Licia CheryVar.inter, Pop, Rock » Pop, Rock
mercredi 13 juin 2012 18:00
Licia Chery : "Avoir une âme, c'est pouvoir transporter quelqu'un."
Licia Chery présente cette semaine son premier album "Blue Your Mind". Un disque qui puise son inspiration dans la culture soul dans laquelle la jeune artiste suisse s'est trouvée une destinée durant son adolescence. Ayant été bercée entre Michael Jackson et Céline Dion, passionnée de littérature, Licia Chery a des choses à dire et donne son point de vue sur le métier d'artiste auquel elle a décidé de vouer sa vie, mais aussi sur des questions d'injustice et d'immigration qui charpentent les textes de ses chansons.
Crédits photo : DR.
Dans votre premier clip "Please", apparaît notamment la chanteuse Irma, elle aussi signée chez My Major Company. Un clin d'oeil ou le moyen de vous faire remarquer ? (Jonathan Hamard, Journaliste) Licia Chery : Non. Ce n'est pas spécialement une volonté de me faire remarquer. J'ai demandé à beaucoup de producteurs du site My Major Company de participer à ce clip en inscrivant avec leurs mains les lettres du titre "Please". C'était donc à l'origine un clip fait avec des personnes plus ou moins proches du label. Je me suis dit que plusieurs personnalités pourraient également prendre part au projet, comme par exemple David Baillot de "Plus belle la vie", Eddy Murté, qui est le directeur des programmes de France Ô. Et puis Irma, que l'on aperçoit donc dans le clip "Please". Ce sont autant de personnes rencontrées au cours de ma carrière. Ce sont aussi des personnalités que j'apprécie. Je leur ai proposé tout naturellement de participer à cette vidéo. Elles ont trouvé l'idée très sobre et très jolie. C'est sans doute la raison pour laquelle ils ont tout de suite dit oui. En quelque sorte, vous rendez hommage à My Major Company. Qu'est-ce que selon vous ce label peut vous apporter et qu'un autre label n'aurait pas pu vous donner ? Je ne sais pas parce que je n'ai jamais travaillé avec un autre label. Je l'ai choisi parce que c'est surtout le seul label qui m'ait ouvert ses portes. Ils m'ont tendu la main. J'avais déjà tenté de présenter mon projet à d'autres équipes. Jusque-là, je n'avais pas eu de réponse positive que ce soit en France, au Canada, aux Etats-Unis et même en Suisse. A partir de là, de voir que des internautes qui ne me connaissent pas, qui me jugent seulement sur ma musique et me témoignent leur confiance, c'est tout simplement quelque chose de touchant. Avec My Major Company, on ne triche pas. Si je suis produite, c'est parce que les gens ont aimé ma musique. Toutes ces personnes qui ont participé pour produire mon premier album n'avaient aucune raison de me dire que ma musique était bonne, surtout sur Internet. C'est un choix du cur. C'est une motivation supplémentaire pour moi, pour me donner envie de continuer. Si je suis produite, c'est parce que les gens ont aimé ma musique. Pourquoi "surtout sur Internet" ?Je dis cela parce que sur Internet, beaucoup se permettent bien des choses en agissant en anonyme. Certains ont des propos pas vraiment très gentils alors qu'ils ne se connaissent pas. Quel type de réponses avez-vous reçu lorsque vous démarchiez les labels ? Il y a plusieurs genres de réponses. Quand il y en avait (rires). Car beaucoup ne prennent pas la peine d'en donner. Ensuite, il y eu des "oui, mais il manque quelque chose" ou des "vous avez une jolie voix mais ce n'est pas ce qu'on cherche" . C'est ce que j'ai eu le droit d'entendre C'est un métier difficile la chanson ? Je pense que le métier de chanteur a toujours été difficile. Que ce soit hier ou demain, il ne sera jamais vraiment évident je crois. Après, quand on croit dans ce que l'on fait et que l'on se donne les moyens, on arrive toujours à ce l'on veut. Je fais ce qu'il faut chaque jour pour atteindre mon but. J'y suis arrivée. Quand avez-vous commencé à écrire vos chansons ? Oui. J'ai commencé alors que je n'avais que dix ou douze ans. J'écrivais des textes bien moins profonds que maintenant mais ils ont quand même le mérite d'exister. Très sérieusement, j'ai commencé à l'âge de dix-sept ou dix-huit ans. Quelles inspirations a-t-on quand on est une jeune femme à peine majeure ? Ça peut passer du coq à