Pascal Nègre : vers une fin de la crise du disque en 2013 ?

Par Jonathan HAMARD | Rédacteur
Le PDG d'Universal Music France s'est exprimé dans un long entretien au sujet de sa vision de l'économie de la musique, de l'évolution du marché du disque et de l'avenir des artistes. Une interview accordée à nos confrères du magazine "Capital" et à retrouver dans le numéro du mois de janvier prochain.
Crédits photo : ABACA
L'année 2011 se termine avec beaucoup d'espoirs pour l'industrie du disque. Si la crise n'est pas enrayée, les chiffres de ventes et les bénéfices liés aux produits de la musique aux Etats-Unis en légère augmentation pourraient annoncer un rebond en Europe en 2012. Il faut dire que la chute est moins rude que les années précédentes : 7,1% sur les neufs premiers mois de l'année. Si les ventes de musique au format CD sont toujours en baisse, le téléchargement est en pleine expansion. Mais il ne comble pas encore la diminution des ventes physiques malgré une hausse de 20%. Dans une interview accordée au magazine "Capital", le PDG d'Universal Music France Pascal Nègre revient sur cette évolution et donne son avis sur les mutations de l'industrie du disque. « Nous pensons qu'en 2013 la hausse des revenus numériques compensera enfin la chute des ventes physiques. La part des ventes numériques atteint un tiers du chiffre d'affaires mondial » explique-t-il. Il faudrait donc attendre encore au moins un an pour voir la balance s'équilibrer, seulement grâce à la progression de la part du numérique. Le support physique serait-il condamné ?
En 2013 la hausse des revenus numériques compensera la chute des ventes physiques.


Pascal Nègre ne s'interroge pas à ce sujet, pour l'heure hors de propos, préférant rappeler que le disque et la scène sont complémentaires. « D'ailleurs, si les entreprises du spectacle vivant connaissent des difficultés, c'est bien parce que 1.000 artistes ont cessé d'être produits en France. ». Relativisons car selon notre propre enquête, les salles de spectacle ont bien fonctionné cette année. Les chiffres concernant le nombre de concerts et de spectateurs dans les plus grandes salles sont stables, voire en légère augmentation. Ce que Pascal Nègre sous-entend, c'est qu'il n'est pas envisageable qu'un artiste puisse aujourd'hui vivre uniquement de la scène. Il doit savoir vendre sa musique. L'occasion pour le PDG de rappeler l'importance des Majors et des labels : « L'essence de notre métier, la crise nous l'a rappelé, c'est de signer des talents, de les accompagner et de les faire connaître. ».

Les majors font le lien entre la musique de l'artiste et les médias, chargés à leur tour de diffuser les informations et les œuvres. Cependant, Pascal Nègre estime que les radios et la télévision doivent tirer des leçons de l'évolution du marché, directement rattaché à leur travail : « Personne n'a défendu les émissions de variété comme les lobbys du cinéma ont su défendre la fiction française. La télé ne devrait pas se contenter des "talents shows" du type "Star Ac" ou "The Voice". Concernant les radios musicales, elles matraquent quelques titres seulement. Les nouveaux talents y sont quasi inaudibles. L'audience de ces musicales est globalement en forte baisse. J'espère qu'elles en tireront les leçons. ». Des propos justifiés car on remarque chaque semaine, à l'occasion de la publication de notre Top TV/Radio, que les artistes les plus diffusés sont souvent les mêmes au détriment de nouveaux talents. Les radios seraient-elles devenues frileuses ? C'est un véritable cercle vicieux car les médias de type Radio/TV attendent de voir un titre devenir un succès pour massivement le diffuser. Le seul « hic », c'est qu'il est difficile de percer sans le soutien des radios. Une remarque qui n'est pas valable pour les artistes déjà bien installés, encore que...


Des artistes de moins en moins bien payés


Beaucoup naviguent aux marges de la rentabilité.
Le résultat : d'une part Universal produit moins d'artistes, et d'autre part beaucoup sont moins bien payés. « Nous avons mieux résisté que les autres. Par exemple, nous produisons 10% d'artistes français en moins depuis le début de la crise, alors que, dans le même temps, la production en France est tombée de 1.600 à 600 artistes. […] Beaucoup d'entre eux naviguent aux marges de la rentabilité. La situation la plus préoccupante concerne ce que j'appelle la classe moyenne. Quand il y a dix ans, un artiste confirmé vendait 30.000 exemplaires, il n'en vend plus que 15.000 aujourd'hui, sans que le prix de la journée de studio ou de la publicité ait diminué en proportion. Ces talents qui structure le rayon de disques de la Fnac ou d'ailleurs ne gagnent guère plus de 2.000 à 3.000 euros par mois. ».


Et que dire des différents modèles payants de la musique en numérique ?


Pascal Nègre estime que tous les systèmes d'exploitation peuvent cohabiter. Son récent combat l'ayant opposé à Deezer confirme sa volonté de défendre les revenus des artistes et les intérêts du droit d'auteur. Le streaming, il ne s'y oppose pas. Pas plus que le semi-gratuit : « C'est un peu comme les programmes en clair de Canal Plus. On propose l'écoute gratuite avec l'espoir que le client va acheter. ». Il ne faut donc pas demeurer un farouche opposant au numérique qui recouvre de nombreux avantages. Notamment celui d'ouvrir de nouvelles perspectives : « La musique, avec le numérique, va devenir mondiale. Avant, le marché se limitait à vingt pays. L'Afrique du Nord ne rapportait pas, par exemple, pas un centime. Il n'y avait pas de système de distribution. Aujourd'hui, quand les opérateurs télécoms vendent un forfait qui donne accès à des milliers de titres, nous gagnons de l'argent. ». Mais « Ce sont les indépendants qui gardent la plus grosse part de marché. ». Des propos étayés par l'exemple du succès d'Adele avec "21".

Le système actuel est fait de telle sorte qu'il bénéficie à certains artistes dits « poids lourds » de l'industrie du disque. En effet, devant l'offre abondante et diversifiée, « vous êtes perdu. Et vous vous en remettez aux vingt meilleures ventes. ». Un constat qui va de pair avec les propos tenus à l'égard des médias qui ne mettent en avant qu'une poignée d'artistes. Le marché du disque : une spirale infernale ? D'autant qu'il convient de tenir compte d'un public « de plus en plus versatile », ajoute le PDG.


Hadopi : la bonne solution ?


Alors que beaucoup contestent les résultats de l'efficacité d'Hadopi, Pascal Nègre est quant à lui satisfait de la mise en œuvre de cette loi et de la création d'un bureau de contrôle. Plutôt que de débattre sur les chiffres concernant le nombre de courriers électroniques envoyés et de pirates démasqués, Pascal Nègre préfère s'en référer à la forte augmentation de la part du numérique dans les revenus : « La croissance des revenus du numérique est beaucoup plus forte chez nous. Je pense que l'effet dissuasif a bien fonctionné. La fréquentation des sites d'échange […] a baissé d'un tiers. La chute est plus spectaculaire qu'à l'étranger. ».

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