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Abi Bernadoth en interview : "J'avais peur qu'on me propose des chansons toutes faites"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Grand gagnant de "The Voice", Abi Bernadoth se confie en interview à Pure Charts sur l'après "The Voice", sa relation avec Pascal Obispo, son EP "C'est ma chance", sa situation financière en ces temps de crise sanitaire ou encore son premier album à venir en 2021. Entretien avec un artiste solaire !
Crédits photo : Fifou
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Comment tu te sens alors que ton EP "C'est ma chance" s'apprête à sortir ?
C'est particulier. Je suis tout excité, j'ai vraiment des papillons dans le ventre. La même sensation que quand tu as un rencard avec une meuf que tu kiffes. C'est grisant, c'est flippant. Je suis très curieux de voir les retours du public. J'ai hâte mais si tu savais comme j'ai peur ! C'est difficile de franchir le pas entre l'interprète de "The Voice" et l'artiste à part entière. C'est un pas qu'il faut faire bien. J'espère que ce sera le cas !

Je doute beaucoup de moi, j'ai tendance à me rabaisser
Comment tu as vécu la victoire de "The Voice" avec du recul ?
Je ne saurais même pas te dire si j'ai du recul aujourd'hui ! Je crois que je ne m'en suis toujours pas rendu compte. Quand j'arrive dans mon salon, qui s'est transformé en studio, je vois le trophée et je me dis : "Ah ouais, j'ai gagné The Voice !". Je voyais ça comme un truc de ouf après Kendji ou Slimane, et même Maëlle ou Whitney. Me dire que je suis à cette place, il y a deux câbles qui se débranchent dans mon cerveau. (Rires) Je me dis que ce n'est pas possible.

Tu ne crois pas forcément en ton potentiel ?
Il y a de ça. Je doute beaucoup de moi, j'ai tendance à me rabaisser. Il y a une part de moi qui me dit : "Tu ne mérites même pas cette place". Mais j'apprends à relativiser, de me dire que j'ai une chance incroyable de vivre ça donc autant vivre ça à fond. Mais ce n'est pas facile !

Il y a plus de pression sur les gagnants
Tu t'es vite rendu compte que ta voix avait quelque chose d'unique, non ?
Ah non ! Je t'avoue que non. En tant qu'artiste, mais même en tant que humain, il y a toujours cette part de perfectionnisme. Tu veux que, quand tu fais quelque chose, ce soit la meilleure version possible. Quand j'entends ma voix ou que je regarde mes prestations dans "The Voice", je tire la tronche, je fais la grimace, j'entends tous les défauts. Mais je suis de plus en plus conscient que ça touche les gens, quand je vois quelqu'un pleurer quand je chante ou quand quelqu'un me dit à quel point il a été touché. Dans ces moments-là, je me rends compte du rôle de l'artiste, celui de sublimer les émotions et de parler à l'auditeur qui peut être à 500 kilomètres et se reconnaître dans une chanson.

Tu as eu peur après ta victoire dans "The Voice" ? De tout ce que ça représentait ?
Sincèrement, oui. Déjà, dès le début, j'ai eu très peur de me lancer dans cette aventure. Mais, au début, je ne voulais pas gagner, et puis je n'avais pas l'intention de gagner, je voulais prendre les choses comme elles venaient. Je voulais juste prendre du plaisir. Et il y a plus de pression sur les gagnants, la pression est monstre. Ce n'est qu'en demi-finale que je me suis rendu compte que la victoire était envisageable, donc je me suis dit qu'il fallait que je relise bien les contrats ! (Rires)

Ecoutez la reprise de "Lovely" par Abi Bernadoth :



Comment ça se passe d'ailleurs de ce point de vue là ?
Les contrats, on les signe avant même le passage dans l'émission. Pour tout te dire, j'avais lu le contrat attentivement mais les passages sur la victoire, je les avais survolés, presque omis. Je me disais que ça ne me concernait pas, que je n'irais jamais jusque-là. Mais après, plus la fin approchait, plus je me disais qu'il fallait que j'y revienne. (Rires) J'ai tout relu et j'ai pris conscience que ça concrétisait tout ce qui fait un artiste, avec surtout la création d'un album. Et finalement, alors que ce n'était pas prévu, l'EP "C'est ma chance" est arrivé avant l'album. Ce titre il n'est pas anodin, c'est une aventure folle, je me rends compte de la chance que j'ai, et je veux en profiter au maximum.

