dimanche 04 novembre 2018 12:30
Tamino en interview : "J'ai besoin de faire des chansons qui m'émeuvent"
Par
Julien GONCALVES
| Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Son superbe premier album "Amir" est salué par la critique. Dans une interview à Pure Charts, Tamino se confie sur l'histoire de sa chanson "Habibi", évoque l'impact de sa voix et explique d'où vient la noirceur de son univers. Entretien avec un artiste à part.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves. Quel est ton premier souvenir lié à la musique ? (Il réfléchit) Je dirais que c'est ma mère qui jouait du piano. Je peux encore voir ces images. Elle jouait des titres classiques. Evidemment, il y avait tout le temps de la musique à la maison. Mon père, quand j'étais tout petit et que mes parents n'étaient pas encore divorcés, me chantait des comptines arabes à l'oud (un instrument de musique très répandu dans les pays arabes, ndlr). Des classiques jazz en arabe aussi. Ça a dû rester quelque part dans mon esprit. La musique, ça a toujours été une passion ? Ce n'était pas une passion consciente. Mais j'ai toujours chanté. En fait, tout ce que j'entendais, je le chantais. (Il se met à chantonner) A dix ans, j'ai pris des cours du soir de piano classique, c'était sympa mais j'ai arrêté. Ce n'était pas mon truc. J'ai toujours voulu jouer les morceaux... différemment. J'ai besoin de faire des choses qui m'émeuvent A ta manière ?Oui, je voulais les jouer sans... (Il réfléchit) Je voulais le faire comme je le ressens, pas de manière classique. J'aime la musique quand elle est naturelle, quand elle sort presque d'un endroit un peu magique, où il y a une sorte de génie. J'ai besoin de faire des choses, des chansons qui m'émeuvent. Quand t'es-tu rendu compte du pouvoir de ta voix ? Je ne l'ai jamais vraiment découvert. Pour moi, je chantais, tout simplement. J'ai toujours aimé chanter, je ne me suis jamais dit : "Wow, tu as une super voix !". (Rires) Après oui, j'ai toujours vu que ma voix avait un impact sur les gens. Mais ça ne m'a jamais influencé. En fait, c'est ce que ça me fait moi aussi. C'est quelque chose de naturel pour moi. J'ai toujours su que je serais musicien. Petit, j'adorais le théâtre, j'aimais écrire des petits bouts de pièces. Donc j'avais déjà cet amour de la scène. Mais c'est quand j'ai commencé à jouer ma musique, vers 14 ans, que je me suis dit que c'était là que je devais être. Tu as pris des cours de chant pour étoffer cette voix ? Pas avant mes 17 ans quand je suis allé au Conservatoire à Amsterdam. Ils m'ont donné des cours et le truc le plus important que j'ai appris c'est comment respirer. Je ne savais pas chanter comme il faut en fait. Je perdais ma voix si je chantais une heure, ma gorge me faisait mal. Mais on ne m'a pas dit comment je devais chanter ni la façon dont ça devait sonner. Ils m'ont dit : "Tu chantes comme tu veux, mais fais-le de cette manière, en respirant comme ça". Regardez Tamino interpréter "Habibi" en live : "Habibi" est une chanson bouleversante. Comment est-elle née ? A Amsterdam aussi. J'avais 18 ans, j'étais tout seul dans une nouvelle ville, je n'avais pas encore d'amis. Je me sentais très seul. C'est comme ça qu'elle est arrivée... L'impact de la musique c'est quelque chose d'incroyable Tu as tout de suite senti qu'elle avait quelque chose de très fort ?Non, pas du tout. J'ai réalisé sa force quand je l'ai chantée pour la première fois devant un public. C'était en septembre, juste avant d'avoir 19 ans. Lors d'un concert dans un café à Amsterdam. Tout le monde pleurait, je ne comprenais pas ce qu'il se passait. J'avais du mal à le réaliser. Tu es toujours surpris quand le public pleure ou a les larmes aux yeux ? Oui. L'impact de la musique c'est quelque chose d'incroyable. En fait, je me dis que ce n'est pas moi, c'est la musique. Je suis juste le vaisseau, ça vient à travers moi mais c'est la musique. Bien sûr que c'est incroyable. A Paris, quand j'ai chanté à la Maroquinerie, après "Indigo Night", les gens pleuraient et n'arrêtaient pas de pleurer. Moi aussi je pleurais, et quand je me suis retourné, j'ai vu que mon batteur également. C'était l'un de nos meilleurs concerts. Ce genre de chansons, comme "Habibi" ou "Indigo Night", très intenses, sont plus difficiles que les autres à interpréter ? Ça dépend de la situation. En fait, ça demande beaucoup de concentration. Tu dois aller dans une zone et s'il y a trop de distractions, c'est dur. Je