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Amaury Vassili : "Ce qui manque en ce moment dans la musique, c'est la création"

Candidat malheureux à l'Eurovision en 2011, Amaury Vassili revient cette année avec un nouvel album, le troisième depuis ses débuts en 2009. Le chanteur originaire de Normandie continue sur la même voie avec "Una parte di me", un album voulu plus personnel et pour lequel il s'est essayé à allier la pop à des grands thèmes classiques qu'il affectionne particulièrement. Egalement présent sur la compilation "Génération Goldman" attendue le mois prochain, Amaury Vassili se confie sans langue de bois au sujet de sa vision du métier d'artiste et ses projets à venir.
Crédits photo : DR.
Propos recueillis par Jonathan Hamard

Pure Charts : Votre nouvel album sort assez rapidement après le dernier, "Cantero". Faut-il voir dans votre défaite à l'Eurovision une incidence dans ce choix de ne pas perdre de temps ?
Amaury Vassili : Pour moi, il n'y en a pas. Car on a l'impression d'avoir plutôt pris notre temps avant de publier ce nouvel album. C'est en tout cas le constat que je fais moi aujourd'hui. L'Eurovision, c'était il y a un an et demi, en mai 2011. Il y a eu une réédition de l'album un peu après. Il y a donc eu un an de creux entre les deux. Et puis, si on ne considère pas la réédition, il y a un an et demi facile entre les deux. C'est long. Mais parce que c'est voulu ! Il nous fallait ce temps pour réfléchir à ce qu'on allait proposer. On ne peut pas dire qu'on va faire de la pop lyrique comme ça. Encore faut-il trouver quelque chose qui innove un peu ! Sinon, on tombe dans quelque chose de déjà vu et ça risque de devenir lassant.

Pourtant, pour beaucoup, ce nouvel album s'inscrit clairement dans la continuité des deux premiers.
Peut-être qu'ils vont le comprendre comme ça, mais je suis là pour en parler. Pour dire que ce n'est pas le cas et que ce serait dommage. Le premier album était à 85 ou 90% des titres inédits, et le deuxième album à 85% des reprises. Le troisième album, c'est différent ! Ce ne sont ni des inédits, ni des reprises. On associe deux univers différents, bien sûr celui du classique, et tout ce qui me touche dans la pop. On a essayé d'amener un peu plus de modernité sur cet album, notamment avec le trio guitare-basse-batterie qui permet de donner plus de rythme. On n'est donc pas du tout dans le même esprit que le deuxième album qui se voulait plus italien, un peu plus dans la tradition. On reprenait du Zucchero, du Pavarotti… Là, l'italien, c'était juste la langue qui nous intéressait plus que les thèmes divers et variés. On voulait se plonger dans l'œuvre des compositeurs classiques, prendre une partie de leurs thèmes pour construire quelque chose autour. Ça ne s'est jamais vu auparavant. Dans ce registre pop en tout cas ! Car on a déjà entendu des rappeurs reprendre des grands thèmes classiques, dans le rock… Finalement, on n'a jamais entendu de chanteur classique chanter autre chose que les grands opéras. Jamais on n'a entendu Roberto Alagna reprendre un thème classique pour en faire quelque chose d'original. C'est là le tort que ce style de musique a eu : il n'a pas réussi à avancer.

J'espère conquérir un public un peu plus jeune que celui qui apprécie Roberto Alagna.
Autrement dit, Roberto Alagna n'a pas su se mettre à la page ?
Non. Je ne dirais pas ça. Je pense que nous avons un public assez différent. Nous avons peut-être une partie de notre public en commun. Mais il n'a plus rien à prouver. Il a sa voix. Chacun fait son délire. Forcément, j'espère quand même conquérir un public un peu plus jeune que celui qui apprécie Roberto Alagna. C'est normal ! Quand on a 23 ans, on a envie de prouver qu'on est un chanteur digne de ce nom. La musique classique est à l'origine de tout. Il ne faut pas croire. S'il n'y avait pas eu ces compositeurs-là avant nous, on ne jouerait pas la musique comme on la joue aujourd'hui. C'est repartir aux sources pour reprendre l'essence, ce qu'il y a de bon, pour essayer de l'emmener ailleurs.

Y avait-il plus de bon avant que maintenant ?
Il y a toujours eu du bon et du mauvais. Ce sont les goûts et les couleurs ! (Sourire) Il y a plus de produits aujourd'hui. Mais j'en faisais partie. Il y a des projets marketing ! Ce sont les mots vulgaires et atroces qu'on entend dans les couloirs des maisons de disques. C'est le jeu. On ne peut pas se permettre de critiquer l'un ou l'autre. De toute façon, c'est bien connu, dans ce métier on s'aime tous. J'ai la chance d'être seul dans mon registre. J'ai encore tout à prouver. Je suis encore dans la recherche. C'est pour ça aussi que j'essaie de me démarquer en n'allant pas vers ce qui serait un peu la facilité pour un artiste qui a été annoncé comme étant le plus jeune ténor du monde. La facilité aurait été de reprendre tous les classiques purs et durs. Mais ce n'était pas intéressant car ça a déjà été fait. Il fallait quelque chose de neuf.

