samedi 27 août 2022 13:14
Marghe en interview : "Après The Voice, j'ai eu besoin de prendre du recul"
Un an et demi après sa victoire dans "The Voice", Marghe sort cette semaine son premier album "Alefa". En interview sur Purecharts, la jeune chanteuse se confie avec naturel et sincérité sur le tourbillon après le télé-crochet, son travail en studio avec Jim Bauer, ses doutes, l'Eurovision ou encore son coach Florent Pagny.
Crédits photo : LeTripleSept
Propos recueillis par Julien Gonçalves. Comment tu as vécu l'après "The Voice", suite à ta victoire en 2021 ? Dans un premier temps, je ne me rendais pas trop compte de tout ce qui se passait. C'était quand même un gros enjeu ! Cette victoire, c'est grâce au public. Je me suis rendue compte que ma voix plaisait. C'est un très beau cadeau, donc je leur dis vraiment merci. Ensuite, j'ai signé en maison de disques chez Decca Records juste après la victoire mais j'ai pris le temps de prendre du recul avec tout ça, parce qu'il y a la visibilité médiatique, et ça y est tu es dans la vague, faut absolument se lancer. D'un côté, je le voulais, et d'un autre côté non. Je ne voulais pas avoir ce regret de présenter quelque chose rapidement juste pour satisfaire le public. Je voulais vraiment prendre mon temps. "J'étais un peu dans la précipitation au début" Oui car on sait forcément que ça peut être un risque...Au début, je ne me rendais pas trop compte, je me disais qu'on pouvait faire un album facilement en quelques semaines, et aujourd'hui je comprends pourquoi ça prend autant de temps parfois. C'est notre bébé, notre bijou. Je le vois comme si je posais mon âme sur ce projet, et elle va être accessible à tout le monde. J'étais un peu dans la précipitation au début mais j'ai eu besoin de prendre du recul, de me reposer un peu, de me remettre la tête sur les épaules, pour faire les choses bien. Quitte à prendre du temps, quitte à disparaître. Je me disais que si le talent est là, si j'ai vraiment quelque chose, quand je reviendrais, il y aurait ce même engouement, petit à petit, qu'au moment de "The Voice". Ça ne doit pas être évident de trouver son chemin quand on doit sortir son premier album. En soi, oui, c'était un peu compliqué, mais je savais déjà ce que je voulais faire. Dans l'émission, si on regarde bien mon parcours, la production et moi avions choisi des chansons très diverses, de Louane à Aretha Franklin, avec Nat King Cole ou même Dua Lipa. Je m'y retrouvais car je ne m'enferme pas dans un seul style. Pour moi, c'est le sentiment qui compte le plus, la façon dont tu t'exprimes sur scène. Oui mais le public a besoin de cerner la personnalité musicale d'un artiste, et dans "The Voice" c'était quand même très éclectique, et finalement assez différent de ton premier album "Alefa"... Il faut savoir que c'est une émission dans laquelle je me suis promise de rester qui je suis, mais ça reste une émission où la voix doit être mise en avant. Donc il y a forcément des petites stratégies en termes de choix de chansons, et c'était avant tout pour présenter ma voix mais pas forcément toute ma personnalité. Donc pour l'album, je suis partie avec l'état d'esprit de vraiment me présenter. C'est un projet autobiographique avec un message fort : ne pas abandonner, garder espoir. Il y a des rouages de l'industrie que je ne connaissais pas Quand l'album a-t-il commencé à naître ?L'album a commencé à naître en septembre-octobre dernier, quand, avec Jim Baeur, on a commencé à collaborer. On faisait des tests, on essayait deux-trois chansons. Pour tout te dire, la dernière chanson de l'album, c'est la première qu'on a faite. On a tout résumé dans cette chanson et on a essayé de diviser le sujet en plusieurs