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"Salut Les Copains" : "On a l'impression d'être une machine à remonter le temps"

Actuellement au Théâtre des Folies Bergère, le spectacle musical "Salut Les Copains" joue les prolongations jusqu'à la mi-janvier avant de partir en tournée cet hiver, pour revenir dans la capitale au printemps. Un franc succès pour cette bande de jeunes artistes qui revisite la décennie 60, entre rires et larmes, avec beaucoup d'émotions mais jamais aucune nostalgie. Nous avons rencontré trois des membres de la troupe dans les coulisses des Folies Bergère, entre deux coups de pinceau, en pleine séance de maquillage pour recueillir leurs impressions. Rencontre avec Vincent Heden, Anaïs Delva et Flo Malley.
Crédits photo : DR.
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Qu'est-ce qui pour chacun d'entre vous a motivé votre participation à ce spectacle ? Une affection pour la période, pour des artistes en particulier ? Ou peut-être la musique ?
Vincent Heden : En ce qui me concerne, je dirais que c'est la période qui me plait beaucoup. C'est une période que j'adore. J'ai déjà travaillé sur plusieurs spectacles qui se déroulaient à la même époque. J'aime la musique et puis l’insouciance de cette époque. La danse, la mode... Je trouve ça très drôle, très ludique. Ce qui m'a motivé aussi, c'est quand j'ai appris qui travaillait sur ce spectacle, Stéphane Jarny, avec qui j'avais très envie de collaborer. Agnès Boury et Stéphane Laporte pour les dialogues, ce sont des personnes qui ont vraiment déterminé mon engagement. Sur papier, le rôle de l'idole avait l'air très drôle à faire. Ça aussi, ça m'a donné l'envie d'y participer.

C'est vraiment l'Homme qui a fait de cette époque un moment important
Les costumes, la veste pailletée...
Vincent Heden : Oui (sourire) ! Mais je ne le savais pas au début, même si on s'attendait avec un spectacle comme celui-là à des costumes d'époque. La découverte des costumes, c'était comme des petits cadeaux en supplément.
Flo Malley : La période aussi me plait beaucoup, mais plus pour les évènements sociaux qui se sont passés. La première raison, c'était pour la musique. Les années 60, du point de vue de la diversité culturelle, c'est quand même très riche. C'était prometteur pour moi. Je n'avais pas lu le script auparavant. Je ne savais pas quelles chansons on allait jouer. Je savais que ça allait être des reprises mais je ne savais pas lesquelles. On se doutait bien que ça n'allait être que des tubes et que l'ensemble serait assez proche de la réalité.

Les évènements sociaux auxquels vous faîtes allusion, c'est bien sûr Mai 68. Qu'est-ce que ça vous inspire, à vous qui l'avez vécu à travers les livres d'histoire ?
Flo Malley : Mai 68, c'est la fin de la période à papa. Ce sont les jeunes qui prennent le pouvoir ! C'est une société qui tend vers plus d'équité.
Vincent Heden : Ce que j'aime, dans cette période que je n'ai pas vécu évidemment (sourire), c'est que le monde change mais avec malgré tout beaucoup de fraîcheur, une certaine insouciance. C'est à dire qu'on va dans un combat, qui n'est pas très violent, sans chars d'assaut ni mitraillettes, pour gagner des droits. Je crois qu'à l'époque on ne connaissait pas la portée de ce combat et les bouleversements que ça allait entraîner. J'aime ça ! Ces périodes importantes d'où se dégage beaucoup de foi. Et c'est ça finalement qui est émouvant dans cette époque et pour les gens qui l'ont créée. Parce que, pour le coup, c'est vraiment l'Homme qui a fait de cette époque un moment important.

Et puis, vous le disiez tous les deux, vous aimez beaucoup cette musique. La grande époque des yéyés ! Quels artistes vous ont plus particulièrement marqués ?
Vincent Heden : J'aime beaucoup le compositeur Burt Bacharach, essentiellement chanté par Jane Warwick. Je ne pense pas que ce sont les versions que j'écoutais à l'époque, parce que j'étais très jeune quand je les entendais. Je pense que je devais comme tout le monde entendre Nancy Holloway ou Petula Clark, qui chantaient du Burt Bacharach. Je ne savais pas que c'était sa musique. J'ai aussi trouvé assez folle l'énergie de Claude François. J'aimais l'insolence de Dutronc. J'aime ces rythmes assez fous, assez entraînants. Et puis, il y a eu le rock aussi. Ils avaient beaucoup de chance à l'époque. Il se passait tellement de choses sur le plan musical. Et puis, ils pouvaient avoir accès a énormément de choses. Encore maintenant ! Mais je crois qu'à cette époque, on était à un tournant, un carrefour important.