Le marketing a pris une place prépon- dérante
La musique lyrique est aujourd'hui très peu médiatisée, comparée à la musique pop. Est-ce une fierté pour vous d'avoir vendu plus de 150.000 exemplaires de vos deux premiers albums ?
Je pense que je suis arrivé au bon moment. Il y a tellement de paramètres qui entrent en jeu. Il y a bien sûr notre musique, qui est l'essence même de notre métier. Mais il faut aussi arriver au bon moment, avoir autour de soi les bonnes personnes pour travailler sur un projet. Et je pense que c'est ce qui pose parfois problème à certains grands artistes qui ne vendent pas d'albums sur un concept. C'est peut-être parce que la maison de disques n'a pas fait ce qu'il fallait derrière. On a tendance à tout mettre sur le dos de l'artiste, mais je commence à savoir que tout ne lui est pas dû. C'est tout le problème dans ce métier où le marketing a pris une place prépondérante. On est un peu moins dans le coup de cœur.

Qu'entendez-vous par "coup de cœur" ?
Je trouve ça dommage mais nous sommes obligés de nous tempérer. On peut aimer une chanson et voir notre entourage dire qu'elle est mauvaise. Que faire ? Se montrer obstiné et la faire quand même et se planter ? Je suis assez chanceux pour le moment. Dans une période de crise, on était plutôt très bien placé avec mes deux premiers albums. Ce registre musical a convaincu aussi parce que nous nous sommes adressés au bon public. Nous n'avons pas essayé d'attirer le public de Christophe Maé. Parce que clairement, le public de Christophe Maé n'a pas envie d'aller acheter un disque d'Amaury Vassili. Je ne provoque pas la même hystérie ! (Rires) Je touche plutôt un public de 35 à 40 ans. Ce sont les gens qui achètent aujourd'hui des albums. D'un point de vue marketing, je suis donc plutôt bien placé. Mon ambition numéro un, c'est de démontrer que le produit d'il y a trois ans a évolué. Je souhaite m'accomplir sur scène. J'aimerais monter quelque chose de complet avec ce troisième album. Si je l'ai appelé "Una parte di me", ce n'est pas innocent. Je me suis beaucoup investi avec la même équipe de départ. Sur le plan musical, on s'est vraiment éclaté sur cet album. Je dis "on" parce que je suis seul sur la pochette, mais il y a un groupe derrière moi. Nous avons vraiment fait un travail d'équipe. Sans toutes les personnes qui ont planché dessus, on n'aurait pas un album de qualité. Et je n'ai pas peur de dire que c'est un bon album. Parce que j'ai mûri, parce que ma voix est meilleure. Je passe du statut d'adolescent à celui d'adulte.

Regardez le nouveau clip d'Amaury Vassili, "Una parte di me" :



Comment avez-vous choisi les partitions ? Là aussi, tout s'est fait de manière collégiale ?
Ça n'a pas été très compliqué pour le choix des thèmes classiques. Nous avons dressé une liste de tous les morceaux qui nous plaisaient. Nous l'avons élaguée assez rapidement. Le Mozart par exemple, je l'avais en tête. C'était une évidence. Des thèmes comme celui-là se sont imposés alors que d'autres ont nécessité plus de recherches. Il y en a même certains que l'on n'a pas pu mettre sur l'album parce qu'ils avaient déjà été chantés. C'est le cas de "La Sarabande" d'Haendel qui avait été reprise sur le dernier album des Prêtres. Ce disque est en quelque sorte un ovni. Il y a beaucoup plus de rythme que sur les précédents. C'est moins romantique et mielleux que sur "Cantero" où l'amour occupait une place prépondérante. Là, les musiques sont aussi importantes que la voix posée dessus. Si le public n'entend que ma voix, il va simplement entendre une chanson alors que s'il écoute la musique, il va reconnaître un air très connu. Il se posera la question de savoir de quoi il s'agit. C'est la raison pour laquelle je tenais absolument à ce que les intitulés des thèmes classiques soient bien mentionnés au dos du disque, afin que le public puisse clairement les identifier. Tout le monde, peu importe l'âge, a déjà entendu des grands thèmes classiques, dans des publicités à la télévision par exemple. Bon nombre de personnes vont les identifier. Auprès des puristes, ça aurait été l'occasion de me taper sur les doigts si je n'avais pas noté les grands thèmes classiques au dos du disque. Ce sont des monuments. On ne peut pas passer sous silence que j'utilise du Brahms, du Chopin ou du Mozart.

