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samedi 24 septembre 2011 11:00

Claire Denamur en interview

L'album "Vagabonde", c'est le fruit d'un long processus de création entre la France et l'Amérique du Nord, cette région du monde qui inspire Claire Denamur depuis son enfance. Aujourd'hui face aux médias, elle défend sans compromis sa deuxième œuvre (la première pour beaucoup) dans les bacs le 3 octobre et disponible en téléchargement depuis le 19 septembre. Un disque contestataire témoignant de la maturité artistique de son auteur et interprète, qui s'est entourée d'une équipe d'inconnus et d'artistes reconnus.


L'influence américaine, et plus particulièrement celle des États-Unis, est très présente sur ton nouvel album. J'ai cru comprendre que tu avais vécu une grande période de ta vie là-bas. (Jonathan HAMARD et Sarah MERLO)
Claire DENAMUR : Oui, une bonne dizaine d'années.

Penses-tu que ton œuvre ait été influencée par cette vie de l'autre côté de l'Atlantique ? Dans quelle mesure ?
Certainement ,puisque je suis scindée en deux. Je suis franco-américaine. Je trouve qu'on peut réunir les deux cultures dans un même album. Mon univers musical vient aussi de la discographie de mon père, laquelle j'écoute depuis toute petite. Elle me fournissait plutôt ce genre de musique anglo-saxonne et aussi beaucoup des standards des sixties et des seventies nord-américains.

C'est d'écouter cette musique depuis toute petite qui t'a poussé à écrire ?
Cela m'est venu un peu par hasard, vers l'âge de quinze ans, lorsque j'ai eu la première fois le cœur brisé. J'ai voulu me ventiler.
C'est un album contestataire.
J'ai pu développer une oreille plus sensible à un certain type de voix que d'autre, à savoir des "voix sales", d'un Robert Plant, des Led Zep, ou de Janis.

Il est dit que le travail d'enregistrement est plus studieux et professionnel aux États-Unis qu'en France, l'as-tu remarqué ?
Les musiciens américains étaient d'une autre qualité de ceux que j'aurais pu trouver ici pour un répertoire nord-américain. Tout le travail autour de l'album dans sa finalisation s'est en revanche fait en France. On a vraiment travaillé rigoureusement, à ne laisser aucune faille paraitre et faire en sorte que tout soit costaud et cohérent. Je trouve que le travail à la française se passe très bien aussi. [rires]

Ne penses-tu pas cependant pas que l'art doit aussi être synonyme de faille ?
Il en faut musicalement, puisque l'Homme est faillible. Dans le cas contraire, on ferait de la musique robotique. Mais pas dans la fabrication de l'album ! Nous voulions aller jusqu'au bout pour présenter un produit fini sur lequel nous n'avions pas perdu le contrôle.



Les relations homme/femme sont des thèmes très présents dans cet album.
Je ne l'avais pas vu comme ça. Mais je suis contente qu'il y ait d'autres interprétations. Pour moi, le thème abordé est plutôt celui de la nostalgie.

En effet, ce sentiment est omniprésent. Il règne une atmosphère lourde que l'on ressent notamment sur "Le ciel".
Quand on a fait cet album, les thèmes n'avaient pas été choisis. En fait, j'ai rencontré Da Silva par la suite et il est venu donner à cet album des dernières briques essentielles. On s'est rendu compte qu'en mettant des chansons similaires ensemble, comme des cousins-cousines, on avait créé des familles de thèmes dans lesquelles l'expression de mon regret se retrouve. Regret d'un passé dans lequel je me sentais beaucoup mieux puisque j'ai dû abandonné la personne que j'ai été. Aujourd'hui, le fait d'être mise en danger et de ne plus de avoir de repères me permettra, je pense, d'écrire de nouvelles chansons, sans quoi je ne trouverai plus matière à écrire. D'un autre côté, il y a le sentiment d'inéquation avec la société actuelle. C'est un album contestataire, ce que je ne se voulais pas au départ, mais qui finalement m'a permis de soulever quelques interrogations.

Cet aspect contestataire ne s'entend pourtant pas à la première écoute. Il faut fouiller pour le comprendre, si tu me permets l'expression.
J'ai chanté l'amour sur un premier album, amour derrière lequel je me suis beaucoup cachée et dans lequel je ne me suis pas sentie investie. Avec ce deuxième album, je me suis permis de pointer du doigt certains phénomènes. J'ai en plus rencontré beaucoup de monde sur la route : c'était l'occasion de dire ce que j'avais derrière la tête grâce aux discussions que j'ai eu avec mon entourage et avec Da Silva en particulier. Très souvent, j'ai tendance à me mettre en colère face à des choses qui me mettent mal à l'aise comme par exemple la course contre la montre vers le gain. Aujourd'hui, il s'agit de « travailler plus pour gagner plus ». Il y a beaucoup de vérité dans ce propos ! Merci monsieur Sarkozy ! [rires] Mais il ne se rend pas compte qu'on n'est plus une société industrialisée,mais que nous devenons de véritables usines. Nous ne prenons plus le temps de vivre, de nous perdre dans la nature ou la jungle, de respirer l'air frais ou de se retrouver tout seul pour des expériences un peu osées. Ça n'existe plus maintenant ! On fait comme dans les usines, on y rentre, on tamponne le billet tous les matins et puis on ressort le soir. Ce n'est pas mon cas ! Ça ne plait guère de voir que la société aille seulement dans ce sens.

