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samedi 05 août 2023 12:07

Cian Ducrot en interview : "Le succès sur TikTok m'a pris par surprise"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Nouvelle sensation irlandaise de 25 ans, Cian Ducrot fait le grand saut avec la parution de son premier album "Victory". Dans un français impeccable, le musicien nous raconte les origines de sa passion pour la musique, les difficultés du métier, sa relation avec la France et le rôle qu'a joué Ed Sheeran pour la scène pop anglaise.
Crédits photo : Holly Whittaker / Polydor
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

J'avais préparé cette interview en anglais mais je constate que tu parles parfaitement bien le français ! D'où te vient cette culture ?
De ma mère, qui est française. (Sourire) Quand j'étais bébé, elle m'a d'abord parlé en français donc j'ai appris votre langue en premier. Quand j'ai commencé l'école maternelle, je ne parlais qu'en français ! Puis j'ai grandi en Irlande et j'ai naturellement appris l'anglais. Malheureusement, je ne pratique plus vraiment le français aujourd'hui, parce que je n'habite plus à la maison. Mais ça va, je passe assez de temps à Paris pour rester dans le bain. Je viens souvent ici et ma manageuse est française aussi, et elle me parle toujours en français. C'est drôle !

Je passais tous mes étés au Cap Ferret !
Tu as grandi en écoutant de la chanson française ?
Un petit peu au début, grâce à mes grands-parents et ma mère. Mais on écoutait surtout de la musique classique... et Radio Classique ! C'est surtout à travers ça que j'ai forgé ma culture musicale, car les chansons françaises ne passent pas tellement à l'extérieur de la France. Je n'ai pas vraiment grandi avec... sauf l'été. Je passais tous mes étés ici, vers le Cap Ferret, pendant trois mois, où ma grand-mère, qui a grandi ici il y a longtemps, possédait une petite résidence dans la forêt. C'était super sympa. Il y avait un camping à côté et tous les ans il y avait un nouveau truc : Maître Gims, La Fouine... Les tubes de l'été quoi, vraiment faits pour danser !

Elle te vient d'où, ta passion pour la musique ? De ta famille ?
Oui, ils sont tous musiciens. Ma mère est pianiste et flûtiste, mon père est musicien, mon frère aussi. Mes grands-parents sont des fous de musique aussi, alors ça a toujours été très présent.

A partir de quand tu t'es projeté dans l'idée d'en faire ton métier ?
Je pense que ça a toujours été en moi. J'ai toujours été musicien. Ça a toujours été mon truc. Quand c'est le métier de ta mère, qu'elle est professionnelle, tu joues des instruments, tu as un piano chez toi, tu vas à l'école avec ta guitare, tu fais des groupes avec ton frère ou des potes... J'ai toujours voulu être musicien, oui. Même si j'ai fait d'autres activités en même temps, la musique a toujours été au premier plan dans ma tête.

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En Irlande, la culture de la musique est très ancrée
C'était comment de grandir à Cork, en Irlande ?
Je n'ai rien pour comparer mais j'ai bien aimé mon enfance là-bas. Les Irlandais sont sympas, mais ils peuvent être assez étroits d'esprit. L'idée d'avoir des grands rêves, ce n'est pas vraiment pour eux ! Heureusement, j'ai eu beaucoup de soutien, des amis super, un entourage présent. Il y a beaucoup de musique en Irlande, la culture de la musique est très ancrée, très forte. Tous les pubs sont remplis de musiciens, les gens font du busking dans la rue, ça joue un peu partout. Si tu veux avoir cette culture de la musique et grandir avec, c'est le bon endroit.

Comment on fait pour se dire que c'est possible, pour arriver à concrétiser son rêve ?
En fait c'est dur parce qu'en Irlande, tu n'as pas vraiment d'industrie musicale. C'est difficile de se faire connaître quand tu n'as pas un écosystème autour. Quand j'ai débuté, il fallait soit être à Londres ou à Hollywood... Je ne savais pas ce qu'il fallait faire. Je n'avais personne. Il fallait juste tout essayer. J'ai fait des concerts dans des bars, j'ai joué dans la rue, j'ai écrit des chansons dans mon coin, j'ai mis des vidéos sur YouTube, Facebook et Instagram... J'ai tout fait pour essayer d'ouvrir des portes et que ma musique soit entendue par des gens, partout dans le monde. Mais c'est hyper, hyper dur et ça prend très longtemps. C'est dur de percer quand tu viens d'un petit pays parce que tous les réseaux sociaux sont basés sur un algorithme, géolocalisé dans ton territoire ou ton cercle de toi. C'est très différent si tu commences à mettre des vidéos sur Internet quand tu vis à Los Angeles ou New-York, comparé à une petite ville en Irlande. Je me suis posé plein de questions, et il n'y a pas vraiment de réponses. Tout le monde commence à zéro. Ça peut prendre 10 ans avant d'arriver quelque part, mais je n'ai pas lâché. Quand j'ai déménagé en Angleterre, j'ai intégré une école de musique. Je me suis donné les moyens d'être où j'en suis maintenant.

