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lundi 14 octobre 2013 15:28
Féfé en interview : "Aujourd'hui, on ne sait plus si c'est de la variété ou du rap"
Par
Julien GONCALVES
| Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Pure Charts a rencontré Féfé plus tôt cette année. A l'occasion de son concert à l'Olympia ce soir, le rappeur se livre sur son album "Le charme des premiers jours", ses difficultés à passer en radio, l'état du rap aujourd'hui, les clashs, l'homophobie dans le milieu, sans oublier son aventure avec le Saïan Supa Crew et sa rencontre avec will.i.am.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves. Ton deuxième album "Le charme des premiers jours" est sorti en mai dernier. Tu as dû affronter des pointures comme Daft Punk ou Maître Gims... Oui, c'est sûr. C'est compliqué, mais bon je savais que je n'allais pas truster les premières places du Top. Ce n'est pas grave. Comme on dit dans ces moments-là, ça va être sur la longueur. (Rires) Quand je vois, par rapport à mon expérience en groupe, le premier album de Saïan Supa Crew a mis neuf mois avant de commencer à décoller. Ce n'est plus la même époque bien sûr... Je me considère comme un mec de scène, donc par la scène, je peux essayer de choper les gens petit à petit. Tu es revenu avec ce disque, plus mélodieux, plus écrit, plus adulte aussi. On dit souvent que c'est compliqué pour un artiste le passage au second album, tu l'as ressenti comme ça aussi ? C'est très compliqué. Je l'ai déjà vécu en groupe. Je parle toujours du groupe... Mais c'est compliqué parce que le premier a plu à des gens. Il faut tenir la barque et en même temps avancer, évoluer. J'avoue, j'ai eu beaucoup de pression, pression que je n'aimais pas du tout avoir, ce n'est pas la meilleure manière pour bien écrire. On se pose les mauvaises questions. On se dit « Il faut que ça parle aux gens qui m'ont bien aimé ». Je suis un peu égoïste, il faut d'abord que ça me parle. Quand j'avais trop la pression, je n'écrivais pas. Tu as pris ton temps d'ailleurs. Ton premier album "Jeune à la retraite" est paru en 2009... Je finissais de tourner en fait. Je ne savais pas que le premier album allait un peu marcher. Je me disais « Ça va passer, on va me tirer dessus et puis voilà après je vais repartir au charbon ». Tout le monde me disait : "Mais dépêche-toi, ne te fais pas oublier !" Pourquoi "te tirer dessus" ?Parce que je suis connu comme rappeur à la base, et du jour au lendemain, j'arrive avec une guitare et je commence à chanter. Je donne le bâton pour me faire taper dessus. Et en fait, pas du tout. Les gens ont apprécié, on m'a vraiment dit « C'est chanmé, super ». Même les gens de ma "communauté musicale" à la base. J'étais un peu pris de court. J'étais un peu dépassé par les événements. Il m'a fallu du temps pour que ça passe, tourner, bien digérer ce qui s'est passé. Et vivre aussi. Moi, je suis père de famille. J'aime bien avoir une petite vie pépère à côté du show business, tout ça... J'ai des enfants en bas âge, j'ai envie de les voir grandir aussi, tout simplement. Je n'avais pas envie de courir et me dire : « Attends, il y a une place qui est chaude, il faut absolument que je la garde ». Bien que tout le monde me disait : « Mais dépêche-toi, ne te fais pas oublier ! ». Mais si j'ai pu revenir en chantant, tout est possible. (Sourire) Dans "La la la song", tu chantes que tu mélanges les univers "Rap, pop et reggae, blues, rock, soul" et que "Ceci sera trop pop pour les uns, trop top pour les autres". Tu penses que c'est encore mal vu aujourd'hui qu'un rappeur chante et fasse des mélodies pop pour les radios ? Maintenant non, puisque je l'ai fait. (Rires) Mais il y a toujours des gens qui ne veulent pas voir, qui ne veulent pas avancer, qui veulent rester sur des trucs figés. Moi je pense que