mardi 16 octobre 2007 0:00

Bertrand Cantat libéré aujourd'hui

DOSSIER SPECIAL. Après avoir passé un peu plus de quatre ans derrière les barreaux pour avoir provoqué la mort de sa compagne, Marie Trintignant, le chanteur du groupe Noir Désir est libéré ce mardi.
Libéré ce mardi matin, Bertrand Cantat (43 ans) quitte la prison du Muret, en Haute-Garonne près de Toulouse. Destination : une propriété, quelque part dans les Landes, où l’ex-chanteur de Noir Désir va tenter, selon son avocat Olivier Metzner, de « se reconstruire », entouré de ses proches et ses deux enfants. Il bénéficie d'une libération conditionnelle, ce qui n'a rien d'exceptionnel par rapport à d'autres détenus.

Condamné en Lituanie à huit ans de prison pour avoir porté des coups mortels à sa compagne, la comédienne Marie Trintignant, Bertrand Cantat n’aura finalement effectué que la moitié de sa peine, comme le prévoit la Loi française pour les prisonniers sans antécédent et à la conduite exemplaire. Nadine Trintignant, la mère de la comédienne décédée, a commenté cette libération : « Par la loi, un homme qui tue sa compagne ou sa femme pourrait être condamné à 20 ans, 25 ans ou à perpétuité. Or ça ne dépasse jamais les huit ans et ils n'en font que quatre. ».

A noter que Bertrand Cantat ne pourra pas s’exprimer publiquement sur l’affaire de Vilnius avant le 29 juillet 2010, et ne peut se rendre à l’étranger sans autorisation judiciaire.

Quel avenir pour Noir Désir ?


Bertrand Cantat était une des figures de la scène rock française. Chanteur engagé du groupe de rock Noir Désir, il écrivait tous les textes des chansons. Il n’avait que 16 ans quand il se lança au tout début des années 1980 dans l’aventure Noir Désir, devenu depuis le groupe rock français le plus populaire, renommé pour son intégrité et ses concerts mémorables. Originaire de Normandie, c’est à Bordeaux que Bertrand Cantat rencontre en 1980 Denis Barthe et Serge Teyssot-Gay, puis Frédéric Vidalenc, avec qui il décide de fonder un groupe de rock.

Le nom Noir Désir n’apparaît qu’en 1987, à la sortie de leur premier mini album "Où veux-tu qu’je r’garde", puis explose deux ans plus tard avec "Veuillez rendre l’âme à qui elle appartient" et surtout le single "Aux sombres héros de l’amer". Un succès qui assurera la pérennité d’un groupe dont le dernier album ("Des Visages, des figures"), sorti en 2001, s’est vendu à 900.000 exemplaires. Entre temps, le bouillant "Tostaky" (1992) et "666.667 Club" (1996) auront marqué une génération entière, après Téléphone, Trust et Indochine.

Chanteur, guitariste, mais surtout auteur de textes poétiques ou engagés, Bertrand Cantat était la figure emblématique d’un groupe, "très bordélique, parfois coléreux, et excessivement provocateur", selon ses proches, qui pensent qu’il s’inspire de Rimbaud, son poète favori. Volontiers provocateur, Bertrand Cantat affiche haut ses convictions politiques, et adresse notamment une "Lettre au camarade PDG", en direct à la télévision lors des Victoires de la Musique 2002. Il y dénonce la "pieuvre" Universal et son PDG Jean-Marie Messier, dont dépend la maison de disque de Noir Désir.

Auteur de concerts à l’énergie, le groupe se retrouve également dans de nombreux concerts de soutien, contre "la haine et l’extrême droite" entre les deux tours de l’élections présidentielle en 2002, ou pour défendre la cause des sans-papiers. Bertrand Cantat et ses amis affichent leur proximité avec le mouvement ATTAC, l’alter mondialisation, et plus récemment leur "solidarité" avec les intermittents du spectacle. "Nous faisons un boulot de vigilance", affirment-ils tout en refusant l’étiquette d’"engagés".

Alors avec la libération conditionnelle de Cantat, peut-on espérer une reformation de Noir Désir ? « Il est clair que tous les quatre on a envie de continuer à faire quelque chose ensemble », affirme Denis Barthe, le batteur. « Mais ce n'est pas imaginable que Noir Désir reprenne comme avant, non », poursuit-il. Il est donc peu probable que le groupe Noir Désir reprenne.

