vendredi 02 décembre 2011 11:00

Elisa Tovati en interview

Forte du succès qu'a rencontré cet été le duo "Il nous faut", Elisa Tovati propose en cette fin d'année une réédition de son dernier album "Le syndrome de Peter Pan". L'occasion pour elle de livrer au public quelques titres supplémentaires et de répondre à nos questions. Accessible et ouverte, Elisa Tovati parle de son disque, évoquant ses doutes et la maternité.
Crédits photo : Facebook officiel d'Elisa Tovati
Je souhaiterais tout d'abord aborder ton duo "Il nous faut", enregistré avec Tom Dice. Je voulais savoir si tu t'attendais à un tel succès et comment tu le vis. C'est la première fois que l'un de tes titres séduit tant le public. Est-ce un aboutissement pour toi ? (Jonathan Hamard, Journaliste)
Non, je ne m'attendais pas du tout à ce succès. Je le vois comme une chance. Je le vois aussi comme un succès arrivé à point nommé dans le sens où il m'a redonné de l'énergie pour m'aider à avancer. J'ai réalisé aussi que d'une certaine manière ce succès peut vouloir dire que je suis sur le bon chemin. On y croyait beaucoup. Je trouvais que c'était un titre sublime. On a pris des risques, notamment avec les violons que je voulais vraiment pour cette chanson. On ne l'a pas réalisée de sorte qu'elle soit tendance comme on dit mais plutôt pour qu'elle soit quelque chose de profond, en phase avec mes origines, avec qui je suis. Ça a été fait de manière très artisanal et ce succès a été un vrai bonheur pour toute l'équipe qui a travaillé autour et puis évidemment pour moi. Tu sais qu'on a toujours beaucoup de preuves à faire et c'est toujours agréable. Pour le public c'est important aussi parce que ça compte d'avoir un titre qui soit numéro 1 pendant des semaines et dont le clip est beaucoup diffusé à la télévision.

Il y a quelque chose qui m'interpelle dans tes propos. Tu dis que tu avais besoin aussi de cette nouvelle énergie relative à ce succès-là. Tu commençais à douter de ton talent ou de l'hypothétique reconnaissance que tu pourrais rencontrer un jour ?
Non, ce n'est pas vraiment ça. Tu sais, tu entraines toute une équipe avec toi qui pendant des mois et des mois travaille gracieusement, parfois même des années. C'est le cas notamment des auteurs-compositeurs. Tu leur donnes évidemment ton énergie, tes convictions et ta passion. Tu les embarques avec toi. Et tu as envie de les récompenser à un moment donné. Tu as envie de leur dire : "Vous voyez, vous avez bien fait de travailler dur pour moi. Vous avez bien fait d'y croire. On a bien fait de se donner du mal". Ça c'est agréable. Le marché du disque étant ce qu'il est actuellement, le métier étant difficile, même si tu es besogneuse et que tu te bats coute que coute, ce succès tu l'attends toute ta vie. On fait aussi ce métier pour rencontrer le public, pour vendre des disques. Quand je vais chanter sur scène et que je vois les bras se lever devant moi. Quand je croise des gens dans la rue et qui m'expliquent qu'ils se sont mariés sur ma chanson ou qu'ils ont fait un bébé dessus. D'autres me remercient ou le disent qu'ils ont les poils qui se dressent quand il l'écoute... Ça fait vraiment du bien. C'est vraiment génial. Un succès c'est magique. On ne s'y attend jamais. On n'y croit pas. On se dit : "Non pas moi. Un succès d'estime ce sera déjà bien".

Le succès d'estime tu le connaissais déjà. Tu l'as rencontré avec tes deux premiers albums.
Avec le premier album non. Plutôt avec le deuxième. Il y a eu 35 000 disques vendus. Les gens avaient aimé les clips...
« Il fallait maintenant que je fasse mes preuves. »


Et puis la très bonne critique...
Oui, une bonne critique. Mais il fallait maintenant que je fasse mes preuves : montrer que je pouvais aussi toucher le grand public et faire partie des chansons de l'année.

