Emmanuel Moire

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Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Comment tu te sens alors que sort ton nouveau single "Et si on parlait d'amour" ?
Je suis content d'être de retour avec ce titre. Evidemment, à chaque fois, c'est toujours un mélange d'excitation, parce que j'ai envie de partager ce nouveau travail, et d'appréhension. Mais encore une fois, je suis assez serein là-dessus. Les choses ne m'appartiennent plus, je laisse les choses se faire. Mais je suis vraiment content d'être sur un nouveau projet, qui a été fait d'une autre manière. Mais je n'ai pas fini l'album donc j'avoue que je n'y pense pas beaucoup, je n'ai pas le temps de trop me pencher là-dessus.

Tu t'es fait très discret médiatiquement ces derniers mois. C'était important pour toi ?
En fait, j'aime toujours faire ça entre chaque projet. J'aime déconnecter. J'ai un vrai plaisir à faire mon travail, heureusement, mais quand je n'ai plus rien à dire, et qu'il est temps pour moi de m'inspirer, de me ressourcer, de vivre autre chose, pour avoir des choses nouvelles à dire, pour moi c'est essentiel de déconnecter. Je n'ai pas un besoin maladif d'être présent médiatiquement, Dieu soit loué ! (Rires) J'apprécie les moments quand je suis là mais c'est parce qu'il y a des moments où je ne suis pas là. Je suis créateur de mon travail, j'ai besoin d'être loin de mon métier pour me reconnecter avec des choses essentielles, des moments de vie, qui me donnent envie d'écrire sur un sujet. Je suis obligé de déconnecter avec le bruit ambiant de la vie au quotidien !

Oui, c'est nécessaire de dissocier les sphères...
Surtout qu'on demande beaucoup aux artistes aujourd'hui. On nous demande de faire plein de choses. A un moment, on ne peut pas créer et en même temps être présent. Pour moi, ce n'est pas compatible.

J'ai écouté ton nouveau single il y a quelques jours. J'ai d'abord été surpris pour finalement le trouver très entêtant au bout de quelques écoutes. Comment est venue l'idée de "Et si on parlait d’amour" ?
Effectivement, il est étonnant au début. Moi même, il m'a fallu du temps. (Rires) J'avais une vraie volonté d'avoir un autre son, d'essayer de faire autre chose. Je n'avais pas envie de faire un album avec des choses que j'ai déjà faites. J'avais vraiment envie d'un son nouveau, mais aussi d'un engagement différent au niveau des textes. Même si je compose toujours ma musique, je me suis ouvert, je travaille avec mes musiciens de tournée. Dès le départ, sur l'album qui arrive, j'avais envie de quelque chose d'épique, solaire, percutant, d'universel, aussi bien dans la musique que dans le propos.

C'est à l'image du single !
Oui, on l'entend sur ce titre, il y a des choses presque tribales avec beaucoup de percussions. Au niveau du texte, j'ai décidé d'écrire mes chansons. D'habitude, je travaille avec un auteur, on a fait trois albums ensemble. J'ai adoré travailler avec lui, vraiment. Mais l'écriture m'appelait depuis longtemps, et j'ai osé me lancer de cette aventure-là ! Pour exprimer au plus juste possible ce que je pense de certaines choses.

Ecoutez "Et si on parlait d'amour", le nouveau single d'Emmanuel Moire :



Pourquoi maintenant ?
Peut-être que je n'avais pas le courage, que je n'étais pas prêt à parler avec mes propres mots. Du coup, voilà, ça m'a pris beaucoup de temps pour me faire confiance. Je ne dis pas que je suis l'auteur de l'année, mais j'ai essayé de faire quelque chose au plus juste de ce que je pense et de ce que j'ai envie de dire. J'ai mêlé le perso et l'universel. Le thème de "Et si on parlait d'amour" est simple, le sujet est assez ouvert, assez parlant... Et même si c'est déroutant au début, je pense qu'on me reconnait dans la voix, dans les mélodies même si les couplets sont différents de ce que j'ai pu faire avant.

C'est vrai... Et donc est-ce que le titre est né d'un ras-le-bol ?
Non, ce n'est pas un un ras-le-bol, c'est un constat. La chanson n'est pas dans quelque chose de revanchard. Sans trop expliquer parce que j'aime bien laisser la liberté aux gens d'interpréter ce qu'ils veulent mais c'est parti d'une notion très simple. Je trouve que depuis trois-quatre ans dans notre pays, j'ai l'impression que les gens veulent du changement, mais parfois ils oublient qu'un changement collectif passe par un changement individuel. Ça passe notamment dans la façon dont on se parle. J'ai remarqué que les gens se parlaient mal. Déjà, si on se considérait mieux, le monde serait différent. Les gens s'agressent par des phrases toutes connes dans le métro, dans la rue, dans les magasins. Les gens ne savent plus se parler. La chanson est plus générale sur l'amour. C'est juste de se considérer, être bienveillant et respectueux. Pour moi, cette chanson c'est un appel à ça.

Tu penses qu'une chanson peut changer les choses ?
J'espère ! Je ne sais pas si la mienne changera les choses. Mais dans ma vie, il y a des chansons qui m'ont bouleversé, elles m'ont fait réfléchir et avancer. Parfois, elles marquent une époque précise car elles m'ont aidé à cheminer quelque part. J'ai l'impression que les artistes aujourd'hui ont ce pouvoir-là donc c'est bien de le prendre. Ça reste peut-être parfois utopique. Mais plus je grandis, plus je vieillis, et je me dis que si on me donne la parole, j'ai envie de plus en plus, à ma manière, d'amener les gens à s'éveiller un peu plus. Sans prétention encore une fois. Je ne fais pas de la politique, et ce n'est ni un courant de philosophie. Je parle d'humain en fait. Dans les chansons, ça peut et ça doit servir à ça.

Ce côté engagé dans les textes, on le retrouvait déjà sur le précédent album "La rencontre". Ça suit le chemin de ton évolution ?
Sûrement. J'ai l'impression que si les albums se suivent et sont différents, il y a une continuité. Depuis le départ, dans tout ce que j'ai fait, qu'on n'aime ou pas, il y a un fil conducteur, une certaine évolution. Parfois, ça peut ne pas correspondre à l'attente des gens, à ce qui peut les toucher. Ça c'est autre chose. Mais déjà sur l'album "Le chemin", il y avait ce côté-là, mais c'était peut-être plus personnel. C'était plus sur la façon de gérer les choses. "Beau malheur", c'est quand même une chanson sur la résilience. C'est quelque chose de fort aussi.

Oui, c'est universel...
Tout à fait. Et peut-être que je tends de plus en plus vers ça. En ce moment, j'ai l'impression que les gens cherchent des solutions, et souvent on les cherche à l'extérieur. Alors que l'universel, il naît aussi dans l'individuel. Au fond, on est tous confronté à vivre les mêmes choses, à des périodes de vie différentes. Je pense que l'album sera bourré de ça ! (Rires) Sans faire un livre sur "Comment s'éveiller", ce n'est pas le but... Mais c'est tiré de mon expérience. Pendant mes deux ans d'absence, je me suis éveillé à plein de choses, j'ai vu le monde. Je ne me suis pas isolé sur une île ! J'ai constaté plein de choses. Je pense que cet album est le constat de ce que j'ai vu, de ce que j'ai vécu. Il sera peut-être moins sur moi, j'ai fait le tour je pense aussi. C'est plus sur le monde et l'époque dans laquelle je vis.