Cantat-Trintignant : histoire d’amour à mort


De la mort de l’actrice au procès du chanteur, retour sur une histoire d’amour qui a tourné à la mort et des conséquences qui en ont découlé...

Le 1er août 2003, à 10h20, la radio France Info annonce le décès de l’actrice Marie Trintignant qui était plongée dans un coma profond suite à une violente dispute avec son compagnon, Bertrand Cantat.
Le drame touche profondément les Français en général et le monde du spectacle en particulier : le cinéma perd une de ses actrices fétiches, issue d’une grande famille d’artistes ; la musique reste sous le choc, le leader du groupe à succès Noir Désir étant mis en garde à vue à Vilnius. La semaine qui suit le drame est riche en rebondissements. L’autopsie de l’actrice révèle que son coma a été provoqué par des coups violents au visage. Ces mêmes coups ont amené à l’oedème cérébral qui a conduit au décès. Mais Bertrand Cantat minimise les faits : il aurait donné de légères gifles à son amie qui se serait ensuite cognée contre un meuble.

Le chanteur est mis en examen, à Vilnius, en Lituanie, lieu du drame. Il est considéré comme le meurtrier présumé de l’actrice. Les fans du groupe sont effondrés. L’affaire est médiatisée au maximum et provoque des prises de consciences des associations de femmes battues (parfois à mort) par leur conjoint. Nadine Trintignant, la mère de Marie, décide de finir le tournage et le montage du dernier téléfilm de sa fille, "Colette". Le 6 août, au Père Lachaise, le monde du cinéma, tout de blanc vêtu, rend un dernier hommage à la comédienne lors de son inhumation. Le 14 août, Bertrand est transféré à la prison de Vilnius, dans un état psychologique assez dévasté.

Dès lors, deux clans vont s’affronter : d’un côté les défenseurs de la mémoire de Marie Trintignant qui vont tout faire pour que le chanteur soit jugé pour homicide volontaire (soit une peine maximum de 15 ans) et de l’autre, les défenseurs de Bertrand Cantat vont tout faire pour minimiser les faits et ainsi permettre à l’artiste de ne faire que 6 ans de prison (crime passionnel). Courant septembre, le feu est attisé entre les deux clans avec une fête en l’honneur de Cantat le 8. La famille Trintignant s’avoue choquée. Ce sera au tour du clan Cantat (composé principalement de son épouse Kristina et du frère de Bertrand) de s’indigner, avec la sortie du livre de Nadine Trintignant, "Ma fille, Marie" le 30 septembre. Le succès est immédiat. Mais le chanteur est surnommé à maintes reprises "ton assassin", ce qui est contraire à sa présomption d’innocence.

La tension prendra encore plus de véhémence avec l’incendie criminel de la villa de vacances de Bertrand Cantat alors que son épouse et ses enfants auraient dû s’y trouver. Tandis que les ventes des disques de Noir Désir prennent un sursaut de vigueur... L’affaire continue d’être médiatisée tout le long de la fin de l’année 2003 et le début de l’année 2004 avec des interviews exclusives de tel membre de la famille Cantat ou de tel membre de la famille Trintignant ou de leurs amis (Lio en tête). Les médias font leurs choux gras de cette histoire d’amour terminée dans la violence : Bertrand Cantat était-il conscient de ce qu’il faisait ? Les deux amants étaient-ils sous l’emprise de substances illicites au moment des faits ? Est-ce une simple dispute amoureuse qui a dégénéré ? Est-ce un accident ? Les questions demeurent, car de nombreuses preuves sont cachées aux médias pour être révélées lors du procès du chanteur annoncé pour le mois de mars 2004.

Le 16 mars, c’est l’ouverture du procès de Bertrand Cantat. Un procès sur une histoire tragique aux lourdes répercussions : une femme de 41 ans, mère de quatre enfants, est décédée. Un homme de 39 ans est mis en examen et risque une peine d’emprisonnement de plusieurs années : il sera condamné à 8 ans de prison, mettant sa carrière dans une longue parenthèse et privant ses deux enfants de leur père.
Pour le public, c’est avec douleur qu’il assiste à la fin d’une carrière cinématographique exemplaire et d’un groupe de rock les plus populaires de l’hexagone.

Dossier réalisé en collaboration avec Julien WAGNER

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