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Dam Barnum : "Je n'ai pas envie de créer un univers marketé pour vendre"

Dam Barnum vient de publier son premier album en solo, "Des pieds des mains". Après avoir fait ses armes et acquis assez d'expérience en groupe, notamment avec Eiffel puis Luke, l'artiste a voulu se raconter en toute liberté à travers douze titres qu'il a pris le soin d'écrire, composer et arranger. Se posant d'emblée en marge du système marketing, Dam Barnum fait confiance à ses chansons, et seulement ses chansons, pour convaincre l'auditoire. Rencontre.
Crédits photo : pochette de l'album Des pieds des mains
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Pure Charts : On vous connait en tant que membre du groupe Luke, et vous vous échappez en solo le temps d'un album. Qu'est-ce qui a motivé cette envie de vous détacher ?
Dam Barnum : Je tiens premièrement à préciser que ce n'est pas parce que je publie un album solo que je délaisse les groupes dans lesquels je joue. Ce sont deux choses bien distinctes dans ma tête. Ce n'est pas du tout un changement de direction. C'est juste une parenthèse. J'avais envie de toucher quelque chose de nouveau tout en restant dans la musique. Je voulais tester le chant, l'écriture, et puis jouer sur scène mes propres chansons. Ce n'est pas né d'une frustration que j'aurais depuis tout petit. C'est une envie que j'ai comme çà. Tout est parti d'une simple curiosité. J'ai commencé en chantant, puis j'ai écrit des textes et, au fur et à mesure, comme une bobine dont on tire le fil, j'en suis venu à ce projet d'album solo. Des personnes de mon entourage ont trouvé que c'était pas mal, et c'est aussi ce qui m'a motivé à continuer d'avancer dans ce projet. La motivation première reste cette curiosité.

Vous dites que vous ne délaissez pas le groupe Luke. Est-ce une manière de dire qu'un nouvel album est en préparation ?
Tout à fait. Je n'en dirais pas plus pour le moment mais effectivement, il y a un nouvel album en préparation.

Je ne vais pas chercher à savoir ce que les gens aiment pour leur servir
Et avec Eiffel ? L'aventure est-elle vraiment terminée ?
Oui. Un retour n'est pas envisagé. Ce n'est pas d'actualité mais ça ne veut pas dire qu'on ne se parle plus. On n'est pas en mauvais termes. On a récemment dîné ensemble, comme au bon vieux temps. Ils ont sorti un album au mois de septembre et j'assure les premières parties de leur tournée. Mais ça s'arrête là.

Est-ce que ce sont ces différentes expériences qui, mises bout à bout, vous ont finalement donné l'envie de partir en solo, de vous dire que vous étiez capable d'écrire seul un album ? N'aviez-vous pas quelque chose à vous prouver à vous-même ?
C'est en partie vrai. Il y a effectivement une histoire de confiance en soi que j'avais très certainement besoin d'acquérir. Et d'un autre côté, d'avoir connu des succès en groupe, ça permet d'être plus serein quand il s'agit d'écrire quelque chose en solo. J'ai acquis pas mal d'expérience et de technique pendant toutes ces années. Il y a également cette sensation de relâchement quand on travaille en solo. On se sent plus libre et il y a moins de contrainte. On travaille différemment. Pour moi, c'est quelque chose de nouveau.

Se lancer en solo, à une époque difficile pour le marché du disque, où même les pointures peinent à vendre leurs albums, c'est un pari risqué. Il faut savoir se démarquer pour capter l'attention du public. Qu'est-ce qui vous distingue ? Qu'apportez-vous qu'un autre artiste ne saurait apporter ?
Je n'ai pas prévu de provocations si c'est ce que vous voulez dire ! (Sourire) Je n'ai rien calculé. Je n'ai pas pensé ce projet comme un produit marketing. Je n'ai pas réfléchi à tout ce qui pouvait être fait pour me démarquer. C'est peut-être un peu vieux jeu et naïf, mais je fais confiance aux chansons. J'ai fait des titres qui me plaisent et que je ne pense pas être mauvais. J'espère qu'ils parleront aux gens. Dans le cas contraire, ce sera enterré. Je ne compte pas faire un coup particulier. Je n'ai pas inventé d'histoire comme d'autres artistes l'ont fait non plus. J'ai parlé de ce que je suis, de ce que je voulais qu'on sache de moi, tout simplement. J'ai fait un disque sincère. Je n'ai pas envie de créer un univers marketé pour vendre.

