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James Vincent McMorrow en interview : "Bosser avec Drake, c'est une super expérience"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Dans un salon cosy d'un hôtel parisien, nous avons rencontré James Vincent McMorrow pour évoquer son troisième album "We Move". A coeur ouvert, le chanteur irlandais s'épanche comme rarement sur ses fêlures de musicien, nous raconte son passé, les idoles de sa jeunesse ou ses collaboration avec Drake et Kygo. Passionnant !
Crédits photo : Believe Recordings
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Ton nouvel album "We Move" est sorti il y a un mois. J'ai l'impression qu'il marque un véritable tournant personnel, sur la façon dont tu considères ta carrière, ta musique, ce que c'est d'être un artiste en 2016... Qu'est ce que t'a poussé à te remettre en question de la sorte ?
Je crois qu'il n'y a pas eu d'élément déclencheur. C'est simplement le fruit de doutes et de réflexions sur ce qui a pu se passer dans ma vie. J'ai fait un deuxième album (ndlr : l'excellent "Post Tropical") et je chantais parfois ces chansons sur scène sans comprendre ce que je disais, sans me souvenir pourquoi j'avais écris ces paroles... Ça m'a donné un sentiment étrange car pour moi, la musique que j'écris doit venir d'une démarche très égoïste. Je dois comprendre, de manière très intime, ce que je chante. Et ce que je chante doit aussi me parler personnellement. Avant, j'avais l'habitude de penser qu'on chantait pour les autres mais en réalité, et c'est ce que j'ai compris, je dois chanter avant tout pour moi. C'est mon histoire que je raconte, et c'est à travers elle que je pourrais toucher des gens.

Cet album est une thérapie
Musicalement, tu es allé chercher des producteurs très éclectiques...
C'est l'inverse en fait. (Sourire) C'est la deuxième prise de conscience que j'ai eue : il y a des gens qui veulent travailler avec moi ! J'ai beaucoup voyagé, j'ai rencontré énormément de gens sur les routes, des gens qui étaient intéressés pour qu'on collabore ensemble, des gens que j'admire, et moi je ne m'y attendais pas du tout. Donc j'ai écris pas mal de morceaux pendant ma dernière tournée, peut-être parce que j'étais transcendé par l'excitation. Il s'est passé quelque chose de très chouette sur mon deuxième album, quand j'ai senti que le public accrochait à des chansons comme "Cavalier", celles que j'espérais vivement qu'elles soient appréciées. Ça a été libérateur car ça m'a prouvé que mon instinct était le bon. Que j'avais raison de le suivre et que si je voulais avoir la carrière que j'aimerais, il fallait que je me fasse confiance. Et voilà : toutes mes envies sont dans cet album. C'est l'album dont j'ai toujours rêvé, mais jusqu'ici je n'étais pas en position de pouvoir le faire. Les planètes n'étaient tout simplement pas encore alignées !

Cette confiance, tu l'as donc bâtie sur l'accueil réservé à tes deux premiers disques ?
Oui ! J'ai toujours été très fier du parcours de mon premier album (ndlr : "Early In The Morning"). On venait de nulle part ! Littéralement, je n'étais signé sur aucun gros label et je crois qu'on en a écoulé... 150.000 exemplaires, ce qui est une vraie prouesse pour quelqu'un comme moi. Mais en même temps, il ne reflétait pas vraiment ce que j'avais à dire. Et si j'avais su que 150.000 personnes allaient l'acheter, j'aurais sûrement eu une autre approche ! (Il réfléchit) On m'a vite catalogué comme un artiste folk parce que c'était dans l'air du temps, et même si je comprenais pourquoi, ça n'a jamais été une étiquette avec laquelle j'étais à l'aise. Je ne suis pas arrivé avec un univers parfaitement défini, en disant : « Tenez ! Ça c'est moi, et je vous promets de ne jamais changer ». Je suis plus que ça. Sur le deuxième album, et le troisième, j'ai donc essayé de me redéfinir, d'explorer mes limites, de les repousser... Mais si tu écoutes les trois à la suite, tu verras qu'ils sont complémentaires. L'écriture, sur le premier et le troisième, possède par exemple une structure très similaire. Je suis un auteur et un interprète, c'est ce que j'ai toujours voulu être. Sur le deuxième album, j'ai tenté de toucher aux différents aspects de la production, qui m'avait toujours fasciné, mais au fond, je ne suis pas un producteur. Je me réveille le matin et j'écris des textes ! Néanmoins, je suis content d'avoir réussi à prouver que mes morceaux étaient un peu plus que... Tu sais, simplement moi et une guitare. (Rires)