Travailler plus pour gagner plus.
Le phénomène que tu décris est peut-être plus visible encore sur Paris, là où tu vis pourtant.
Je vis en autarcie dans un quartier de Paris qui n'a pas grand chose à voir avec le reste de la capitale. C'est un quartier uniquement piéton où il n'y a pas vraiment d'axe autoroutier. J'ai l'impression de revivre ce que j'ai vécu dans des petits villages français.

D'où es-tu originaire ?
Aujourd’hui, j'habite dans le 18ème, sur la Butte de Montmartre. Mais encore une fois, j'ai vécu dans des grands espaces, au sein d'une certaine nature aux États-Unis. J'ai beaucoup de mal à vivre en tant que citadine, donc je ne sors que de mon quartier en voiture pour aller à la campagne.

Aujourd'hui, ce phénomène d'industrialisation dont tu parles se lit également dans le domaine de la musique avec une accélération des sorties d'albums par exemple. On parle à juste titre de l'industrie du disque.
Je vois cette accélération de la cadence en matière de "rendement", mais j'essaie de garder une distance de sécurité. Il est très facile pour une artiste en développement d'être intimidée par d'autres déjà en place. Maintenant, j'essaie d'éviter la saturation des informations et de prendre plaisir à faire ce que je fais pour rester intègre. Déjà en ce moment, on me retire déjà un peu de plaisir. L'accueil de l'album, qu'il soit positif ou négatif, m'angoisse terriblement.
Ma seule stimulation est d'aller à la rencontre du public.
Ça me retire un peu d'oxygène. Peut-être que tout va trop vite pour moi car, tous les jours, je me retrouve avec des gens qui m'accordent un peu de leur temps pour parler de cet album.

C'est tout le mal qu'on peut te souhaiter pourtant !
Et que je souhaite aussi. Si on me disait que toutes mes interviews étaient annulées, je serais profondément malheureuse. Je souhaite honnêtement accéder à une popularité pour ensuite faire plein de concerts. Ma seule stimulation est d'aller à la rencontre du public, il faut donc que cet album circule et que les gens en parlent pour que je puisse me retrouver sur la route.

Les choses arrivent trop rapidement pour toi ?
C'est peut être à ce moment que les artistes perdent pieds. J'ai mené toute ma vie dans l'anonymat, mais aujourd'hui, j'ai l'impression de perdre le contrôle sur mon nom. Je l'ai déjà perdu pour mon image, avec mon premier album et la quantité de vidéos que les gens postent. Si quelque chose ne me plait pas, je ne peux rien y faire. C'est aussi ce que je reproche à la société, non pas le fait d'être filmée par les fans, mais que notre société soit beaucoup trop axée sur l'immédiateté. J'ai joué dimanche soir en Belgique et la nuit même, en consultant mes mails, j'ai vu des notifications Facebook. Il y avait déjà une vidéo diffusée sur Internet. On ne nous laisse plus le temps de se demander si le concert s'est bien passé ! Si je devais passer un message fort aujourd'hui, il serait : "prenons le temps" !

Tu allies bien le fond à la forme puisqu'il est justement nécessaire de prendre du temps pour comprendre ton album ! Il n'y a pas de rapport immédiat pour le coup. Idem pour ton clip "Bang Bang Bang".
Il y a une très belle histoire autour de ce clip. J'ai eu l'impression qu'il y avait une bonne étoile qui protégeait mon album, avec d'abord, ma rencontre avec Da Silva totalement fortuite. C'était un merveilleux hasard qui a permis à l'opus de prendre une vraie cohérence, en alliant la force de ses textes et les miens. Le tout nous a amené à une osmose dont je suis satisfaite. La rencontre avec le photographe pour le visuel de l'album a été quelque chose de magique aussi. Il faut savoir qu'on a passé une journée entière à travailler. Il fallait que je sois debout et concentrée. A un moment donné, j'en ai même eu marre et je me suis accroupie sur les genoux et clic ! Photo de l'album !

Pour le clip, ma maison de disques m'a proposée plusieurs réalisateurs qui étaient à mon sens complètement en dehors de mes attentes. En recevant le visuel de l'album, ils ont dû se dire que la musique était très fashion et superficielle et m'ont proposé des scénarios qui parlaient uniquement de la manière dont j'allais apparaitre dans le clip. J'avais l'impression qu'ils n'avaient pas écouté la chanson alors que "Bang Bang Bang" est un titre doté d'un propos fort et je voulais qu'il ressorte visuellement. Coup du hasard, je reçois une candidature spontanée de Jason Johan. Ils avaient envoyé un synopsis de dix lignes dans lequel il ne parlait pas de moi, mais de vidéos abordant toujours une montée vers un point culminant en oubliant de raconter l'après, comme ont pu le faire les réalisateurs de "28 jours plus tard" ou de "Je suis une légende". On en trouve assez peu finalement. Ils ont donc voulu me faire évoluer dans un contexte post apocalyptique, et me faire remonter dans un lieu où je me laverais les mains, pleines de sang. De passer ainsi d'une "Mad Max" ou "Lara Croft", à la vagabonde de l'album.

