AssiaVariete Francaise » Variété française
samedi 28 décembre 2019 13:15
Assia en interview : "Je n'aimais pas du tout "Elle est à toi" !"
Par
Julien GONCALVES
| Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Après 14 ans d'absence, Assia sort du silence dans une interview revival pour Pure Charts. De retour dans la tournée "Born in 90", la chanteuse revient sur le succès, la naissance de son tube "Elle est à toi", l'échec de son deuxième album, sa nouvelle vie et son retour prévu en 2020.
Crédits photo : VJoncheray
Propos recueillis par Julien Gonçalves. Pourquoi avoir accepté de participer à la tournée "Born in 90" ? On me demande de chanter mes chansons ! (Rires) En plus, ce sont des copains sur la tournée. Et c'est Cheyenne qui produit. Ça fait beaucoup ! Ça fait trois arguments de taille. Ça ne se refuse pas. On a fait 24 dates cette année dans des grandes salles où les gens sont heureux d'écouter ces chansons-là. Je ne vois pas pourquoi j'aurais refusé ! On vous a proposé dans le passé des tournées ou autres projets nostalgie de ce type ? Car on vous a peu vue médiatiquement, alors que pas mal d'émissions de télévision ou de reportages autour des années 90/2000 ont eu lieu... Oui en même temps, la télé ce n'est plus trop là où j'ai envie d'aller. Juste avant, j'ai fait une tournée qui s'appelait "Back to Basic", autour des années 2000. C'était plus groove. Mais pareil, c'était dans des grosses salles et il y avait plein de gens heureux d'écouter ces anciens sons. Le plus fort, c'était de passer à la radio Ça vous fait quoi de voir que les spectateurs chantent encore vos chansons en 2019 ? Franchement, c'est fou ! C'est comme si il y avait une faille spatio-temporelle. Il y a vraiment des moments où on a l'impression que c'est ça. C'est très bizarre à vivre. Je n'avais pas eu l'occasion de faire ça avant, car j'avais fait beaucoup de showcases à l'époque mais pas des grosses salles comme les Zénith. Franchement, c'est génial ! Que vous disent les gens après les concerts "Born in 90" ? Ils sont heureux ! C'est comme une régression pour eux j'ai l'impression. Ils se retrouvent à leurs 15 ans, à leurs 20 ans, peu importe l'âge. C'est 20 ans en arrière... C'est très émouvant. Ça vous ramène en arrière vous aussi... Oui, complètement. Avant, je n'envisageais pas l'avenir, je me disais : "Bon, je vais chanter ça toute ma vie". Mais non. Les gens sont heureux d'avoir ces titres-là mais ils me disent qu'ils ont envie aussi de nouveautés. Souvenez-vous du clip "Elle est à toi" d'Assia : Comment avez-vous vécu le succès à l'époque ? Un peu de manière assez insouciante. On rue dans les brancards parce qu'on a plein de choses à faire. Il y a des interviews, des émissions, des showcases... On court, on va à droite à gauche, sans vraiment réaliser. Après on se pose et on se rend compte qu'il s'est passé plein de choses finalement. (Rires) On réalise qu'après. Mais si quand même, à l'époque où je faisais des feats, on passait sur Skyrock. C'était fou ! Le sentiment le plus fort, c'était de passer à la radio et m'entendre. C'était émouvant. Je me souviens, il y a une période où je passais en boucle sur les plus grosses radios. Je pouvais zapper d'une station à une autre et tomber quoi qu'il arrive sur "Elle est à toi". (Rires) Les feats avec les rappeurs, c'était hyper stimulant. C'était super génial ! J'ai beaucoup de très bons souvenirs. La notoriété soudaine, l'argent, les fans... C'était facile à gérer ? La notoriété, c'était très bizarre. Du jour au lendemain, vous allez faire vos courses et il y a des gens qui vous parlent. Il y a des gens plus ou moins bienveillants... C'est un truc qui n'est pas évident à porter. Il y a de tout donc des gens qui ne sont pas sympas. Je crois que c'est la