J'ai eu des retours à la réalité sur le marché français
Après "The Voice", tu t'es imaginé le projet que tu rêvais de faire ?
C'est une bonne question. J'ai eu non pas des désillusions mais des retours à la réalité, notamment sur le marché français, où tu ne peux pas chanter en anglais sur 12 titres. J'ai vite réalisé que l'album ne serait pas qu'en anglais, alors que je n'écrivais et composais qu'en anglais. Dès le lendemain de la victoire, je me suis mis au travail, notamment avec Pascal (Obispo, ndlr), pour apprendre à écrire en français, à trouver les mots justes, à bien chanter en français. C'est plus compliqué à faire sonner que l'anglais. Depuis quatre mois, je suis une éponge là-dessus, j'observe, j'écoute, je prends des notes. Mais l'anglais, je n'ai pas tourné la page, il y en aura sur l'album.

Comment on arrive à faire de la bonne soul et du R&B en français ?
Là est tout le challenge ! Ça a été toute la difficulté pour moi de faire sonner l'anglais au français. J'avais beaucoup de mal au début alors que, plus j'apprends, plus je vois qu'on peut le faire, qu'on peut apporter de la soul et du R&B à cette langue, qui est très belle. Parfois, je suis un peu bloqué car les mots en français ne sonnent pas forcément comme on le voudrait sur des arrangements soul, où il faut que ça glisse, que ce soit fluide. Il y a des consommes très crues, donc il faut que tout s'imbrique, tant dans l'écriture que musicalement. C'est tout un apprentissage.

J'avais peur qu'on me propose des chansons toutes faites
Quand tu sors de "The Voice", comment ça se passe ? On te propose des chansons déjà prêtes ?
Pascal Obispo a tenu à m'accompagner là-dedans. Il m'a conseillé et encouragé à mettre un maximum de moi dans les compositions pour que ça me ressemble le plus possible. J'avais peur qu'on me propose des chansons toutes faites, qui ne me correspondent pas. J'ai appris sur le tas, j'ai écrit et composé pour que ce soit moi. Il y a eu beaucoup de création au studio de Pascal et on a aussi reçu des chansons d'autres artistes. Il fallait juste se rendre compte de ce qui était pour moi et ce qui ne l'était pas. Il y a des chansons qui ne sont pas de moi et dans lesquelles je me suis retrouvé, qui me parlent, et je peux encore plus me les approprier ensuite par l'interprétation. De toute façon, le public ressent quand c'est sincère et quand ça ne l'est pas.

Découvrez "C'est ma chance" d'Abi Bernadoth en session acoustique :



Pascal Obispo a eu quel rôle concrètement sur ton projet ?
Il m'a aidé sur l'EP, mais il est forcément occupé, il a ses propres projets. Entre "The Voice" et la suite, il m'a un peu servi de manager, de conseiller. Il s'assurait que je ne sois pas écrasé par tout ça, que ce soit le moins difficile possible. Je me voyais comme un X-Men dans l'école du professeur Xavier ! (Rires) Il m'a beaucoup appris, je me suis imprégné de tous ses conseils pour pouvoir le faire maintenant de moi-même. L'EP, je le vois comme l'oiseau qui, petit à petit, fait son nid, avant de prendre son envol. A terme, l'objectif c'est d'écrire et composer une chanson de A à Z tout seul. Je le fais déjà un peu... Mais je ne veux pas exclure d'autres personnes pour autant, car ça peut être enrichissant. Ça l'a été jusqu'ici !

Tout a changé dans ma vie du jour au lendemain
Tu sors actuellement ta reprise de "Lovely" de Billie Eilish, que tu avais interprétée dans "The Voice". Elle représente quoi pour toi ?
Je me pose la question : est-ce que la chanson m'a fait gagner dès les auditions à l'aveugle ou en finale ? Peut-être les deux, et aussi la reprise d'Alicia Keys... "Lovely", ça a été un boost pour moi. C'était le bon choix, la bonne chanson. Elle a tout mis de moi sur scène, dans les oreilles, dans les yeux. La remettre dans l'EP, c'est lié à l'histoire de l'oiseau qui fait son nid. Des reprises puis des chansons originales... Et ça ne va faire que continuer.

