Les erreurs et fautes d'orthographe de la chanson française : Johnny Hallyday, Calogero...

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
A l'occasion de la Semaine de la francophonie, Pure Charts n'a pas résisté à l'envie d'établir une petite sélection des pires bourdes et fautes d'orthographe réalisées par nos chanteurs français, répertoriées dans "L'anthologie" d'Alister. Johnny Hallyday, Roméo et Juliette, Eddy Mitchell... Allez, tous au coin !
Crédits photo : Montage Pure Charts / DR
Sortez les Bescherelle ! Jusqu'au 22 mars, la langue française est à l'honneur à l'occasion de la Semaine de la francophonie. Créée en 1995 à l'initiative du ministère de la Culture et de la Communication, cet événement a pour but de rassembler les peuples autour de notre belle langue de Molière, en France comme partout dans le monde. Le français représente en effet 274 millions de locuteurs sur les cinq continents et d'ici 2050, ils seront 700 millions selon l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Pour faire honneur à notre langue, nous nous sommes amusés à compiler avec humour les maladresses, méprises et autres fautes d'orthographe réalisées par nos artistes préférés, à partir de l'ouvrage "L'anthologie des bourdes et autres curiosités de la chanson française" d'Alister (Editions La Tengo). Johnny Hallyday, Indochine, Claude François... Vous allez voir que même les plus grands artistes de notre patrimoine ne sont pas tous irréprochables ! (Et nous non plus, on vous rassure).


Johnny Hallyday | "Les chiens de paille"





Le 30 juin 1976, Johnny Hallyday sort dans les bacs son 21ème album "Derrière l'amour". Un 33 tours aujourd'hui culte puisqu'y figurent "Requiem pour un fou" et "Gabrielle", deux morceaux considérés depuis comme incontournables de la discographie du Taulier. Mais c'est le titre "Les Chiens de paille" écrit par Gilles Thibaut ("Que je t'aime", c'est lui) qui nous intéresse ici, pour ses failles spatio-temporelles. Inspiré par le film ultra-violent de Sam Peckinpah, il nous conte l'histoire effroyable d'une jeune femme violée par une bande de malfrats. Sur une introduction country et un rythme enlevé à la guitare, Johnny Hallyday plante le décor. « Elle était seule dans la maison / c'était fin août, début juillet / Depuis 1800 quelque chose / Il n'avait jamais fait si chaud »... Fin août ? Début juillet ? A croire qu'aucun calendrier n'était ce jour-là accroché au mur du studio d'enregistrement !


Renaud et Axelle Red | "Manhattan-Kaboul"





On pardonnera bien vite aux deux chanteurs français leur imprécision, tant "Manhattan-Kaboul" est une oeuvre poignante, qui dénonce les atrocités de la guerre en prenant pour toile de fond les attentats du 11 septembre 2001. Néanmoins, puisque les historiens aiment la vérité avec un grand V, nous nous devons de corriger cette ligne : « Un 747. S'est explosé dans mes fenêtres. Mon ciel si bleu est devenu orage. Lorsque les bombes ont rasé mon village », lance d'un ton grave par Renaud. En réalité, les deux avions qui se sont écrasés contre les tours jumelles du World Trade Center étaient deux Boeing 767.


Claude François | "Cette année-là"





Certes, on ne s'attaque pas impunément à Cloclo. Tout comme on ne traficote pas les lignes du temps à sa guise, hein. L'iconique chanteur français le dit lui-même : "Cette année-là", son tube de 1976, « c'était l'année... soixante-deuuuux ! ». Sauf qu'en écrivant les paroles de la chanson, Eddy Marnay s'est emmêlé les pinceaux en affirmant, avec imprudence, que « Dans le ciel passait une musique / Un oiseau qu'on appelait Spoutnik ». Manque de bol : le premier satellite placé en orbite autour de la Terre et son célèbre "bip-bip", qui ont marqué le début de l'ère spatiale, a été lancé le 4 octobre 1957. Oups.


Calogero | "L'ombre et la lumière"





"L'Embellie", le cinquième album de Calogero, est l'un de ses plus beaux recueils de chansons. Sorti en 2009, il a été défendu avec succès par plusieurs singles : "C'est dit", "La fin de la fin du monde" et "L'Ombre et la lumière", duo que le chanteur d'origine sicilienne partage avec Grand Corps Malade. Le musicien, qui a popularisé le slam en France, a co-écrit ce texte avec Alana Filippi, à qui Calogero doit son tube "En apesanteur". Hélas, ni l'un ni l'autre, ni même le chanteur, n'ont vu la faute d'accord du refrain. Dommage, on n'entend que ça ! « De l'ombre ou de la lumière / Lequel des deux nous éclaire », une habile façon de dénoncer la règle de conjugaison selon laquelle le masculin l'emporte toujours sur le féminin ?


Indochine | "Le baiser"





Nicola Sirkis était-il fâché avec les concordances de temps en 1990 ? Rock et sensuel, "Le baiser" est l'un des titres les plus forts de l'album du même nom, qui marque alors une véritable transition pour Indochine, désormais en trio sans le saxophoniste Dimitri Bodianski. Sur une ritournelle très simple, Nicola Sirkis susurre d'un ton très intimiste ce qu'il aimerait faire à sa dulcinée. Hélas, les yeux embués de souvenirs, le chanteur n'a probablement pas réussi à déchiffrer correctement les paroles sur son pupitre en studio... « Tu me donnes un baiser et nos langues / Vont juste s'emmêler / Et ta peau se mouilla, elle aura comme un goût / Un goût de lait ». Présent, passé simple, futur : aïe, on n'y comprend plus rien et H. G. Wells en perd son latin.