la musique c'est quelque chose de vivant. Il faut que ça avance sinon c'est mort. Il ne faut pas avoir peur de mélanger. Comme Daft Punk et Pharrell Williams. Voilà, c'est logique aujourd'hui. Tout se mélange. On est la génération iPod. De plus en plus, les gens vont se rendre compte qu'il y a la bonne et la mauvaise musique. Le reste, c'est du chichi pour se reconnaître entre nous, faire des communautés. En parlant d'influences, on retrouve de la pop, des guitares, un côté soul aussi, avec des textes intelligents, de l'humour. Loin de ce que peut parfois proposer le rap français. Tu en parles d'ailleurs dans "Parodie" où tu chantes "Toujours la même chanson, toujours une parodie". C'était important pour toi de te démarquer ? Je suis comme ça, je ne sais pas faire autrement. Si on écoute même mes premiers textes en tant que rappeur, tu te dis « Mais c'est un rappeur ? C'est bizarre, il ne parle pas de la même manière, de la même chose ». J'ai l'impression d'être toujours moi, j'ai toujours fait ça. Franchement. Ça s'entend un peu plus aujourd'hui parce qu'il y a de la mélodie, que je suis un peu plus ouvert. Mais j'ai toujours été très... moi. (Rires) Écoutez "Parodie" de Féfé : Mais quand même, sur le premier album, il y avait des titres plus cash, plus jeunes, comme "Miss Wesh Wesh Yo" ou "Dans ma rue". Aujourd'hui, c'est quand même plus posé, on en est loin... C'était ce que je voulais faire sur ce moment-là, vraiment. Sur le premier album, je me cherchais encore. Je me cherche toujours de toute façon. Je sortais du rap tout juste donc je voulais quand même avoir des petits indices pour dire « Hey, je suis là, attention ». Et là, je n'en avais rien à foutre. Tous les albums sont faits pour me faire plaisir, mais celui-là j'avais plus confiance en moi et moins de choses à prouver. Quel est ton regard sur le rap français actuellement ? Rap français qui cartonne d'ailleurs... J'adore. Artistiquement, je trouve que c'est très intéressant ce qui se passe en ce moment. Avec du recul, il y a une période du rap où j'étais saoulé. Tout le monde disait la même chose, tout le monde se prenait pour un gangster. C'était fatiguant. Mais ça existe encore aujourd'hui avec Rohff, Booba... Oui non mais là... Moi j'aime bien le rap gangster mais quand il y a juste ce qu'il faut. Quand tout le monde se prend pour un gangster, ça ne m'intéresse pas. C'est que du faux. Mais quand il y en a quelques uns, et qu'à côté il y a des marrants, des intellos, des hipsters, c'est ça que j'aime. Quand c'est riche. Le rap pur et dur, ça va revenir Par exemple, Maitre Gims, de Sexion d'Assaut, marche très fort. Tu penses que ça ne trahit pas l'esprit du rap de faire ce genre de musique, plus pop que rap ? Chacun fait ce qu'il veut. Je pense que ça va revenir à du rap pur et dur. Franchement, on a fait le tour. Des fois, on ne sait plus si c'est de la variét' ou du rap, tout est complètement mélangé. Moi ça fait quelques années que je l'entends, maintenant c'est probant. Mais ça va revenir, c'est obligé, c'est un cycle. Toi aussi tu vas y revenir alors ? Moi... Je me suis toujours considéré comme un artiste. Quand on dit "rappeur", j'aime bien, je suis un rappeur aussi. Dès le départ, dès le premier album, je commençais à chanter, sur de la bossa, des trucs un peu foufous. Je suis un électron libre. J'aime bien surfer entre les courants. Je suis venu au rap pour ça, parce que je me disais que dans le rap, tu peux sampler ce que tu veux et en faire ta musique. Pour moi, c'était le nouveau jazz. Bon, ça ne l'a pas été. (Rires) C'est devenu quelque chose d'hyper codifié, mais je le prends comme ça, personnellement. Dans le rap, il y a toujours eu des clashs Sur ton album, dans "La la la song", tu dis que tu reviens et que tu n'as "Ni drapeau ni gueguerres". Est-ce que tu fais référence