parties ensuite. En fait, la première partie de l'album, c'est "J'arrive à Paris". La rencontre avec l'industrie... Je chante depuis longtemps mais je ne l'avais jamais fait comme un métier, donc il y a quand même des rouages que je ne connaissais pas forcément. Et que je découvre encore petit à petit aujourd'hui. J'ai découvert le studio aussi, où j'ai pu expérimenter tous types de sonorités. Dans ce projet, j'ai cassé ma coquille, j'ai osé faire des choses que je n'osais pas faire avant, par peur du jugement, du regard des autres. Quand les gens disent que j'ai changé, c'est juste que je n'avais pas eu l'occasion de montrer tout ce dont je suis capable, toutes les facettes. C'est important que le public apprenne à connaître l'artiste par le biais de ses chansons. Donc pour être la plus sincère possible, je voulais suivre la chronologie de mon parcours. Le player Dailymotion est en train de se charger... Avec Jim Bauer, on a la même sensibilité Travailler avec Jim Bauer, finaliste de "The Voice" face à toi, c'est arrivé comment ?On s'appréciait amicalement. Déjà, dans l'émission, on se disait que ça pourrait être sympa de faire des reprises, des duos, ou de faire du studio ensemble. Donc il y avait cette envie au départ. Ce qui est marrant, c'est qu'on était l'un contre l'autre dans "The Voice", et là on travaille ensemble. C'est moi qui lui ai demandé s'il était partant pour faire partie du projet et il a dit oui. Pour moi, Jim c'est un alien musical et j'ai découvert en lui un talent de réalisateur. Dîtes-vous que la majorité des chansons sur l'album, on les a faites en deux jours. Non pas à l'arrache mais parce qu'on était focus dessus, on était dans notre bulle. J'ai trouvé ça génial, on a deux univers différents mais on est perchés tous les deux et on a cette envie de surprendre les gens. On a la même sensibilité, on se comprenait tous les deux. Pourquoi avoir appeler ton album "Alefa" ? C'était dur de trouver un titre qui résume l'album. Avec "Alefa", je voulais faire un clin d'oeil à mes origines. A Magadascar, ils ont cet état d'esprit d'union, de solidarité. Quand j'ai gagné, on aurait dit qu'ils avaient gagné la Coupe du Monde ! C'est comme si je les avais emmenés avec moi à la victoire, que j'avais mis la lumière sur eux. C'était un honneur. "Alefa", on le dit tout le temps là-bas, en mode "courage, vas-y !". J'adorerais que ça devienne une expression en France ou que ça donne envie aux gens de découvrir la langue ou la culture malgache. Et puis, c'est vraiment l'humeur de l'album, car même sur les chansons tristes, il y a l'espoir de se relever. Il n'y a que toi pour créer ton propre chemin. Tu as fait écouter l'album à ton coach Florent Pagny pour avoir son retour ? Forcément, Florent Pagny, je lui ai envoyé quelques chansons, notamment les ballades et l'interprétation malgache car ça me tenait à coeur. Je suis très contente car il apprécie beaucoup, il aime beaucoup. Après, on n'est pas dans le même style, le même univers, et il me l'a dit clairement : "C'est des chansons de ton âge mais on ressent que tu es sincère dedans". C'est quelque chose qu'on arrive à percevoir. J'ai eu la chance de faire une écoute à quelques personnes sur tirage au sort, et je suis contente car ce qui est sorti, c'est qu'on ressent la sincérité. C'est le plus beau cadeau que je puisse avoir. Après, tu aimes, tu aimes pas, on a tous nos préférences, mais si les gens peuvent ressentir que je suis vraie, c'est le plus important. Pour arriver jusque là ça a été compliqué C'était important pour toi d'avoir l'avis de ton coach ?C'était surtout pour le tenir au courant. Avec Florent, on a toujours été dans cet état d'esprit que si je dois prouver mon talent