On sait qu'on a un lien avec le public qui est fragile
Est-ce que l'idole, ce n'est pas en quelque sorte Claude François ?
Vincent Heden : C'est quelque chose qui revient souvent. Dans certains articles qu'on peut lire sur le spectacle, j'apprends que j'incarne Claude François. Mais ce n'est pas totalement vrai ! (Rires) Il y a du Claude François, surement dans la voix et l'énergie. Il y a Dutronc aussi, parce que je m'en suis inspiré. Mais je ne me suis pas arrêté aux garçons. Je ne suis pas allé vers Gainsbourg parce qu'il s'éloignait de l'image que je me faisais de l'idole. Il y a le côté rockeur avec du Johnny ou du Eddy Mitchell... Il y a aussi parfois du Françoise Hardy. Il peut y avoir parfois du Richard Anthony, du Frank Alamo... Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il y a du Sheila... Il est finalement très hybride ce personnage (sourire). Il s'est nourri de plein de choses. Il est comme sa veste à facettes. Il a plein de visages différents. Mais, il est vrai que lorsqu'on me voit sur scène, la première personne à laquelle on pense peut être Claude François.

D'autant qu'il y un passage où vous pleurez sur scène parce que vous craignez de vous retrouver seul, abandonné de tous. C'est quand même l'un des traits de caractère les plus marquants de Claude François. Du moins, de l'image qu'on s'en fait aujourd'hui !
Vincent Heden : Oui, mais je ne sais pas si c'est propre à Claude François. Il n'y a pas que lui. Je pense que tous les artistes sont plus ou moins comme ça, même s'ils ne le disent pas. Certains comme lui ont beaucoup plus joué sur la corde sensible. On sait qu'on a un lien avec le public qui est fragile. On sait qu'il n'est pas toujours vrai, qu'il est basé sur quelque chose qui est de l'ordre de l'illusion. On a toujours au fond de soi la crainte que ce lien disparaisse. Quand on en est arrivé à ce moment-là lors des répétitions, ce passage où je suis effondré sur le sol, c'est une scène que j'ai sentie très émouvante de l'intérieur. Mais ce qui est assez surprenant, c'est que de l'autre côté, les metteurs en scène ont trouvé que c'était dur à voir. On a suivi le parcours de l'idole. Il nous a fait rire. Il était brillant. Il cassait un peu tout le monde... Et là, on le ramenait face à lui-même, à ce qu'il était vraiment. Au final, on se rend compte qu'on est tous jamais très loin du précipice. Et en même temps, c'est peut-être un précipice vers le haut. On ne sait jamais ce qui va arriver. C'est à la fois sécurisant et ça fait peur. Est-ce que ça caractérise Claude François ? Je ne sais pas.

Sur scène, vous offrez chaque soir au public une vraie performance vocale. Il y a aussi une performance physique. Avec le twist par exemple. C'est beaucoup d'entrainement je suppose pour arriver à danser comme vous le faîtes. Parce que c'est une manière de bouger son corps totalement différente de celle d'aujourd'hui...
Vincent Heden : On a beaucoup travaillé avec Stéphane Jarny et Patricia Delon. On a tous travaillé dans un sens. L'idole devait lui aussi être en représentation sur scène. Ca devait être pointu. On devait tous réinterpréter la danse avec notre propre rôle. Pour l'idole, c'est quelque chose que je voulais d'assez léché, assez carré. En même temps, la danse c'est un art que j'aime beaucoup. Donc ça ne me dérangeait pas de travailler beaucoup.

On a un public aux Folies Bergère qui twiste avec nous !
Et vous Flo, vous avez peut-être dû redoubler d'effort pour apprendre votre rôle, vos pas de danse et les chansons que vous interprétez sur scène. Vous êtes arrivé sur le projet début mai, en sortant de l'émission "The Voice".
Flo Malley : En fait, je suis arrivé avant Vincent. Ce n'est pas moi qui suis arrivé le dernier, c'est lui. Je suis arrivé sur le projet juste après avoir quitté l'émission. Trois jours après, je passais le casting. Je n'ai attendu que deux jours pour savoir que j'étais pris (sourire) !

On peut donc encore sortir d'un télé-crochet et construire une carrière...!
Flo Malley : Il faut croire (sourire) !

