samedi 03 août 2024 13:00
Piche en interview après les JO : "Je ne pensais pas que des chaînes allaient nous censurer"
Piche est l'une des drags qui a crevé l'écran lors la cérémonie d'ouverture des JO 2024. En interview sur Purecharts, l'artiste raconte la genèse de cette performance, les critiques virulentes qui ont jailli, la montée des attaques contre les drag queens et ses projets.
Crédits photo : Capture France 2
Propos recueillis par Julien Gonçalves. Tout d'abord, qui t'a contacté pour participer à la cérémonie d'ouverture des JO 2024 ? J'ai été contactée directement par la direction artistique qui a proposé mon profil. Mon agent m'a appelé pour m'annoncer la nouvelle : que Thomas Jolly et Daphné Burki entre autres, souhaitaient que je sois de la partie. Je ne me souviens plus quand c'était, mais j'ai commencé les répétitions en juin. Il n'y en a pas eu beaucoup, j'en ai eu que trois mais il y avait énormément de choses à caler. J'aurais adoré qu'on en ait beaucoup plus, mais c'est aussi ça ce genre d'événements ! Je n'ai pas hésité pas une seconde Quelle a été ta réaction quand ton agent t'a appris ça ?Au début, je suis très très contente mais je ne sais pas forcément à quoi m'attendre. Car une cérémonie d'ouverture, ça veut dire plein de choses, il y a énormément de tableaux donc je ne savais pas ce que ça allait être. Plus ça avance, plus on me précise le projet, et je me rends compte que ce n'est pas rien. Ce n'est déjà pas rien d'être à la cérémonie des JO, mais d'avoir le spot que j'ai eu, c'est énorme. Je me suis dit qu'en termes de représentation ça allait être hyper important, hyper impactant. Il fallait que je fasse les choses bien ! Tu as hésité face à un événement d'une telle ampleur, avec une telle exposition ? Je n'ai pas hésité pas une seconde ! Je suis un artiste, j'ai envie de promouvoir mon travail, qui je suis, et l'art du drag à côté de la musique. Quand on te propose de faire quelque chose qui n'a jamais été fait historiquement sur une cérémonie des JO et que 2 milliards de téléspectateurs vont le voir, je ne pouvais qu'accepter. On nous a laissé beaucoup de liberté Que t'a-t-on dit précisément sur le tableau "Festivités" auquel tu allais participer ?On m'a expliqué qu'il y aurait un catwalk, du défilé, que ça allait danser, comment ça allait être aménagé... On a parlé des matériaux utilisés, des costumes, des effets pyrotechniques. C'était plein de belles promesses ! Et elles ont été tenues quand on voit le tableau des "Festivités", c'est exactement ça. Thomas Jolly est une personne très à l'écoute, et la chorégraphe Maud Le Pladec aussi. Il y avait forcément des choses qu'on ne pouvait pas faire en raison des caméras, mais on nous a laissé beaucoup de liberté. Sur les solos par exemple. J'ai eu la chance de pouvoir chorégraphier mon solo sous la pluie, choisir les plans de caméras, pour me mettre le plus en valeur et proposer quelque chose qui me ressemble. On ne nous a rien imposé. C'est une énorme chance ça ! Ah oui ! Quand on te dit que tu vas avoir 20-30 secondes solo, face caméra, devant 2 milliards de personnes, c'est fou. Et tout s'est fait dans la bienveillance, c'était un vrai plaisir tout le processus de création. Le player Dailymotion est en train de se charger...