Tu dis aussi que le métier est difficile et j'ai le sentiment que ta position n'était pas évidente d'après ce que j'ai compris. N'y-a-t-il pas aussi parfois une crainte de ne pas répondre aux attentes de ton label ?
Tu sais, c'est une histoire un peu particulière avec ce label. Je le connais depuis quelques années déjà. Je le connaissais déjà quand j'étais chez Universal. Ils avaient déjà manifesté beaucoup d'enthousiasme par rapport à ce que je faisais... Des liens s'étaient même crées. Évidemment, comme c'est une petite boîte et que chaque centime investi c'est de l'argent qui sort de la poche de jeunes comme nous, j'entends par-là qui ont 35-40 ans, tu n'as pas envie de les décevoir. Je suis contente. Je ne suis pas sûre qu'ils m'aient laissé tomber s'il n'y avait pas eu un gros succès. Mais voilà, c'est euphorisant pour tous les gens de la boîte. Ça donne envie de continuer de travailler ensemble. Peut-être que si le troisième album s'était complètement planté, j'aurais peut-être en effet eu du mal à en refaire un tout de suite, ou tout du moins dans ces conditions-là.

Cette rencontre "Il nous faut", j'ai cru comprendre qu'à l'origine elle n'était pas prévue avec Tom Dice.
A l'origine, j'ai chanté le morceau avec John Maman, qui est le compositeur du titre. On a senti qu'il fallait une voix, une présence masculine. Au début j'ai demandé avec François Raoult, qui est un chanteur français, de venir essayer de chanter sur une prod que j'avais faite. Elle n'avait rien à voir avec la prod finale. Elle était un peu plus énergique. Et ça le faisait pas : ni la voix, ni la prod. On a tout jeté. Du coup, on s'est recentré sur la genèse du projet, c'est à dire une guitare/voix, quelque chose de tendre, de simple, de romantique. Je voulais des violons pour le titre, car c'est mon instrument préféré. On le retrouve sur tout l'album. Il fallait la voix, et très vite, ça s'est imposé comme une magie avec quelqu'un qui aurait une voix un peu rauque et atypique. L'étau se resserrait jusqu'à tomber à la radio sur la voix de Tom Dice. J'ai tout fait pour qu'il chante avec moi. il était très désorganisé et pas du tout discipliné. Tous les mails que j'envoyais étaient à chaque fois sans réponse. C'est le genre de mec pas très carré et insaisissable. On a eu beaucoup de mal à le faire venir pour juste deux heures en studio à Paris afin d'enregistrer les voix. C'était ridicule. Je me suis battue parce que j'y croyais. Quand j'étais en studio, j'ai vraiment senti qu'il se passait quelque chose de magique. Mais il ne s'est absolument pas intéressé au titre. Je trouve ça triste. Il aurait pu rester pour la réalisation. Ça a été un fantôme sur le titre. J'ai été un peu déçue. Après, pour le clip, tout s'est très bien passé et pour la promo aussi. Il a bien compris que la chanson marchait bien. Les jeunes qui ont si peu envie de travailler, ils doivent rester chez eux. Il s'est excusé en invoquant des problèmes avec son label. Mais je me suis battue parce que le plus important, c'est le talent. Et je sais qu'il en a beaucoup. Le titre a bien marché et l'on n'est pas obligé d'être pote avec tous les artistes avec lesquels on travaille. Là, ça a été un coup de foudre artistique et ça l'est resté. J'ai bien fait. C'est chouette quand on chante tous les deux.

Regardez le clip "Il nous faut" d'Elisa Tovati et Tom Dice :


Je te découvre très impliquée sur plusieurs aspects du projet. Tu gères tout de A à Z ?
Ecoute, c'était aussi le but d'être dans une petite maison de disques comme celle-là. C'était aussi le but de prendre trois ans pour le troisième album. J'ai pris le temps pour tout, jusqu'au choix de la pochette pour le disque. J'ai choisi les photos et la typo de la pochette. Je suis allée par moi-même dans les bureaux de l'agence. Jusqu'au moindre mot, le moindre détail. Jusqu'aux vêtements de Tom Dice pour les télévisions que je lui achète et que je lui apporte.