Crédits photo : DR.
Le public qui vient applaudir ce spectacle est assez âgé. Pour partie, ce sont des personnes qui ont vécu Mai 68 et les années yéyés. Comment avez-vous appréhendé ce défi, faire revivre cette période et transmettre de nouveau des émotions que ce public a déjà connues il y a cinquante ans ?
Flo Malley : C'est magique ! On a l'impression d'être une machine à remonter le temps. Je n'avais jamais joué devant un public de cette tranche d'âge-là. C'est une vraie surprise. J'ai joué dans plusieurs salles parisiennes et je sais ô combien le "public jeune" est difficile à faire bouger. On voit des têtes qui bougent mais des corps qui restent timides. Là, on a un public aux Folies Bergère qui twiste avec nous ! On entend beaucoup de ferveur dans leurs applaudissements.

Dans la première partie du spectacle, vous insistez sur le rôle qu'a joué l'émission "Salut Les Copains" : la première émission par les jeunes et pour les jeunes. Quand vous le comparez à la musique et aux émissions destinées au jeune public cinquante ans après, quelles conclusions tirez-vous ?
Vincent Heden : C'est difficile. L'époque, je ne l'ai pas vraiment vécue. Je ne connais que ce qu'on en raconte. Dans ce que l'équipe de ce spectacle nous raconte, pour ceux qui ont vécu cette époque, ce qui ressort c'est cette idée que "Salut Les Copains" s'adressait avant tout aux jeunes. On leur a donné l'occasion de s'exprimer. Aujourd'hui, c'est différent. On a tous beaucoup d'occasions de s'exprimer. Il y a énormément d'émissions qui sont réalisées pour les jeunes. Il n'y a plus ce côté privilège j'ai envie de dire. Je pense qu'à l'époque, ça devait être encore une fois assez magique. Ça devait être assez bouleversant qu'on s'adresse à nous alors que personne ne l'avait fait auparavant. C'est de nos jours, malheureusement, quelque chose qui est devenu normal. On ne vit plus du privilège de la vie à présent. C'est comme si on nous gavait. On oublierait qu'on a la chance de manger, que c'est un privilège. Comme si c'était normal. Et quand on ne l'a plus, on va se plaindre. Je pense qu'il faut toujours rester conscient de la chance qu'on a. Je ne parle pas uniquement des jeunes. Je parle pour tout le monde. Je pense par exemple au droit de vote. C'est quelque chose qu'on trouve normal, comme beaucoup d'autres. Et certains se disent : "Je ne vais pas voter parce que je n'ai pas envie". C'est dommage de passer dans cette dimension de la normalité qui fait oublier ce qui est important.

On peut échapper à la pensée unique imposée par la publicité
N'y aurait-il pas un aspect anti-capitaliste dans ce spectacle ? On sent qu'il y a une mutation de la société, accélérée par Mai 68 évidemment, mais aussi de la musique, qui devient un moyen de vendre de la publicité.
Vincent Heden : Oui peut-être. Mais en quoi pourrait-on dire que c'est être anti-capitaliste ?

Le rôle du publicitaire, Roger, est quand même celui du mauvais !
Flo Malley : C'est le rôle qui est comme çà. C'est sa personnalité intrinsèque. Ce n'est pas le fait de sa profession qu'il agit comme ça.
Vincent Heden : "Salut Les Copains" a tout de suite été une émission très commerciale. Bien sûr que le but premier de cette émission était de s'adresser aux jeunes ! Mais il est vrai aussi que l'émission a très vite marché. Il y a eu le Concert de la Nation avec toutes les répercussions que ça a pu avoir sur le jeune public. Ce sont les prémices des choses très commerciales, des premiers filons pour gagner beaucoup d'argent. Mais je ne sais pas s'il faut parler en ces termes-là. En tout cas, je ne l'ai pas ressenti comme çà. Il faudrait demander aux auteurs. Effectivement, le côté publicitaire est très présent et un peu moqué. Et encore, celle qui inspire le côté publicitaire, c'est Catherine. Malgré elle. C'est un personnage touchant et pur.