Gilbert Montagné | "Les Sunlights des tropiques"





Un bel exemple de boulette géographique ! Avec "Viens danser", "Les Sunlights des tropiques" est la chanson la plus emblématique de Gilbert Montagné. Le titre, sorti en avril 1985, a été écrit de la main de Didier Barbelivien, qui ne disposait à l'évidence pas d'un planisphère au moment de tremper sa plume dans son encrier. Dès le début de la chanson, c'est le drame : « Vivre sous l'équateur du Brésil, entre Cuba et Manille ». Problème : ni Cuba ni Manille, la capitale des Philippines, ne se situent dans la partie sud de l'équateur terrestre, cette ligne imaginaire tracée pour marquer la séparation entre l'hémisphère nord et l'hémisphère sud. Bon, c'est sûr, Google Maps n'existait pas encore dans les années 80... Allez, excuses acceptées !


Michel Sardou | "Les Lacs du Connemara"





Les mythes et légendes celtes, ça le connaît Michel Sardou ! Prenez ses "Lacs du Connemara" par exemple, dont la genèse est pour le moins cocasse. Ce titre culte a été écrit et composé en 1981 à Saint-Georges-Motel, dans l'Eure, sur la terrasse de la belle propriété du chanteur, alors entouré du parolier Pierre Delanoë et du compositeur Jacques Revaux. Ayant souffert de la chaleur suite à un long voyage, le synthétiseur Moog de ce dernier donnait un son proche d'une cornemuse, ce qui donna l'idée à Michel Sardou d'écrire une chanson écossaise. Comme ni lui ni Pierre Delanoë ne connaissaient l'Écosse, le parolier partit chercher de la documentation mais revint avec un prospectus touristique sur... l'Irlande. Et c'est ainsi que dans la bouche de Michel Sardou, les Lacs du Connemara abritent des « monstres des lacs qu'on voit nager certains soirs d'été et replonger pour l'éternité », une référence à Nessie, la célèbre créature aquatique du Loch Ness... lac qui se situe dans les Highlands, en Écosse donc. Les défenseurs de Michel Sardou assurent qu'il existe des légendes similaires dans les deux pays, mais on reste dubitatif.


David Hallyday | "Tu ne m'as pas laissé le temps"





... « De te dire tout c'que je t'aime / Et tout c'que tu me manques ». Cumul de miles pour le fiston Hallyday sur cette ballade qui a fait fondre la France en 1999. Numéro un des ventes de singles, "Tu ne m'as pas laissé le temps" a provoqué des crises de nerfs chez de nombreux linguistes avec ce refrain à la syntaxe malheureuse. Le criminel « tout c'que » aurait dû être remplacé par « combien » ou « à quel point », nous souffle-t-on dans l'oreillette. Lionel Florence, l'auteur, a beau vouloir jouer sur le côté jeunesse américaine et argot à la cool, ça ne prend pas.


Eddy Mitchell | "Pas de boogie-woogie"





« "Les liaisons dangereuses", un film réalisé par Claude Moine et L. Martine Jr. avec Eddy Mitchell en 1976. Veeeeeeenez admirer le film dès maintenant dans les salles de cinéma »... OK, laissons tomber la voix-off imaginaire et concentrons-nous sur un classique de la discographie de "Schmoll" : "Pas de boogie-woogie". Adaptation française du "Boogie Woogie Country Man" de Jerry Lee Lewis (1975), ce titre blues au rythme imparable est une belle invitation... à la faute. Eh oui, tendez-bien l'oreille juste avant le refrain : emporté par une certaine allégresse, Eddy Mitchell lance un joli « Reprenez R'avec moi tous en choeur ! ». On aurait vraiment aimé Mimiche mais là... On a piscine !


Roméo et Juliette | "Le duel"





Ah !... "Roméo et Juliette". Qui n'est pas retombé amoureux de cette histoire intemporelle grâce à la comédie musicale de Gérard Presgurvic et aux visages poupins de Damien Sargue et Cécilia Cara ? En 2001, la déferlante a été totale : dans les salles de spectacle, dans les bacs, sur les chaînes de télévision, en radio puis dans le monde entier, avec mille et une adaptations en Russie, au Mexique, en Hongrie et en Corée - entre autres. Seulement, si tout le monde se souvient des "Rois du monde" ou de la ballade "Aimer", la chanson "Le duel" est elle aussi restée dans les mémoires pour ses divagations étranges. Dans cet échange ping-pong entre Mercutio et Tybalt qui se finira dans le sang, ce dernier crache toute la haine qu'il éprouve pour son ennemi : « Mercutio, regarde-toi ! / Tu as de l'esprit mais tu n'as que ça ! / Tu n'es qu'un bouffon un poète raté / Et quand j'entends ton nom / Je me bouche le nez ! ». Humpf, à moins que son interlocuteur n'ait mangé du pain et de l'ail à midi, on ne voit pas bien le rapport. On ne cessera de le dire : la logique sacrifiée sur l'autel de la rime, c'est moche !

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