mardi 29 mai 2012 11:50

La France doit-elle quitter l'Eurovision ?

Par Charles DECANT | Rédacteur
Elle n'avait aucune chance face à la Suède samedi soir mais Anggun ne méritait sans doute pas de terminer si bas que la 22ème place de l'Eurovision. Face au vote très géopolitique de nombreux pays, la France a-t-elle encore intérêt à participer au concours si elle ne peut plus le gagner ? Le débat est ouvert.
Crédits photo : ABACA / Montage Pure Charts
Chaque année, c'est pareil. Depuis 1977, la France rentre tous les ans bredouille du concours de l'Eurovision. Et cette année ne fait pas exception, mais l'ampleur de la défaite est peut-être encore un peu plus difficile à comprendre. Même si "Echo (You and I)" d'Anggun ne partait pas favori, apparaissant très loin derrière le "Euphoria" de Loreen dans les pronostics des bookmakers, le titre méritait indéniablement mieux que la triste 22ème place dont il a écopée, avec à peine 21 points au compteur.

La chanson en cause ?


Mauvais choix de chanson ? Peut-être. Après tout, il n'est jamais aisé de savoir quel titre parviendra à séduire les téléspectateurs dans plus de 40 pays européens. Cette année, la France a testé un titre pop/dance après avoir tenté le classique l'an dernier avec Amaury Vassili, un titre ensoleillé une année plus tôt avec Jessy Matador et en 2009, nous envoyions Patricia Kaas dans l'espoir que son titre très sombre et très sobre, "S'il fallait le faire", s'impose, aidé par la popularité de la chanteuse dans les pays de l'est.

Mais chaque année, quelque soit le style de chanson et d'artiste envoyé, c'est l'échec. Parfois retentissant, comme cette année. Et à chaque fois, la question est la même : la France peut-elle encore gagner l'Eurovision ? Car au delà des considérations artistiques, en termes de probabilités mathématiques, le fait que la France n'ait pas gagné depuis 35 ans pose question. L'image parfois négative de la France à l'étranger est-elle un facteur qui n'encourage pas les autres pays européens à nous soutenir ? Et surtout, peut-on se faire une place au sommet du classement face à des votes de nouveaux participants qui semblent de plus en plus géopolitiques ?

Des votes géopolitiques, surtout à l'est ?


Car c'est bien la première chose qui saute aux yeux quand vient l'heure de l'annonce des résultats. De nombreux pays, et en particulier les pays de l'est, semblent plus enclins à voter pour leurs voisins. Ainsi, par exemple, la Macédoine a reçu ses meilleurs points de la part de ses voisins directs ou proches : 8 points de l'Albanie et 12 de la Serbie limitrophes, 12 points de la Bosnie, 8 points du Monténégro et de la Turquie et 8 points de la Croatie. Aucun autre pays d'Europe n'a jugé que leur titre "Crno i belo" de Kaliopi méritait plus de six points - et il s'agit d'un autre pays de l'est, la Slovénie.

Même constat pour l'Ukraine, dont tous les meilleurs points viennent de l'est. Ses voisins biélorusses lui ont par exemple attribué 10 points, les Moldaves 8 points et les Russes 8 points. Rien qu'avec ces trois pays, l'Ukraine faisait déjà mieux que la France au classement final. Et l'an dernier, l'Ukraine recevait également 10 points des Russes, 10 points des Biélorusses et 12 points de ses voisins slovaques. La même année, les Slovènes obtenaient 12 points des Bosniaques, 10 points des Serbes et de la Macédoine et 12 points des Croates. Aucun autre pays d'Europe ne jugeait en revanche que leur prestation méritait mieux qu'un 7 pour le Danemark. Et les exemples du même type sont très nombreux ces dernières années, l'Eurovision s'étant élargie aux nombreux nouveaux pays de l'est depuis le milieu des années 90.

Une culture commune


En revanche, la France n'a quasiment jamais reçu ce type de votes de la part ses voisins. Samedi soir, seuls les Suisses ont été généreux avec Anggun, lui offrant six points, son meilleur score. Les Belges ne lui ont rien donné, pas plus que les Allemands, les Italiens ou les Espagnols. Mais la faute n'est pas celle des pays de l'est, souvent pointés du doigt pour leur comportement jugé injuste par certains. Plus petits et indépendants depuis peu pour certains, ils partagent sans doute des liens culturels plus profonds que la France et l'Allemagne par exemple. Et la France n'est d'ailleurs pas la seule à se sentir isolée et à se poser la question du retrait : au Royaume-Uni, le score catastrophique signé par Engelbert Humperdinck, arrivé avant-dernier, a poussé des fans de l'Eurovision à encourager le pays à sortir de l'Eurovision.

Car l'Eurovision coûte cher et si la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne sont qualifiés d'office chaque année, c'est parce qu'ils sont les plus gros contributeurs financiers. Du coup, la question d'un éventuel retrait se pose forcément. Participer pour perdre parfois, voire souvent, semble logique et inévitable. La France - ou le Royaume-Uni - ne demande aucun traitement de faveur. Mais participer sans jamais plus avoir de chance de gagner a-t-il un sens ?

Et vous, pensez-vous que la France doive arrêter de participer à l'Eurovision ?

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