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Keane en interview : "Aujourd'hui, tout le monde a un truc à dire sur tout"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Après s'être séparé, le groupe Keane est de retour avec l'album "Cause and Effect". Tom, Jesse, Richard et Tim se confient en interview sur les causes de leur séparation, leurs retrouvailles, l'impact du succès, les tensions en studio et les réseaux sociaux.
Crédits photo : Jon Stone
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Alors, qu'est-ce que ça vous fait de vous retrouver ?
Jesse Quin : C'est horrible ! (Rires)

Tom Chaplin : C'est génial ! Je pense qu'on était un peu anxieux de savoir ce que ça allait donner quand on s'est retrouvé. C'était intéressant. Quand on s'est donné rendez-vous, c'était le point de départ pour la suite, pour parler de l'album etc... et je crois qu'on était tous assez réticent. Et finalement, j'ai été assez surpris. On était bien dans nos vies. Repartir ensemble, c'est une décision importante à prendre quand tu as des enfants, une vie de famille bien installée...

On pensait vraiment que c'était terminé
Tim Rice-Oxley : Faire l'album, se retrouver en studio, débuter les répétitions... Ça a été super jusqu'ici. Et ça fait plaisir de voir que les gens en ont encore quelque chose à faire de nous ! (Rires)

Vous pensiez vraiment que c'était la fin de Keane ?
Richard Hughes : Oui ! C'est pour ça qu'on a sorti une compilation. Quand on était en tournée en Europe, Tom nous a dit qu'il voulait arrêter et faire un album solo. Il en avait assez depuis un petit moment. Je pensais vraiment que c'était terminé.

Tom : Je ne pensais vraiment pas faire plus avec le groupe. (Il réfléchit) Mais finalement, j'ai été à nouveau ouvert à cette idée. Je ne sais pas... Personnellement, ces dernières années, j'ai arrêté de prendre de la drogue et je suis devenu plus proactif. Il m'a fallu chasser ces énergies pour faire quelque chose. En me lançant en solo, j'ai été empli de désir à nouveau, j'ai pu raconter mon histoire. Quand j'ai revu Tim après ces quelques années de distance, cinq ans tout de même, il avait écrit toutes ces chansons sur sa vie qui avait pris un mauvais tournant, et comment c'était devenu le bordel. Elles étaient vraiment magnifiques. J'ai ressenti une incroyable énergie, j'ai eu envie de me noyer dedans.

On commençait à ne plus se supporter
L'arrêt du groupe, c'était dû au fait que vous aviez besoin de temps loin les uns des autres ?
Jesse : Personnellement, j'ai eu besoin d'arrêter de voyager. Quand vous partez en vacances, le pire c'est quand même l'aéroport, et nous on a quand même vécu ça sans cesse pendant toutes ces années. C'est génial de voir le monde mais j'avais besoin de me poser à un seul endroit à un moment. Et puis, à force, vous commencez à vous marcher dessus et à ne plus vous supporter. (Rires)

Tom : Oui, inévitablement, ça arrive. A un moment, on a aussi pris les choses pour acquises. Personnellement, je n'étais plus... La musique, ça devrait rester une véritable passion. Quand tu montes sur scène en te demandant quand cette tournée va se terminer, ce n'est pas un super état d'esprit. (Sourire) Là, ça nous a fait du bien. En live, on redécouvre les chansons qu'on a pourtant jouées des milliers de fois, pendant des années et des années. Il y a la beauté et une belle énergie dans ce que l'on fait en ce moment.

Tim : Moi j'adore voyager ! Mais si vous passez tout votre temps avec les mêmes personnes, que vous faites toujours tout ensemble, ça affecte forcément votre vie personnelle. C'est assez étrange comme vie, c'est fantastique, mais je ne sais pas si c'est très sain. (Rires)

Regardez le clip "The Way I Feel" de Keane :



Vous sentiez que les fans réclamaient ce retour de Keane ?
Tom : Ils ont intérêt ! (Rires) Mais oui je l'ai senti. Les gens aiment Keane. Ils aiment beaucoup le groupe. Ils étaient assez tristes qu'on se sépare. La réception de notre single "The Way I Feel" et la vitesse à laquelle nos premiers concerts se sont vendus, ça nous montre à quel point les gens sont impatients qu'on revienne. Heureusement, ils n'ont pas perdu l'intérêt !