me demande souvent : "Où est-ce que je dois chanter et ne pas chanter ?". Comme les festivals gratuits où tout le monde peut venir, prendre une bière, ça, c'est non. Ne me programmez pas là ! Il faut que je chante là où les gens viennent pour la musique. Si c'est le cas, je peux toujours aller dans la bonne zone. Découvrez "Indigo Night" de Tamino : Après les très bonnes critiques de l'EP "Habibi", tu as ressenti de la pression pour l'album ? Oui mais ça allait. En fait, à l'international, je crois que les gens commencent tout juste à entendre parler de moi. En Belgique, c'est différent, ça fait deux ans qu'ils entendent mes chansons, donc ils voulaient entendre quelque chose de nouveau. Mais putain, c'est mon premier album ! (Rires) Je voulais vraiment créer cet album avant de passer à autre chose. Mais quand même je crois que j'ai un peu innové sur l'album, par rapport à l'EP. En termes de productions notamment. Mais je n'ai pas ressenti beaucoup de pression. Quand j'allais au studio, j'éteignais mon téléphone, je laissais tout ça à l'extérieur et je faisais de la musique. J'aime la noirceur, c'est magnifique Un premier album est toujours très important pour un artiste. Qu'as-tu ressenti ?J'ai écrit beaucoup de chansons dans ma vie et pouvoir en réunir autant sur un projet, c'est super. Ce que j'aime c'est pouvoir raconter une histoire, c'est comme un voyage pour moi. Et maintenant que je donne la chance à ces chansons d'exister, je peux aussi aller de l'avant. J'ai dû écrire une centaine de chansons depuis le début. Donc il y a en plein qui ne verront jamais le jour. Objectivement, il y en a certaines qui ne sont pas sur l'album et que les gens trouveraient meilleures mais elles ne collaient pas avec le reste. Elles ne sortiront jamais, mais j'en écrirai de nouvelles ! (Rires) Tes textes sont souvent sombres. Tu as seulement 22 ans, d'où vient cette noirceur ? J'aime la noirceur. Ce n'est pas quelque chose négatif pour moi. Au contraire, c'est magnifique. La noirceur m'attire, ça permet de regarder certaines choses dans les yeux et de ne pas fuir. Je crois que ça peut être bon pour soi, en tant que personne. Si tu fuis tes problèmes ou ta tristesse, si tu n'embrasses pas ta noirceur profonde... Désolé, c'est un peu gothique ! (Rires) En plus, je m'habille souvent en noir. Mais il faut l'embrasser pour laisser la lumière entrer. L'un n'existe pas sans l'autre. Et puis, il y a de la lumière dans l'album. C'est vrai que l'EP était plus sombre, l'album est plus lumineux. Oui. J'aime cette dynamique. J'aime les contrastes, j'aime les conflits. J'aime quand deux choses entrent en collision. Regardez le clip de "Persephone" de Tamino : Tu as ton propre univers. Ça a été facile de trouver ta place au sein de cette industrie ? En réalité, ça a été facile. J'ai eu beaucoup de chance. C'est vrai que je ne me penche pas sur ce qui passe à la radio et je ne veux pas imiter quoi que ce soit. C'est difficile de mettre une étiquette sur ma musique. Et c'est une bonne chose. Je ne me relie à aucun style. En fait, je me lie à beaucoup de styles ! Ce que je fais, c'est un mélange. Mais je suis chanceux car je suis passé à la radio en Belgique, et ça m'a fait connaître. En France aussi, les radios me jouent. Et si je ne passe pas à la radio dans certains pays, les gens viennent quand même me voir en concert. Et j'en suis très reconnaissant. Je peux faire exactement ce que je voulais faire, et ça sans aucun compromis. En général, la route est plus difficile... Je n'ai pas peur du succès Tu penses déjà à ton prochain album ?Bien sûr. Mais je ne pense à une date particulière. Là, je viens de sortir mon album, je vais le porter pendant un an et demi ou deux, je ne sais pas. Je suis en tout le temps de créer. Mais j'ai besoin d'intimité et d'espace pour créer. De calme aussi. Et ce n'est pas pour tout de suite. Peut-être un peu à Noël... Tu as peur du succès ? Non, je n'ai pas peur du succès. J'y ai déjà goûté un peu en Belgique où on me connait. Mais les gens ne dorment pas en bas de chez moi ! (Rires) Mais les gens me reconnaissent un peu. Ce n'est pas pour ça que je fais de la musique, mais ce n'est pas quelque chose qui m'effraie. Le truc cool, c'est que tu n'as plus à trop te présenter aux gens dans une soirée quand on te demande : "Et toi tu fais quoi dans la vie ?". Comme ça on sait que je suis chanteur et musicien, et un peu bizarre ! (Rires)
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