télé qui fait ça. Les gens vous voient, et il n'y a pas que des gens qui vous apprécient. Il y en a qui trouvent ça intéressant de venir vous invectiver parce qu'ils vous ont vu à la télé. C'est comme ça ! "Elle est à toi", je ne la sentais pas Vous avez gardé la tête sur les épaules à l'époque ?Oui. Le truc c'est qu'on a plein de choses à faire, c'est ça qui permet de garder les pieds sur Terre. Il faut bosser ! Il y a un boulot à fournir. Ce métier est incertain mais c'est pour ça qu'on le choisit aussi. C'est un métier qui nous challenge tout le temps. Il y a des nouveaux artistes qui arrivent... C'est normal. Le contraire ne serait pas logique. "Elle est à toi" est la chanson emblématique de votre répertoire. Comment est-elle née ? C'est Calbo du groupe Arsenik, que je connaissais bien, qui est venu me voir. Il avait des thèmes de chansons. Il avait cette chanson, avec une instru et un thème. Il avait écrit le refrain de "Elle est à toi" en fait. On s'est enfermé quelques après-midi, avec un thé, des petits gâteaux. (Sourire) On a fait tout ça ensemble. On a écrit le reste : la mélodie, le texte. Vous sentiez qu'elle avait un pouvoir particulier ? Franchement... (Rires) Pour être complètement honnête, je ne l'aimais pas du tout. C'est l'une des premières chansons que j'ai maquetté. En sortant de la cabine d'enregistrement, il y avait Calbo, mon manager, des amis etc... Je leur dis : "Bon celle-là, on est d'accord, on la met de côté ? Je ne l'aime pas du tout". Ils ont tous crié : "Quoi ? Mais ça va pas ?!". J'accrochais pas trop. C'est bizarre, mais c'est comme ça. Je l'ai co-écrite et co-composée pourtant, mais je ne le sentais pas. Je n'étais pas en très bons termes avec ma maison de disques Les retours de votre entourage ont changé la donne ?Plein de gens l'ont écoutée, tout le monde adorait. Les retours n'étaient jamais tièdes, c'était fort. Je me suis dit : "Bon, il y a peut-être quelque chose qui m'échappe". Et effectivement ! (Rires) C'est pratiquement une décision du patron de ma maison de disques... Quand il a entendu "Elle est à toi", il a couru pour aller la faire écouter à ses enfants. Là, quand même, je me suis dit qu'il se passait quelque chose ! C'est lui qui a tenu à ce que ce soit le premier single, et il n'a pas eu tort. Tu as réussi à apprécier la chanson avec le temps ? Oui, bien sûr, aujourd'hui, je l'aime beaucoup. Il y a ce lien avec les gens. Elle prend une autre dimension avec toutes ces années. Je la redécouvre à chaque fois que je la chante. Souvenez-vous de "Là-bas" d'Assia : Le premier album "Chercheuse d'or" sorti en 2000 a rencontré le succès. Le deuxième, "Encore et encore", paru cinq ans plus tard, pas du tout. Comment tu expliques ce revers ? Je n'étais pas en très très bons termes avec ma maison de disques. On n'avait pas les mêmes idées, les mêmes envies. Donc, déjà, ça ne se présentait pas aussi bien que le premier. Si on n'est pas main dans la main avec la maison de disques, il y a peu de chances que les choses se passent bien. Du moins que ça touche le public car c'est la maison de disques qui met les moyens pour que la musique arrive aux oreilles des gens. Si la maison de disques n'est pas à fond, ce qui était le cas, c'est trop difficile. Ce sont les albums les plus promus qui sortent du lot. J'ai plein de titres et je continue à en faire Ça a été une déception ?Bien sûr, j'en étais triste. Surtout que j'avais une mini-tournée qui devait se faire, j'avais trouvé un tourneur. Mais quand la maison de disques m'a lâchée, tout le monde m'a lâchée. C'est comme ça, c'est la dure vie du business de la musique. Tu n'as pas eu envie de poursuivre ta carrière après ça ? Si mais à cette époque-là j'étais encore dans la configuration mentale de la maison de disques. Je ne voyais pas comment faire autrement. C'était une autre époque. Très vite, on a basculé vers Internet, et on a beaucoup plus de liberté maintenant. Nous, les artistes de ces années-là, on se sentait un peu orphelins sans maison de disques. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Il y a plein d'artistes qui sont en indé et qui cartonnent. Tu étais préparée au fait que ça puisse s'arrêter ? Bien sûr que non. On espère toujours, forcément. Les artistes on est comme ça, on croit toujours qu'on a une bonne étoile. Mais ce n'est pas plus mal, ça remet les choses en perspective, ça fait réfléchir sur ce qu'on veut réellement. Regardez le clip "Politiquement correcte" d'Assia et Diam's : Tu en as tiré quelle leçon ? Il faut bosser, il ne faut pas s'arrêter. Il faut sortir des albums même s'ils ne sont pas autant écoutés, comme "Chercheuse d'or" à l'époque. Ce qui est important c'est de créer en tant qu'artiste. A un moment, je me suis bloquée toute seule. Je me disais que je n'allais pas pouvoir faire sans maison de disques. Ce n'est pas vrai. Et ça n'empêche jamais la créativité. J'ai continué à faire des titres. J'en ai plein et je continue à en faire. Maintenant il faut les sortir ! Je n'ai pas encore repris du service mais ça ne va pas tarder. Toute cette bonne énergie ça donne cette envie de continuer. On sortira plusieurs singles et après l'album C'est vrai que tu n'as rien sorti depuis ton deuxième album en 2005...Je n'ai rien sorti du tout. Ça ne m'a pas manqué de ne pas sortir d'album car je faisais quand même des chansons. J'étais quand même active. Je me disais : "Il faut que je trouve la bonne configuration". Je m'auto-censurais en fait. Ta vie, elle a ressemblé à quoi pendant ces années de silence médiatique ? J'ai fait beaucoup de reprises. Mon frère a monté un groupe de reprises, "Hegemony of Soul". On avais juste envie de kiffer la musique qu'on aimait. Du Michael Jackson, du Stevie Wonder, de la soul... On s'est mis à faire des soirées, à Paris et un peu partout où nous demandait. On a eu une petite cote. Comment on passe de la vie d'artiste en maison de disques à cette nouvelle carrière plus confidentielle ? J'ai accepté totalement cette vie ! Je ne me sentais pas d'aller chanter mes chansons. C'était une période où j'avais besoin de sortir de tout ça, de l'ego, de moi-même vis à vis du public. J'avais besoin d'être juste une chanteuse qui chante les titres des autres. J'avais besoin de m'oublier aussi, pour mieux y retourner. Souvenez-vous de "Mauvais garçon" d'Assia et Doc Gynéco : Quel est ton projet aujourd'hui ? Je vais sortir des sons et j'ai envie de produire aussi. Je n'ai pas trop envie d'en parler, mais ce sera moderne. Il y aura tous les ingrédients de ce que les gens ont aimé sur mes albums à l'époque. On retrouvera ça sur mes nouveaux sons. Ça arrive très rapidement. On va sortir des singles au fur et à mesure, avec des clips, comme ça se fait beaucoup aujourd'hui. On verra après pour sortir l'album. Je vais utiliser les outils d'aujourd'hui. Et est-ce que tu as gardé des contacts avec les artistes de l'époque avec qui tu as collaboré, comme Doc Gyneco, le Secteur A ou Diam's ? Quelques uns oui mais seulement via les réseaux sociaux. Diam's non, on a juste collaboré ensemble, on a bien rigolé mais on n'était pas vraiment intimes. Là, sur la tournée "Born in 90", on se marre bien avec Lââm et Princess Erika ! On est de vieilles copines. La tournée "Born in 90", avec Assia, Larusso, Worlds Apart, Zouk Machine, Lââm, Franck des 2be3, Chris de GSquad, Allan Théo ou Menelik, poursuivra sa tournée des Zénith en novembre et décembre 2020 à Lille, Amiens, Montpellier, Nantes ou Lyon. A Paris, la troupe reviendra à l'AccorHotels Arena le 18 décembre 2020. |