L'impact du succès n'a pas été très bon
Vous réfléchissez parfois à l'impact que vos chansons ont pu avoir sur la vie des gens ?
Jesse : C'est une chose très étrange car nous on voit un nombre : tant de personnes vous écoutent ou ont acheté votre album. Mais vous ne pouvez pas savoir qui ils sont. On a du mal à imaginer que quelqu'un écoute une chanson que vous avez faite dans sa cuisine...

Tom : Nos chansons parlent des conditions de chaque individu, des hauts et les bas de la vie. En même temps, je crois que toutes les chansons parlent de ça mais je crois que les gens se sont vraiment connectés à ça avec les nôtres, à leurs émotions très très profondes qui en dégagent. Mais bien sûr on est surpris.

Aujourd'hui, tout le monde a un truc à dire sur tout
Quel a été l'impact du succès sur vous ?
Richard : Ça a été assez incroyable quand on regarde en arrière ! On est toujours amis, on a une super vie individuellement, on a eu la chance de faire des choses énormes ensemble et séparément. Bien sûr, on peut toujours se dire "Si c'était à refaire, je referais ça..." mais c'est bien aussi de se rendre compte de la chance qu'on a.

Tom : Pour moi, l'impact n'a pas été très bon, pour être honnête. Rien ne vous prépare à tout ça. Il doit y avoir très très peu d'artistes qui sont capables d'affronter ce genre de choses. Peut-être Lady Gaga ? (Rires) Quoi que, j'ai vu qu'elle avait aussi rencontré des problèmes liés à ça. Freddie Mercury ? Ces artistes-là attendent leur moment, ils sont déterminés, prêts à tout supporter et ils ont une vision très précise de comment ils veulent mettre le monde dans leur poche.

Richard : Je crois que ce qui est problématique, et particulièrement dans ce genre de business, c'est que vous en voulez toujours plus et vous voulez que ça dure pour toujours. Peu importe que vous soyez Madonna ou les Rolling Stones ou un nouvel artiste. Et peu importe que vous soyez la personne la plus sympa du monde ou un vrai con avant d'être célèbre. Tu passes ton temps à te dire : "Ok et après ?". Même quand tu deviens énorme, tu te dis : "Comment je peux faire pour rester à ce stade-là ?".

Regardez le clip "Love Too Much" de Keane :



Maintenant que vous êtes de retour, comment vous allez gérer tout ça ?
Tom : Personnellement, les premières années ont été très difficiles. J'ai eu du mal à m'adapter. Et ça a été l'une des sources de mes addictions. Pas la principale je pense mais l'une d'elles. C'est très bizarre, tu fais face à beaucoup plus que tout ce que tu imaginais, tu penses que ça va être la solution à tes problèmes mais ça ne l'est pas. Tout ça donne un truc très compliqué. "Hopes and Fears" a été un tel succès, surtout au Royaume-Uni, mais après il y a de nouveaux groupes qui émergent tous les deux-trois ans. Au début, on te reconnait partout, peu importe où tu ailles. Mais au fil des années, tu es moins au centre de l'attention. Et c'est une bonne chose. Peut-être pas pour l'ego mais c'est une bonne chose. (Sourire)

Il y a eu plus de tensions que jamais
Jesse : Ce que j'ai remarqué, et ça a été difficile, c'est que les gens peuvent être douloureusement honnêtes avec vous parce que vous êtes connus. Ils vous disent des choses parfois qu'ils ne diraient pas dans la vie de tous les jours. Comme "Oh mais Jesse tu as pris du poids !". Tu ne dis jamais ça en réalité. Vraiment, ça peut te briser le coeur. C'est horrible !