On sent d'ailleurs qu'elle s'est laissée détourner d'une certaine manière. Au fur et à mesure qu'on avance dans le spectacle, elle perd sa douceur et son côté romantique inspirée par la musique qu'elle écoutait.
Vincent Heden : Oui. Mais en même temps, c'est elle qui reçoit les publicités. Le regard qu'elle porte dessus est assez critique. On se dit donc qu'on peut échapper à la pensée unique imposée par la publicité. Catherine, c'est un quidam. Ca pourrait être n'importe qui. On se dit que la publicité, on peut aussi y échapper. Il y a ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas. Il n'y a pas d'un côté les méchants et de l'autre les gentils. On parle beaucoup de l'industrie du disque, de Mai 68... Mais, au début, on parle de la musique, des premiers disques que les jeunes s'achetaient. Tout ça a été mélangé pour retranscrire au mieux finalement l’effervescence de cette période.

Etes-vous touchés pas un sentiment de nostalgie en jouant ce spectacle ? Auriez-vous souhaité connaître cette époque ?
Anaïs Delva : On ne peut pas éprouver de sentiment de nostalgie pour une époque qu'on n'a pas vécue ! En revanche, on est touché par la nostalgie qu'on voit sur le visage du public chaque soir de représentation.
Vincent Heden : On pourrait regretter de ne pas avoir vécu cette période-là, mais ce n'est pas le cas. Nous, on voit le bon côté. On voit l'aspect artistique : la musique, la danse, "Salut Les Copains"... Mais il devait y avoir des choses moins agréables à vivre ! La mode, le design, quand on y pense, c'était quelque chose de fou quand même ! On casse quelque chose, on repousse les barrières... Ça devait être quelque chose d'intéressant à vivre. Mais, de là à parler de nostalgie, je ne crois pas.

On casse quelque chose, on repousse les barrières !
Est-ce chacun d'entre vous a eu son mot à dire sur le choix des titres, et le caractère ainsi que les répliques de votre propre personnage ?
Anaïs Delva : Les personnages ont été fait en fonction de nous.
Vincent Heden : Les personnages ont été construits en fonction de nous et l'écriture des dialogues s'est faite aussi en fonction de ce que vivaient les personnages.

Et les chansons devaient donc y faire référence...
Vincent Heden : C'est vraiment ce qui a été difficile. Il fallait trouver les chansons qui racontent le personnage. Il y a donc des chansons qu'on aurait voulu avoir mais qui n'avaient pas leur place dans la dramaturgie. Et à l'inverse, il y a des chansons qu'on n'attendait pas du tout et qui se sont fait une place sur scène. Finalement, ce n'est pas plus mal.

Regardez le clip "Laisse tomber les filles" de Salut Les Copains :



Vous êtes plusieurs à avoir intégré la troupe de "Dracula, l'amour plus fort que la mort" avant d'intégrer celle de "Salut Les Copains". C'est ton cas, Anaïs. Tu étais vampire pour Kamel Ouali. C'est une autre aventure, complètement différente.
Anaïs Delva : Oui. Ce sont des formats tellement différents. "Dracula", ce sont des plateaux énormes. C'est beaucoup de gens sur scène. Humainement, c'est une incroyable expérience. Ça m'a apporté beaucoup mais on ne peut pas dire que ça m'a préparé à "Salut Les Copains". Là, on est plus dans la dramaturgie. J'ai gagné en maturité. Parce que, quand vous jouez dans des Zénith ou pendant quatre mois au Palais des Sports, on ne voit pas les choses de la même manière. Ce sont des spectacles qui n'ont rien en commun. Pour "Salut Les Copains", les titres ont été choisis en fonction de la dramaturgie. Pour "Dracula", on avait des titres avec des singles potentiels. Et avec ces titres, on s'est débrouillé pour créer un fil conducteur avec une série de tableaux visuels.

Si chacun d'entre vous devait me citer le passage qu'il préfère dans "Salut Les Copains", ce serait quoi ?
Flo Malley : J'adore le moment de l'interview ! Parce que j'aime beaucoup faire rire les gens (rire collectif).
Vincent Heden : Il faut savoir que ce sont d'ailleurs de vraies interviews de l'époque. Ce sont de vrais éléments qui ont été repris. C'est tiré de faits réels. Quand on l'écoute, on se dit que personne n'a pu dire ça. Mais si (sourire) !
Anaïs Delva : Le moment que j'aime beaucoup, c'est celui de mon monologue avec la lettre. C'est un moment où le personnage a grandi. Elle voit les choses avec un peu de recul. C'est un passage qui personnellement me fait du bien. Il y a des choses graves dans la vie. On fait des bêtises mais beaucoup de choses peuvent s'arranger.
Plus d'informations sur le site officiel du spectacle, celui des Folies Bergère, et Facebook.

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