James Vincent McMorrow sera en concert à l'Elysée-Montmartre le mardi 18 octobre

Je ne fais pas ça pour l'argent
Certaines de tes nouvelles chansons sont très personnelles. Je pense à "I Lie Awake Every Night", où tu abordes les problèmes mentaux dont tu as souffert étant plus jeune. Considères-tu cet album comme une thérapie ?
Complètement. C'était à la fois un besoin et une volonté de partager mon expérience, pour grandir en tant que musicien. Des choses sont longtemps restées cachées au fond de moi. Encore une fois, c'est moi qui me retrouve tous les soirs sur scène pour interpréter mes chansons, donc si je ne crois pas chacun des mots que je chante, ce n'est pas sincère. Et si ce n'est pas sincère, alors pourquoi le faire ? Finalement, je me suis rendu compte que c'était plus facile. Plus facile d'exprimer librement les choses plutôt que de les garder pour soi. Et si en plus j'arrive à les dire d'une manière poétique dans une chanson, là c'est vraiment super. Et si je parviens à toucher les gens avec, c'est encore mieux ! Je ne fais pas ça pour l'argent, ça c'est secondaire. Je le fais pour moi, pour grandir. Tous les musiciens que j'admire sont des artistes qui se sont améliorés au fil du temps, d'album en album... J'essaie de suivre leurs traces.




Los Angeles est une ville fascinante
Tu as enregistré une partie de cet album à Los Angeles. Du point de vue d'un type irlandais, qu'y a-t-il de si spécial avec cette ville ?
L.A. m'a toujours fasciné. Je ne sais pas pourquoi, sûrement parce qu'il n'y a que deux villes au monde que tu as l'impression de connaître sans y avoir mis les pieds : New York et Los Angeles, avec tous les films et toutes les séries qui y ont été filmés. J'adore New York mais j'ai toujours eu cette image assez étrange et surréaliste de L.A, qu'il ne faut surtout pas visiter en deux-trois jours en enchaînant les lieux touristiques comme Hollywood Boulevard ou Universal Studios... C'est une ville dont on s'imprègne, qui nécessite du temps avant de comprendre ses habitants, sa géographie. Si tu n'es pas là pour gravir l'échelle sociale, pour te faire une réputation, alors c'est un lieu très cool à vivre. Il y fait bon et chaud, ce qui tombe bien puisque j'avais envie de réaliser un disque chaleureux. J'ai beaucoup écouté dans ma jeunesse la musique californienne des années 60 et 70, donc j'avais vraiment envie d'y aller et de voir si la magie allait opérer d'elle-même. (Sourire) Alors évidemment, moi je suis assez timide, je ne connais pas grand monde de ce milieu-là, mais tout d'un coup, je me suis retrouvé dans ces grandes fêtes avec des célébrités... C'était dingue. Mais c'était ça le défi de cet album : me mettre dans des situations inattendues pour obtenir des résultats intéressants. Los Angeles était l'endroit parfait pour ça ! J'ai aussi enregistré des morceaux à Miami, Toronto, Dublin, Londres... avec des producteur différents, dans l'idée de capter des énergies très diverses, comme sur un album de hip-hop. La seule variable constante, c'était ma voix.