l'âne. J'écoutais beaucoup de Michael Jackson et de Céline Dion. Des choses totalement différentes ! Est-ce que la musique que vos parents écoutaient a joué un rôle dans votre évolution ? Pas vraiment. Mes parents écoutaient en Haïti la même chose qu'en France. Ils aimaient beaucoup Sylvie Vartan. Je me suis faite ma petite culture musicale toute seule. C'est moi qui ai voulu faire de la musique classique. C'est moi qui ai demandé à être initiée. Je ne connais pas de musicien dans la famille. Et puis la soul est arrivée. J'ai découvert toute cette musique avec un album d'Otis Redding dans la chambre de ma soeur. C'est à ce moment-là que j'ai compris qu'une chanson pouvait avoir une âme. Je me suis interrogée : j'ai eu ce sentiment que ce titre venait du ciel. Je me suis dit que la soul était mon truc. Je me suis mise à chercher pour trouver d'autres artistes dans le même registre. Qu'est-ce qu'une chanson avec une âme ? C'est une chanson qui nous fait trembler dans tous les sens du terme. Avant, quand j'étais plus jeune, j'aimais beaucoup Céline Dion. Je l'aimais parce que j'étais impressionnée par la justesse de son interprétation et sa voix. Elle pouvait monter si haut. Et après, il y a eu Otis Redding. Rien qu'en écoutant le son de sa voix, j'ai eu les poils qui se sont dressés sur ma peau. J'ai compris qu'une chanson pouvait avoir une âme mais que tout dépend de son interprète. Avoir une âme, c'est pouvoir transporter quelqu'un. A l'âge de vingt-deux ans, vous êtes partis aux Etats-Unis. Pourquoi ? Etait-ce un besoin ou une envie subite ? C'était un voyage salvateur et utile. J'ai pu voir autre chose que la Suisse. C'est quand même un tout petit pays. Je suis arrivée à New-York et j'ai vite compris que je n'étais pas la seule à vouloir chanter. J'ai commencé par un casting. J'ai donc rencontré des personnes qui avaient les mêmes rêves que moi. J'ai fait ce que je devais faire : je me suis battue et j'ai remporté ce casting. Cette victoire m'a permis de me produire à Brooklyn. Cette expérience a été très enrichissante. D'autant plus que je me suis déplacée. Je suis également allée au Canada où j'ai rencontré d'autres personnes avec lesquelles j'ai appris d'autres choses. De découvrir d'autres espaces et de partager des expériences avec d'autres artistes, c'est quelque chose de très important pour se construire en tant que chanteur. Et pourquoi ne pas être allé à Haïti, le pays de vos origines ? Je ne suis pas allée là-bas car la situation y est plus difficile. Il y a beaucoup d'insécurité. Il y a moins de portes ouvertes. Les Etats-Unis : c'est l'american dream. Haïti, ce sera plutôt pour la retraite. Spirituelle j'entends bien. Vous pensez réellement que l'american dream existe encore ? Oui, je pense qu'il existe encore et pas seulement aux Etats-Unis. Il peut être n'importe où. Je crois dur comme fer que si l'on se donne les moyens de réaliser ce que l'on souhaite, il n'y a aucune raison de ne pas y parvenir. A partir du moment où l'on est optimiste, on peut faire tout ce qu'on veut. C'est très intéressant le nombre d'artistes qui partent aux Etats-Unis avec les mêmes espoirs de trouver des réponses à leurs questions. Comment l'expliquez-vous ? Aux Etats-Unis, ils ont une perception des artistes et du show qui est totalement différente de celle que l'on a en Europe. En Suisse, je ne dirais pas que nous sommes mal considérés, mais nous n'occupons pas une vraie place dans la société. On ne sait pas vraiment qui nous sommes. En France, vous avez les intermittents du spectacle par exemple. Nous, nous n'avons pas ça en Suisse. Aux Etats-Unis, nous sommes reconnus comme des personnes à part entière, comme des personnes qui faisons quelque chose de bien. Là-bas, faire de la musique est un métier à plein temps. Ce n'est pas considéré comme un simple passe-temps ou une passion. C'est vraiment ce besoin de reconnaissance que l'on recherche. J'ai compris qu'une chanson pouvait avoir une âme. La Suisse, Haïti, les Etats-Unis. Trois pays qui vous ont permis de vous construire en tant qu'artiste. Est-ce important pour vous ce brassage des cultures dans votre conception de la musique, et donc de votre premier album ? Ce n'est pas quelque chose que je calcule. C'est