Pensez-vous vraiment que la musique se réduise à de simples manoeuvres marketing ?
La musique est à l'image du monde. Le marketing dans les grandes entreprises, c'est le nerf de la guerre. Après, je pense qu'il y a des projets ultra-marketés qui sont quand même super bons. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je pars du principe que s'il y a du fond, du sens dans le texte et dans la musique, et que si vous avez creusé pour aller chercher quelque chose d'intéressant, que ce soit ou non marketé, ça reste un bon projet. Le marketing autour de l'album sera une plus-value. A l'inverse, si l'on privilégie l'aspect marketing autour d'un album qui n'a aucune profondeur, ça n'a aucune valeur. Je trouve que c'est totalement ridicule. D'ailleurs, au bout d'un moment, le public s'en rend compte. Il ne faut pas mélanger le fond et la forme. L'aspect marketing doit agir sur la forme mais jamais sur le fond. Je fais ma musique avec ma guitare. Je cherche à exprimer un sentiment, à dire si je suis heureux ou pas. Je ne cherche pas à écrire un single. Je ne vais pas chercher à savoir ce que les gens aiment pour leur servir. Ce n'est pas ça être artiste. Du moins, dans le sens où je l'entends. Mais je crois que la réalité aujourd'hui est autrement.

Dam Barnum, c'est une débauche de moyens pour un résultat très épuré
D'ailleurs, pourquoi avoir pris le nom de Dam Barnum plutôt que de conserver celui avec lequel le public vous connait avec les différents groupes dans lesquels vous avez joué ?
Je ne pense pas que j'étais si connu que ça. J'ai eu un peu peur au début. Je ne croyais pas que ce disque sortirait et que je monterais sur la scène par la suite. Quand tout s'est réalisé, il a fallu que je me trouve un nom très rapidement. J'ai réfléchi et Dam Barnum résumait bien ce que j'avais fait pour ce premier disque, la manière dont je m'étais décrit. Il n'y a pas vraiment de signification...

...Pourtant le "barnum" a un sens très fort. C'est une manière de dire que votre musique est un mélange original, complètement délirant ?
Dam Barnum, c'est une débauche de moyens pour un résultat très épuré. C'est aussi un moyen pour moi de différencier ce que j'ai pu faire avec les autres artistes dans les groupes avec lesquels j'ai joué, et ce que je fais en solo aujourd'hui. Je veux faire du bruit !

La pochette de votre album va dans le même sens. Tous les instruments qu'on retrouve sur cette photo, ce sont ceux qui ont été utilisés pour jouer chaque morceau ?
J'aime beaucoup le travail qui a été fait autour de cette pochette. Il y a effectivement une bonne partie des instruments dont je me suis servi. Ils ne sont pas tous là. (Sourire) Je trouvais ça drôle parce que ça représente bien le fait que j'ai bossé tout seul dessus, avec mes petits bouts de ficelle à la maison, quand j'avais le temps. C'est un ami qui a eu cette idée et qui a réalisé la photo. A l'époque, je n'avais pas de maison de disques. J'ai dû me débrouiller tout seul. Et c'est ce que représente l'échelle : chaque barreau représente les échelons que j'ai dû gravir pour en arriver là où je suis, en face de vous à parler de mon premier album que nous avons face à nous. (Sourire) On peut y voir beaucoup d'autres significations, mais c'est ce qui me parle.

Vous dîtes que vous avez travaillé seul sur cet album. Etes-vous vraiment multi-instrumentiste ?
Hormis quelques parties, comme celles de batterie, j'ai tout fait tout seul. Pour l'écriture et la composition, j'ai travaillé en solitaire. En studio, j'ai été aidé par deux musiciens que je connais bien. C'était très enrichissant au début parce qu'après avoir travaillé en groupe pendant plusieurs années, je n'ai plus eu besoin de ces longues discussions pour expliquer ce que j'avais en tête. Pas besoin non plus de laisser le temps aux autres de s'approprier une idée et une mélodie. Souvent, dans un groupe, les idées sont malaxées et le résultat final est loin de ce que l'on imaginait au début. Quand on travaille en solitaire, on est seul pour réussir à mener à maturité une idée. C'est un sacré challenge. A la fin, c'était un peu moins évident. Je pense que je ne le referai pas.

Ce qui me touche, c'est la mort, le sexe et l'amour.
Cet album est-il un exutoire pour vous ? Vous utilisez le pronom "je" dans chaque chanson en donnant votre opinion ou en exprimant des émotions...
Oui et non. Je parle effectivement beaucoup de moi. Mais le "je" ne renvoie pas toujours à mes propres états d'âme. "Je" représente aussi l'être humain de manière plus général. J'alterne entre les deux pour dévoiler de ma personnalité juste ce qu'il faut, sans en dire trop.