Vous n'avez pas pu répéter sur place avant le jour J, comment vous avez fait ? On a juste fait une sorte de répétition in situ, mais c'était surtout un déroulé, ce qu'on appelle du marquage. Il y avait déjà plein de personnes autour du pont Debilly, avec des caméras et des photographes pour essayer de choper la moindre exclusivité, et c'était hyper important pour tout le monde de garder le secret jusqu'au dernier moment. Mais sinon on a répété dans un grand hangar, avec des dispositifs pour recréer les conditions du jour J. La pluie, c'était vraiment atroce Vendredi soir, la pluie s'est invitée... Comment tu as vécu ce moment ?Oh mon Dieu ! La pluie est vraiment arrivée au mauvais moment. Elle aurait pu d'ailleurs arriver quand j'ai failli foutre le feu à la péniche des backstages des JO. C'était très sympathique ! (Rires) J'ai allumé par accident la pyro froide, et la régisseuse a dû courir dans tout le bateau, avec tout le monde autour... Bref, j'ai failli foutre le feu aux costumes ! A part ça, la pluie s'est invitée et ça a été un peu atroce. Il ne pleuvait pas vraiment et juste avant, il commence à pleuvoir, mais on s'est dit que ce n'était peut-être qu'une petite averse, et pas du tout ! Au bout de cinq minutes sous la pluie, j'ai commencé à comprendre que j'allais finir entièrement trempée. Car j'ai des fausses fesses quand je suis en drag, c'est de la mousse. Tout était trempé, je devais m'asseoir en plus, vraiment c'était terrible. J'ai enlevé mes lentilles pendant le tableau, devant 2 milliards de personnes, mais je n'avais pas le choix ! Pareil pour les faux cils car mes yeux me brûlaient. Mes cheveux collaient... Tu as réussi à profiter quand même ? Au bout de quelques minutes, je me suis dit : "Là tu es en train de subir, alors que c'est un événement historique, tu dois en garder les meilleurs souvenirs, donc tant pis, tu seras laide mais c'est ok, profite et éclate toi !". Mais je suis heureuse car quand on regarde le tableau, on ne se rend pas vraiment compte que le maquillage a morflé mais on voit bien l'effet mouillé des cheveux. Il y a un petit côté Pussycat Dolls qui me plaît beaucoup ! (Rires) Apparemment, ça m'a servi plus qu'autre chose. Je ne m'attendais pas à autant de réactions Tu t'attendais à autant de critiques virulentes sur cette séquence ? Le tableau a même été censuré dans certains pays...Très honnêtement, je ne m'attendais pas à autant de réactions et surtout de censure. Je savais qu'il y en a qui allaient râler car il y a toujours des gens qui râlent, quoi que tu fasses. Si on me met à la télévision avec une barbe, ça va forcément être problématique pour les gens qui ne voudraient pas nous voir et qu'on soit visibles. Mais je ne pensais que certaines chaînes allaient carrément censurer des passages. Mine de rien, on gueule souvent en France, mais ça prouve qu'on peut encore avoir le droit à la liberté d'expression et d'être qui on est, dans une certaine mesure. Car il y a évidemment plein de choses à changer pour les droits des personnes LGBT. Mais j'ai une reconnaissance à ce niveau-là, d'avoir pu, en tant que drag, être vue par deux milliards de personnes dans une cérémonie des Jeux Olympiques. Dans une tribune pour Libération, un collectif de drag queens a dénoncé les attaques systématiques notamment de l'extrême droite alors que les drags sont de plus en plus mainstream. C'est un phénomène qui t'inquiète particulièrement ? Ah oui ça m'inquiète, et ça devrait inquiéter absolument tout le monde, ceux qui sont pour la tolérance, la liberté et l'inclusion. Et il y a beaucoup de personnes, même hors de la communauté LGBT, qui s'y reconnaissent, et qui s'inquiètent de la montée de ce genre de partis et d'idéologies qui sont dangereuses et néfastes pour beaucoup plus de monde qu'on ne le croit. Je suis drag queen, homosexuel, je suis aussi gitan et algérien, je suis né comme ça, je n'y peux rien, je n'ai rien demandé et en plus, j'en suis très fier ! Ce ne sont ni une religion ni une orientation sexuelle qui définissent les valeurs d'une personne. Ni une religion ni une orientation sexuelle ne définit les valeurs d'une personne Pour finir sur la cérémonie, est-ce que tu as pu rencontrer Lady Gaga, Aya Nakamura ou Céline Dion ?Mais non ! J'aurais tellement rêvé les rencontrer. Mais je me rassure en me disant que, quoi qu'il arrive, j'ai performé à un événement où il y avait quand même Lady Gaga, Aya Nakamura et Céline Dion. Je ne dirais pas que je peux mourir en paix, car je suis très forte dans la manifestation, mais il y a de ça. (Rires) J'étais juste à côté de la Tour Eiffel quand Céline Dion a chanté, je pouvais presque la voir en dessous des anneaux, c'était historique. On a tous chialé ! Quels sont tes projets désormais, après l'EP "Festin" et le single "Oh ma Piche" ? Il y a des concerts qui arrivent je crois ! Oui ! Tout l'été, je suis sur le spectacle "Fantasma Circus Erotica" aux Folies Bergère, jusqu'au 17 août. Ensuite, je prends dix jours de vacances, car je n'en ai pas eu depuis deux ans. J'ai aussi annoncé un concert le 6 novembre aux Etoiles, qui a affiché complet en 24 heures, donc on a lancé une autre date le 20 mars 2025 à l'Elysée Montmartre, donc une plus grande salle. Je suis vraiment chanceuse ! Et je travaille aussi sur de la musique, avec des nouvelles créations qui arrivent, et peut-être quelques dates un peu partout en France. On prépare la suite ! Podcast |