Je ne m'attendais pas du tout à faire autant de vues
Ton big breakthrough, tu le dois à la chanson "I'll Be Waiting" qui a d'abord cartonné sur TikTok. Tu imaginais que ça prenne autant d'ampleur ?
Avant cette chanson, j'avais déjà un titre, "All for You", qui avait bien marché mais plutôt en Angleterre et en Irlande. C'est ma première chanson qui a vraiment connu du succès et après ça, dans ma tête je me disais que ça serait hyper dur d'avoir un succès aussi grand ou plus grand que ça. Je ne pensais vraiment pas que "I'll Be Waiting" allait faire mieux ! Je me disais : "J'ai eu de la chance avec All For You, on va sortir une autre chanson et on va voir ce qu'il se passe". Je ne m'attendais pas du tout à un tel accueil. J'ai commencé à faire des vidéos avec une chorale dans des lieux publics et c'est parti... C'était juste immense quoi. On a eu tellement de vues et de gens qui écoutaient la chanson ! Même aujourd'hui, je ne comprends pas vraiment à quel point elle a résonné. Ce n'est que quand je fais des festivals ou que je vais dans d'autres pays comme la Norvège que je me rends compte que tout le monde connaît la chanson. C'est trop bizarre. Ça arrive et ça te prend par surprise.

C'est toute la magie des réseaux sociaux, leur côté accessible même si cela apporte malheureusement aussi beaucoup de négativité. C'est facile de gérer le revers de la médaille ?
Oui, ça va. J'essaie de ne pas trop lire les commentaires même si l'essentiel reste positif. On n'est pas censé consommer autant d'informations ! Quand je reçois des commentaires méchants, la plupart du temps je trouve ça rigolo. Des fois j'en prends quelques-uns pour les mettre dans ma story. (Rires) C'est dommage que certains soient vraiment énervés... On voit tous des trucs passer sur Internet, mais moi je n'irai jamais mettre un commentaire pour déverser ma haine. (Il hausse les épaules) C'est pas grave !

On arrive à prendre du recul, quand on commence à gagner en popularité ?
Il le faut, je pense. Sinon on peut devenir très arrogant ! Quand tu as reçois autant d'attention, si tu trouves que c'est normal et te met vraiment dans la tête que "tout le monde me connaît, tout le monde me met des commentaires et a vu mes vidéos", c'est qu'il y a un problème. (Rires) J'essaie de regarder ça comme si j'étais une personne extérieure. C'est important oui de prendre un peu de distance, de garder une vie normale et d'en rire. Quand je suis dans un endroit public et que je m'arrête pour prendre des photos, souvent je suis avec ma copine ou mon meilleur pote, et on rigole de ça après coup parce que c'est tellement fou ! Il y a un an ou six mois, personne me connaissait. C'est drôle parce que les gens me voient sûrement différemment de moi comment je me vois.

@cianducrot

Had this up my sleeve 👀 singing “I’ll be waiting” with monalisa..

♬ I'll Be Waiting - If you ever want to make things right - Cian Ducrot


Je voulais expliquer d'où je viens
Ton premier album "Victory" est donc enfin disponible et en l'écoutant, j'ai eu l'impression de découvrir tes souvenirs. Tu as une écriture très sensible, presque comme un album-photo. C'est comme ça que tu l'as imaginé ?
Oui ! J'étais très content quand j'ai reçu l'appel de me dire que j'allais sortir mon premier album. Je savais que je voulais des chansons qui expliquent un peu d'où je viens, quelle a été ma vie, ce que j'ai vécu jusque là et ce que j'ai appris. C'est important de te présenter au public. Et aussi d'écrire des chansons pour ceux qui vont écouter, pour qu'ils puissent se retrouver dans tes morceaux.

