Hélène SégaraVariete Francaise » Variété française
jeudi 11 décembre 2014 10:49
Hélène Segara : "Il y a trop d'albums de reprises car on sent que ça peut faire du fric"
Par
Matthieu RENARD
| Rédacteur
Cette semaine, Hélène Segara a publié son huitième album "Tout commence aujourd'hui". Celle qui fête ses 20 ans de carrière nous a accordé une longue interview au cours de laquelle elle s'est livrée sans langue de bois. Dans cette deuxième partie d'entretien, Hélène évoque le business des albums de reprises, la réhabilitation des icônes populaires, le marché du disque et... le film "Mommy" de Xavier Dolan.
Crédits photo : Benjamin Decoin
Propos recueillis par Matthieu Renard. Ton disque hommage à Dassin était différent de tous les albums de reprises qui sont sortis depuis ? Aujourd'hui il y a beaucoup d'albums de reprises : "La bande à Renaud", le Goldman, le bidule, le machin. Les critiques de mon album de Dassin ont été unanimes pour dire qu'il y avait un vrai travail classieux effectué. On n'a pas fait ça à la va-vite en deux jours. Il y a des arrangements qu'on a refait 4-5 fois avec un orchestre symphonique. Je suis fière du travail proposé. Il a plu aux fans de Dassin et ça m'a fait très plaisir. Il y a trop d'albums de reprises Au niveau des albums de reprises, tu as fait le tour ?Oui, là j'avais envie d'un projet original après l'album de Dassin. Après, je ne peux pas te dire que je ne ferai plus de reprises. J'aimerais en faire des tonnes. Des morceaux que j'adore. Je rêve de reprendre des titres de Radiohead et de Jeff Buckley. A ma manière. Toujours avec une musique élégante et pointue. Je suis une artiste populaire, c'est pas un gros mot. Mais il faut faire les choses correctement. J'adore les covers mais à partir du moment où elles sont respectables. Est ce qu'il n'y a pas trop d'albums de reprises ? Si. Il y en a trop. C'est la faute aux maisons de disques. Elles prennent de moins en moins de risques. J'ai un label qui fonce avec moi sur cet album. Qui y croit. Mais mine de rien, l'enregistrement de mon album "L'amour de la terre", Universal ne m'a pas donné le choix. Et quand j'ai signé chez Smart, j'avais en parallèle des propositions sur d'autres labels pour des projets collectifs qui ne m'intéressaient pas. Il n'y avait rien de sentimental. Il faut que j'ai une histoire à raconter. Là on sent qu'il faut faire des trucs parce qu'on sent que ça peut faire du fric et que ça peut plaire au public. Tant mieux si ça plait au public, on est là pour ça, sinon autant rester dans sa salle de bain. Mais ce que je veux te dire c'est que le petit supplément d'âme est important. Le problème c'est que souvent le temps n'est jamais pris et l'implication est insuffisante. Il y a des chansons que j'adorais et quand j'entends les reprises je me dis : mon dieu c'est pas possible, le pauvre artiste qui a créé cette chanson ! J'adore mes succès populaires ! Sur ton nouvel album, "Tout commence aujourd'hui", tu travailles avec Zazie et Jean-Jacques Goldman...Ça fait partie des choses que j'espérais beaucoup. Ça m'a pris du temps d'oser l'envisager. Je n'aime pas m'imposer aux gens. Quelqu'un comme Goldman, qui est un formidable artiste, est tellement courtisé... Il s'est mis en retrait en tant qu'artiste pour servir les autres artistes. Du coup, il est tout le temps sollicité et je ne voulais pas en rajouter une couche. Mais je voulais faire passer un tel message avec cette chanson que j'ai voulu quelqu'un qui sache trouver des mots élégants, dignes... Je ne voulais pas un bourrin et lui c'est un orfèvre. Et c'est pareil pour Zazie. J'adore comme elle écrit. Je connais tout ce qu'elle a fait. Pour te dire, quand tes enfants à 10 ans connaissent tout Zazie par cur, c'est révélateur ! Je les ai approchés et on a eu de grandes discussions sur ce que j'envisageais et ce que je préparais. Moi j'avais déjà les musiques qui étaient prêtes. Ils ont mis des mots de manière fine et intelligente. Humainement, ça m'a permis de les découvrir davantage. Je suis fière et touchée