Suite au succès de ce titre, je m'attendais à voir un sursaut de l'album dans les charts. Finalement, je ne l'ai pas vu. Comment l'expliques-tu ?
Je pense qu'un seul single c'est un peu léger pour que le public investisse sur un album entier. On a lancé le nouveau titre "Tous les chemins". Il est entré en radio et les télévisions diffusent le clip. C'est génial. On a un accueil presque meilleur que pour "Il nous faut". Donc, je le conçois. Je sais que c'est dur parce qu'il y a beaucoup d'albums. On se maintient : j'étais encore 49ème la semaine dernière. Je préfère ça plutôt qu'un feu de paille puis après plus rien. Donc ça se construit bien et intelligemment.
« "Tous les chemins" est une suite logique de "Il nous faut". »


Pas de soucis.
Pas de soucis. Que des inquiétudes tout le temps au quotidien. J'étais ravie d'être numéro 1 avec "Il nous faut", mais je ne m'attendais pas à y être avec l'album. Pas maintenant. Je savais que ça prendrait du temps.

Cette chanson "Tous les chemins" ressemble beaucoup à "Il nous faut". C'est volontaire ou simplement le fruit d'une inspiration très similaire ?
C'est fait exprès figure-toi. J'avais envie que ce soit une suite. Mes chansons, je les envisage comme des mini court-métrages, comme des mini scénarios. J'ai pris le même réalisateur pour les titres comme pour les clips. Autant dans le texte que pour le clip, j'ai voulu donner une suite. C'est un peu la fin de l'histoire si tu veux. Ils ont vécu ensemble pendant un certain temps et tu les retrouves quelques mois après. C'est un peu comme si tu avais "La vérité si je mens 1" et puis "La vérité si je mens 2" après. "Tous les chemins" est une suite logique de "Il nous faut". Je n'ai pas voulu passer à autre chose : j'ai voulu terminer l'aventure.

Regardez le clip "Tous les chemins" d'Elisa Tovati :


"Tous les chemins" figure sur la réédition, au même titre que "Comme". Qu'est-ce que signifie cette réédition pour toi ? Qu'est-ce qu'elle apporte à ton projet "Le syndrome de Peter Pan" ?
Au début, j'avais trente titres. J'ai dû faire un choix car je n'ai pu enregistrer que douze titres. Avec le succès de la chanson "Il nous faut", il y a eu des fonds qui ont été débloqués pour l'enregistrement de ces deux morceaux qui étaient très importants pour moi. Ils existent depuis mal de temps et sont, comme je te le disais, des suites pour "Il nous faut". Ce qui est marrant, c'est qu'on ne sait jamais ce qui va plaire aux gens. Si tu veux, dans l'album, tu as la chanson "Le syndrome de Peter Pan" qui pourrait être dans le même esprit que "On est tous des ex-princesses". Or, "Il nous faut" n'avait pas sa suite enregistrée. Donc cette réédition m'a permis de boucler la boucle, de donner la suite de "Il nous faut" qui manquait à la première version de l'album.

Parmi les dix-huit titres restants, ça n'a pas dû être facile de faire un choix pour seulement deux morceaux.
Non. Il y en a un autre que j'aurais vraiment voulu enregistrer... Mais ce n'est pas grave, je le chanterai sur scène. Tu sais quoi ? je lui donnerai vie en concert.

Ou peut-être sur un prochain album.
Oui. Pourquoi pas. Encore que, un album, c'est un moment précis de ta vie. Ce sont des envies précises à un moment donné. Est-ce que dans trois ans j'aurai encore envie des mêmes musiques, des mêmes textes ? Je ne sais pas encore.