Le tournage s'est fait en deux jours, à une heure et demi de Paris dans l'Yonne, pas loin d'un village que j'aime beaucoup qui s'appelle Tonnerre. Tout a été fait dans une ambiance amicale. La carrière, dans laquelle la moitié du clip a été tournée, nous avait été prêtée par un fermier. Il nous a logés et nourris dans une ambiance festive. L'endroit offrait des paysages magnifiques ce qui a permis d'aller naturellement au procédé d'étalonnage et faire ressortir des jaunes, des bleus et des verts hallucinants dans le clip. J'ai beaucoup aimé aussi de ne pas faire le rôle d'actrice dans ce clip. J'ai expliqué aux jeunes réalisateurs que je n'étais pas actrice. C'est pourquoi je me suis contentée de regarder un point fixe. Ils ont dû, avec le chef opérateur, se servir des angles. Le manque d'interprétation a permis, je trouve, de donner quelque chose de crédible. J'ai appris une grande leçon avec cet album : quand on veut avoir l'air le plus sincère possible, il faut arrêter de chercher à l'être.

Découvrez le nouveau clip de Claire Denamur, "Bang Bang Bang" :


Pour ce deuxième album, est-ce que tu as eu toute la liberté que tu souhaitais dans la phase de création ?
J'ai eu une totale liberté et c'est une raison pour laquelle je suis ravie des équipes qui m'entourent. On s'est vraiment prêté au jeu d'aller vers quelque chose d'artistique et d'éviter d'aboutir à un album ayant subi une manipulation médiatique. Aujourd'hui, cette manipulation est très courante et implique d'énormes investissements. Une fois que l'objet est arrivée, et même si on est pas très content du résultat, il faut récupérer de l'argent dessus. En ce qui me concerne, on s'est tous fait très plaisir. Je suis contente aussi parce qu'on m'a laissé prendre les rennes. Cet album est vraiment le fruit de mon sang et de ma sueur, contrairement au premier. On est venu me chercher alors que j'étais serveuse et on m'a demandé de réunir toutes mes chansons d'amour écrites depuis l'âge de 15 ans. Je n'avais pas le contrôle parce que je n'en avais pas voulu. Je me suis complètement laissée embarquer. Finalement, le premier album ne me ressemble pas. Ce n'était pas mon enfant mais un enfant dont j'avais hérité. Aujourd'hui, les remarques que l'on peut faire envers mon album peuvent me détruire. Mais je sais que c'est le jeu et qu'il faut permettre à tout le monde de s'exprimer.

A entendre le titre "Bang Bang Bang", on croit percevoir des influences de La Grande Sophie, qu'est-ce que tu en penses ?
Je reste extrêmement susceptible.

La chanson a été faite par Da Silva, qui pour le coup n'a jamais croisé la Grande Sophie. Mais si c'est dans ma manière de chanter, c'est possible.

Mais tu comprends cette comparaison ?
Je ne pense pas la comprendre pour l'instant. Mais je ne comprends pas non plus les autres références qu'on m'a donnée pour l'instant. On m'a beaucoup parlé de Bashung, que je viens de découvrir, mais je ne comprends toujours pas pourquoi. Je ne cherche pas forcément une interprétation non plus.

Tu donnes l'impression de craindre le rapport avec les médias. Je te fais peur ?
Mon rapport avec les médias a toujours été bon. J'ai été éduquée à ne jamais arriver les mains vides chez mes hôtes, donc je venais avec des fleurs pour les femmes et des chocolats pour les hommes, impressionnée qu'une radio, m'accorde quinze minutes de son temps. Je leur étais tellement reconnaissante à mes début. Je le lui suis toujours autant aujourd'hui. Mais maintenant, je ne pourrai jamais empêcher les gens de dire ce qu'ils ont sur le cœur au sujet de ma musique. Mais il est vrai que je reste extrêmement susceptible.

Pour revenir à l'aspect contestataire de ton album, est-ce que tu penses, en tant que chanteuse, avoir un rôle à jouer dans la critique de l'appareil politique ?
Bien sur ! C'est peut être plus dur en musique de donner de la force à un message, mais les écrivains sont tout à fait capable de le faire. Tout finalement revient à la politique, tout comme peut l'être mon album. Ce qui m'obsède en ce moment, c'est la manière dont les entreprises de l'agro-alimentaire régissent le marché et tout ce qu'on nous donne à manger. Que des vacheries ! Tout un système à repenser ! Mais on pourrait en reparler une autre fois...

Avec plaisir !

Toute l'actualité de Claire Denamur est sur www.clairedenamur.com/ et sur sa page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez le singe "Bang Bang Bang" de Claire Denamur.
Réservez vos places de concert pour aller applaudir Claire Denamur.

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