La chanson "C'est ma chance", qui donne son nom à l'EP, dit beaucoup de choses sur ces débuts que tu vis...
C'est fou parce que la première fois que j'ai entendu la chanson, elle m'a touché. J'ai appris à m'approprier cette chanson qui n'est pas de moi mais de Ben Mazué. Elle fait sens par rapport à cette histoire que je vis. Tout a changé du jour au lendemain. Ma vie a changé. C'est vraiment ma chance. C'est le moment ! Et ça parle aussi du chemin qu'on fait dans la vie, des épreuves qu'on traverse. Au-delà de moi, la chanson peut parler à tout le monde. J'étais heureux de pouvoir porter les mots de cette chanson.

La désillusion peut arriver très vite
Le titre parle aussi des hauts et des bas d'une carrière. Des gagnants de "The Voice" ont explosé, d'autres beaucoup moins. Quelle est ton rapport au succès ?
Cette notion, je la remets beaucoup en question en ce moment. C'est surtout dû à la vision du succès des autres par rapport à moi. Combien de fois j'entends "T'as percé !" ou "Ça y est t'as réussi, t'es bien". Encore tout à l'heure, chez le coiffeur, il croyait que j'étais riche parce que je passais à la télévision, que j'avais touché des sommes astronomiques, genre 500.000 euros. (Rires) Je me battais avec lui pour lui faire comprendre que non ! Les gens ne sont forcément conscient que c'est un début. On croit que quand tu gagnes "The Voice", c'est bon, tu es arrivé, mais non. Ça ne fait que commencer, au contraire ! J'essaie de me détacher de la notion du succès au maximum car la désillusion peut arriver très vite. Je crois en ce que je fais mais je préfère garder cette part de réalisme, ça peut ne pas marcher. Mais je vais donner le meilleur !

Ecoutez "Dis-moi" d'Abi Bernadoth :



Et justement, comment on vit financièrement en tant que jeune artiste, d'autant plus en ce moment ?
Très bonne question ! Quand tu signes un contrat, tu touches une avance qui te sert de salaire, vu que tu ne touches rien durant la préparation de ton album.

Mes parents font très attention à l'argent et ils m'ont enseigné ça
Mais c'est une avance que tu dois rembourser, non ?
Avec ce contrat-là, je ne dois pas rembourser, sinon, j'aurais vu flou ! J'aurais pu galérer si j'avais flambé l'avance en deux jours. Mes parents font très attention à l'argent et ils m'ont enseigné ça, donc je ne dépense pas comme un idiot. Moi l'argent, il me sert à aider mes parents aussi, des courses, les aider à payer les factures. J'essaie de mettre ma part. C'est sûr que cette période est très compliquée mais j'ai de la chance. Et puis je ne sors pas du tout, je ne fais que de la musique, donc les circonstances m'aident.

Sur ton EP, j'ai été surpris que ta voix ne soit pas plus mise en avant. C'était voulu ?
(Rires) Quelle bonne question ! Pour la première fois de ma vie, je commence à prendre confiance en moi et la suite de l'album, ça va être de la frappe, car justement il y a ce côté plus vocal. Ces premières chansons, elles commencent à raconter une histoire. Maintenant, je veux mettre des gifles vocalement ! (Rires) Je me dois autant que possible d'exploiter ma voix dans toutes ces facettes. Sur l'album, on va encore plus loin, alors que sur l'EP, ça reste assez simple. C'est un avant-goût.

Quand est-ce que ton album sortira ?
Il devait sortir début 2021, mais avec tout ce qui se passe, peut-être qu'il sera repoussé un peu. J'ai qu'une envie, c'est de le sortir là maintenant ! Quand j'écoute les chansons, j'ai trop hâte de les faire écouter et d'avoir les retours, c'est ce à quoi on aspire. Pour remplir l'album, j'ai des titres, on a fait une trentaine, une quarantaine de maquettes, mais il faut les bons titres. C'est très important. Après, forcément, il y a des évidences qui se décèlent... Mais je continue de bosser et ça peut changer.

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