Tom : Et les réseaux sociaux ont participé à ça aussi. Je crois que ma plus grande anxiété vient aussi de ça. Aujourd'hui, tout le monde a un truc à dire sur tout. (Rires) Si tu as le malheur de lire, ce que je fais bêtement bien souvent... Il y a plein de trucs bien mais il y a toujours un truc négatif qui va t'atteindre. Et tu ne peux rien faire. Je sais que beaucoup d'artistes refusent d'aller voir ce qui se dit sur les réseaux sociaux, et ils ont sans doute raison.

Comment se sont passées les retrouvailles ?
Tom : J'ai revu Tim et c'est là que tout a commencé. Il avait écrit plein de chansons car il comptait faire un album solo, il n'avait pas du tout confiance en lui. Je voulais savoir de quoi elles parlaient alors il me les envoyées. Je me suis dit qu'il n'avait vraiment rien perdu de son talent d'auteur. Il a toujours été brillant. Même les chansons les moins bonnes sont super ! (Rires) Inconsciemment, je crois que je savais ce qui allait se passer. En les écoutant, j'ai compris pourquoi il avait des doutes car elles étaient toutes vraiment très tristes. Elles parlaient de son mariage qui volait en éclat, les difficultés découlant de tout ça. Mais elles étaient fantastiques et magnifiques. Particulièrement "Thread" et "Strange Room", qui sont sans doute mes préférées. Elles sont tellement vulnérables. Ses chansons n'avaient jamais été aussi directes. Ça va sonner arrogant mais j'avais envie d'être celui qui mettrait en lumière ses magnifiques chansons. Je voulais qu'on les entende !

Et la première fois où vous vous êtes réunis tous ensemble, c'était comment ?
Richard : On s'est donné rendez-vous dans un pub à côté de chez moi, on a mangé ensemble, c'était cool. Je me souviens, il y avait un match à la télé. On s'est mis d'accord pour donner un concert caritatif durant l'été dans notre ville. Tout le monde était pour, on avait hâte. Et on a parlé des chansons de Tim... On s'était envoyé quelques SMS avant et des e-mails. C'était agréable de se retrouver tous ensemble autour d'une table. Il faut apprécier ces moments-là, car parfois avec toute l'agitation tu ne te rends pas compte de ce que tu as.

Ecoutez "Strange Room" de Keane :



C'était facile de se retrouver en studio ensemble après toutes ces années ?
Tom : Ça a été un processus difficile. On a travaillé avec un producteur, David Kosten, avec qui j'avais bossé pour mon projet solo. Il était très sympa, ça s'était bien passé avec moi mais avec le groupe ça a été différent. Il y a eu plus de tensions que nous n'en avons jamais connues avec un producteur.

Jesse : En fait, il nous disait : "Faites ça !". Oui sauf que j'avais plutôt envie de faire d'une autre manière. Il nous disait : "C'est de la merde !", je lui répondais : "Je trouve au contraire que c'est super".

Tom : On n'avait jamais connu de tels conflits en faisant un album. Mais je crois que ça a été une bonne chose. Ça nous a poussé dans nos retranchements.

La musique de Keane a toujours été portée par l'émotion
Tim, peux-tu me parler des chansons que tu as écrites ? Qui à l'origine n'étaient donc pas destinées pour Keane mais pour un album solo...
Tim : J'écris beaucoup, tout le temps. J'avais des chansons dont j'étais content mais pendant ce temps-là, Tom faisait son projet solo. Donc je me suis dit pourquoi pas faire un album solo. (Rires) Mais si je suis honnête avec moi-même, je ne voulais pas vraiment le faire. J'avais envie de retrouver les garçons, de refaire quelque chose ensemble. Ça me manquait. Je lui ai envoyé les chansons et il était très enthousiaste, comme toujours. Il avait envie de les interpréter.