aux nombreux clashs qu'il peut y avoir dans le milieu du rap, comme récemment entre La Fouine, Rohff et Booba ?Même pas. Quand j'ai écrit ça, il n'y avait pas ce clash à l'époque. Il y en a toujours eu. On est toujours sur des termes belliqueux dans le rap comme : « J'vais te n*quer ta race » et tout ça. J'aime bien aussi, quand même. Mais là, c'était plus par rapport au style, tu n'as pas besoin d'être habillé comme ci ou comme ça, de mettre des baggys... C'est un album abordable pour tout le monde, en fait... (Il réfléchit). Ouais, c'est vrai. Qui pourrait passer en radio... J'aimerais bien, mais ce n'est pas le cas. J'essaie d'inventer un genre. C'est présomptueux mais il faut viser des choses hautes pour essayer de faire quelque chose d'à peu près potable. A ton avis, pourquoi est-ce si difficile pour toi de voir tes titres diffusés en radio ? Tu crois qu'il y a trop de rap ? Je n'en ai aucune idée. J'ai toujours eu des problèmes avec les radios. Même sur le précédent album, ce n'était pas autant qu'on le croit. Ça a été très compliqué. J'ai eu plein de radios qui m'ont joué chacune leur tour. Il y a des radios qui m'ont dit « On veut bien te jouer mais on veut que tu enlèves le rap dans tel morceau ». J'ai l'impression, à chaque fois, de pousser des portes et d'autres personnes arrivent derrière... J'ai trouvé un équilibre parfait mais les radios n'en veulent pas Et tu n'es pas prêt à faire des concessions ?Non, jamais de la vie. Ce n'est pas possible. Autant, on a l'impression que je suis très ouvert mais je suis un terroriste musical. Moi j'ai mon truc et je n'en dévie pas. J'ai toujours fait ce mélange-là, ce style-là. Bien que ça ait l'air un peu fourre-tout, ce n'est pas fourre-tout du tout, c'est au millimètre près. Je ne laisse à personne la liberté de changer mon son, et ça me joue des tours. Les radios rap me disent : « Chanmé, mais ce n'est pas assez rap », les radios variétés me disent « Chanmé, mais ce n'est pas assez variét' ». Je suis parfaitement où je voulais être, sauf que personne ne veut que je sois là où je suis. J'ai l'impression d'avoir trouvé un équilibre parfait mais les radios n'en veulent pas. Je ne sais pas et je m'en fous. J'aimerais passer mais ils ne veulent pas. Peut-être qu'elles changeront d'avis avec le temps ? Je crois que ce sera toujours comme ça avec moi. Ce sera toujours « Ah, c'est dommage ! ». (Rires) Donc sur le prochain album, tu ne vas pas essayer d'adapter un peu ta musique ? Non, rien. Je continue comme ça. Mon prochain album, je suis déjà en train de commencer à le réfléchir. Je voulais faire un album africain, je ne sais pas encore si ce sera dans les thèmes, dans les sons, dans les rythmiques mais c'est ça mon délire. Je voulais aller à Cuba, au Brésil et au Nigeria parce que je suis Yoruba. Les Yorubas, c'est un peuple qui a été déporté parce que c'étaient les esclaves les plus endurants. On retrouve un peu des traces de leurs rites et des rythmes aussi, à Cuba et au Brésil aussi. C'est une recherche pour moi, un retour aux sources. Je n'ai été qu'une seule fois au Nigeria. Je veux en faire quelque chose de frais. Je ne veux pas faire un album de world mais c'est la direction que j'ai pour l'instant. Ça ne passera pas (en radio, ndlr) encore une fois mais tant que le son est bon et tant qu'il y a des gens qui pourront l'entendre, j'aurais l'impression que mon taf est fait. On parlait de clash et de rap tout à l'heure. Vous n'en avez pas eu vous avec le Saïan Supa Crew. Comment tu l'expliques ? Il y en aura toujours des clashs, le rap c'est plein de testostérone. « Regarde, moi j'ai la plus grande ! ». (Rires) La Fouine, Booba, ce ne sont pas des enfants de chur ! Tu penses que derrière tout ça, il ne s'agit que de personnages ou que tout est vrai ?Pour parler de La Fouine et Booba, je ne les