Et pourtant, dans la première piste de l'album, "Tu tombes bien", vous dîtes « J'ai des colères en attente, des brûlures à cramer ». C'est très personnel. A qui vous adressez-vous ? Au public ?
Il y a différents types de colères. Il y a les colères du quotidien, banales, parce qu'il fait un temps de chien. Là, j'ai voulu pointer du doigt un état précis : le moment où la colère monte, où elle nous prend à la gorge comme s'il y avait une montée de sève. Ça arrive tous les jours ! Il suffit de regarder par la fenêtre pour voir les gens prêts à s'étriper quand sur la route l'un n'avance pas assez vite au feu quand il passe au vert. Ce sont des colères instantanées qui ne servent à rien. En ce qui me concerne, je ne suis pas sûr qu'il soit bon de dévoiler mes colères. Comme tout le monde, j'en ai au quotidien. Je connais des colères immédiates. Il y a des jours où tout m'énerve et, comme pour tout le monde, le premier venu peut devenir la cible de notre colère sans savoir pourquoi. Ce qui m’intéressait aussi, c'était de parler de cette manière qu'on a de faire payer à d'autres notre colère. C'est un trait de caractère typiquement humain. C'est un choix de laisser les textes de mes chansons assez ouverts. Mais c'est une manière de permettre au public de se les approprier plus facilement. Peut-être que vous aurez compris la chanson d'une manière alors que ce n'est absolument pas ce que j'ai voulu dire. Mais c'est ce que je trouve génial.

Découvrez le premier clip de Dam Barnum, "Tu tombes bien" :



Plus généralement, en écoutant les textes de cet album, j'ai eu cette impression que vous courriez après quelque chose que vous n'arrivez jamais à avoir, que vous regrettiez certaines erreurs ? Qu'est ce qui vous manque pour être heureux ?
Oui. Des erreurs, nous en avons tous commises. Des manques, nous en avons tous aussi. Mais je n'ai pas écrit ces chansons pour raconter ma petite vie personnelle. Je pense qu'elle n'intéresse personne. J'essaie plutôt de vivre des émotions qui sont communes à beaucoup de gens. Je vis des émotions humaines que je tente de retranscrire en musique. Ce qui me touche, c'est la mort, le sexe et l'amour. L'amour et la mort, ce sont des thèmes de notre quotidien. Il y a bien sûr des pans de ma vie dans mes chansons, mais ils sont discrets et maquillés. Je ne crois pas que vous veniez aujourd'hui pour savoir qui je suis vraiment.

Le mythe du poète ténébreux alcoolique, ce n'est pas pour moi.
On ressent également beaucoup de nostalgie dans ces chansons. Est-ce un sentiment qui vous habite plus qu'un autre ?
La nostalgie, elle est cyclique. C'est un sentiment important parce qu'on en a besoin pour vivre. Du moins c'est ce que je crois. On ne peut pas gommer tout ce qui s'est passé avant. On ne doit pas faire un trait sur ce qu'on a vécu auparavant. Ce sont des leçons dont on doit se souvenir pour ne pas refaire des erreurs par exemple. C'est un sentiment que je ne ressens pas perpétuellement mais qui est très intéressant quand on écrit une chanson. Un grand moment, on le vit sur le moment mais on ne le considère comme tel qu’après coup, parce qu'on a compris que c'était un grand moment. C'est pareil pour le bonheur.

C'est une philosophie très romantique. Vous ne vivez quand même pas dans le passé !
C'est très romantique, effectivement. Ça sonne très 19ème (sourire) : l'artiste torturé qui vide ses états d'âme. Je ne suis pas sûr de ça. Je ne crois pas comme beaucoup disent qu'un album soit bon parce que l'on est nostalgique, triste... Le mythe du poète ténébreux alcoolique, ce n'est pas pour moi. C'est une image un peu facile, un peu simpliste. On peut faire de très bons disques en étant heureux. Je connais des gens qui se sentent bien dans leur peau et qui écrivent des choses formidables.

Votre premier album en main et quelques scènes en solo, que vous reste-t-il à vivre en tant qu'artiste aujourd'hui ?
De nouvelles expériences musicales. Je suis avide de goûter à de nouvelles expériences. C'est innombrable. Chaque album est l'occasion d'écrire de nouvelles choses et de donner de nouvelles couleurs à sa musique. Je suis assez curieux dans la musique. J'aimerais faire d'autres rencontres avec d'autres musiciens, qu'ils m'emmènent ailleurs, qu'ils me fassent découvrir quelque chose. Quel qu'il soit, un projet est enrichissant car il permet d'apprendre de nouvelles choses.

Dam Barnum sera en concert au Petit Bain, le 28 novembre.
Toute l'actualité de Dam Barnum sur son site internet officiel et sa page Facebook.
Ecoutez et/ou téléchargez l'album "Des pieds des mains" de Dam Barnum sur Pure Charts.

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