Flashback Top 50 : "C'est ça la France"

Aujourd’hui, nous ne ferons pas le grand voyage à la recherche du temps perdu. Nous n'irons pas chercher les vieux tubes de Peter & Sloane, G-Squad ou Frédéric François. Non, l’actualité est bien trop sérieuse pour ça. Nous n'avons pas de différend avec le paysage musical de ces années-là, au contraire, nous ne voudrions pas être pris en exemple comme l’a été Nolwenn Leroy cette semaine, dans les colonnes du Nouvel Obs, pour expliquer la montée de Marine Le Pen dans les sondages. Comme l’a fait Hélène Segara, nous soutiendrons cette semaine Nolwenn, en vous proposant un Flashback "C’est ça la France". Des chansons qui aiment la France black, blanc, beur, hétéro, homo, juive, musulmane, catholique, bretonne, corse, des îles ou encore ch'ti. Un classement qui nous démontre que l’on peut faire de la variété et passer des messages, un classement plein d’espoir... mais aussi de désespoir.

Comment ne pas commencer par "Lily", sublime chanson de Pierre Perret, qui est aujourd’hui étudiée à l’école, et même au programme du baccalauréat. Derrière des paroles gentillettes, ce monument de la chanson française nous compte l’histoire d’une Somalienne en pleine exode à la recherche d’une terre d’asile. Pure Charts vous offre une version peu connue du grand public, en duo avec les Ogres de Barback. Ecrite en 1977, "Lily" deviendra un classique des chansons antiracistes. En 1998, il écrira "La bête est revenue", une chanson contre le Front National, qui lui vaudra de nombreuses lettres d’insultes.



En 1982, un certain Jean-Jacques Goldman commence à faire parler de lui avec son album "Minoritaire" et des textes qui l’inscrivent dans la lignée des Alain Souchon, Michel Berger, Renaud ou Daniel Balavoine. S’il est vrai que la chanson "Comme toi" sortie en 1983 ne parle pas de racisme en tant que tel, elle narre néanmoins l’intolérance et la bêtise humaine, au travers de l’histoire d’une petite fille juive tuée dans le ghetto de Varsovie par les nazis. D’une mère juive allemande, d’un père juif polonais, Goldman devient peu à peu un chanteur engagé. Un an plus tard avec "Envole moi", le texte de la chanson veut démontrer qu’il n’y a pas de fatalité à l’inculture et à la misère des cités, quoi qu’on en pense. La phrase clé de la chanson est « S’'il le faut j'emploierai des moyens légaux » ou l’histoire d’un gamin qui appelle à l’aide. En 1999, la chanteuse israélienne Ishtar reprendra la chanson "Comme toi" et se classera 41ème du Top 50.



En 1997, Marc Lavoine sort "C’est ça la France", titre issu de son sixième album "Lavoine Matic". Si le titre ne parvient pas à se hisser en haut des charts, il remporte néanmoins la Victoire de la Musique du meilleur clip. Le morceau de Marc Lavoine a sans doute inspiré Diam’s pour le titre "Ma France à moi".



Cette année-là, deux sœurs chantent "Les couleurs de l’amour". Laura & Chris Mayne, forment le groupe "Native" (Victoire de la Musique 1994) et proposent un texte subtil : « Ta peau sur ma peau, ça leur fait peur, aux hommes et à nos familles, pourraient ils changer ma couleur, choisir ma peau vanille… ». Hélas, le clip est désormais introuvable sur Internet. En revanche, nous avons retrouvé leur participation à la bande originale du film "Pocahontas" de Walt Disney. Certes enfantin de prime abord, elles chantaient pourtant l’ignorance et la peur de l’autre dans "L’air du vent".



En 1998, Zazie se classe 23ème du Top avec "Tout le Monde", une chanson simple telle une comptine mais qui fera grand bruit, « Quitte à faire de la peine à Jean Marie ». L'année 1998 sera marquée par la Coupe du monde de Football en France, et la fierté d’une génération "black, blanc, beur". Où est-elle passée aujourd’hui ?



La même année, Céline Dion fait son grand retour après le triomphe de "D'eux". Son nouveau single s’intitule "Zora sourit", une chanson dédiée aux femmes algériennes et à celles qui n'ont pas la chance d'être libres et heureuses. Le clip y montre une Zora stigmatisée dans les rues françaises. La chanson sera disque d’or, mais ne se classera que vingtième en France. L’album "S’il suffisait d’aimer" s’écoulera néanmoins à 4 millions d’exemplaires à travers le monde, et sera numéro 1 des ventes en France.



En 1999, Lara Fabian se demande au final quelle « différence » ? Si les paroles peuvent parfois être considérées comme clichés, elles ont le mérite de remettre au goût du jour une différence qui n’avait pas été portée aux oreilles du grand public depuis "Comme ils disent" de Charles Aznavour. La chanson se classera tout de même à la dixième position des charts français.



En 2007, Amel Bent sort l’album "A 20 ans" avec pour premier single "Nouveau Français" qui parle des origines assumées de la chanteuse et créé la polémique pendant la campagne des élections présidentielles. La chanson se classe néanmoins troisième du top. La chanteuse issue de la Nouvelle Star, n’est pas à mettre sur le même pied que certaines écervelées de sa génération, Amel Bent à une conscience politique, un engagement. Elle assume ses origines de la Courneuve et, dès qu’elle le peut, clame la richesse et la créativité des cités. Symbole de réussite et d’intégration, Amel fait partie comme Jamel de la "France qu’on aime" pour reprendre le titre de nos confrères des Inrockuptibles. Elle prendra d’ailleurs violemment à partie le Président de la République sur France Inter, lors du débat sur l’identité nationale.



Et Amel Bent n’est pas amie avec Diam's pour rien : elles se retrouveront sur scène pour chanter ensemble "Marine" à Versailles. "Marine", chanson engagée pour un vote des jeunes contre le Front national que la chanteuse fustige dans de nombreux textes. Ce titre est issu de l’album "Dans ma bulle", classé n°1 des ventes et écoulées à plus d’un million d’exemplaires. Elle prend aussi position contre « Sarko le démago » qu'elle n'hésite pas à qualifier de « facho » sur scène sur le titre "Ma France à moi". Elle interprétera également ce titre sur le plateau du Grand Journal de Canal +, en duo avec Jamel Debbouze et en présence de Ségolène Royal alors candidate à la Présidence de la République.



Comment ne pas finir pas cette chanson ? C’est souvent hélas, dans les pires circonstances qu’un peuple, un monde se réunit. Après le 11 septembre, le monde entier réfléchit et souffre. Axelle Red & Renaud chantent Manhattan-Kaboul : dès le début de l'écriture des paroles, Renaud pense à Axelle Red pour ce duo, celle qu’il considère comme sa chanteuse francophone préférée depuis des années. Axelle Red, tout comme Renaud, sont tous deux connus pour leur engagement. Elle avec des chansons comme "Ma Prière", "Pas Maintenant" et lui avec "Madame Thatcher", "Elle est facho"... La chanson se classera n°2 des ventes en 2002.



Alors "Bretonne" ou pas, nous sommes tous "ni plus ni moins que des enfants de la France", et ces artistes l’ont bien compris. Après tout c’est vrai, comme le chantait si bien Julien Clerc, "à quoi sert une chanson si elle est désarmée" ?