dans mon sang, dans mon cur et dans mes gênes. Ça vient spontanément. Il m'est déjà arrivée qu'une personne voit des références à Haïti dans une chanson alors que ce n'était pas du tout ce que j'avais l'intention de faire. Si je peux faire référence à mes origines, je le fais. Mais je ne me l'impose pas. C'est le cas notamment sur le titre "M'Paladan'l". Je pense que c'est important que mon public sache d'où je viens. D'autant que je ne vous cache pas que lorsque je me présente comme étant Suisse, on me demande systématiquement d'où je viens. Sur l'album "Blue Your Mind", on retrouve quelques grands thèmes. Vous parlez notamment d'amour. Ce n'est pas très original. Pourquoi l'amour est autant chanté de manière plus générale selon vous ? Je pense que c'est tellement gigantesque. Qui n'a pas vécu d'histoire d'amour dans sa vie ? C'est quelque chose qui touche tout le monde. En ce qui me concerne, mes chansons sont en partie autobiographique. Je pense que les artistes ont envie de parler de leurs expériences. Et puis, l'amour, c'est tellement fort, tellement beau, tellement inexplicable. C'est tellement tout. On le retrouve également en littérature et dans le cinéma on en parle beaucoup aussi. Je pense que dès qu'on a la possibilité d'en parler, on le fait. C'est aussi le moyen d'imaginer quelque chose. Dans mes chansons, quand je parle d'amour, j'écris souvent ce que j'aimerais qu'on me dise, ce que j'aimerais vivre. Je m'invente mes histoires... Vous vous intéressez beaucoup à la littérature ? Ces derniers temps, beaucoup moins. Depuis que j'ai quitté l'école surtout. J'aime beaucoup la littérature. J'étais même destinée à entrer en lettre puisque tous mes professeurs m'ont conseillé cette voie. Mais j'ai plus de facilité à écrire des poèmes et des dissertations que des chansons. Ça a toujours été. Est-ce indispensable de s'être construit une culture littéraire pour écrire des chansons ? C'est ce qui doit indirectement m'inspirer dans l'écriture, effectivement. C'est important pour moi d'être auteur des titres que je chante. C'est vrai pour le premier album, mais pour la suite aussi. Je suis une artiste de scène et ce que j'aime c'est le partage. Je fais ce métier pour partager des émotions et des idées avec le public. Par conséquent, il faut être authentique. Et pour moi, ça passe par l'écriture de mes propres chansons. J'ai besoin de ressentir au fond de moi ce que je chante. Après, je sais qu'il existe des interprètes incroyables mais je ne suis pas sur ce terrain-là. Dans "Blue Your Mind", on parle d'amour, mais on parle aussi beaucoup d'injustice. On peut tout mettre et ne rien mettre derrière les mots "justice" et "injustice". Comment les définissez-vous ? Je parlerais d'impartialité pour commencer. Je mettrais l'humanité aussi. C'est tellement facile aujourd'hui de se moquer de tout. C'est tellement facile de remarquer la pauvreté, de dire qu'il y en a partout et de la regarder sans rien faire. On finit par oublier cette pauvreté qui est juste là devant nous, et que l'on ne remarque plus. On décide de détourner le regard, comme si on ne voyait pas. Prenons l'exemple des sans-abris. Beaucoup les croisent en se disant que s'ils sont là, c'est qu'ils l'ont choisi parce qu'on peut travailler, etc... Mais on ne se pose jamais la question de savoir pourquoi ils en sont arrivés là. Si ça se trouve, ils sont là parce qu'ils sont les victimes d'une injustice. Il y a peut-être eu une faille dans le système. On préfère ne pas se poser la question et continuer sa route. C'est tellement facile aujourd'hui de se moquer de tout. C'est peut-être aussi une question de volonté ou de temps. C'est plus de l'ordre de la volonté que du temps. Je crois savoir qu'il y a des personnes qui arrivent à passer des heures sur Facebook. Du temps, vous en gardez pour d'autres projets ? Oui. Je vais déjà m'occuper de la promotion de cet album, de la scène. Je vais faire en sorte d'apporter plein de bonheur au public avec ma musique. C'est ce que je souhaite. J'espère des collaborations dans les prochains mois. Y-a-t-il des artistes en vue ? La plus importante, c'est celle avec Wyclef Jean. Je l'ai rencontré dernièrement à New-York.
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