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samedi 25 janvier 2020 14:10
The Avener en interview : "Aujourd'hui, les artistes électro sont frileux"
The Avener est de retour. Cinq ans après avoir séduit le monde entier avec "The Wanderings of the Avener", le DJ niçois compte bien faire danser les foules avec son nouvel album "Heaven". De son succès mondial à sa position dans le monde de l'électro en passant par Lana Del Rey ou Mylène Farmer, l'artiste se confie en interview pour Pure Charts.
Crédits photo : Boby
Propos recueillis par Théau Berthelot. Cinq ans ont passé depuis la sortie de "The Wanderings of the Avener" puis la tournée qui a suivi. Que s'est-il passé depuis ? Plein de choses ! J'ai énormément tourné, en Europe et à l'étranger. J'ai aussi beaucoup profité de cela, car c'était complètement dingue : je me suis retrouvé devant des foules énormes, des clubs incroyables, des festivals mémorables. Comme mon premier morceau était numéro un dans 30 pays, j'ai été beaucoup demandé et ça m'a permis de voyager. Après ces deux ans et demi de tournée, il a fallu que je retrouve ma vie normale, que j'avais mise de côté. Fin 2017, je me suis remis à bosser en studio. J'avais vraiment envie de faire quelque chose de nouveau, mais je ne savais pas trop sur quoi partir. Je voulais quelque chose qui me corresponde mais en étant original et en trouvant de belles voix. Je ne regarde pas si ça va me rapporter de l'argent Tu as préféré prendre ton temps au lieu d'enchaîner rapidement...Complètement ! Je comprends ceux qui veulent faire des singles tous les trois mois, dans l'électro c'est courant, il y en a qui font très peu d'albums. Il n'y a pas de meilleure manière de faire, mais moi je préfère raconter des histoires sur des albums. Ce qui s'est passé pour moi depuis 4-5 ans, c'est un véritable nuage de bonheur. L'album "Heaven", c'est un condensé de toutes ces émotions, de toutes les belles choses que j'ai pu vivre. Il y a des chansons ouvertes, d'autres plus chill ou plus pop. Chaque morceau a une petite histoire : certains ont été commencés il y a trois ans, d'autres il y a six mois. Comment as-tu géré le succès du premier disque ? Je me suis laissé complètement porté par ce succès. On m'a dit que je n'allais pas toucher terre pendant trois ans mais je n'y croyais pas. J'ai tellement rêvé, tellement travaillé pour vivre de ma passion. Il m'a fallu plusieurs étapes pour comprendre que c'était vrai. Au début, je n'y croyais vraiment pas ! Je pensais qu'après le premier mois, ce serait fini et que j'allais repartir en tant que résident dans les petits bars à Nice. Il a fallu des grands concerts, une Victoire de la Musique et un disque triple platine pour me rendre compte que c'état vrai. Le premier album m'a apporté confiance en moi Avec "Heaven", as-tu ressenti une pression, le fameux cap du "deuxième album" ? Oui et non. Je ne fais pas les choses par intérêt, je ne fais pas des morceaux en fonction de ce qui va marcher. Je fais vraiment la musique comme j'ai envie de la faire, c'est ma version de la pop. Je l'ai fait avec plaisir, que ça plaise ou non. Je le fais de manière naïve : je ne regarde pas si ça va me rapporter de l'argent. Si ça me plait, il y a des chances que ça plaise à une partie du public. Regardez le clip de "Under The Waterfall" par The Avener et M.I.L.K. : D'avoir nommé l'album "Heaven", c'est une façon de faire référence à ton succès ? J'ai créé mon paradis pendant ces cinq années. J'ai travaillé dur, j'ai pris beaucoup d'avions... C'était très fatigant mais j'avais le sentiment du devoir accompli et ça, c'est le plus beau. J'ai vraiment réussi à pouvoir faire oublier le temps au public qui venait me voir. Le premier album m'a apporté confiance en moi et surtout le pouvoir de dire non. C'est un luxe phénoménal quand tu es un artiste. Ça m'a permis d'avoir un confort de vie : j'ai pu me faire un beau studio d'enregistrement, m'acheter une belle maison. Tout cela m'a rendu plus confortable et ça m'a libéré l'esprit pour être plus créatif. Ça m'a ouvert beaucoup de portes, et là c'est la porte du paradis. C'est extraordinaire de passer de DJ résident à DJ itinérant et producteur. Le nom a été choisi pour ça. Tu as travaillé longtemps dessus ? Ça a mis deux ans et demi, trois ans. J'ai fait beaucoup de maquettes, beaucoup d'instrus. Je suis parti à un moment à Los Angeles, voir comment ils bossaient. L'ambiance m'a beaucoup plu là-bas. Au fil des rencontres durant et après ma tournée, j'ai sélectionné de belles voix, des chanteurs que j'avais envie d'avoir mais qui n'étaient pas forcément des stars internationales mais qui ont tous accepté. Je me suis mis à travailler des instrus, à aller