Richard : Je me souviens que Tom et moi avons pris un petit-déjeuner ensemble, il m'a parlé des chansons que Tim avait écrites. Et en les découvrant, je me suis dit : "Mais elles sont géniales !". Bien sûr qu'il fallait en faire quelque chose ! Je crois Tim ne se rendait pas compte à quel point les chansons étaient superbes. C'était sans doute difficile pour lui de l'admettre.

Ecoutez "Stupid Things" de Keane :



Ce nouvel album "Cause and Effect" est assez triste, comme vous l'avez dit. Sans doute le plus triste de Keane à ce jour. Vous redoutiez l'avis des fans ? Vous pensiez à ça en studio ?
Tim : Oui c'est vrai, c'est très triste. Mais j'espère que les gens y verront aussi de la lumière. C'est un album très humain. Et il y a de l'espoir. Et puis après tout, la musique de Keane a toujours été portée par l'émotion. Je suis très fier de ces chansons, elles disent tout. Ce que j'aime en faisant de la musique, c'est comment les gens vont les vivre, les ressentir. Mon rêve, c'est toujours que ça leur fasse du bien, que ça les aide à traverser des moments importants de leur vie.

Tom : Pour moi, c'est un album de rupture mais dans le bon sens du terme, avec beaucoup de maturité, qui te permet d'avancer. Vous savez, je ne vois pas mes enfants autant que je le faisais avant. Je vis dans une maison familiale assez vide... Quand tu as 18 ans et que tu quittes quelqu'un ce n'est pas pareil que quand tu en as 40. Tu n'as pas d'attache. A nos âges, c'est très douloureux. Tim a réussi à capturer tout ça dans les chansons de cet album.

C'est un album triste mais il y a de l'espoir
Richard : Je crois que, pour la première fois, on a fait cet album pour nous, dans la joie des retrouvailles. On était juste content d'être ensemble. On voulait juste le meilleur disque possible. Au fil des années, on a mis ce truc en place où si quelqu'un a une idée, on essaie, comme ça on voit si ça fonctionne ou pas. Je ne crois pas qu'on pensait au fait que les gens allaient l'écouter.

Tim : Quand tu reviens après quelques années, avec ce manque, c'est que tu prends plus de plaisir quand tu fais les choses. Et même sur ce qu'on a fait avant. Un jour, un titre est passé à la radio et je me suis dit : "Ah ouais, c'était quand même pas mal !". (Rires) Parfois, en studio, quand les chansons prenaient forme, en entendant la musique jouée par Richard ou la voix incroyable de Tom, j'avais un moment de recul où je réalisais à quel point c'était bien, je redécouvrais le plaisir d'être ensemble.

Tim, écrire un album sans le penser pour Keane, c'était très différent j'imagine dans le processus ?
Tim : Oui, je pense. C'était très intéressant en fait. Quand j'ai commencé, je voulais juste écrire des choses très brutes, car je traversais une période difficile. Donc ça parle d'amour oui, ce sont principalement des chansons pleines d'émotions. Des premières chansons écrites, seules "Strange Room" et "Thread" ont intégré l'album. Si j'avais écrit en sachant que ce serait pour Keane, je me serais posé des centaines de questions. Je n'aurais pas été aussi libre je crois, donc c'est une bonne chose.

Vous avez choisi La Maroquinerie à Paris pour débuter votre tournée en juin dernier. Pourquoi cette ville ?
Tom : On voulait faire des petites salles pour reprendre après ces années de pause. Pour nous remettre en marche... Et on a passé des moments tellement dingues à Paris. Ici, il y a une culture brillante, excitante et vibrante. On adore faire de la musique ici ! Et je crois que les Français s'y connaissent bien en chagrins d'amour... (Sourire)
Pour en savoir plus visitez le site français officiel keane.fr et la page Facebook de Keane.
Ecoutez et/ou téléchargez le nouvel album de Keane, "Cause and Effect" sur Pure Charts.

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