Il y a des chansons très personnelles comme "Part of Me", qui parle de la mort de ton ami Philly. Comment on fait pour trouver les bons mots pour parler d'un sujet aussi intime ?
C'est dur. C'est une chanson que j'ai eu du mal à écrire pendant très longtemps. J'ai eu de la chance de tomber sur deux mecs en Angleterre, Edd Holloway et Nick Atkinson, qui sont un très bon producteur et un compositeur. En fait quand j'ai commencé à écrire la chanson, je me suis assis devant mon piano et je me suis laissé complètement aller. J'ai écrit plein de phrases mais j'avais peur de ne pas dire la bonne chose ou de mal expliquer l'histoire de mon ami. Il fallait essayer de faire un morceau qui fasse sens, pas seulement pour moi mais aussi pour les autres. Et il s'avère que la personne avec qui j'ai écrit avait perdu l'un de ses meilleurs amis aussi. Pour la première fois, j'ai pu parler de cette situation avec quelqu'un et on s'est assuré que nos ressentis se retrouvent dans les paroles. C'est vraiment difficile d'écrire une chanson sur un tel sujet, j'avais un peu peur des réactions. Après, ce n'est pas une chanson sur laquelle il fallait trop réfléchir. Je voulais juste me lâcher et sortir tout ce que j'avais envie de sortir, en gardant cette sensibilité. C'était un exercice assez compliqué à faire mais je pense qu'on a réussi, et j'en suis très content.

Tous les gens de mon âge jouaient du Ed Sheeran
Début avril, tu étais sur la scène de l'Accor Arena de Paris pour assurer la première partie du concert d'Ed Sheeran, qui a en quelque sorte pavé le chemin pour les chanteurs britanniques proposant de la pop intimiste. Aujourd'hui, des Lewis Capaldi, Dean Lewis ou Dermot Kennedy cartonnent en France. Tu t'inscris dans ce mouvement ?
Ed Sheeran pour ma génération, c'est vraiment le mec qui a ouvert tout ça. C'était, comme moi quand j'étais jeune, un mec avec une guitare qui se posait dans les rues pour chanter, jouait dans des pubs et avait envie d'écrire des chansons sur des sujets qui lui tenaient à coeur. Il a vraiment inspiré toute la génération après lui. C'est fou d'avoir faire sa première partie, de le connaître et de pouvoir lui parler... On doit avoir 7-8 ans de différence et tous les gens de mon âge, on avait tous des guitares et on jouait des chansons d'Ed Sheeran. (Rires) Il a inspiré beaucoup de musiciens à juste... singing what's on your mind, avec une guitare, un piano et de vraies émotions.



A l'heure où une multitude d'artistes émergent sur les plateformes, comment on fait pour se démarquer ?
Je pense qu'il faut juste être authentique et ne pas trop penser à ce que font les autres. Ce n'est pas aussi dur que ça en a l'air. Il faut juste écrire des bonnes chansons et rester soi-même. Il ne faut pas essayer d'être le nouveau Ed Sheeran, le prochain Lewis Capaldi... Ça ne sert à rien, ils existent déjà ! Il ne faut pas copier les autres, même si tout le monde est inspiré par ce qu'il entend autour de lui. Il faut juste faire la musique que tu as envie de faire, chanter comme tu as envie de chanter. C'est avec ça que tu te différencies, parce que personne n'est pareil... sauf si on essaie d'être quelqu'un d'autre ! Avec un peu de chance, tu pourras toi aussi inspirer une nouvelle génération d'artistes.

Tu seras en concert au Trianon à Paris le 5 novembre prochain. A quoi peut-on s'attendre ?
Cet été, j'ai plusieurs dates dans des festivals mais ma grande tournée commencera en septembre. Ça sera plus grand et ambitieux, et cette fois-ci, j'aurais tout un nouvel album à défendre. J'ai fait deux tournées tout seul ces dernières années et je commence vraiment à m'amuser sur scène. A chaque fois, j'apprends, j'apprends et je deviens de plus en plus à l'aise. On a plein d'idées pour habiller la scène, même si ça dépend des salles. À Paris c'est toujours super, il y a une bonne énergie. Alors c'est sûr, ça sera mon meilleur concert !

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