connais pas personnellement, donc je ne peux pas parler pour eux. Je pense qu'il y a un peu du personnage et que parfois ça prend le dessus aussi. Tu as un personnage à jouer, tout le monde te regarde, tu dis que tu es un bad boy, tu es obligé d'aller au bout. Il y a ça aussi qui joue. Je sais que Booba apparemment est vraiment chaud, La Fouine a fait de la prison, ce ne sont pas des enfants de chur non plus. Donc si tu les insultes, ils vont répondre. Moi, ça me rappelle les mecs de cités. Au fond, peut-être qu'ils sont super gentils, mais comme ils ont trop ouvert leur gueule, personne ne va baisser la garde. Et tu ne trouves pas ça dommage pour l'image du rap ? Oui, c'est dommage car si le son ne suit pas derrière, c'est dommage. J'ai écouté les clashs, je trouvais ça marrant mais pas de la folie non plus. Je n'ai pas trouvé qu'artistiquement, ça apportait quelque chose de fou. J'ai trouvé des clashs meilleurs. Le clash Jay-Z/Nas, c'est celui qu'on cite en référence à chaque fois, ça c'était du clash. Ça ramenait des morceaux lourds, qui font encore date. Je ne dis pas qu'il faut faire du Jay-Z/Nas mais au moins, les gars, élevez le niveau, faites quelque chose qui fasse mal à la tête. Oui mais c'est sans doute parce que c'est du rap américain, alors forcément, on trouve ça plus puissant, non ? Toujours, encore. Bien que le rap français ait beaucoup évolué et que la marge soit moins grande qu'avant. Mais ouais, moi perso ça me fait super rire, je prends ça au dixième degré. Je me dis, non mais les mecs, ils ont mon âge ! Booba il a quasiment mon âge, à un an de différence. Voilà... Cool, cool, chacun sa vie, je ne veux pas parler pour les gens mais moi ça me fait rire. Un coming-out dans le rap en France ? On va attendre encore un peu... Pour rester sur le milieu du rap, c'est un milieu qui est décrit comme fermé, macho voire homophobe. En France, Sexion D'Assaut a été au cur d'une polémique, aux USA Frank Ocean a fait son coming-out et Snoop Dogg déclarait récemment que ce milieu n'accepterait jamais l'homosexualité. Quel est ton avis sur la question ?C'est vrai que c'est un milieu un peu de... Comme je disais, il y a beaucoup de testostérone. Mais franchement, je pense qu'au fond les gens n'en ont rien à foutre. Je pense que c'est beaucoup d'attitude. C'était plus vrai il y a peut-être vingt ans, aujourd'hui c'est moins vrai. Les mentalités ont changé, franchement. Je pense qu'il y a un reste, parce que c'est le style. Ce sont des expressions, les mecs ne pensent même pas à ce qu'il y a derrière. Ça fait partie des codes. Les mentalités ont changé. Frank Ocean a fait son coming-out, les mecs écoutent quand même Frank Ocean. Ils ne se disent pas « Je ne vais pas écouter de la musique de pédés », je n'ai jamais entendu ça. Il est respecté grave. Bon, en France, il n'y a pas encore de coming-out... On va peut-être encore un peu attendre. Je pense que le premier qui fera ça, les gens diront : « Big up, fais ton truc, mec ! ». Tu penses ? Je pense, oui. Je pense qu'on est beaucoup plus intelligents que les Américains, beaucoup plus fins. Il y aura toujours des cons, il y en a partout dans tous les milieux. Il y a des homophobes dans la variét', j'en suis sûr. Sauf que le rap a une image qui va avec. Mais en tout cas, j'ai l'espoir. Moi je n'ai jamais vu des mecs tabasser un gay dans le rap. Ça peut parler, ça rigole, ça fait des blagues foireuses, comme partout. Mais je n'ai jamais vu de haine viscérale. Je viens de cité, j'en ai connu des gays. On sait tous mais on ne dit rien. Dans tes titres "Le charme des premiers jours" ou "On me dit", tu es très pessimiste sur l'amour. Tu chantes "On me dit aime mais l'amour jamais ne dure". Là encore, c'est rare pour un rappeur de se mettre dans cette position. En général, le rappeur est macho, invincible, jamais