d'avoir travaillé eux. Dans les gens qui ont une plume qui touche ma sensibilité, il y a eux et Cabrel. Cabrel est un super ami, il a déjà beaucoup de mal à prendre du temps pour lui, c'est dommage. J'ai toujours écrit sur mes albums et là j'ai écrit une partie car c'est assez autobiographique. Dans tout ton répertoire, quelle est ta chanson préférée ? Oh c'est dur ! Il faut pas croire mais mes succès populaires je les adore. J'adore "Elle tu l'aimes", "Vivo per lei", "Trop de gens qui t'aiment...". Après, il y a des chansons peut-être un peu moins commerciales comme "Father" ou "Je te retiens" qui sont des pépites qui ont compté dans ma vie. Et des chansons que tu ne peux plus voir en peinture ? Oh si, il y en a ! De mes albums de mes débuts mais c'est normal. En tout cas je ne trahirais jamais le public. C'est-à-dire que je sais que si je montais sur scène sans chanter "Elle tu l'aimes" ou "Trop de gens qui t'aiment", les gens seraient déçus. Comme certains... Certains en ont marre de les chanter. Mais ils ne se rendent pas compte que le public est triste car ils viennent entendre la chanson sur laquelle ils se sont connus, etc... Moi je ne serai jamais comme ça. Regardez le clip de "Elle, tu l'aimes" de Hélène Segara : On dirait qu'aujourd'hui c'est compliqué pour les artistes-interprètes qui cartonnaient dans les années 90 et 2000... Comment tu expliques ça ? Nougaro l'avait super bien décrit. Il avait dit "on est rentré dans l'ère du fast food". C'est a dire qu'on est tous dans l'air du jetable. Il n'y a pas de place pour tout le monde Oui, mais à l'époque des yéyés, dans les années 60, les artistes étaient encore plus jetables qu'aujourd'hui !Il y avait des vraies carrières. Regarde Johnny, regarde Sylvie... Il y a des gens qui sont encore là. Aujourd'hui, le vrai problème c'est que le marché du disque s'est effondré et on ne donne pas une deuxième chance à un artiste qui n'a pas assez vendu. Et ce n'est pas un problème plus global aussi, de la place que les médias donnent à la musique ? Oui évidemment ! Mais il y a tellement de talents qui émergent grâce à toutes les émissions... Dans le temps, tu avais des gens avec un talent immense qui n'étaient jamais découverts et d'autres qu'on voyait tout le temps. Aujourd'hui quelqu'un avec du talent a une chance de se faire remarquer. Récemment, j'ai fait une télé avec Yseult que je ne connaissais pas. Il fallait qu'elle se fasse remarquer, tu vois ce que je veux dire. Et il y en a d'autres. Les gens font leur tri. Après c'est difficile il y a tellement d'offres qu'il n'y a pas de place pour tout le monde. Je dis que ça doit être des cycles. J'ai eu de la chance j'ai eu un cycle merveilleux, puis j'ai fait un petit tour, puis tu disparais, et tu reviens... Mais ça ne m'intéresse pas d'être number one partout. Donc c'est déjà un grand privilège de durer. Les chiffres de ventes je les ai eus. Mais aujourd'hui ça ne m'intéresse plus. Du moment que je satisfais le public qui me suit depuis longtemps et que je fais la musique que j'aime, ça me suffit. J'ai eu plusieurs propositions au cinéma dans ma vie Paradoxalement on a aussi un vrai affect pour les chanteurs populaires : Céline Dion cartonne toujours, Johnny Hallyday est en couverture de "Télérama"...Oui mais c'est normal. Moi, je me rappelle, je suis arrivée en pleine vague de rap avec "Je vous aime adieu". NRJ m'a programmée parce qu'ils avaient testé et que les gens aimaient. Ensuite, je suis restée un certain moment avec Notre-Dame de Paris, Bocelli etc. Ensuite est arrivée la nouvelle scène française. C'était la mode. On a éjecté tous les gens populaires comme moi. Les chanteurs à voix n'étaient plus du tout de mise. Mais moi j'étais la première a écouter des titres de Biolay, Delerm, etc. Je trouvais ça intelligent. Ensuite il y a eu une vague de RnB qui est arrivée. Toutes ces musiques-là s'adressent à des gens différents, pour servir des cultures différentes. Et à un moment donné il y a une réhabilitation. Tu trouves que les icônes populaires sont malmenées ? Il faut respecter des gens comme Johnny et Céline. Ils ont fait des carrières énormes. Céline a fait une carrière mondiale et malgré son niveau, toutes les choses merveilleuses qui lui sont arrivées, c'est la fille la plus simple et la plus délicieuse. Elle est foncièrement gentille. Je la connais humainement. Alors que je connais des jeunes artistes qui démarrent, qui ont un melon pas possible et qui ont de grandes leçons à apprendre. J'ai côtoyé des grands, des stars. Quand je rencontre Johnny, Bocelli, Céline Dion ou Laura Pausini, ce ne sont pas des gens qui se la racontent. Je le dis, il y a des gens qui démarrent qui devraient les rencontrer pour voir comment ils ont su résister et traverser le temps, les critiques, les hauts et les bas. Et c'est justement parce qu'ils ont vécu tout ça qu'ils ont cette intelligence. On est pas obligé d'aimer leur musique. Parfois, je rencontre des gens dans la rue qui me disent "j'aime pas ta musique mais toi je t'aime bien, t'es sympa". C'est super d'entendre ça. On est pas obligé d'aimer la musique de tout le monde. Moi il y a des artistes... Je ne vais pas te dire que j'écoute la musique de Christophe Maé ou de Benabar tous les jours. Mais par contre, eux, je les aime bien. L'humain compte. Par contre il y a des gens qui font des chansons que j'adore, mais quand je les ai rencontrés ça a été une déception totale. Mais je ne te dirai pas qui, jamais de la vie (rires) ! Pour finir, je voulais te parler du film "Mommy" du québécois Xavier Dolan, tu l'as vu ? Non du tout, raconte ! C'est pas facile à expliquer. Disons que ça parle de l'amour qui il y a entre une mère et son fils. On en a beaucoup parlé aussi pour sa musique. Les personnages chantent du Céline Dion dans la cuisine... Il y a une scène dans un karaoké sur "Vivo Per Lei". Mais la version... Italienne ? Je m'en doutais ! Mais sinon tu sais les québécois ils ont vraiment trouvé ce compromis entre toute l'américanisation, toute cette manière de créer la musique, l'art et le cinéma. Et en même temps avec des vraies racines littéraires françaises. Ça ne m'étonne pas. Ça me donne très envie de le voir. Je m'aperçois aussi que ma musique rentre dans des foyers. Qu'il y a des gens qui se connaissent sur mes chansons. Qui se quittent sur mes chansons. Il y a même des gens connus qui sont venus me voir en me disant "je me suis séparé sur une de tes chansons, je ne veux plus l'entendre !"... L'approche de ce réalisateur est intéressante car la musique c'est ce qui ponctue nos souvenirs. Parfois tu as un souvenir de grand amour ou de rupture sur une chanson. Et c'est ça qui est merveilleux dans la musique. Ecoutez "Vivo Per Lei" de Andrea Bocelli et Hélène Segara Et toi, faire du cinéma ? C'est une question de journaliste où on me dit : "est-ce que tu voudrais faire du cinéma". Je réponds "pourquoi pas". Et ça se transforme en : "Hélène Segara veut faire du cinéma". Si tu veux, j'ai eu des propositions au cinéma ou pour des téléfilms. J'en ai eu plusieurs dans ma vie. Mais quand je trouvais ça moyen ou que je ne me sentais pas à la hauteur je disais non. Je ne savais pas si j'étais capable, je ne voulais pas être ridicule. Moi je n'ai pas envie d'accepter un rôle et d'être ridicule ou merdique. Il faut se préparer et ça demande une libération la comédie. Il faut oser pleurer ou rire devant une caméra. Livrer des sentiments. Dans le passé, j'étais trop pudique pour le faire. Aujourd'hui je peux le faire si le scénario me paraît sincère. J'avais reçu un scénario sur une femme qui sauvait des enfants juifs et j'aurais adoré jouer un rôle comme ça. C'était une histoire vraie. Ils n'ont pas obtenu les droits malheureusement. Qu'est ce qu'on peut te souhaiter Hélène ? Que cet album atteigne sa cible et fasse du bien aux gens. Retrouvez la première partie de notre interview fleuve d'Hélène Segara.Retrouvez l'audio de l'interview qu'Hélène Segara a accordée à Pure Charts Le player Dailymotion est en train de se charger...
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