Arnaud Fleurent-Didier est un garçon de 36 ans en jean et chemise claire, au visage émacié, d'une beauté racée au bord de la laideur. Un de ces visages qu'un rayon de lumière embellit ou vampirise. Ça dépend du regard, de l'heure… Il pourrait sortir d'un film de la “Nouvelle Vague”, d'un Godard, d'un Eustache. Une sorte de Jean-Pierre Léaud à l'époque de "L'amour en fuite" de François Truffaut. Sur scène, on le voit par éclipse, lorsque les séquences vidéos ne nous voilent pas sa face. Des extraits de film, un clip, une diatribe du Professeur Choron (très drôle) illustrent les chansons ou bien servent de lien entre elles. Le garçon joue de la guitare, du piano Fender Rhodes vintage ou encore de toute une panoplie de claviers aux sonorités 80's, électro, allant même jusqu'à ressortir nos bonnes vieilles boites à rythme dont certaines décennies abusèrent…

Visionnez le clip d'Arnaud Fleurent-Didier, "Reproductions" :


En fait, ce jeune homme touche à tout. On sent le musicien qui connait ses classiques pop, de l'élégant Burt Bacharach au mélodieux Polnareff. On passe du disco/funk "Reproductions" au guitare-voix sur "Si on se dit pas tout", titre qui évoque sa relation avec son père, et sur lequel l'artiste à l'apparence impénétrable se laisse submerger par l'émotion. Et ce moment-là est rassurant car à ce stade du concert, une partie de l'auditoire semblait noyée sous une foultitude d'effets, sous une avalanche de sons qui allaient jusqu'à couvrir complètement la voix du chanteur, soutenu pourtant la plupart du temps par ses deux ou trois choristes-instrumentistes. Trop d'effets tuent l'effet, et comme un maquillage appuyé finit par souligner l'imperfection d'un visage, toute cette artillerie finissait par desservir l'artiste. La simplicité s'imposait et arrivait à point.

Visionnez Arnaud Fleurent-Didier live, "Si on se dit pas tout" :


La voix : bien sûr on pense à William Sheller mais sans la maîtrise des aigües. On pense aussi à Patrick Juvet dans ses hits en voix de tête, parfois. La voix d'Arnaud Fleurent-Didier est un joli filet. Une voix reconnaissable entre mille et qu'un meilleur mixage et une mise en avant ne pourrait que servir.

Assume-t-il ce timbre de voix si particulier et non dépourvu de charme?

S'il semble à l'aise avec son corps, sa voix reste un mystère à élucider, à apprivoiser. Beaucoup de titres parlés ponctuent ce spectacle jusqu'à la reprise inattendue de son idole Pierre Vassiliu, "En Vadrouille à Montpellier". Pierre Vassiliu, qui, bien que très diminué physiquement du haut de ses 73 ans, aura le courage (ou l'inconscience) de venir chanter en duo sur scène avec son fan...

Malgré un "France Culture" inaudible et incompréhensible pour ceux qui ne connaissent pas le texte par cœur, Arnaud Fleurent-Didier soulèvera la salle avec son single "Je vais au cinéma", illustré par le clip projeté sur grand écran en fond de scène, clip dans lequel on retient la participation de la blonde Alexandra Geyser, auteur du recueil de nouvelles audacieuses et poétiques "Le cœur à genoux" paru l'année dernière aux éditions Stéphane Million (voir sur ce lien). Alexandra Geyser qui a, entre autres talents, celui d'être aussi photographe, et qui nous offre ci-dessous, quelques clichés de cette soirée à la Cigale.





Arnaud Fleurent-Didier donne l'impression d'être encore dans sa chrysalide, à deux doigts de l'éclosion, comme Benjamin Biolay pouvait l'être il y a encore quelques années. Tous les espoirs sont donc permis et on sort de ce spectacle avec la conviction d'avoir vu l'un des plus singuliers personnages de la scène française actuelle, et avec l'impatience de découvrir ses prochaines (re)productions !

Crédit photos Alexandra Geyser.