voir les chanteurs, les faire venir chez moi ou à Paris. Ça prend plus de temps de faire un album quand on est tout seul mais c'est moins contraignant dans les décisions. J'adorerais travailler avec Lana Del Rey La majorité des titres sont des chansons originales, contrairement au premier. Tu te sentais plus à l'aise pour dévoiler tes propres compositions ?Sur le premier album, j'y allais vraiment à tâtons. Je l'ai fait un peu d'une manière naïve. Il y avait des reworks, bien évidemment, mais j'avais aussi quelques originaux. Je sortais d'une époque où je voulais jouer dans des grands stades avec de l'EDM à rendre hystérique les gens. C'était l'époque où on avait envoyé David Guetta, Afrojack ou Swedish House Mafia jouer dans des stades de 100.000 personnes et on voulait tous faire ça. Les productions que j'aurais pu sortir sur mon premier album n'auraient peut-être pas eu la couleur suffisante pour pouvoir être relié avec les reworks. Il m'a fallu du temps pour sortir de l'EDM et aller progressivement vers la deep house. J'ai eu un dégoût assez rapide de l'EDM et c'est le moment où "The Wanderings..." est arrivé. En évoluant, je mûris dans ma musique et il y a des choses plus matures aujourd'hui qui n'auraient certainement pas eu leur place dans le premier. M.I.L.K., Ayo, Josef Salvat sont présents sur l'album... Comment choisis-tu tes collaborations ? Ça part d'un coup de coeur. Par exemple, Ayo je l'ai découverte en 2008 avec "Down On My Knees". C'est une chanson que je jouais dans les before de mes sets et à chaque fois je voyais des gens bouger. Je me suis dit toujours dit qu'il fallait que je collabore avec elle et il a fallu attendre dix ans pour le faire. Pareil pour M.I.L.K., il a une énergie de fou et une gymnastique très intéressante pour écrire des chansons. On s'est rencontré via le même label et ça a fonctionné tout de suite. Il a beaucoup travaillé sur d'autres instrus qui ne sont pas sur l'album, mais on a sélectionné deux chansons super positives avec un voix relativement jeune, un grain assez adolescent. Tout s'est fait naturellement : quand ça matche humainement, ça ne peut que matcher pour la musique. C'est un choix de ne pas prendre d'énormes stars ? Il y a eu un moment dans le processus de création où je me suis dit qu'il fallait que j'aie un featuring avec Lana Del Rey, Adele ou Lady Gaga. Je suis parti à Los Angeles pour ça à la base. Je suis allé taper aux portes. Le premier contact était toujours cool car j'avais des statistiques très intéressantes. Et finalement, pour organiser des sessions, c'était très compliqué à cause de la distance ou des tournées. Pendant trois à six mois, je me suis pris la tête la-dessus mais j'ai fini par laisser tomber. On me disait d'attendre six mois, mais j'avais envie que ça se fasse maintenant. J'ai pris des gens qui étaient plus accessibles, ouverts aux collaborations et avec un planning moins chargé. J'ai été chercher des noms moins connus mais qui ont tout autant de talent. Les artistes électro ne font pas la musique qu'ils aiment faire Tu collabores de nouveau avec Phoebe Killdeer après "Fade Out Lines". Pourquoi l'avoir appelée de nouveau ?Au départ, la relation avec Phoebe était un peu compliquée : c'est une artiste underground, qui a beaucoup de fierté artistique et un talent monstre. Ça a été compliqué pour elle de voir que j'ai retravaillé son morceau et que ma version ait marché et pas son original. Mais finalement, tout s'est détendu avec les promos, les passages télés ou les concerts. Quand j'ai commencé à faire le deuxième album, j'ai appelé Craig, le producteur de "Fade Out Lines", pour faire un nouveau feat. avec Phoebe, histoire de faire un clin d'oeil à tout ceux qui ont acheté le premier album. Il a tout de suite accepté et un jour, il m'a envoyé la chanson "A Better Man". J'ai adoré le côté cool et chill de la chanson, et je lui ai demandé si je pouvais la réarranger pour qu'elle finisse sur l'album. Je suis très content de cette nouvelle collaboration, la chanson est très classe avec la voix de Phoebe dans les refrains et celle de Craig dans les couplets. Ça fait un titre particulier. Découvrez "Beautiful" de The Avener et Bipolar Sunshine : Il y a ton rework de "Master of War" de Bob Dylan : comment s'est déroulée cette collaboration ? L'histoire est assez marrante : j'étais en pleine écriture de l'album mais je butais sur certaines choses. Un jour, je reçois un mail de l'éditeur de Bob Dylan qui me dit "Bob Dylan a écouté ton album, il adore ce que tu fais et il aimerait bien que tu retravailles un de ces morceaux". Et il m'envoie quelques propositions. Je n'y croyais absolument pas, je pensais que c'était une blague. Je choisis "Masters of War", je travaille dessus, je fais une démo et je leur envoie. Deux mois se passent et je n'ai toujours pas de réponse. Je me suis dit que c'était mort. Mais ensuite, j'ai reçu un autre e-mail : "Vas-y, Bob adore le rework, c'est super". Je termine, ils valident et j'ai pu le mettre sur l'album. J'ai même essayé de prendre un café avec lui à Los Angeles, malheureusement je n'ai pas pu le faire. Mais ce n'est que partie remise ! Ton titre "Beautiful" est en synchro avec la campagne de pub "LU" : as-tu hésité ? C'est toujours cool d'avoir une pub en télé. En tant que compositeur, bien sûr qu'il y a eu une hésitation. Je ne l'aurais pas fait pour la lessive OMO, Total ou les rasoirs Gillette. Là, j'ai accepté parce que c'était pour redorer l'image de LU. C'est positif, c'est familial et ce n'est pas vulgaire et agressif donc il n'y a pas de raison pour que je dise non. La publicité est ce qu'elle est, ça me fait kiffer d'entendre ma musique dans une publicité à la télévision. Je n'écouterais pas "Fade Out Lines" de mon plein gré Dans le milieu de l'électro, on mise plus sur des singles ou des EP, moins des albums longs formats. Penses-tu que ce format album soit "mort" aujourd'hui ?Je ne pense pas. Si demain Daft Punk ressort un album, tout le monde va l'acheter et l'écouter. Personnellement, j'aime bien écouter un album, un EP ou un single. Mais si tu veux découvrir en profondeur un artiste, c'est en écoutant un album qu'on se fidélise avec son public, c'est pas avec un single tous les trois mois. Aujourd'hui, dans le monde de l'électro, les artistes sont un peu frileux : ils font la musique qu'il faut faire, pas la musique qu'ils aiment faire. Ça me fait un peu peur. Je préfère faire un truc que j'aime et qui ne marche pas plutôt que quelque chose qui cartonne mais qui ne me corresponde pas. Je ne serais pas heureux de défendre une chose qui ne me convient et qui correspond juste à une période ou à un genre à la mode. Un album, c'est quelque chose qui te marque, qui te suit à vie. Il y a des gens qui se l'approprient. Un single va te rappeler peut-être une période mais ne va pas permettre d'identifier un artiste. Ecoutez "Run Away With Me" : "Fade Out Lines", est-ce toujours un plaisir à jouer aujourd'hui ? Honnêtement, je ne l'écouterais pas de mon plein gré sur Spotify. On est tous un peu comme ça. Je prends du plaisir à regarder les gens prendre du plaisir. C'est ça qui me motive : je le joue chaque soir et c'est obligatoire car les gens ont un peu payé pour entendre ces quatre minutes. Quand je vois les gens être heureux de l'entendre, ça me remplit de joie. Il y aura ensuite la tournée. Comment on se sent à l'idée de faire l'AccorHotels Arena ? On n'y croit pas trop. Le nom fait peur, surtout : quand tu es petit, tu vois tous les plus gros artistes passer à Bercy. Il va falloir que je me donne à 200%, plus que les 150% de d'habitude. On travaille dès maintenant avec les équipes pour donner quelque chose d'exceptionnel, à la fois au niveau technique et musical. J'ai vraiment envie de donner deux heures à la fois chargées, poétiques et énergiques. Après, j'ai autant de stress pour un Bercy que pour un club de 500 personnes. Je n'arrive jamais serein, même s'il s'agit du mariage de mon cousin. Bercy ça reste une énorme salle, on va pouvoir faire une très belle date à Paris. Je veux que toutes les personnes présentes kiffent le moment, et que ce soit quelque chose d'exceptionnel. Quelle serait ta collaboration rêvée ? Il y en a plein. C'est vrai que je suis un inconditionnel de Lana Del Rey, on m'avait proposé de faire un remix de "Lust for Life", sa chanson avec The Weeknd, qui est sortie il y a deux ans. C'est une chanteuse avec qui jaimerais beaucoup travailler pour faire quelque chose d'assez différent de ce qu'elle fait d'habitude mais qui collerait avec son timbre de voix. Il y a cinq ans, tu as produit "Stolen Car" pour Mylène Farmer. Son dernier album "Désobéissance" étant produit par un autre artiste électro, Feder, est-ce que tu te verrais retravailler avec elle ? Avec plaisir ! C'est une artiste qui m'a beaucoup touché quand je l'ai rencontrée. Elle m'avait proposé de faire quelques morceaux de son album "Interstellaires", puis l'album au complet, mais je n'avais pas le temps. Je comprends que ça ait pu la choquer, on ne dit pas non à Mylène Farmer, mais je ne pouvais pas. On devait faire un deuxième morceau mais j'étais sur la route. Si je n'ai pas le temps de bien faire, je ne le fais pas. Je lui ai dit de se rapprocher d'autres artistes électro, je lui ai notamment cité Feder et c'est avec lui qu'elle est partie faire son dernier album.
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