Quel est finalement le message que tu veux transmettre à travers "We Move" ?
Simplement mon histoire. Je crois que si tu écoutes chacun des morceaux, tu te fais une idée assez précise de ma vision des choses. On a cette image assez romantique des artistes mais la vérité, c'est que je ne regarde pas le pommier dans mon jardin en philosophant sur la vie, je ne passe pas mon temps dans les bibliothèques ou à regarder des films d'auteurs français... (Rires). En fait, j'adore "Die Hard" ! Cet album, c'est moi et pas une vision déformée de ce que je suis... Tu vois la nuance ? Sur "Evil", je m'interroge beaucoup mais je n'essaie de convaincre personne. En tant qu'auditeur, je déteste quand on me fait la morale ou dirige ma façon de penser.

Le clip de "Rising Water" est très fort, très émouvant. Qui a eu l'idée du concept ?
J'avais dès le départ cette envie d'inclure de la danse et des mouvements dans la vidéo, car la chanson est assez entraînante. David M. Helman, le réalisateur, est un type extraordinaire mais pas seulement : c'est quelqu'un qui possède une vraie vision artistique. On a pas mal échangé et discuté, et je tenais vraiment à ce qu'il s'exprime en toute liberté. Je ne suis pas du genre à m'asseoir et à dire : "Bon, voilà ce que je veux". Je trouve ça presque insultant ! Chacun sa spécialité. Si un peintre débarque en studio et m'explique comment je dois faire de la musique, je crois que je lui dirais d'aller se faire voir (Rires). Moi j'essaie plutôt d'instaurer une relation de confiance. De toute façon, si je vais vers tel ou tel metteur en scène, c'est parce que j'apprécie son travail. Je ne passe pas commande. En l'occurrence, j'ai expliqué à David que l'album parlait de perte, de limites, de se sentir à la fois vivant et hors des réalités, et il est revenu avec ce concept où des émotions très dures - le chagrin, le deuil - sont traduites par la danse. J'ai trouvé ça sublime.

Regardez le clip de "Rising Water" :



Maintenant que j'ai l'impression de te connaître un peu mieux, tu peux me dire quel est le premier souvenir qui te vient à l'esprit quand on te parle de musique ?
Je me souviens être assis à l'arrière de la voiture de mon père, avec ma grande soeur. Je devais avoir quatre ou cinq ans. Mon père est un grand mélomane, il écoutait tout le temps "Mr. Blue Sky" d'Electric Light Orchestra, et il a toujours eu des voitures avec toit ouvrant. Nous on adorait se mettre debout, sortir à l'air libre et sentir le vent sur nos visages Même si c'était totalement interdit et dangereux ! Mais bon, on vivait à la campagne, on n'applique pas les mêmes règles là-bas. (Rires) C'est un souvenir qui est profondément ancré dans ma mémoire. Peut-être parce qu'une fois, ma soeur a renfermé le toit et que je suis resté coincé, je ne sais pas... Ça a du me traumatiser ! (Rires)

Le hip-hop m'a toujours inspiré
Qui étaient tes idoles quand tu étais ado ?
(Il réfléchit et se met à rigoler) C'est assez drôle mais le premier disque que j'ai acheté avec mon propre argent était... "Doggystyle" de Snoop Dogg. Évidemment, tu t'en doutes, je n'avais pas du tout saisi le caractère sexuel de la chose ! J'avais aussi l'album d'un groupe de rock alternatif américain qui s'appelait Live, "Throwing Copper". Ils ne sont pas très bons, à vrai dire. (Sourire) Mais j'étais très fier de posséder mes propres disques, tu vois ? En fait j'achetais de tout, ma bibliothèque musicale n'avait aucune cohérence... sauf les mélodies. Mes potes étaient à fond dans le rock hardcore : At the Drive-In, Panthera, Tool... Mais moi, j'étaid du genre à acheter secrètement l'album de Justin Timberlake, j'étais fasciné par les Neptunes. Tout n'est pas très classe mais j'assume !