dans la musique, c'est à moi de le faire. On me fait souvent des remarques "Il t'a lâché, il t'a laissé tomber", mais à un moment donné, il faut arrêter. Il ne m'a jamais rien promis et ce n'est pas son rôle. Il est là pour me conseiller. Si je l'appelle car j'ai besoin de quelque chose, je sais qu'il sera là. Et puis c'est plus valorisant de faire les choses par soi-même plutôt que de compter sur les autres. Ce n'est pas la même saveur. Mais je suis très fière, chaque jour j'évolue, je prends confiance. Pas au point de prendre la grosse tête, ça ne m'arrivera jamais, mais je sais ce que je fais, je suis satisfaite et je suis heureuse. Le reste, c'est du bonus. Dans "Restart the Game", tu chantes « Je me suis perdue dans un monde ouvert » et « Plusieurs fois j'ai échoué, changé de perso ». Cet album, tu n'y croyais plus ? Pour moi, c'est important d'exprimer ça car pour arriver jusque là, ça a été compliqué. Le monde de la musique est très compliqué, il faut l'admettre. Il faut se démarquer et prouver au public que c'est vraiment ce que tu veux faire. "Restart the Game", c'est une référence directe à "The Voice". Il m'a quand même fallu cinq ans avant d'y arriver. Il y a des moments où j'ai pleuré, où je me suis demandé : "Est-ce que la musique c'était vraiment fait pour moi ?". J'ai même mis la musique de côté à un moment, je suis arrivée en France, c'était nouveau pour moi. Je devais refaire ma vie. Quand je suis arrivée à Paris, même si j'ai quand même mes amis de "The Voice" et des gens du label qui me soutiennent, c'est bizarre quand tu rentres à la maison et que tu es toute seule. "Restart the Game" c'est simplement pour dire que même si tu échoues 40 fois, tu peux réussir la 41ème fois. Tout effort a une récompense. C'est mon état d'esprit. Ecrire mes chansons, c'était une condition Dans "Nouvelle vie", tu parles de ton arrivée à Paris, de ce "monde étrange" ou de "nouveaux habits". Tu avais peur d'être façonnée, d'être marketée, et peur de perdre ton ADN avec "The Voice" et ce que ça implique ?Forcément. Je pense que c'est humain d'avoir peur. Mais on a écrit cette chanson avec Jim dans un état d'esprit de "J'ai peur mais j'y vais quand même". Parfois, il faut affronter ses peurs et puis c'est ce que je veux faire de ma vie la musique. Et il faut affronter et trouver un équilibre. Quand je suis arrivée en France, je n'avais rien du tout, je suis arrivée avec deux petits sacs, et là j'arrive à Paris, le label me propose des tenues... C'est vraiment tout nouveau. Oui ça fait peur mais je pense qu'il faut savoir y aller, casser sa coquille. Je ne regrette pas du tout. Après, il y a forcément des hauts et des bas, comme dans tout métier et dans la vie en général mais quand tu es dans le bas, l'important c'est de remonter. Je suis sensible comme fille, il y a des choses que je prendre vraiment à coeur, et au fil du temps, j'ai appris à pleurer de tout mon corps pour avoir mon sourire le plus brillant possible le lendemain. Il ne faut pas fuir les doutes, les peurs, la déception, tu en ressors toujours plus fort. C'était important de co-écrire tout l'album ? Car c'est rare pour un premier album et surtout quand on sort d'un télé-crochet... Ah oui, c'était une condition ! C'était important de mettre ma patte dans mes chansons. Et je suis très contente que les équipes de mon label aient validé. Ils n'ont pas été en mode forcing, ils m'ont proposé des choses et je leur ai dit non car ça ne me convenait pas. Je leur ai demandé de me laisser du temps, et c'est normal que le label attende des propositions de ma part. C'est donnant-donnant, il faut que ça convienne à tout le monde. Il a fallu faire des concessions qui ne gênent personne. Quand j'ai