Les puristes n'ont pas de respect pour les artistes
On parle déjà d'une tournée. Quelques dates sont programmées ?
Non. Pas encore. On y viendra mais je dois avouer que la sortie de mon album me préoccupe davantage en ce moment. Je travaille de manière très segmentée. Là, nous sommes en phase de promotion. Je me prépare à passer en radio, à répondre aux interviews... A devoir défendre mon projet ! Une fois que tout ça sera fini, je passerai à autre chose dans ma tête. Ce sera un autre état d'esprit et à ce moment-là seulement je me préparerai pour la scène. C'est un autre challenge.

Vous craignez qu'on vous tape sur les doigts. Avez-vous peur de la critique ? Comment l'appréhendez-vous ?
Je pense que lorsqu'on fait ce métier, on est qu'on le veuille ou non exposé à la critique. J'ai toujours été exposé à la critique. J'ai fait l'Eurovision, donc je connais ! (Rires) Je me dirais que si personne ne parle de mon album, c'est peut-être qu'il n'est pas si bon que ça. Et avec un album comme-celui-là, je m'attends bien sûr à me faire taper sur les doigts. Les puristes l'ont toujours fait. Clairement, je m'en fous ! Les puristes ne sont pas des gens que j'apprécie. Ils n'ont pas de respect pour les artistes. Ils n'hésiteraient pas à nous jeter des tomates dessus quand on chante un truc un quart de ton au-dessus ou un quart de ton au-dessous. Ce ne sont pas des personnes que j'ai envie de côtoyer. Je suis quelqu'un qui vient de la province. J'ai commencé en tant qu'intermittent du spectacle, dans un milieu très populaire avec le vin chaud à la fin du spectacle et la soupe à l'oignon à deux heures du matin. C'est comme ça que j'ai grandi.

Je voulais montrer que le lyrisme n'est pas un registre uniquement destiné aux gendres parfaits.
On retrouve sur votre nouvel album deux duos, dont l'un avec Sofia Essaïdi, sur le morceau "I silenzi tra noi". Pourquoi l'avoir choisie pour interpréter ce titre ?
Tout simplement parce que Sofia Essaïdi est avant tout une amie. Dans ce monde où les artistes ne font plus rien naturellement, je trouvais ça agréable de proposer à une chanteuse une collaboration et qu'elle l'accepte par volonté et non par intérêt. C'est quelque chose qui compte beaucoup pour moi. Bien sûr qu'on a proposé à d'autres chanteuses d'enregistrer des titres pour cet album. Mais ça n'allait pas parce qu'elles n'ont pas eu l'audace d'entrer dans un univers musical qui n'est pas le leur.

Il faut aussi avoir la voix adéquate.
Oui. Bien sûr. Il y a des projets qui ne sont pas viables. Ce que Sofia a compris très rapidement au moment d'enregistrer le titre en studio, bien qu'elle ait eu peur avant de commencer, c'est qu'il fallait arriver à entrer dans mon univers sans perdre le sien. En tout cas, j'ai été totalement ébahi en entendant son interprétation. Elle a conservé sa sensualité et son charme. Elle a réussi à trouver l'équilibre parfait. C'était une volonté de ma part d'avoir sur cet album une chanteuse de variété, et pas seulement une chanteuse lyrique. J'avais même évoqué à un moment un duo avec un rappeur comme Kery James. Je voulais un duo qui interpelle tout le monde ! Je voulais montrer à mon public que le lyrisme n'est pas un registre uniquement destiné aux gendres parfaits. Le lyrique est un style musical qui se mêle à tout si c'est bien fait. Quand on a entendu Sofia Essaïdi, c'était plié. On savait que c'était l'artiste qu'il nous fallait. Il n'y a eu aucune hésitation. Pour tout vous dire, j'ai presque eu la larme à l’œil en cabine. Il s'est vraiment passé quelque chose d'émotionnel durant l'enregistrement. Je suis très fier de ce titre. Il a même failli être choisi comme single de départ.

Donc il le sera peut-être par la suite suite...
... Il le sera peut-être, effectivement. (Sourire)

Doit-on y voir le premier signe d'un retour musical pour Sofia Essaïdi ?
Je ne sais pas du tout. C'est une femme qui est vraiment très talentueuse. En plus, elle est adorable. Malheureusement, il n'y a pas de recette miracle aujourd'hui. Je suis en tout cas admiratif de sa prestation sur "I silenzi tra noi" car même des artistes qui ont de la bouteille n'auraient très certainement pas accepté de se mettre en difficulté.