Si tu devais ne choisir que trois albums, ce serait lesquels ?
C'est cruel comme question ! Ok, je crois que je prendrais "In Search of..." de N.E.R.D (2002) en premier car ce disque est fabuleux, à tout point de vue. C'est du hip-hop mélangé à de la dance avec du rap sale par dessus, que des instruments live, ce qui était fou à l'époque où toute l'industrie ne jurait que par les sons électroniques. Pour moi, ça a été une claque parce que je n'étais pas certain si quelqu'un comme moi, un auteur-compositeur, pouvait trouver sa place dans le monde dans la musique. Donc voir des mecs comme ça n'utiliser que de vrais instruments, avec l'aide d'un groupe de funk de Los Angeles, ça a été très important. Ensuite je dirais "When the Pawn" de Fiona Apple (1999), car j'ai toujours gravité autour des voix féminines étant donné que ma voix est... similaire, si l'on veut. Quand j'ai appris le chant, je me suis beaucoup entraîné avec des disques R&B et sur celui-ci. Je connais toutes les chansons par coeur, elles sont juste parfaites. Et puis après, "Voodoo" de D'Angelo. A la différence des deux autres, que je suis capable de comprendre de mon point de vue de musicien, celui-ci m'échappe totalement. C'est fou, brillant mais surtout frustrant parce que je n'arrivais jamais à réaliser un disque de cette ampleur. J'écoute les trois très souvent.

Je suis super fan de Drake !
On ne le sait peut-être pas mais tu as bossé avec Drake sur son album "Views". Sur le papier, c'est assez surprenant car cet univers est très éloigné du tien !
Je ne suis pas un rappeur, ça c'est sûr. (Rires) Mais le hip-hop est peut-être ce qu'il y a de plus consistant dans ma vie d'artiste. Il n'y a aucun autre genre musical qui repousse à ce point les limites de la production. Je connais bien Nineteen85, qui bosse chez OVO et qui a produit plusieurs titres de mon album dont "Rising Water". C'était un rêve de collaborer avec lui car 1/ c'est un très bon ami et 2/ un producteur que je respecte énormément. Je suis super fan de Drake. Quand j'ai entendu "Marvins Room" de "Take Care", j'ai pris une grosse claque parce que j'ai compris que, comme Kanye West, Drake est avant tout un auteur-compositeur. C'était une super expérience.

Tu chantes également sur le premier album de Kygo, sur le titre "I'm In Love". Il y a un artiste avec lequel tu rêverais de collaborer ?
C'est une question difficile parce que ça marche plutôt dans l'autre sens. Quand quelqu'un me contacte et me dit qu'il aimerait travailler avec moi, je suis toujours très excité par cette idée. Par exemple pour Kygo, on a évoqué cette éventualité il y a trois ans, quand il n'était pas encore le DJ superstar qu'il est aujourd'hui mais qu'il postait beaucoup de remixes sur SoundCloud. On a bien accroché, c'est aussi simple que ça ! Le rêve, c'est de travailler avec des gens qui ont la même vision que toi de la musique. Évidemment, j'adorerais me retrouver dans un studio avec Pharrell Williams et on m'a d'ailleurs poussé à le contacter pour "We Move" mais j'étais là : "Non, non, je n'oserais jamais". Je suis tellement impressionné par son travail, je serais incapable de me sentir à égalité avec lui. Je serais là : "Oui oui, d'accord, on fait ce que tu veux !" (Rires) Mais on m'a récemment approché, de gros noms m'ont approché, donc je me suis dit que, peut-être, il est temps que je prenne confiance.

J'imagine que tu ne veux pas dire qui ?
Non. (Rires) Disons cela : si jamais ça aboutit à quelque chose, tu le découvriras. Sinon, tu n'en entendras jamais parler ! ■

Découvrez "Get Low" en session live :
Pour en savoir plus, visitez http://jamesvmcmorrow.com ou son Facebook officiel.
Écoutez et/ou téléchargez la discograpghie de James Vincent McMorrow.

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