Si un album symbolise un moment de la vie d'un artiste, qu'est-ce que signifie "Le syndrome de Peter Pan" dans la tienne ?
Il symbolise un moment de doute, une peur du futur. C'est un peu comme quand tu as peur de te projeter dans le futur : tu regardes dans le rétroviseur pour faire un bilan. Tu repenses à tes rêves d'enfance et tes désillusions d'adulte. Ce ne sont pas toujours des thèmes très gais qui sont abordés. Mais comme j'utilise des métaphores associées à l'enfance, les sujets évoqués passent sans doute un peu plus facilement. Par exemple, pour "La femme du magicien", c'est une chanson assez dure sur une femme objet qui souffre parce qu'elle manipulée par son homme. C'est un sujet que je ne voulais pas aborder de manière crue et classique. "On est toute des ex-princesses", c'est un bilan : la vie ne t'apporte pas ce que tu attendais. Ce n'est pas pour autant que ta vie n'est pas belle, c'est juste que tu n'as pas ce que tu voulais. C'est un disque beaucoup plus triste et moins girl power que "Je ne mâche pas mes mots". Tout ça est relié par un fil conducteur qui se trouve être l'enfance. De là, on titre la bobine. Cet album, ce sont vraiment des questionnements et des doutes que j'avais et qu'on a réussi à habiller. Tout ça ressemble à une fille de trente-cinq ans qui se pose des questions avant de se projeter dans le reste de sa vie.

« Quand j'étais petite on m'appelait "Vodka-Couscous". »
Une fille ou une femme ?
Etant donné que c'est "Le syndrome de Peter Pan", je dirais presque une fille. Il n'empêche que si les années passent vite, tu ne grandis pas toujours au même rythme. Je sais pour ma part que j'ai été très tôt dans la peau d'une femme puisque je baigne dans le milieu artistique depuis que j'ai quinze ans. J'ai joué très tôt des rôles compliqués au cinéma, comme celui de prostituées. A un moment donné, il y a cette juvénilité qui rejailli dans ta vie. Surtout quand tu deviens mère : tout revient dans les yeux de ton enfant. Tu revois ce que tu étais quand tu étais petit. C'est comme une évidence.

Enfin, ce disque est aussi représentatif de tes origines.
Tu es fait de ce que t'apporte l'origine de tes parents. Et si je veux être honnête avec le public, bien sûr que je dois lui parler de la France. Mais je dois aussi lui parler de l'Europe centrale et de l'Afrique du Nord. C'est ça mon mélange. Quand j'étais petite, on m'appelait "Vodka-Couscous". Ce sont des violons et à la fois de la musique orientale. C'est aussi le fait d'être profondément parisienne et française. J'ai une sensibilité slave avec une couleur du sud. Finalement, j'ai les couleurs plus foncées que celle que je suis vraiment. J'ai un fils qui pourrait être le tien : il a les yeux bleus et le teint pâle. Il était donc important que ce qui me fait vibrer et pleurer soit présent sur cet album. Les violons, les xylophones et les accordéons, c'était important qu'on les retrouve. D'où la caravane sur la pochette de l'album qui symbolise le voyage. Comme dans les clips d'ailleurs. Je me sens totalement nomade aussi. C'est plus logique pour moi de me présenter comme ça.




Droit de réponse d'Elisa Tovati :

« Suite à l’interview parue sur votre site ce jour, je tiens à apporter certaines précisions.
Les propos relatés sur le site ont clairement dépassé ma pensée. Il est vrai que nous avons eu beaucoup de mal à monter ce duo. Tom ayant un planning très chargé en Belgique, il a été difficilement joignable et beaucoup de mails sont restés sans réponse.
J’ai insisté pour faire cette chanson avec lui car je trouve qu’il a un talent immense.
Il a bien évidemment contribué au succès de cette chanson et je l’en remercie. »
Elisa Tovati.
Toute l'actualité d'Elisa Tovati sur son site internet officiel et sa page Facebook.
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