victime de ses sentiments. J'espère que c'est nouveau. J'essaie de repousser les barrières, de prendre des codes du rap, musicalement, dans la forme, mais en même temps d'avoir une attitude hors du rap, dans le ton et dans ce que je dis. Je suis un artiste, basta ! J'ai le droit de dire ce que je veux. J'arrive vers la quarantaine, j'espère pouvoir baisser la garde et dire : « Regardez, je suis faillible comme tout le monde ». J'espère que ça va faire changer un peu les mentalités, ouvrir les gens. J'aime beaucoup le rap mais ce qui me tue dans le rap, c'est l'attitude. Trop d'attitude tue le trip. J'aime bien les égo-trip mais à force de trop d'attitude, tu ne dis rien. Des chansons comme "Ne me quitte pas" de Brel, ça me tue et ça tue tous les rappeurs que je connais. Donc pourquoi on n'aurait pas le droit d'avoir des faiblesses ? J'espère trouver un truc nouveau, un petit ton, quelque chose. Je fais ça pour ça. Découvrez le clip "Le charme des premiers jours" : Tu fais une petite critique de notre société de consommation dans "Nous", dans lequel tu pointes du doigt la presse à scandale, la montée de l'extrême droite, la violence conjugale, l'exploitation des enfants. C'est important pour toi aussi de faire réfléchir le public ? Je fais une critique de moi surtout. Je dis "nous" et je m'inclus dedans. Tous les exemples que j'ai pris, ce sont des choses que j'ai vues ou qui m'ont choqué ou qui m'ont fait avoir une réflexion. Je me suis dit que je faisais quelque part partie du problème. C'est un morceau que j'aime beaucoup. C'est la première fois que je me permets ce genre de trucs. D'habitude, je n'aime pas trop. Je ne suis pas un alter-mondialiste, je ne suis pas écolo mais quelque part si. Ça me concerne, ça nous concerne tous. C'est ce que je pense aujourd'hui. Oui, j'ai pas toujours voté, eh bien j'ai honte. Après je peux parler « C'est pas bien, ils nous représentent mal », mais je fais partie du truc ! Peut-être qu'il faut que j'aille dans les meetings, que j'aille voir qui m'intéresse vraiment. Il faut s'inscrire sur les listes électorales. Oui et tu ne parles pas que de politique sur ce titre... Je parle aussi des femmes battues, parce que je l'ai connu. Ma mère... Mon père et ma mère c'était compliqué. On habitait en cité, la vie du voisin tu la connais par cur. Les gens, tous les matins, ils te disent "bonjour", comme si de rien n'était alors qu'en fait ils savent tout. Et ce n'est pas cool. Quelque part aussi, ils font partie du problème. Voilà, plein de choses comme ça. Je parle de la société de consommation aussi. Je suis là, je consomme, je regarde des reportages en me disant « Oh la la c'est pas bien, c'est triste, les petits Chinois, les enfants ». Mais je consomme, je fais partie du truc. Aujourd'hui, on peut tout savoir, je peux me renseigner, savoir d'où vient le produit. On ne peut plus ignorer. On n'a plus d'excuses. Je me pose des questions, si après ça peut résonner chez les autres... Je ne suis pas un politicien Dans "Gaule", si j'ai bien compris, tu fais une métaphore entre une histoire d'amour et l'histoire compliquée entre la France et ses immigrés.C'est exactement ça. Moi je ne suis pas un politicien, j'ai que la musique et mes réflexions. Je ne veux pas attaquer la France, c'est un message d'amour, il y a une auto-critique. C'est posé, ce n'est pas du tout "Je te déteste", au contraire "Je t'aime". Mais, je ne comprends pas, mon amour tu le reçois bizarrement... Je voulais que ça ait l'air tendre mais en même temps que ça pique, comme les roses. Tu en parles aussi dans "Doux pays". Sur celle-ci, je parle plus du Nigeria. Je l'ai appelée "Doux pays", alors que j'ai un goût amer quand j'y pense. L'image que j'ai du Nigeria et de la plupart des pays africains, qui ont toujours un peu ce genre de fonctionnement. Les