proposé des chansons avec Jim, ils ont tout de suite dit oui, ils étaient emballés. J'étais contente car ça booste. C'est important que les gens qui travaillent avec toi croient en ton projet. Je suis féministe, je veux l'égalité Tu évoques la masculinité toxique sur "Maaan". Pourquoi tu as eu à coeur daborder ce thème ?Pour moi, c'est important. Actuellement, on est à un moment où on est en train de se battre, je suis féministe mais dans le sens où je veux l'égalité. Dans la chanson, je clashe les machos, car tous les hommes ne sont pas comme ça, mais c'est aussi une façon de dire qu'on est tous sur le même niveau. Je voulais vraiment chanter "Je t'ai fait pleurer comme un man" car quand un homme pleure, on dit que c'est une "femmelette". Ce n'est pas normal. Un homme aussi a un coeur, un homme a le droit de pleurer, je ne vois pas quel est le problème. Parfois, les hommes se permettent encore de nos jours de s'imposer face à une femme juste parce que c'est un homme. J'avais aussi envie de montrer que les femmes peuvent avoir du répondant, du mordant. Donc les machos, calmez-vous ! (Rires) C'est facile d'être une femme dans cette industrie ? Je ne sais pas comment expliquer ça, mais oui et non. Je viens de commencer donc je n'ai peut-être pas encore l'expérience nécessaire, mais ça m'est déjà arrivée d'avoir ce sentiment qu'on ne m'écoute pas forcément. Mais quand tu tapes du poing sur la table, que tu dis "Je suis là et j'ai aussi mon mot à dire", ça remet un peu les choses en place. Pour ma part, pour l'instant tout va bien. J'espère que ça va continuer comme ça ! Après, avant "The Voice", j'ai déjà eu des expériences malheureuses où on a pris ma voix pour une chanson, je ne veux pas en faire une histoire, mais ce manque de respect et de reconnaissance, ce n'est pas normal. En écoutant "Isolée", je me suis dit que cette chanson parlait de harcèlement scolaire... C'est génial, ça me fait plaisir car c'est la première fois qu'on me fait cette référence. Chacun a sa façon de comprendre les chansons. En prenant du recul, en effet, oui "Isolée" ça peut aussi parler de harcèlement. Je parle surtout du fait que des personnes peuvent se sentir incomprises ou mises à l'écart, et qu'ils ne sont pas seuls malgré ce qu'elles peuvent ressentir. Je me parle à moi, comme à ma soeur ou à un ami. C'est une chanson pour se consoler et dire aux gens qu'ils ne sont pas seuls. De toute façon, je mets toujours une partie de moi dans mes chansons, je suis hypersensible comme je le dis dans "Hyper", donc j'ai pu me sentir incomprise ou triste, mais j'ai envie d'être là pour les gens. Quand j'ai écouté les ballades "Nous deux" ou "Au bout du monde", je me suis dit qu'elles pourraient être en lice pour l'Eurovision. Est-ce que tu serais partante pour représenter la France ? (Elle rit) Ça me fait rire car on n'arrête pas de me le dire ! Même sur les réseaux sociaux, je vois beaucoup de commentaires qui disent que "Au bout du monde" serait parfaite pour l'Eurovision. Mais "The Voice" déjà pour moi, c'était énorme, et puis je viens de le faire, donc je ne vais pas non plus m'embarquer dans une énorme aventure comme celle-là tout de suite. Et puis il y a plein d'autres artistes qui peuvent tout donner à ce genre de tremplin. Après, ça reste dans ma tête mais là je vais d'abord me concentrer sur mon projet, et on verra plus tard. Mais si un jour je représente la France à l'Eurovision, je ferais tout, je donnerais mon max. Là, rien que d'y penser, je suis toute excitée, mais c'est vrai que j'ai des choses qui pourraient bien coller. Qui sait ? Je ne sais pas où ça me mènera mais c'est dans un coin de ma tête. Podcast
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