Crédits photo : Montage Pure Charts
Booba - "Nero Nemesis"
Temps mort. Depuis deux albums,
Booba est devenue une caricature. Cependant, comme ses prédécesseurs,
"Nero Nemesis" brille surtout par ses productions sombres, inquiétantes et rutilantes, qui n'ont rien à envier aux rappeurs américains ("4G", "Walabok", "Habibi"...). Malgré une belle atmosphère et une plume aiguisée, une certaine recherche dans l'usage des mots et de nombreuses références, le rappeur tourne en rond sur ses sujets et n'est plus à la hauteur de ce qu'il a proposé dans le passé.
Sur ses nouveaux titres, il nous rappellent qu'il est bel et bien le meilleur rappeur français, dans un incessant ballet de name-dropping, clins d'oeil à la drogue et la violence, à son opulence ("Qu'est ce que ça fait d'être fauché, je ne m'en rappelle plus") et de vulgarités attendues ("J'nique des mères à toute vitesse, ma queue a syndrome de la Tourette"). Le tout accompagné d'égo trip ("J'dépense encore d'l'argent de Panthéon") et de tacles en rafale ("T'es passé partout comme la chatte de Shy'm"), notamment contre Skyrock et ses confrères ("Touche ta SACEM y'a pas trente balles / Personne te regarde comme le handball"). "#FélixEboué" nous ressasse même
son clash daté avec Rohff ("Zerma tu rentres seul dans les tess sans aucun souci / Mais t'es une dizaine à la boutique, pends-toi avec ma ceinture Gucci"). Il serait peut-être temps de passer à autre chose...
Celles et ceux qui le préfèrent plus adouci, plus mainstream, seront agréablement surpris à l'écoute de "Charbon", à la production solide, baignée d'autotune, qui évoque le quotidien semé d'embûches d'un dealeur, là où "92i Veyron" est certes moins fort musicalement, mais dont le texte, brillant, rassure sur ce qu'il reste de l'ancien Booba.
La meilleure punchline : "Les vainqueurs l'écrivent, les vaincus racontent l'histoire"
La pire punchline : "J'te baise comme une chienne pourtant tu portes le foulard"
A écouter : "92i Veyron", touchant, et
"Validée", en total décalage mais réussi dans le genre "tube de l'été"
A zapper : "Pinocchio", peuplé de propos nauséabonds et "U2K", brouillon
Rohff - "Rohff Game"
Qui est l'exemple ? Un album de 19 titres, c'est long. Quand c'est un album de Rohff, c'est pire. Celui qui excellait sur "TDSI" ou "Qui est l'exemple ?" dans le passé, a visiblement oublié que faire du rap ne se résume pas à aligner les insultes et à en vouloir au monde entier. Comme son rival Booba,
Rohff ne se sert pas assez de son art pour changer les choses, revendiquer des valeurs ou dénoncer des injustices. Le rappeur se contente de parler d'argent, de s'en prendre à son ennemi ou de se revendiquer comme un bad boy, dans des paroles très nerveuses où la haine et la violence sont légion. La nouvelle génération a-t-elle vraiment besoin d'entendre ça ?
Clairement inspiré par
Booba tant dans les productions que le flow,
Rohff peut pourtant être percutant dans le fond comme dans la forme, comme sur la piste d'introduction "Comme en 46" et "AK 47 monologue" et son flow habité. Prônant l'union et la solidarité des communautés sur "My Nigga, My Rebeu" ("Ensemble on a gagné la Coupe du Monde, my nigga, my rebeu"), il sait encore proposer de rares titres radiophoniques comme à la belle époque ("O Top"). Malheureusement, le reste n'a que très peu d'intérêt, enfoncé dans une médiocrité lyricale et une auto-suffisance injustifiée. En se recentrant sur des messages forts, portés par mélodies calibrées et un débit féroce, il aurait pourtant toutes les choses de sortir du lot, avec un son à la fois hardcore et mainstream, pour revenir dans le game, comme au début des années 2000.
La meilleure punchline : "Y'a qu'menotté sur le banc que pour les keufs on est attachant"
La pire punchline : "Ce n'est pas la mer qui prend l'homme, c'est l'homme qui te nique ta mère"
A écouter : "O Top", la plus accessible, et "AK 47 monologue", fort
A zapper : "Star" et "Bijou", trop faciles et sans aucun relief