pays sont riches mais dans la misère. J'étais le mec le plus banal du Saïan Supa Crew Pour revenir à "La la la song", tu dis que tu es ici le "responsable textes, flows et thèmes". C'est pour ça que tu as eu besoin de tenter une aventure en solo après avoir été dans le Saïan Supa Crew ? Non, pas du tout. Je crois que j'étais celui qui se voyait le moins en solo dans tout le Saïan. J'étais dans le groupe, je gérais mes trucs, je faisais le son, je donnais des idées, j'étais très content comme ça. Si le groupe ne s'était pas arrêté, je n'aurais jamais eu l'idée de partir en solo. D'une, je me trouve inintéressant au possible. Je ne suis pas exotique, je ne suis pas un foufou. Je suis très posé dans ma vie de tous les jours. Quand je voyais les autres de Saïan, ce sont des oufs, l'autre c'est un dragueur, l'autre c'est si, c'est ça... Moi j'étais le mec le plus banal. Qu'est-ce que j'ai à dire moi ? A part l'eau ça mouille, le feu ça brûle. (Rires) Quels souvenirs tu gardes de cette époque avec le Saïan ? J'en garde toutes les premières fois. Les premières scènes, les premiers disques d'or, les premières filles en furie. (Rires) Les premiers autographes, les premiers voyages... C'était génial. On a vingt ans qu'une seule fois. Souvenez-vous du tube "Angela" du Saïan Supa Crew : Comment tu as vécu le succès ? C'était n'importe quoi. J'étais dans ma cité, je faisais mes petites études, mon rap à côté, du jour au lendemain, on commence à voyager dans toute la France, on me paie pour chanter, alors qu'avant j'allais dans des MJC pourries pour crier dans un micro où personne ne t'entend. Tu passes à la radio, on te reconnaît dans la rue, les gens crient, tu gagnes des sous. Mais des sous ! Je n'avais jamais payé d'impôts ! « Mais qu'est-ce qui se passe ? » Je ne vais jamais regarder ce qu'on dit de moi sur internet Avec le recul, qu'est-ce que ça change d'être solo ou dans un groupe ?En groupe, tu peux te cacher. Comme je suis quelqu'un de bizarrement réservé, en groupe, tu es tranquille. En solo, c'est toi, toi, toi. Mais je me protège aussi. Je ne vais jamais regarder ce qu'on dit de moi sur internet par exemple, ni positif, ni négatif. Je trouve que les gens se lâchent trop, mais dans les deux extrêmes, comme ils sont cachés. Très peu pour moi. Je fonctionne comme ça, je fais mon son, je le lâche et après je ne calcule plus. Après, ce n'est plus à moi. Mais au niveau des ventes, tu t'y intéresses ? Tu as forcément une petite pression, non ? J'avais une pression mais plus maintenant. Franchement, ça a été tellement dur de sortir cet album. Et comme tu l'as dit, il est sorti au milieu de grosses pointures. Le plus important pour moi, c'est de toucher les gens et les gens du milieu pour que je puisse continuer à faire de la musique. Est-ce que je vais pouvoir faire un autre album derrière ? Est-ce qu'on va encore me distribuer et me donner des sous que j'aille travailler avec tel producteur, tel musicien ? A chaque fois, ce que je vise c'est le succès d'estime. Et le succès critique aussi peut-être ? Oui c'est ça, pour moi c'est la critique. Est-ce que artistiquement et musicalement, j'ai convaincu les gens ? Après, que ça marche ou pas... On verra. Mais ça il faut que je l'ai ! C'est ça mon taf. On a tendance à l'oublier mais mon premier taf en tant qu'artiste, c'est de réussir un bel album. J'ai envie que ça marche mais je veux faire de la bonne musique. Toi qui as connu l'époque où l'industrie musicale allait bien, comment tu analyses les difficultés d'aujourd'hui ? Je pense que les maisons de disques se sont réveillées un peu en retard par rapport à internet. Moi j'étais là à l'époque où iTunes commençait à approcher les maisons de disques pour trouver un arrangement, et elles se la pétaient. « Nous, on est au dessus ! ». Donc là, elles ne réalisent pas