Crédits photo : DR.
Votre duo avec Dominique Magloire est en revanche moins surprenant. La chanteuse s'est déjà illustrée dans ce registre il y a quelques années.
Oui. C'est moins surprenant mais le but de ce duo n'était pas de copier mais de surfer sur ce truc qu'avait fait Freddie Mercury avec Montserrat Caballe sur "Barcelona". C'était une voix qui se prêtait tout naturellement à mon projet. Beaucoup l'ont découverte il y a quelques mois sur le plateau de "The Voice". En ce qui me concerne, je la connaissais depuis longtemps. Mon manager est en contact avec elle depuis 15 ou 20 ans. Si on a choisi "Le lac des Cygnes", qui est le seul thème que l'on a mis en entier, c'était justement pour vraiment être cette fois-ci dans quelque chose du domaine du classique. On voulait sentir la grandiloquence du lyrique. C'était assez intéressant de travailler avec Dominique parce qu'on ne procède pas du tout de la même manière. La mienne est aux antipodes de la sienne. Ce qui est beau avec ce titre, c'est que chacun dans notre genre nous avons mené notre partie pour arriver à un résultat qui vraiment nous a plu.

Je suis sûr qu'il y a d'autres artistes qui sont venus pour autre chose que la charité
Vous avez également participé à différents projets ces derniers mois. Vous avez chanté "Des ricochets" pour Paris-Africa. Quel bilan tirez-vous de ce travail en groupe ?
Travailler en groupe, c'est un bien grand mot ! J'aurais aimé plus de réunions avec des enfants et partir faire de l'humanitaire. On ne s'est pas tous vus. J'ai eu la chance d'être en studio au même moment que Soprano. J'ai pu voir comment il travaillait dans son registre. Malheureusement, nous étions tellement d'artistes sur ce projet que c'était impossible de tous nous retrouver. J’étais quand même bien content d'être présent à la conférence de presse de l'Unicef et des maisons de disques qui ont travaillé sur ce projet, Universal et Warner. C'était très sympa de pouvoir afficher cette volonté d'aider. Mais ce n'est pas encore assez à mon goût ! J'aimerais aller sur place. J'aimerais qu'on emmène les artistes dans ces pays-là. C'est bien beau de défendre une cause en studio mais encore faut-il être présent sur les plateaux de télévision pour en parler ! Malheureusement, on ne nous a pas laissé souvent la chance de le faire. On a eu énormément de diffusions mais j'ai eu des plateaux qui se sont annulés parce qu'il était trop difficile de réunir les artistes en même temps pour chanter. C'était une belle expérience mais j'aimerais plus de réel, comme je peux le faire dans l'association Toute le monde chante contre le cancer que je suis depuis mes débuts. On est avec les enfants. On n'a pas plus d'importance que la cuisinière ou l'agent de sécurité. On fait monter les enfants sur scène et on chante avec eux. Ce qui m'énerve, c'est qu'il y ait toujours cet esprit au-dessus de la tête de tous les artistes : l'aspect charity business. On sait qu'on le fait pour une bonne cause, mais je suis sûr qu'il y a d'autres artistes qui sont venus pour autre chose que la charité. Ça me dérange. Mon avis n'engage que moi ! (Sourire)

Vous participez également à la compilation "Génération Goldman". Vous chanterez avec plusieurs autres artistes dont Baptiste Giabiconi et Dumè. C'est un projet qui vous a tout de suite parlé ?
Ce qui m'a plu, c'est l'idée de chanter du Goldman. Car ce n'est pas vraiment évident. On a chanté "Il suffira d'un signe". C'était fort à travailler ! Il fallait s'adapter aux versions de Merwan Rim et Baptiste. Il ne fallait pas que j'envoie trop au risque de masquer les voix des autres artistes et finalement tomber dans la caricature. Il ne fallait pas non plus refaire ce que Goldman avait déjà fait. Il y avait vraiment un équilibre à trouver. C'est un projet assez sympa. J'adore partager sur les albums. J'ai tellement envie d'essayer de nouvelles choses. Ce qui manque en ce moment dans la musique, c'est la création. Il y a encore des tas d'idées qui n'ont pas été exploitées. Plutôt que de faire des reprises, et je l'ai fait, il y a de la matière à aller chercher des choses qui sortent de l'ordinaire sans toujours retomber sur les mêmes reprises. Pour Jean-Jacques Goldman, c'est autre chose. Il s'agit d'un hommage.
Pour en savoir plus, visitez le site internet amauryvassili.com et la page Facebook du chanteur.
Écoutez et/ou téléchargez le nouvel album d'Amaury Vassili sur Pure Charts.

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