie des artistes sur lesquels on a le plus tapé. Charles Aznavour a un pressbook bien épais ! Quand je lui dis que je suis malheureux, il me le sort et ça me calme immédiatement (sourire). Qu'est-ce qu'il a pris (sourire). Le Palais des Congrès, c'était le crime de lèse-Olympia. Tout le monde ne parlait plus que de ça, et même pas de mes concerts. Puis finalement, beaucoup font le Palais des Congrès dorénavant ! C'est devenu une salle comme les autres. Parmi les grands moments de ma carrière, il y a "Napoléon", qui a été comme une cassure. J'avais 45 ans au moment de "Napoléon". Cet âge, c'est un tournant dans la carrière d'un artiste. Je suis resté onze ans sans chanter de chansons à mon public. J'ai pris des risques énormes car j'aurais pu me casser la figure. Il a fallu repartir à la conquête. Ce qui fait que j'ai passé ma vie à devoir refaire mon parcours. J'ai dû repartir à plusieurs reprises avec mon bâton de pèlerin, comme je le dis dans "La balade du poète". Je suis quelqu'un qui est parti mais qui n'est jamais arrivé.

Vous dîtes dans cet album : « A mon public qui m'a inventé ». Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
Je suis un chanteur typiquement construit par un public qui a voulu de moi. Le public m'a désiré. Ce n'est pas l'œuvre des médias. On était trois à l'époque à se tirer la couverture au même moment. Il y avait Johnny, Sardou et moi qui nous suivions dans les classements. Mais les gens de métier se sont toujours demandé pourquoi j'étais là. Je fais quelque chose qui ne se fait pas. Je ne suis pas rock. Je ne suis pas yéyé. Je chante. J'aime bien les chansons et pas la musique. Les Victoires de la Musique, ça veut dire quoi ? Les Victoires de la Chanson ! Ce n'est pas de la musique. La musique, c'est autre chose. Une chanson, ce sont des textes et de la musique. C'est d'ailleurs comme ça que ça se fait à la SACEM. Depuis trente ans, j'entends des bêtises qui tuent la chanson. Alors, moi, ce que je fais, contre vents et marées, parce que je suis un insoumis, je continue de tracer le sillon de la chanson française, avec des mots français que j'ai appris à l'école, à l'époque où on apprenait encore quelque chose. Je parle des mots de Voltaire, que Brassens utilisaient. Gainsbourg aussi ! Ce sillon, je suis je crois, l'un des derniers à le tracer. C'est en tout cas Charles Aznavour qui me l'a dit.
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