encore ce qu'il se passe, elles s'accrochent encore un peu aux vestiges, mais je pense que toute crise est positive. Quand il y a une destruction, il y a une reconstruction qui arrive derrière. Les jeunes d'aujourd'hui, ils ont tout compris. Moi, je les regarde et je me dis « Mais comment ils font ? ». Je trouve ça intéressant. La reformation du Saïan ? Je ne suis pas très chaud Aujourd'hui, il y a une grande vague de nostalgie chez les Français avec les reprises, la reformation d'anciens groupes à succès. Est-ce que Saïan Supa Crew pourrait revenir un jour ?Je ne suis pas très chaud pour ça, personnellement. Un groupe, c'est un moment. Les gens sont dans un certain état d'esprit, la rencontre se fait et là c'est fou. Ce moment, on l'a passé. Si on se remet ensemble, ça le fera pour l'image, les gens seront contents, il y aura de la nostalgie, mais nous on ne kiffera pas. Ce sera juste pour la thune. Enfin, je dis ça, si ça se trouve on va le faire, et tu viendras me dire « Alors, c'est pour la thune ? ». (Rires) Aujourd'hui, il n'y a plus d'affinités comme avant, ce serait pour essayer de ressentir ce frisson des premières fois, mais je n'y crois pas trop. Mais vous êtes restés en contact tous ensemble ? Complètement. Moi j'aimerais bien faire des projets annexes. « Viens, on fait un duo là, un album de duos, un trio ». Mais le Saïan au complet... (Il souffle) Je pense que c'est passé. Et franchement, j'aime bien l'image qu'on a laissée, elle est propre. Faut surtout pas l'égratigner ! (Rires) "Angela" a été un tube qui a marqué toute une génération. C'est important pour toi encore aujourd'hui d'essayer de faire des hits ou plus tant que ça ? C'est toujours important. Mais le problème, c'est que les tubes, on ne peut pas les prévoir. J'aimerais. Tu as envie que tout le monde chante tes morceaux. J'aimerais que tous mes morceaux soient des tubes. Pour "Angela", on se le disait entre nous, on l'appelait "notre tube du ghetto", c'est en créole, on se disait que c'était pour la communauté. Ce morceau, c'était une virgule dans l'album. Le titre avec will.i.am ? Un excellent souvenir Avec le Saïan Supa Crew, vous aviez collaboré avec will.i.am sur "La patte". C'est un bon souvenir ? C'est un excellent souvenir. L'une des meilleures soirées hip hop de ma vie. Il commençait à cartonner. J'ai passé une soirée entière à l'écouter. C'est quelqu'un de très généreux. Il est presque européen dans sa tête. Les Américains, c'est très business. Lui aussi, mais une fois qu'il est là, tu peux échanger avec lui. Il écrit son texte dans sa tête en dix minutes, nous on avait mis deux-trois jours. (Rires) Il est parti à son hôtel, il est revenu avec son ordinateur, il nous a fait écouter des sons et des sons. Il m'a expliqué la formation des Black Eyed Peas, sa collaboration avec John Legend... Je le respecte. Tu aimerais retravailler avec lui aujourd'hui ? Grave. Juste pour le kiff. Même si aujourd'hui, il est passé à l'électro ? Il est loin. Je ne pourrais pas aller dans ce truc-là. Mais je le respecte à mort. Il est trop fort. Une rencontre énorme. Ça m'a fait avancer de quelques années dans ma tête. Tu seras en concert à l'Olympia ce soir, le 14 octobre, comment tu abordes la scène et plus particulièrement celle-ci qui est une salle mythique ? Je vais essayer d'avoir beaucoup d'invités pour l'Olympia, des invités prestigieux, surprise ! Le Saïan ? (Rires) Ce serait bien, mais ce serait vraiment compliqué... Je veux que ce soit la fête. Sur scène, je suis à la maison et les gens qui sont là ce sont mes invités. Il y aura des titres du premier, du second. Je ne vais pas reprendre des titres du Saïan, parce que bon... C'est le groupe. Je ne peux pas les faire tout seul. Mais hâte de voir mon nom en lettres rouges...
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